Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] And you will know my name is the Lord...

Enzo
    « My beautiful, my love, my soulmate
    Our wrongs will remain unrectified
    And our souls won't be exhumed. »


    [Dernier jour d’avril – Gascogne]


La pluie s’abat sur la tête d’Enzo qui observe la ville, perché sur son toit. Les yeux froids suivent les lanternes dans la nuit, le bruit des pas dans les flaques d’eau, les ivrognes qui parlent trop fort. Il ne parle pas. Il ne bouge pas. Il reste là. Le regard vert scrute avec une animosité certaine. Tous ces gens l’écoeurent. Tout ces gens qui vont et viennent dans la nuit, qui vaquent à leurs occupations. Cet alcoolique qui gueule après la gente féminine qui repousse ses avances, Enzo aurait envie de lui exploser les dents contre le mur d’une ruelle. De sourire au son du nez qui se casse et de lui cracher sur sa tête sans cheveux. Oui, ça l’écoeure. Eux, et sa femme. Sa putain de femme. Le jeune homme a un petit rire en y repensant à sa Gabrielle. Elle a le goût exquis du gin, et sa même traitrise. C’est un petit rire arrogant, un petit rire qui finit par un claquement de la langue sur le palais et par le craquement de ses jointures dans une main. Il pleut et il s’en fiche. Il aurait dû aller taper des mannequins de bois, ou prendre sauvagement Anya qui aurait gémi de douleur. Et il aurait aimé ça. Oui, Enzo aurait aimé ça, l’entendre geindre qu’il lui fait mal. La voir grimacer quand il l’aurait repoussée. Et elle n’aurait pas pu lui tendre la main avec son petit sourire professionnel en tentant de lui extorquer un prix des plus inconvenants. Il aurait dû. Ça l’aurait calmé le temps qu’il faut. Il pourrait noyer sa colère dans l’alcool et frapper des gueules dans les bas quartiers. Il pourrait, mais il ne le fera pas. Non. Parce qu’une autre idée germe dans l’esprit pervers du jeune homme. Une idée affreuse. Une idée inavouable. Une douce vengeance emplie de mépris, de rage et de passion. Alors que la pluie tombe, écrase ses cheveux et trempe sa chemise, Enzo s’en fiche. Dans une ruelle à sa droite il entend une fille geindre. Une fille brune qui vient de se faire retourner par un marin. Une fille jeune et sans doute pucelle qui pleurniche à chaque nouveau coup de rein. À chaque bout d’âme qu’on lui vole. Le jeune noble jette un regard avant de descendre de son toit. Scène glauque. Il pourrait lui casser la gueule à ce type. La secourir cette petite brune à qui on retire sa virginité de force. Il pourrait, mais il ne fait rien. Non. Ses bottes couinent sur le pavé tandis que le jeune homme avance dans la nuit, se guidant à la lumière es lanternes allumées dans la ville. Il sait où elle est. Ça n’était pas difficile à savoir. Elle s’imagine sans doute qu’il ne viendra pas. Qu’il va s’être envoyé en l’air avec sa blonde et qu’il se fiche d'elle. Enzo sourit narquoisement, mains dans les poches.

Oui. Je ne devrais pas. Je ne devrais pas prendre le chemin vers cette auberge. Je ne devrais pas avoir ce regard impénétrable. Je ne devrais pas avoir ce sourire mesquin sur mon visage, ni même cette malice au coin des lèvres. Vous n’êtes qu’une sombre idiote. Si vous saviez, Gabrielle la rage qui me consume, cette envie de vous faire voler en éclat. Vous et votre âme. Nous sommes damnés. Nous brûlerons dans les entrailles de l’enfer et le feu viendra faire fondre nos peaux et rendre cendre nos os. Et ça ne me fait pas peur. Vous tomberez en même temps que moi. Vous brûlerez dans des gémissements, tandis que je vous regarderais mourir jusqu’à ce que moi-même je crève. Oh non, je ne devrais pas marcher vers cette auberge. Je devrais boire et m’enfiler quelques catins jusqu’à ce que je sois épuisé. Et pourtant, je vais vers vous. Vers cette chambre. Vers l’origine de ma colère. Il n’y aura personne cette fois Gabrielle. Juste vous et moi. Pas de Audoin. Pas de Christopher. Personne pour vous sauver les fesses et me faire sentir minable. Personne pour vous protéger et vous enlever à moi. Vous m’appartiendrez. Corps et âme. Je vous possèderais jusqu’à que vous criiez que j’arrête. Jusqu’à ce que vous me suppliiez. Gabrielle. Ma petite pute. Ma femme. La mère de mon fils. Mon interdite. Mon obsession. Ma rédemption. Ma putain. Mon âme sainte.* La porte de l’auberge claque, et la demande est faite d’un ton qui ne laisse pas vraiment place au dialogue. Quelques écus sont délaissés sur le comptoir pour s’assurer que l’aubergiste gardera le silence, car peut-être crieras-tu cette nuit ma jolie, mais je ne sais pas encore si ça sera de plaisir ou de douleur. Peut-être les deux. Trempée, la chemise colle sur le corps du jeune noble, tandis que ses cheveux tombent sur ses yeux et adhèrent à ses tempes et son cou. Les escaliers sont montés, et les bottes viennent faire craquer le bois tandis que le cliquetis de son épée cognant contre sa hanche résonne fortement. Elle doit se penser à l’abri dans son bain sans doute. Peut-être bien qu’Allessa est avec elle, mais peu importe. Tout ce qui compte c’est elle. Gabrielle. Sa femme. Sa destruction. Son unique. Elle et sa colère électrisante. Cette colère qui lui traverse le corps, lui fait crisper la mâchoire et les poings. Cette colère qu’il laisse l’habiter mais qu’il a pris soin de ne pas déverser en coup de poings ou de rein inutiles. Une colère qu’il a contrôlé en toisant tous ces gens. En s’écoeurant.

Gabrielle. Je suis là.
Pour toi.

Et la porte de claquer avec violence. C’est qu’elle ne ferme jamais à clé, sa femme. Ça le ferait soupirer dans d’autres circonstances, comme toujours, mais pas là. La porte est allée s’exploser contre le mur, et Enzo de pénétrer dans la pièce sans plus de gêne. Les bottes claquent sur le sol, et le commandant attrape une bougie avant se de mettre à fouiller avec empressement et violence les affaires présentes dans la pièce. Des vêtements qui lui semble ne pas appartenir à Gabrielle sont attrapés, et le jeune noble pousse du pied la petite porte qui donne sur la salle d’eau. Les vêtements sont jetés en tas au sol, sans ménagement, tandis que les yeux verts assombris fixent Allessa et sa femme. Il n'en a rien à faire qu'Allessa soit toute nue dans le bain, et le bras est tendu vers la seconde porte donnant vers le couloir, un linge propre jeté vers la brunette de l’autre.


- « Vía-fòra ! Ara ! »

Puis, le regard se pose un rien plus menaçant sur sa femme tandis que l’épaule droite vient se déposer contre le cadre de la porte, la langue est passée sur sa lève supérieure avant d’offrir à Gabrielle un sourire des plus narquois. Un linge lui est aussi envoyé sans plus de délicatesse que ses autres gestes.

- « Sortissètz ! Et je vous déconseille de tarder ! Toutes deux ! »

    ...when I lay my vengeance upon thee.**


Citation légèrement modifiée de la chanson : Sing for absolution – Muse.
Trad.
Ma belle, mon amour, mon âme sœur
Nos torts demeureront non réparés
Et nos âmes ne seront pas exhumées.

*Biolay, of course.
** Ezechiel 25:17 --> Et vous saurez que mon nom est le Lord quand ma vengeance s'abattra sur vous.
Dialogues : - « Dehors ! Maintenant ! » et Sortissètz → Sortez.

