Enzo
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« My beautiful, my love, my soulmate
Our wrongs will remain unrectified
And our souls won't be exhumed. »
[Dernier jour davril Gascogne]
La pluie sabat sur la tête dEnzo qui observe la ville, perché sur son toit. Les yeux froids suivent les lanternes dans la nuit, le bruit des pas dans les flaques deau, les ivrognes qui parlent trop fort. Il ne parle pas. Il ne bouge pas. Il reste là. Le regard vert scrute avec une animosité certaine. Tous ces gens lécoeurent. Tout ces gens qui vont et viennent dans la nuit, qui vaquent à leurs occupations. Cet alcoolique qui gueule après la gente féminine qui repousse ses avances, Enzo aurait envie de lui exploser les dents contre le mur dune ruelle. De sourire au son du nez qui se casse et de lui cracher sur sa tête sans cheveux. Oui, ça lécoeure. Eux, et sa femme. Sa putain de femme. Le jeune homme a un petit rire en y repensant à sa Gabrielle. Elle a le goût exquis du gin, et sa même traitrise. Cest un petit rire arrogant, un petit rire qui finit par un claquement de la langue sur le palais et par le craquement de ses jointures dans une main. Il pleut et il sen fiche. Il aurait dû aller taper des mannequins de bois, ou prendre sauvagement Anya qui aurait gémi de douleur. Et il aurait aimé ça. Oui, Enzo aurait aimé ça, lentendre geindre quil lui fait mal. La voir grimacer quand il laurait repoussée. Et elle naurait pas pu lui tendre la main avec son petit sourire professionnel en tentant de lui extorquer un prix des plus inconvenants. Il aurait dû. Ça laurait calmé le temps quil faut. Il pourrait noyer sa colère dans lalcool et frapper des gueules dans les bas quartiers. Il pourrait, mais il ne le fera pas. Non. Parce quune autre idée germe dans lesprit pervers du jeune homme. Une idée affreuse. Une idée inavouable. Une douce vengeance emplie de mépris, de rage et de passion. Alors que la pluie tombe, écrase ses cheveux et trempe sa chemise, Enzo sen fiche. Dans une ruelle à sa droite il entend une fille geindre. Une fille brune qui vient de se faire retourner par un marin. Une fille jeune et sans doute pucelle qui pleurniche à chaque nouveau coup de rein. À chaque bout dâme quon lui vole. Le jeune noble jette un regard avant de descendre de son toit. Scène glauque. Il pourrait lui casser la gueule à ce type. La secourir cette petite brune à qui on retire sa virginité de force. Il pourrait, mais il ne fait rien. Non. Ses bottes couinent sur le pavé tandis que le jeune homme avance dans la nuit, se guidant à la lumière es lanternes allumées dans la ville. Il sait où elle est. Ça nétait pas difficile à savoir. Elle simagine sans doute quil ne viendra pas. Quil va sêtre envoyé en lair avec sa blonde et quil se fiche d'elle. Enzo sourit narquoisement, mains dans les poches.
Oui. Je ne devrais pas. Je ne devrais pas prendre le chemin vers cette auberge. Je ne devrais pas avoir ce regard impénétrable. Je ne devrais pas avoir ce sourire mesquin sur mon visage, ni même cette malice au coin des lèvres. Vous nêtes quune sombre idiote. Si vous saviez, Gabrielle la rage qui me consume, cette envie de vous faire voler en éclat. Vous et votre âme. Nous sommes damnés. Nous brûlerons dans les entrailles de lenfer et le feu viendra faire fondre nos peaux et rendre cendre nos os. Et ça ne me fait pas peur. Vous tomberez en même temps que moi. Vous brûlerez dans des gémissements, tandis que je vous regarderais mourir jusquà ce que moi-même je crève. Oh non, je ne devrais pas marcher vers cette auberge. Je devrais boire et menfiler quelques catins jusquà ce que je sois épuisé. Et pourtant, je vais vers vous. Vers cette chambre. Vers lorigine de ma colère. Il ny aura personne cette fois Gabrielle. Juste vous et moi. Pas de Audoin. Pas de Christopher. Personne pour vous sauver les fesses et me faire sentir minable. Personne pour vous protéger et vous enlever à moi. Vous mappartiendrez. Corps et âme. Je vous possèderais jusquà que vous criiez que jarrête. Jusquà ce que vous me suppliiez. Gabrielle. Ma petite pute. Ma femme. La mère de mon fils. Mon interdite. Mon obsession. Ma rédemption. Ma putain. Mon âme sainte.* La porte de lauberge claque, et la demande est faite dun ton qui ne laisse pas vraiment place au dialogue. Quelques écus sont délaissés sur le comptoir pour sassurer que laubergiste gardera le silence, car peut-être crieras-tu cette nuit ma jolie, mais je ne sais pas encore si ça sera de plaisir ou de douleur. Peut-être les deux. Trempée, la chemise colle sur le corps du jeune noble, tandis que ses cheveux tombent sur ses yeux et adhèrent à ses tempes et son cou. Les escaliers sont montés, et les bottes viennent faire craquer le bois tandis que le cliquetis de son épée cognant contre sa hanche résonne fortement. Elle doit se penser à labri dans son bain sans doute. Peut-être bien quAllessa est avec elle, mais peu importe. Tout ce qui compte cest elle. Gabrielle. Sa femme. Sa destruction. Son unique. Elle et sa colère électrisante. Cette colère qui lui traverse le corps, lui fait crisper la mâchoire et les poings. Cette colère quil laisse lhabiter mais quil a pris soin de ne pas déverser en coup de poings ou de rein inutiles. Une colère quil a contrôlé en toisant tous ces gens. En sécoeurant.
Gabrielle. Je suis là.
Pour toi.
Et la porte de claquer avec violence. Cest quelle ne ferme jamais à clé, sa femme. Ça le ferait soupirer dans dautres circonstances, comme toujours, mais pas là. La porte est allée sexploser contre le mur, et Enzo de pénétrer dans la pièce sans plus de gêne. Les bottes claquent sur le sol, et le commandant attrape une bougie avant se de mettre à fouiller avec empressement et violence les affaires présentes dans la pièce. Des vêtements qui lui semble ne pas appartenir à Gabrielle sont attrapés, et le jeune noble pousse du pied la petite porte qui donne sur la salle deau. Les vêtements sont jetés en tas au sol, sans ménagement, tandis que les yeux verts assombris fixent Allessa et sa femme. Il n'en a rien à faire qu'Allessa soit toute nue dans le bain, et le bras est tendu vers la seconde porte donnant vers le couloir, un linge propre jeté vers la brunette de lautre.
- « Vía-fòra ! Ara ! »
Puis, le regard se pose un rien plus menaçant sur sa femme tandis que lépaule droite vient se déposer contre le cadre de la porte, la langue est passée sur sa lève supérieure avant doffrir à Gabrielle un sourire des plus narquois. Un linge lui est aussi envoyé sans plus de délicatesse que ses autres gestes.
- « Sortissètz ! Et je vous déconseille de tarder ! Toutes deux ! »
- ...when I lay my vengeance upon thee.**
Citation légèrement modifiée de la chanson : Sing for absolution Muse.
Trad.
Ma belle, mon amour, mon âme sur
Nos torts demeureront non réparés
Et nos âmes ne seront pas exhumées.
*Biolay, of course.
** Ezechiel 25:17 --> Et vous saurez que mon nom est le Lord quand ma vengeance s'abattra sur vous.
Dialogues : - « Dehors ! Maintenant ! » et Sortissètz → Sortez.
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©JD Marin