_________________

©JD Marin
Gabrielle_montbray
« Allez enfouis-moi
Passe-moi par dessus tous les bords
Mais reste encore
Un peu après
Que même la fin soit terminée
Serre-moi encore
Etouffe-moi si tu peux... »

- Noir Désir, Les Ecorchés -

Comment l’étincelle s’était allumée, elle ne le savait plus vraiment. Une parole mal comprise. Un soupir de trop. Un regard pas assez humble. Elle ne savait plus exactement mais la tension était montée d’un cran en taverne. Pour un mot. Pour un geste. Et le brasier avait pris. Un regard bleu sombre dans un regard vert tout aussi obscur. Et que flambent les cœurs et les esprits. Et que s’allument les idées noires.

Gabrielle avait décidé de passer une bonne soirée malgré tout. Que son mari, dont on lui avait rapporté - quelques temps après qu’elle ait claqué la porte de la taverne - qu’il « était parti fâché », aille se calmer entre les cuisses d’une blonde. Qu’il vide une bouteille de calvados. Qu’il se fasse casser la gueule. Peu lui importait. Ca ne devait pas importer. Elle avait invité Allessa à partager son baquet. Pas aux étuves, non. Un baquet de noble qui a des écus. Dans une auberge de luxe. Gabrielle n’avait pas cherché à se cacher. A changer ses habitudes. La même auberge. La même chambre. La chambre 9. C’est toujours celle là qu’elle louait depuis qu’ils étaient dans cette ville et que le confort d’une vraie chambre, d’un vrai lit, avec des vrais murs lui faisait envie.
Un bain. Rien de tel pour délasser le corps et l’esprit. De l’eau chaude et parfumée. Du vin. Et de la bonne compagnie. Un baquet, ça se partage. Avec sa famille. Avec des amis. Avec son mari. Enzo s’était habitué à ce qu’elle débarque quand il trempait. Un moment privilégié, de discussion, de détente.
Alessa n’était pas une amie. Pas encore. Mais Gabrielle l’aimait bien. Suffisamment pour qu’elle rentre dans le cercle des gens de confiance. Ceux à qui ont peut parler un peu. Ceux à qui on n’est pas obligé de dissimuler les vérités. Ceux dont on sait instinctivement qu’ils sauront garder pour eux ce qu’ils voient, ce qu’ils pressentent, ce qu’ils savent. Ceux à qui on peut ouvrir un peu la porte de son intimité. Gabrielle avait confiance en Allessa, mais elle la connaissait peu et elle se disait que ça serait l’occasion pour toutes les deux de faire un peu connaissance.

Elles étaient reparties toutes les deux au campement, chercher de quoi se changer pour après. En chevauchant. Ca avait fait plaisir à Gabrielle ça, qu’Allessa soit venue à cheval. La soirée s’annonçait bien. Une petite chevauchée, un bain, de l’alcool et puisque que probablement Enzo ne se montrerait pas de la nuit, Gabrielle inviterait la jeune femme à partager sa couche. Pour dormir. Rien de plus. Un lit, un bain, ça se partage, sans arrière-pensée, juste comme ça. Gabrielle n’avait que rarement dormi seule et elle détestait ça. Son frère. Puis sa mère. Puis Christopher. Des catins du port quand le marin partait. Et puis Enzo. Parfois Isleen aussi quand les portes claquaient trop forts. Alors pourquoi pas Allessa cette nuit. Elle serait peut-être contente de profiter de la couche confortable, du feu dans la cheminée. Peut-être qu’elles pourraient se faire servir un repas digne de nom avant de dormir. Gabrielle sourit en repensant à ce qu’avait dit la brune. Une vraie marmotte. Qui aimait dormir. Tout son contraire. Elle qui dormait si peu. Elle trouvait ça fascinant les gens qui tombaient de sommeil à une heure correcte. Ca ne lui arrivait jamais à elle.

Gabrielle sourit à la jeune femme en entrant dans le baquet.


- J’espère que tu aimes les bains très chauds, Allessa, je sais que ça n’est pas du goût de tout le monde, mais moi je ne les aime que comme ça.

Elle fixa un instant les yeux de son invitée du soir. Des yeux verts. Comme ceux d’Enzo. Moins denses. Plus doux aussi. Plus chaleureux. Moins… Gabrielle secoue légèrement la tête. Ne pas y penser. Ne pas se laisser parasiter l’esprit par ce qui ne doit pas. Par l’absent. Et surtout, surtout, ne pas laisser la petite angoisse qui lui serrait le ventre l’envahir. Ne pas non plus laisser la jalousie prendre de la place. Gabrielle ne serait pas jalouse. Elle ne devait pas. Que son mari culbute sa putain, la nuit sera bonne pour elle. Qu’il lui écrive qu’elle n’était qu’une sombre petite idiote, qu’il la détestait. Peu importe, la nuit sera bonne. Parce qu’elle l’avait décidé. Gabrielle remplit deux coupes de vin et en tendit une à Allessa.

- Je n’y connais rien en vin. Je n’en buvais jamais avant. Mais je m’habitue… Par contre je suis incapable de faire la différence entre de la piquette et un vin de qualité. Je me dis que si c’est cher, c’est bon.

Et Gabrielle de lâcher un petit rire avant de boire une gorgée et de reposer la coupe sur un petit banc à portée de bras. Les yeux bleu sombre se pose dans ceux d’Allessa. Il n’y a pas assez de femmes dans la vie de Gabrielle. Les hommes envahissent tout l’espace. Pourtant elle aime la compagnie de ses semblables. Même si elle s’en méfie. Avec le mariage, elle découvre que les femmes sont de vraies raclure entre elles. Que la solidarité féminine n’existe pas. Qu’elles se posent souvent en concurrentes. Qu’elles s’évaluent, qu’elles se toisent, qu’elles s’envient et se jalousent . Et que beaucoup pourrait planter une dague dans le dos de la première qui leur ferait obstacle. Oui, Gabrielle se méfie des femmes. Mais pas d’Allessa. Elle lui sourit.

- C’est bien que tu sois là. Ca me fait plaisir. Dis-moi, tu as commencé à…

La porte qui claque.

Gabrielle sursaute et se fige. Il n’y a qu’une personne pour entrer comme ça. La jeune femme déglutit et fixe un instant l’autre brune dans le bain. Elle avait assuré à Allessa qu’il ne viendrait pas. Pour la rassurer parce que la recrue semblait vaguement inquiète à l’idée de subir l’humeur du commandant. Et parce qu’elle en était vraiment persuadée qu’il ne se pointerait pas. La porte qui les sépare de la chambre s’ouvre et il apparaît. Trempé. Le regard sombre.

Et shit.*

Les mots en gascon claquent dans la petite pièce. Protéger Allessa. Il n’est pas fâché, non, il est en colère. De ses colères belles et terrifiantes comme les orages d’été. Et c’est sur elle que la foudre va tomber. Gabrielle regarde la jeune femme et lui sourit. Un sourire qui se veut rassurant alors qu’elle est terrifiée. Un murmure.


- Obéis. Ca va aller…

Elle se lève et sort du baquet en bois. Elle se saisit du linge et s’en entoure. Elle fixe son regard dans celui d’Enzo. Elle est terrifiée, oui, mais elle refuse de lui montrer. Il le sait de toute façon. C’est une évidence qu’il le sait. Il la connaît bien. Et c’est bien ce qui le rend dangereux. Gabrielle s’avance vers lui. Elle se retourne avec un petit sourire.

- A demain, Allessa. Je crois que nous terminerons cette conversation plus tard.

Et de faire un pas de plus vers la chambre en murmurant à l’adresse d’Enzo.


- Fermez la porte…

Oui, Enzo referme la porte sur nous.
Et que l’orage éclate. Que ta colère s’abatte.


* Et merde.

_________________
Allessa
    Les cabossés vous dérangent
    Tous les fêlés sont des anges
    Les opprimés vous démangent
    Les mal-aimés, qui les venge ?

    -Mylène Farmer - C'est dans l'air-


    C'est un soir comme un autre pour Allessa en compagnie des compagnons de l'armée autour d'une table de la taverne du Commandant.Une légère tension se ressent entre Gabrielle et Enzo, rien que les échanges de regards en disent long sur l'ambiance qui règne ici lieu. Mais après les avoir salué et demandé des nouvelles, une invitation de Gabrielle à l'accompagner au bain se suspend dans l'air. J'en rêve de prendre un bon bain chaud, en plus dans une auberge, le pied !
    Je m'y vois déjà à agiter mes orteils dans l'eau parfumé, à faire de petites vagues avec mes mains ramenant l'eau caresser la peau de mes seins.
    Malheureusement le regard sombre du commandant me fige sur place ne sachant pas si le "Oui" de motivation que j'ai lâché à sa femme venait de me mettre dans un éventuel problème ?

    Gabrielle m'a assuré plus tard en soirée qu'elle serait toutes deux dans cette chambre et que le commandant serait surement occupé ailleurs. C'est alors confiante que nous faisons route vers l'auberge en chevauchant dans les rues de Dax. Je suis Gabrielle qui est habituée du lieu. L'aubergiste nous donne une clé, nous passons dans un escalier puis une porte et le moment tant attendu est enfin là.

    Je m'avance pour ouvrir la seconde porte est regarde l'eau fumer, s'évaporer, avec une bonne odeur de fleur. Il est temps de découvrir ce bonheur. Gabrielle est déjà dans le baquet, ça me fait sourire et je ne tarde pas à la rejoindre. La bouteille de vin est débouchée, les verres sont servis, l'extase.


    L'eau est parfaite, ça engourdit un peu au début mais on apprécie vite l'effet de la chaleur envahir le corps. Je suis ravie d'être ici avec vous Gabrielle et de partager un moment complice. Nous allons pouvoir papoter un peu sans avoir de regard de biais et des soupirs à tout va !

    Je prends le verre de vin que Gabrielle me tend, j'aime le vin, surtout depuis que j'ai habité un certain temps à Bordeaux. J'aime celui qui laisse la langue rappeuse avec un gout de chêne. Celui qui vous laisse le passage de sa trace en colorant légèrement votre langue et le bord des lèvres. Le vin s'est vraiment toute une histoire. Une robe. Un velouté. Un fruité. Une douceur.

    Je souris à Gabrielle, j'aime quand elle me le rend. J'ai cette impression qu'elle ne sourit pas assez mais que quand même elle est heureuse. On apprend à se connaître mais cet instant ne dure pas quand la porte vient se fracasser contre le mur de la chambre. Qui est la ?

    Gabrielle ne bouge plus d'un pouce, je pense que si je le pouvais je me serais déjà enterré toute seule au fond du baquet mais que cela ne servirait à rien.
    Quelqu'un approche, le bruit de bottes, le cliquetis d'une épée qui rebondie sur la cuisse ... Pour sûr c'est le Commandant. Je ne quitte pas les yeux de Gabrielle, ils en disent long.
    Enzo fait son entrée dans la pièce fumante, trempé jusqu'aux os, comme s'il sortait lui même du baquet.
    Je ravale ma salive et surtout ma pensée de lui demander s'il était caché dans l'eau avant qu'on arrive.

    Les mots fusent et je n'en comprends qu'une partie, mais le "Sortissètz ! Et je vous déconseille de tarder ! Toutes deux !" est clair. S'enchaîne un lancer de fringue qui aurait pu nous habiller d'une traite si nous étions debout devant le baquet ce qui confirme encore plus que le bain est terminé.
    Le chuchotement de Gabrielle aurait du me convaincre que tout irait bien, mais la laisser seule avec son époux emplit d'une colère noire ne me rassurait pas.

    Je ne me suis jamais habillée aussi vite, prenant mes bottes à la main pour éviter de rester trop dans la pièce. Je passe par la petite porte qui donne directement sur le couloir de l'auberge sans regarder le commandant de peur d'être fusillé encore une fois du regard.


    A demain, Gabrielle.

    Un sourire, des yeux qui lui disent "je pense à vous" et je referme la porte en me laissant glisser le long du mur en face pour me retrouver assise à terre en se demandant ce qu'il allait se passer. Je n'ose pas imaginer, je n'ose plus y penser.
    Au bout de quelques seconde et je décide de finir de me vêtir dans les escaliers de l'auberge.


    La prochaine fois je fermerais la porte à clé.

_________________
Telle la rose sa beauté est infinie, mais prenez garde, car comme cette noble fleur elle possède des épines.
Enzo
    « Je bouge, je bouge, je me déplace lentement
    Et rouge, et rouge,
    Une flamme s'en va dansant
    Et soudain, c'est l'enfer
    Qui s'ouvre, s'ouvre,
    Vocifère ma colère
    Qui claque, éclate.
    Je bouge, je bouge,
    Tu me regardes, attends,
    Démente, violente, comme la foudre et l'ouragan
    Géante, géante,
    Ma folie dévaste le temps.
    J'injurie, j'incendie. »

    La colère - Barbara


La seconde porte est claquée. Le rideau de l’acte final est tombé. Le regard vert ne se détourne pas de Gabrielle. Un sourire narquois d’apparaître à la commissure des lèvres du jeune homme tandis qu’un pas est fait dans la pièce sombre. Il n’y a que lui et elle. Un feu qui se meurt dans l’âtre et des bougies qui fondent. Gabrielle. Il n’y aura plus que nous. Pas d’Audoin. Pas de Christopher, ni même Isleen. Votre seule alliée s’en est allée. Sans doute que vous vouliez la protéger de mes colères. Je m’approche. De vous. De votre corps caché sous ce linge ridicule. Je m’approche de ce qui m’appartient, de ce qui me revient chaque nuit de droit. Que vous m’offrez, sans résistance le plus souvent. Je m’approche et je toise ce corps touché, léché, mordu, caressé, retourné. Souvent. Ce corps que j’apprends à connaître, ce corps que je fais frémir, se crisper, se tendre jusqu’à la rédemption de nos âmes dans la jouissance. La pluie s’abat contre les carreaux de la fenêtre, et je souris toujours un peu plus quand mes bottes couinent contre le plancher de bois. Le souffle maitrisé d’Enzo se glisse contre le cou féminin, le corps un peu penché, une main s’abattant contre un poignet, et les doigts faisant étau. Que l’emprise se fasse avec violence. Il ne parlera pas. Pas tout de suite. Il veut la sentir tressaillir. La voir fermer ses yeux et se crisper un peu. Il veut voir sa crainte se libérer malgré elle, il veut sentir son corps en alerte, lire l’inquiétude dans le regard bleu sombre, asseoir sa domination. Sur elle. Son corps, sa tête et son âme. Oh, Gabrielle, vous savez bien pourtant qu’il ne faut pas éveiller l’étincelle, ne pas provoquer mes colères, ne pas malmener mon âme tourmentée. Vous savez bien que quand vous n’êtes pas là, c’est vide. Il n’y a que les putes et l’alcool. Que ma vie de débauches et d’emmerdes. Que la vie que je n’ai pas le droit d’avoir. Gabrielle, vous le savez pourtant que vous êtes mon calmant, mon antidépresseur, mon équilibre mental. Vous le savez, au fond de vous que ces filles là ne sont rien. Même si j’ai une préférée. Même si je la revois. Même si j’exige son exclusivité. Il n’y a que vous. Démente et enivrante folie. Si belle et si terrifiante. Ça claque dans le ventre, ça fait déconner la tête et retourner l’âme, notre folie. Notre amour. Nos actes interdits. Oui, vous le savez, Gabrielle. C’est incendiaire, notre vie. On crèvera à trop s’aimer, à trop se détester. J’ai envie de vous tuer, j’ai envie de sentir mes mains se refermer sur votre cou, de sentir ma lame pénétrer dans vos chairs et sentir le sang chaud y couler, tandis que la vie vous quitterait. Je pourrais vous dire les mots que je ne dis jamais. Je pourrais vous avouer tous les sentiments que j’ai pour vous. Gabrielle. Gabrielle. Gabrielle. Ma langue se hasarde sur votre cou tandis que mon nez effleure votre oreille et se glisse dans vos cheveux. Je sens le frisson qui vous traverse, je sens la peur qui vous prend au ventre, et je crois bien que j’aime ça, Gabrielle. Que j’aime cette torture que je vous fais subir, j’aime ma main qui serre votre poignet. Ayez peur. Soumettez-vous entièrement à ma colère, à mes envies. Débattez-vous pourtant. Un peu. Rebellez-vous que je vous plaque plus fort. Que je vous fasse plus mal, que je vous soumette complètement à moi, que vous sentiez mon corps vous retenir, vous oppresser. Oh, Gabrielle. Putain que je vous aime. Putain que je vous déteste. Putain vous m'emmerdez.

Regardez-moi ! La main libre agrippe le menton de son épouse. Les yeux se croisent, se toisent, s’observent. Des yeux verts assombris dans un regard bleu obscur. Les doigts se serrent sur la mâchoire, s’assurant qu’elle ne baisse pas les yeux. Pas maintenant. La main quitte le menton pour glisser le long du cou, jusqu’à venir tirer, d’un geste calculé, le linge qui la sépare de sa nudité. Linge qu’il envoie valser au loin, alors que le bras se glisse dans le creux des reins pour venir la plaquer brutalement contre sa chemise trempée. Le regard. Toujours le regard. Qui reste fixé dans celui de sa femme. Indéniablement. Froid,vide et sombre. Et ce sourire, toujours méprisant. Les souffles se mélangent et la tête est penchée vers l’avant tandis que la langue frôle la peau, un peu. Juste avec le bout. Frissonnez, petite engeance. De crainte et d’envie. Frémissez. Crispez-vous. Soupirez. Et Enzo de forcer sa femme à se retourner, la tenant fermement contre lui. Une main glisse le long de la nuque de Gabrielle pour descendre vers les reins, forçant la jeune femme à se pencher avant de la ramener brutalement vers l’arrière. L’emprise d’une main se referme avec violence sur un sein nu. Petite chose ronde qu’il malmène avec colère et mépris. Contrôler la colère. Contrôler ses envies. Et d’un coup sec les dents se plantent dans la chair du cou, et Enzo de mordre sa femme avec rage avant de la retourner de nouveau vers lui. Petite poupée qu’elle est maintenant, dans ses bras. Il la tient par les poignets, devant lui, le regard allant se figer de nouveau dans celui de sa femme. Le silence est rompu.


- « Je vous déteste, Gabrielle Blackney. Je vous déteste et je vais vous le faire payer. Craignez-moi, haïssez-moi. Je n’en ai plus rien à foutre… »

Il s’en fiche que ça lui fasse mal, il veut qu’elle voit son regard dans le sien. Il veut voir son regard bleu sombre se faire incertain. Sa froideur. La tension. Ça cogne. Ça éclate. Ça empoisonne. Cette colère froide. Cette colère silencieuse. Oh, Gabrielle, vous devriez peut-être fuir. Peut-être que ses mains en étau sur ses poignets lui font mal, mais il s’en tape. Il s’en tape de sa petite femme qui ne sait que le provoquer, qui s’imagine qu’elle n’est que sa petite putain de service, qui oublie qu’il l’a épousée, qu’il l’aime, même mal. Et les yeux dans les yeux, il se penche un peu sur elle. Un murmure. Un murmure faux. Un murmure rempli de mensonges. Juste pour faire mal. Juste pour briser. Juste pour voir ses yeux s’emplir de larmes. Juste la broyer un peu plus. Parce qu’il aime ça et qu’un sourire narquois se pointe en coin, sur le visage enzesque.

- « Je n’en ai plus rien à foutre de vous… »

_________________

©JD Marin
Gabrielle_montbray
« First, there is desire. Then, passion. Then, suspicion. Jealousy. Anger. Betrayal (…) Without trust, there can be no love. Jealousy, yes, jealousy will drive you mad. »
- L’Argentin, dans le film Moulin Rouge de Baz Luhrmann -


L’autre porte se referme. Allessa est partie. Gabrielle est seule.

Elle tressaille quand il se penche sur elle et qu’il lui saisit le poignet. Seule. Contre lui. Si elle ne sait pas précisément ce qui va suivre, elle sait que ça sera violent. Et elle ne sait même pas ce qu’elle a fait pour mériter ça. Pour subir ce qui va arriver. Mais elle a déjà vécu ça. La folie d’Enzo. Sa colère. Ses angoisses. L’orage va éclater. Et c’est elle qui sera foudroyée. Le souffle rauque contre sa peau nue et humide la fait frissonner. Une angoisse sourde se niche au creux de son ventre. Elle ne bouge pas. Elle s’empêche presque de respirer. Pourtant il lui semble bien que sa respiration est trop rapide, trop saccadée. Gabrielle a la trouille. Elle doit puer la peur. Et c’est ça qu’il est venu chercher. Il est venu jouer avec elle. Il est venu s’amuser à la voir trembler. A la faire sursauter. A lui faire baisser et fermer les yeux. Il est venu la faire plier et supplier. Il est venu lui affirmer sa toute puissance et lui rappeler qu’il est celui qui décide. Enzo est son Seigneur et Maitre et cette nuit, il semble bien décider à ce que sa femme ne l’oublie pas.
Je le sais pourtant. Je l’ai su depuis le début. Depuis que ton mépris et ta haine à mon égard m’ont fait avaler la lumière. J’aurais donné n’importe quoi pour que tu me regardes. Pour que tes yeux s’accrochent aux miens. Plus tu me détestais et plus je m’affolais. Plus tu me disais des mots atroces et plus je te trouvais fascinant. Plus tu jouais avec moi et plus j’avais envie de perdre. Tu es mon Seigneur et Maitre, Enzo. Tu l’as toujours été. Tu as ma soumission et mon obéissance. Tu as mon coeur, mon âme et mon cul. Tu m’as toute entière. Mais il te faut plus. Il te faut prendre dans la violence et la terreur. Il te faut affirmer ta domination dans le sang et les larmes.

Gabrielle frémit quand Enzo darde sa langue sur son cou. Si elle fermait les yeux. Si elle oubliait qu’il a envie de l’humilier et de la violenter. Si c’était une autre nuit. D’autres circonstances. Ca serait absolument troublant. Ca serait la promesse d’une extase à venir, d’un frisson fulgurant, d’une chute vertigineuse dans les tréfonds du plaisir. Mais Enzo ne veut pas lui faire du bien. Il veut la voir chuter, oui. Mais pas de saut dans le vide qui fait décoller le corps et l’âme. Non, juste la faire tomber à terre. La piétiner, la briser, la déchirer. Il veut qu’elle souffre. Gabrielle ne sait pas à quoi pense Enzo quand il promène sa langue sur elle, quand il lui souffle sa haine qui vient assécher les gouttelettes d’eau parfumée du bain. Elle lui dirait sinon. Elle lui dirait que toutes ses putains lui font du mal. Que ça lui donne envie de hurler. Qu’elle ne voit que ça quand ses yeux se ferment. Qu’elle est assaillie par les images de mains, de langues, de seins voluptueux et de bassins ondulants. Qu’elle a la nausée de l’imaginer le nez dans leurs cheveux blonds. De voir son regard vert qui se fixe dans leurs yeux à elle. De penser au petit sourire narquois qu’il doit leur tendre. Gabrielle ferme les yeux, juste un instant. Juste le temps de se mentir et de se dire que la main qui enserre son poignet ne la blessera pas. Juste le temps de s’abandonner au léger trouble qui nait. Malgré la peur. Malgré l’angoisse.

Le regard bleu sombre se fixe dans les yeux verts, un vert glacial qui la transperce aussi sûrement que la lame de l’épée la plus aiguisée. La main se fait ferme sur son menton. Il lui fait mal à la forcer à le regarder. Elle lui cracherait bien au visage. Elle lui balancerait bien un sourire méprisant et une réplique cinglante. Mais il la tuerait. Il a déjà tenté une fois. Dans un moment de folie. Mais cette fois-ci, personne ne viendra la sauver de ses mains assassines. Elle est seule avec son bourreau. Les yeux ne faillissent pas, ils restent plantés dans les glaciers couleur de lac irlandais. Des lacs profonds dans lesquels viennent suffoquer et se noyer les femmes amoureuses et soumises. Gabrielle tressaute quand la main brusque lui arrache le linge qui l’enveloppait. Vain rempart à sa pudeur. Elle s’en fout qu’il la mette à nu. Elle a lui a donné tellement plus que son pauvre corps à cet homme là. Elle lui a tout donné mais il ne le voit pas. Ou il s’en fout. Elle voudrait lui hurler en pleine face, le secouer et le supplier. Aime-moi, Enzo, bordel de merde. Aime-moi. Quand il vient la plaquer contre lui, contre sa chemise trempée de pluie, elle voudrait rester là, contre lui, elle voudrait qu’il l’embrasse d’un de ses baisers impérieux qui lui font tourner la tête, d’un de ses baisers qui allument le feu de leurs nuits interdites. Il la fait frémir ce petit con, avec sa langue qui vient l’effleurer, avec ses doigts qui viennent imprimer leurs marques sur son poignet, avec cette main en bas de son dos qui cherche à lui briser les os. Elle aurait envie qu’il appuie plus fort sur sa nuque, qu’il la mette à genoux, qu’il lui coupe le souffle sous la violence de ses coups de rein dévastateurs.
Mais il ne faut pas, il veut lui faire mal. Vraiment mal. Pas comme quand ils s'aiment, de cet amour fou et bouillonnant. Pas comme quand son esprit n’a pas sombré dans la folie. Gabrielle entend un gémissement lui échapper quand il la malmène et qu’il la marque de son scel carnassier. Elle se mord la lèvre pour retenir le petit cri de douleur qui s’étouffe dans sa gorge.
Et de nouveau les yeux dans les yeux. Les poignets enchainés. Un regard froid qui la brûle au plus profond d’elle-même. Et ces putains de mots. Ces putains de phrases. Fuir. Fuir avant qu’il ne soit trop tard. Fuir avant qu’il ne viole son âme. Avant qu’il ne reste que des cendres. Fuir avant le point de non retour. Gabrielle le fixe de son regard sombre. Le sourire qu’il lui offre lui fait monter des pulsions violentes.
Et de secouer les bras en une misérable tentative de lutter contre la toute puissance masculine.


- Vous n’aviez plus assez d’écus pour tabasser vos putains que vous en soyez réduit à vous attaquer à votre femme… ?

Les bras s’agitent encore nerveusement, inutile geste, elle le sait bien, elle ne peut pas gagner. Et dans un dernier souffle avant que la guerre éclate, un dernier murmure avant qu’il ne la fasse taire, avant que la colère ne s’abatte.

- Ca va vous coûter bien plus cher avec moi…


Traduction citation :
D’abord, il y a le désir. Puis, la passion. Ensuite, la suspicion. La jalousie. La colère. La trahison (…) Sans confiance, il ne peut pas y avoir d’amour. La jalousie, oui, la jalousie vous rendra fou.

_________________
Enzo


La ressentez-vous dans ces mains qui enserrent vos poignets, dans le creux de vos paupières, dans le fond de vos yeux qui se fixent dans les miens, qui ne baissent pas. La sentez-vous vaciller dans votre crâne, traverser votre colonne vertébrale et vibrer dans vos côtes ? Sentez-vous, Gabrielle, la suffocation vous prendre et se crisper sur vous comme la sensation qu’on vous écrase, qu’on vous broie ? Voyez-vous tout l’amour que j’ai pour vous dans cette colère froide, dans cette folie passagère, dans mes gestes méprisants et brusques. N’y voyez-vous que la surface ? Que la main qui s’abat sur votre joue, réclamant justice à votre impudence. Voyez-vous comme la marque de mes dents est le scel secret de nos ébats interdits. Un tatouage d’appartenance. Vous êtes à moi. Toute à moi. Et vous ne pouvez que bouger, que réclamer que je vous libère. Vous n’avez que cette foutue langue pour venir clamer des mots que vous devriez taire. Je vous feras taire, ma belle, mon âme sœur, mon éternel amour. Je vous ferai taire et j’arriverai à vous faire aimer ça. Vous aurez mal. Votre âme sera piétinée, votre corps souillé, votre tête déconnectée. Nous ne voulons pas de douceur dans nos vies. Nous ne voulons pas de ces mots stupides que certains se marmonnent dans le creux d’une oreille un peu trop souvent pour être vrai. Nous ne voulons de ces sourires tendres lorsque nos mains se lient. Nous ne voulons pas ça, vous et moi. Et vous le savez. Alors mes mains se referment plus fortement sur vos poignets quand les seules phrases que vous arrivez à prononcer sont une provocation suivie que de ce qui me semble être une menace. Débattez-vous, si ça vous plaît. À moi, ça me plaît. Alors je souris juste. Narquoisement. Je souris et je vous plaque de nouveau contre mon torse mouillé. Et mes lèvres de venir se poser avec brusquerie sur les votres. Un baiser brûlant et impérieux. Un baiser fou et meurtrier. Un baiser que je prolonge en fourrant ma langue dans votre bouche. Que tournent, tournent nos langues en une fugace valse. Vibrante et enivrante. Un poignet est lâché, et mon bras est glissé dans votre dos, venant se serrer entre ses omoplates, la main sur ta nuque. Laissez-vous être damnée, ma belle, ma chérie, ma folie.

Le regard vert se détache, s’échappe, et pourtant il est toujours là. Planter sur vous. Vous reluquant avec ce mépris que je porte plus souvent sur les catins que sur vous. Les dents d’aller mordre, jusqu’à goûter le sang, ce petit goût de métal qui vient se déposer sur la langue du jeune homme et le fait avoir un petit rire cristallin. Un petit rire froid et sonore. Le deuxième poignet est lancé, et ma main dans votre nuque se resserre, tandis que celle libérée s’abat sur un sein, remonte sur votre épaule, puis sur votre joue. Lentement. Nerveusement. Passionnément. Une main fébrile. À la fois douce et dangereuse. Caressante et violente. Cette main descend et frôle votre menton, qui est alors relevé un peu. Les doigts s’agitent sur votre cou. Doucement. Les yeux revenant se planter dans votre regard sombre, les doigts dessinent, contournent, s’activent avec une lenteur névrotique. C’est nébuleux. C’est capiteux. Vertigineux. Vous me faites bander à me craindre. Vous me donnez envie de vous, de répondre à mes pulsions viscérales. De vous souiller de ma semence masculine. De vous faire gémir et crier de douleur et de plaisir. La langue est passée sur votre lèvre ensanglantée, comme pour aller chercher un goût de vous. Un peu. Encore. Indéniablement. La main se referme sur votre cou, d’abord sans serrer, juste que pour vous la sentiez. Juste pour que vous en frissonniez. Puis, l’étau se fait. Plus fermement. Pour marquer les chairs. Pour que vous sentiez la respiration vous quitter un peu. La crainte prendre possession entière de votre âme. Oh, Gabrielle. Quel doux pouvoir me laissez-vous prendre sur vous, quelle douce possession, celle de décider de votre vie ou de votre mort. Je pourrais serrer plus fort. Encore un peu. Pour que vous sentiez bien cette puissance que je déverse sur vous. Alors la main se referme encore un peu et votre corpsest plaqué sur le premier mur à disposition. Durement. Violemment. Que vous sentiez vos os se comprimer un peu, votre corps être malmené. Une main se glisse sur une cuisse que je maltraite. Avec mépris, comme ce regard porté sur vous. Encore et encore. La langue vient de nouveau frôler le menton. Agitez-vous. Ayez peur. Montrez votre peur dans vos yeux, femme. Présentez-vous telle que vous êtes : petite et faible. Entendez-vous gronder le tonnerre en moi. Entendez-vous l’orage ayant besoin de se libérer. Sentez-vous vos os trembler, vos muscles se froisser, vos yeux s’ouvrir sur la crainte. C’est foudroyant un orage, ma belle. Ça claque. C’est excitant. Ça déchire de l’intérieur et ça se déverse en larmes silencieuses et en gémissements étouffés.


- « Il est bien plus excitant de frapper sa femme que de tabasser une vulgaire catin… »

Et la bouche revient se plaquer sur les lèvres de la jeune femme avant que la main sur le cou ne la relâche enfin, donnant un coup brusque, voulant qu’elle se cogne contre le mur et qu’elle ressente les vibrations d’un corps qui se fracasse. Un pas est fait vers l’arrière, avant qu’une main ne vienne s’abattre de nouveau sur la joue de sa femme. Foudroyante. Suivit d’une poussée vers le sol et d’un coup de pied dans les jambes. Puis de reculer de nouveau, les bottes venant faire craquer le plancher, et Enzo d’envoyer valser sa chemise trempée dans la pièce. Un pas est fait de nouveau vers sa femme, légèrement. Les yeux posés sur elle, comme si elle n’était plus qu’un jouet. Plus que celle qui doit exaucer tous ses désirs pervers, et pourtant une main presque caressante vient se déposer dans les cheveux de sa femme. Quelques instants seulement.

- « Relevez-vous ! »

Faites face à votre seigneur et maitre. Montrez-lui que vous n’êtes pas qu’une petite pute qui fait tout ce qu’on lui dit de faire. Prouvez-lui que vous méritez plus que des coups. Que vous valez la peine des mains caressantes et de la langue qui s’évade. Gabrielle. Mon unique. Mon absolue. Dansez avec moi. Chantez avec moi. Damnons-nous. Ensemble et pour l’éternité. Ressentez ma colère jusqu’au fond de vos entrailles, jusqu’au fond de votre âme. Laissez-vous vibrer ma belle, mais résistez un peu. Juste un petit peu. Juste assez. Pour que l’on s’évade tout les deux vers des lieux inexplorés. Pour que l’on s’aime dans la douleur et dans la passion. Que nos corps, nos âmes et nos têtes ne fassent plus qu’un jusqu’à s’en brûler les tripes. Faites-moi jouir entre vos cuisses, entre vos cris et vos larmes. Faites-moi mal. Brisez-moi. Insultez-moi. Faisons l’amour, nina*. Jusqu’au bout de la nuit, jusqu’à ce nos sueurs se mêlent, jusqu’à l’aboutissement de nos étreintes violentes. Alors oui, relevez-vous. Faites face à votre seigneur et maitre. Subissez l’orage avec fierté, femme !

- « Libérons-nous de nos péchés… »


Trad. approx.

Chante à nouveau avec moi
Notre étrange duo
Mon pouvoir sur toi
Grandit encore
Et comme tu te détournes de moi
Pour jeter un coup d’œil derrière
Ton seigneur et maitre est là
Dans ton esprit

J'ai changé le « The Phantom of the opera is there » ( Le fantôme de l'opéra est là ) par « Your lord and master is there » ( ton seigneur et maitre est là ), question de contexte.

*Chérie en occitan.

_________________

©JD Marin
Gabrielle_montbray
« Si j'étais lui
Je ne chercherais pas tellement d'excuses
Paroles vaines et vains refuges
Tristes armes de combat
Si j'étais lui
Je n'aimerais pas me voir souffrir
À en crever à le maudire
Pour tout ce mal qu'il pose là »

- Julien Clerc, Si j’étais elle (passage du féminin au masculin) -


Et la main s’abat sur elle, elle le savait, elle l’attendait. Il ne laisserait pas impuni les paroles acides. Il ne laisserait pas impuni l’arrogance de la vérité dite. Il ne laisserait pas impuni l’insoumission. Une main puissante qui laisse sa marque brûlante sur la joue et qui fait monter les larmes aux yeux.

Je le sais que ça vous plait que je vous résiste. Juste un peu. Ca vous plait parce que quand ma protestation se transforme en gémissement de plaisir, vous avez l’impression d’avoir gagné. Et vous avez raison. Même si je ne vous le dis pas. Plus je me débats, plus ça vous excite. Vous êtes venu pour ça cette nuit. Pour me prouver qui vous étiez. Pour vous assurer de ma dévotion et de mon obéissance. Vous êtes venu pour que je me prosterne devant mon Seigneur et Maitre. Que je réaffirme que vous êtes mon seul dieu, ma seule religion. Vous êtes venu pour me donner votre absolution sur l’autel du pêché. Enzo, mon amour incestueux, mon seul interdit, mon seul possible. Si vous saviez comme je vous hais en cet instant précis. Et pourtant je vous laisse m’entrainer dans votre danse folle. Et pourtant le piquant du calvados déposé sur votre langue, je le laisse se marier avec l’âcreté du vin sur la mienne. Je vous hais tellement de me faire ça. Vous avez toujours embrassé divinement. Vos baisers me vrillent le ventre et me font frissonner. Toujours. Même en cet instant alors que ma joue et mes poignets sont en feu. Alors que votre main menace de me briser la nuque et que votre bras me force à une étreinte dont je ne veux pas. Je ne devrais pas fermer les yeux. Je ne devrais pas vous laisser mener la sarabande infernale dont je sais déjà que je sortirai brisée. Enzo, je vous hais tellement que je crois que je vais en mourir.

Le moment de grâce se termine. Le moment de presque normalité. Le regard vert se replante dans le bleu sombre. Et le baiser dément s’achève par un pacte sanglant. Gabrielle échappe un gémissement et sa bouche s’emplit du goût salé et métallique de son propre sang.

Vous pouvez rire Enzo. Oui riez de ce sang que vous faites couler. Le mien. Le vôtre. Celui de notre fils. Celui de nos aïeux. Celui de notre opprobre, de notre déshonneur et de notre ignominie. Ce sang qui nous lie et qui nous fera brûler dans les flammes éternels. Qu’il coule ce sang. Abreuvez-vous à la source maudite et qu’éclate votre folie. Qu’elle se libère. Qu’elle vous épuise. Que le soleil se lève sur ce qui restera de nous.

Gabrielle se tend et se crispe au fur et à mesure de la lente ascension de la main. Elle devrait bouger. Fuir. Lutter. Mais elle reste là, immobile, comme paralysée. La tête un peu en arrière, calée contre l’autre main de son mari, un petit rictus de dégoût sur ses lèvres ensanglantées. Elle voudrait hurler mais les mots restent coincées dans sa gorge. Il est trop grand. Trop fort. Trop près. Il suffirait qu’il resserre juste un peu l’emprise de ses doigts pour que le dernier son qu’elle entende soit celui de sa nuque qui se brise. Alors, elle reste là, impuissante, la respiration courte et hâchée. Elle sent le sang de sa lèvre qui coule le long de son menton. Une goutte tiède et visqueuse qui reste suspendue un instant avant d’aller achever sa chute silencieuse sur un sein. La langue qui vient laper le rouge lui fait fermer les yeux un instant. Gabrielle darde la sienne malgré elle. Ephémère instant de presque douceur partagée dans le sang. Et puis cette main qui se glisse sur sa gorge. La panique alors qu’elle est juste posée là. Le regard bleu qui implore la clémence. Le gémissement qui s’étouffe et se coince quand les doigts se referment. La bouche s’ouvre pour avaler l’air avant qu’il ne manque. Cette angoissante sensation d’étouffement qui embue les yeux, fait bourdonner les tempes et accélérer le coeur. Les deux mains de Gabrielle viennent s’accrocher à l’avant-bras. Dérisoire appel à l’aide. Dérisoire instinct de survie. Il s’en fout, Enzo. Il la plaque sur le mur, la tête de la jeune femme claque sur la pierre. Elle étouffe et ses os se brisent. Il la tue. Et il aime ça. Il la tue avec une délectation évidente. Il la tue et il bande. Elle mourra et il jouira. Les mains de Gabrielle s’affaiblissent et acceptent le sort qui leur est réservée. Elles mourront, comme le reste. Les doigts lâchent, les mains abandonnent et viennent se ranger sagement contre le mur dans lequel les ongles viennent s’enfoncer. Gabrielle fixe son mari, derrière le rideau larmoyant de ses yeux, la respiration saccadée, tentant de happer ce qu’elle peut pour ne pas crever.
Il peut bien dire ce qu’il veut, elle s’en fout. A l’instant de mourir qu’importe ses petites putains. Qu’importe qu’il les baise. Qu’importe qu’elle, sa femme, ait jamais eu la moindre importance pour lui. Qu’importe que tout fut mensonge ou vérité. Un baiser. Le dernier croit-elle. Et les poumons qui s’emplissent à nouveau pleinement. La tête cogne encore une fois, le dos se casse sur la pierre mais qu’importe, elle respire de nouveau. A peine le temps d’une aspiration qui vient lui déchirer sa gorge en feu que la main s’abat de nouveau. Le souffle à peine retrouvé, qu'Enzo le lui coupe violemment. Il la jette à genoux d’un coup de botte dans les tibias qui arrache un cri de douleur étranglé à Gabrielle. Et les larmes viennent se mêler au sang dans une boue infâme dont le goût l’écoeure. Le goût de la folie. Le goût de l’amour qui ne se dit pas. Le goût de la haine qui se montre. Ne pas baisser le regard, Gabrielle essuie ses yeux d’un geste de la main avant de les lever vers lui. Elle secoue faiblement la tête quand il lui caresse les cheveux d’un geste qu’il a fait mille fois avant cette nuit d’infâmie.


- Ne me touchez pas…

Le murmure est étranglé dans cette gorge qu’il a serré trop fort. Est-ce qu’elle seulement parlé à voix haute ? Est-ce que les mots ont franchi la barrière de ses lèvres ? Gabrielle est incertaine. Ca n’a pas grande importance. Il n’écouterait pas de toute façon.
L’ordre claque. Relever la tête. Ne pas baisser les yeux. Ne pas flancher. Rester fière même dans l’horreur. Se redresser. Malgré les jambes tremblantes. Faire face. Gabrielle fixe Enzo. Son amour absolu. Sa déraison totale. Son Roy et son Dieu. Son Seigneur et Maitre. Une main se tend et vient attraper un poignet masculin. Un petit sourire. L’autre main vient s’agripper sur l’entrejambe maritale. Un sourire narquois et méprisant.


- Plutôt crever!... my love...*


*Mon amour
_________________
Enzo
    « [...] There's a fine line between love and hate.
    And I don't mind.
    Just let me say that
    I like that
    I like that [...] »

    The Diary Of Jane - Breaking Benjamin


Les volets de la fenêtre venaient claquer contre le bâtiment alors que l’orage extérieur faisait son vacarme tout aussi bien que la folie du jeune noble. Un vacarme à la fois effrayant et fascinant. Ça explosait dans le ciel pour foudroyer le sol de sa lumière. Dans ce cas-ci, c'est Gabrielle qui serait foudroyée. Gabrielle qui se relevait et le regardait. Gabrielle qui osait un sourire narquois, une main sur son poignet et l’autre empoignant fermement, mais sans faire mal, son entrejambe. Le corps qui se crispe bien malgré lui, et un gémissement de se frayer un chemin sur les lèvres d’Enzo. Le regard plongé dans celui de sa femme, toujours, il ne bouge pourtant pas. Laissant les secondes s’écouler après l’éclair. Que le tonnerre vienne le moment venu. Rapidement, puisque l’orage est proche. Un menton attrapé entre ses doigts, des lèvres qui se plaquent de nouveau sur celles de sa femme et une langue qui darde pour rejoindre son homologue. Que le silence se fasse le temps que les corps s’expriment. Notamment celui d’Enzo. Un corps qu’il plaque un peu plus durement contre celui de sa femme, qui se crispe, s’imprime sur la peau, coinçant une main sur un bras et l’autre quittant le menton pour se plaquer violemment sur une fesse qu’il malmène. Fougue et déraison. Un mélange violent et passionnel. Le contrôle, il faut garder le contrôle, et pourtant Enzo n’a qu’une envie, et c’est de posséder sa femme, maintenant. Et pourtant il attend, et la main sur le bras se fait de plus en plus ferme. Le souffle se perd dans le cou, et la main quitte la fesse pour glisser contre la cuisse. La langue glisse se faisant caressante là ou avant l’étau se refermait pour faire mal. Pour faire faiblir. Pour qu’elle reconnaisse sa supériorité, le fait qu’il était le maitre. Et pourtant elle a osé. Avec ses paroles, avec son geste. Elle a osé encore. Alors la main relève la cuisse d’un coup sec, tandis qu’Enzo glisse de nouveau une main dans le dos de sa femme, la forçant à se pencher vers l’arrière. Encore. Et la langue descend. Du cou à l’épaule. De l’épaule à la gorge. Jusqu’aux seins. La langue passe entre les deux monts, puis remonte sur la gauche, attrapant l’un deux entre ses lèvres. Malmenant avec sa bouche, osant les dents. Un peu. Juste assez. Pour la faire frémir et geindre à la fois. Cambre-toi encore un peu plus, ma jolie. Offre ton corps à ma bouche, ma langue et mes dents. Frissonne lorsque j’ose frôler de mes lèvres ta peau si douce. Si douce elle a toujours été, ta peau. Et ça sent bon. C’est enivrant, nina. Si tentant. Si amusant de jouer avec vos envies. De vous faire du mal et du bien. De laisser mes envies nous diriger. Vous diriger. Laissez ma langue glisser sur votre ventre et remonter prendre un autre sein. Laissez-moi le mordiller et le maltraiter de mes lèvres avides. Obéissez-moi, amor. Livrez-vous sous les coups et les baisers. Sous cette main qui serre votre nuque et vous plaque de nouveau sur mon corps trempé.

Oh, Gabrielle. Ne me dites pas des choses comme ça. Ne me regardez pas avec ce regard méprisant. Ça n’est pas lui que je veux. Je veux celui que vous m’offrez quand votre bouche englobe l’offrande de votre seigneur et maitre. Je veux ce regard bleu sombre qui se trouble et cette étincelle vibrante de nos désirs communs. Je veux cette soumission que vous m’offrez dans nos débats les plus fous. Dans notre damnation la plus exquise. Portez-moi allégeance, ma reyne, ma putain. Laissez-moi vous assujettir, mon âme sœur. Si vous voulez mourir, ça sera entre mes mains. Uniquement entre mes mains. Si vous voulez crever ça sera uniquement sous les assauts de mes coups de reins. Foudroyée par l’éclair. Animée par des spasmes orgasmiques et vos cris libérateurs. Chérie, je ne laisserais personne vous faire du mal. Personne d’autre que moi ne pourra vous toucher, vous insulter, vous faire pleurer, vous faire plier, ni même vous tuer. Ma perte. Ma drogue. Mon aimée. Ca n'est pas la peine de vous accrocher à mon poignet. Ca n’est pas la peine d’avoir ce sourire narquois. Vous ne m’aurez pas. Pas cette nuit. Ne prenez pas cette lueur victorieuse. Ne serait-ce qu’un instant. Ne tentez pas de me faire tomber, Gabrielle. Vous n’y parviendrez pas. Non, Gabrielle. Ma femme, ma putain, ma soumise. Ce soir, je serais votre Dieu et vous ne pourrez rien contre moi. Je vous briserais et vous allez hurler. Hurler dans la nuit. Hurler sous l’orage qui pénétrera votre corps et votre âme. Taisez-vous. Vos paroles sont vaines, ma chère épouse. Vous ne voulez pas vraiment crever. Mais nous mourrons ensemble, dans l’enchainement de nos corps qui s’emboîtent, de nos souffles qui se mélangent et de nos langues qui valsent ensemble. Indéniablement. Une mort digne de notre amour. De notre infamie. De notre interdit. Je devrais vous plaquer contre le mur, de nouveau, relever vos cuisses et pénétrer en vous telle la lumière sur le plus fervent des fidèles et pourtant je nous fais languir tous les deux. Ma main maltraite votre cuisse et je vous fais vous cambrer encore plus. Pour que vous sentiez que je vous tiens. Que je suis celui sur lequel vous devez vous accrocher. Celui à qui vous devez vous soumettre, car si je vous lâche maintenant vous tomberez au sol. Durement. Je veux sentir votre corps me réclamer, vos larmes se mélanger avec vos gémissements de douleur et de plaisir. Vous voir vous tendre dans l’envie qu’on vous prenne. Je vous ferais plier jusqu’à ce que vous me suppliiez de vous abattre complètement, Gabrielle. Et vous aimerez ça. Et moi aussi. Alors n’osez pas reprendre le contrôle. Il est à moi. L’orage est là. Au-dessus de votre tête. Il est là et vous êtes sa victime. Ma victime. Mon amour de victime


- « Taisez-vous, Gabrielle. Abandonnez-vous. Soumettez-vous, nina. Jusqu’à votre dernier souffle. Crevons ensemble, amor. Jusqu’à ce que nos cris, de concert, viennent parsemer d’étoiles l’orage qui s’abat… »

Les mains se retirent et laissent de nouveau libre le corps de Gabrielle. La liberté de se cogner contre le sol, alors qu’Enzo envoie valser ses bottes et ses bas. Les mains agrippent les lacets de ses braies, qu’il tire doucement, tandis que ses yeux se posent de nouveau sur sa femme. Un regard un peu plus trouble que tout à l’heure. Qui perd un peu de son mépris et exprime plus clairement les envies. Un regard entre les mèches mouillées du jeune noble. Chaque jour nous sommes damnés, Gabrielle. Pas pour ce que je vous fais. Pas pour la violence de nos ébats. Mais pour le sang que nous partageons. Pour cette folie qui nous tient. Nous tomberons. Dans les abysses les plus profondes, dans les tourments les plus terrifiants. Je vous fais vivre l’orage et le beau temps, le grand gel et la sécheresse. Il n’y a que des mirages, jamais d’oasis pour nous, Gabrielle. Vous le savez bien. Alors je laisse tomber mes braies au sol, mon regard toujours planté sur vous. Je vous veux. Vous le savez. Vous le voyez. D’un coup de pied mes braies sont envoyées plus loin. Pas de pudeur. Pas cette nuit. Et pas avec vous.

- « Devenez l’offrande, nina. Que le sang versé se sanctifie. Soyez notre rédemption à tous les deux, notre absolution, Gabrielle… Mais avant, mais avant, amor…soyez généreuse envers votre seigneur et maitre. »

Et de l’aider impérieusement à se mettre à genoux avant de plaquer une main sur sa tête.

Trad.
Il y a une fine frontière entre l'amour et la haine
Et je m'en fous
Laisse-moi juste te dire que
J'aime ça
J'aime ça

_________________

©JD Marin
Gabrielle_montbray
« When you call my name it's like a little prayer
I'm down on my knees, I wanna take you there
In the midnight hour I can feel your power
Just like a prayer you know I'll take you there

I hear your voice, it's like an angel sighing
I have no choice, I hear your voice
Feels like flying
I close my eyes, Oh God I think I'm falling
Out of the sky, I close my eyes
Heaven help me »

- Madonna, Like a Prayer -

A l’extérieur, les éclairs déchirent le ciel noir et la pluie s’abat à grosses gouttes sur la ville. La pluie lavera la misère, les odeurs de charognes, de pisse et d’animaux. Le matin se lèvera sur un jour nouveau et des rues nettoyées. Mais là dans cette chambre, ça pue le sang et la peur. Même dans le silence, il semble bien que ça hurle dans sa tête. Les secondes passent, yeux dans les yeux. Machinalement elle compte. Un, deux, trois… Pour savoir si l’orage est loin. Quatre… Et elle tente de voir au-delà des yeux verts. De retrouver son mari derrière la folie. Cinq… Le tonnerre claque, la faisant tressaillir. Et il l’embrasse. Elle pourrait lutter, refuser, le repousser. Elle pourrait le mordre. Elle pourrait faire couler le sang tout aussi bien que lui. Et pourtant, elle l’embrasse aussi, parce qu’elle est incapable de faire autrement. Incapable de fuir. Elle luttera plus tard, juste après. Mais après… après les mains se font exigeantes et la langue caressante. Un mélange explosif. Gabrielle ne veut pas flancher, pas après les gifles, pas après les morsures, pas après l’étranglement, pas après les coups. Elle ne peut pas lui faire ce plaisir. Celui de son abandon. Ca serait tellement plus facile pourtant. Ca serait tellement agréable. Ca serait tellement bon.
Rester froide et indifférente. Peu importe le souffle chaud sur elle et la vague ondulante et tiède de sa langue. Peu importe qu’après l’avoir malmenée, battue, déchirée, abîmée, il décide de l’achever. Gabrielle se refuse à céder. Elle ne doit pas. Il ne faut pas. Enzo le sait qu’elle n’aime pas les gentils garçons. Qu’elle n’aime pas les doux, les tendres et les délicats. Il le sait qu’elle ne s’épanouit que dans les étreintes violentes, dans les gestes brusques, dans les paroles dures. Oh oui, il le sait que Gabrielle ne l’aime jamais tant que quand il lui annihile toute volonté de résistance, toute capacité de défense. Il sait que rien ne l’affole plus que le claquement de ses bottes, que sa voix rauque à l’accent gascon qui lui susurre des mots abominables. Plus il exige et contrôle, et plus Gabrielle s’épanouit. Elle lui appartient, corps et âme. Et elle aime ça. Mais son esprit fait parfois de la résistance. Enzo peut crever, cette nuit, Gabrielle sera insoumise. Cette nuit, elle ne pensera qu’à sa lèvre en sang, qu’à son cou tuméfié et à ses tibias douloureux. Cette nuit, rien ne la fera flancher. Pas même cette main autoritaire qui se glisse sur sa cuisse. Pas même cette bouche qui fait de son corps son terrain de jeu. Pas même… Oh God*. Ce putain de gémissement qu’elle n’arrive pas à retenir. Serre-moi plus fort, Enzo. Mord-moi. Fais-moi mal. Aime-moi. Fais-moi du bien. Fais-moi soupirer. Fais-moi tanguer. Chavire-moi. Gabrielle gémit de nouveau. Bien malgré elle. Elle se mord la lèvre pour s’obliger à se taire, ce qui fait monter un nouveau gémissement, et fait couler le sang encore une fois. Oh non, Enzo. Non. Je vois ce que tu essaies de faire. Et je ne veux pas. Pas cette nuit. Pas dans ta folie.

Enzo la plaque contre lui, et elle se retient. Ne pas fermer les yeux. Ne pas se laisser aller. Ne pas aimer cette main forte et impérieuse dans sa nuque. Ne pas respirer ce mélange de pluie et de savon sur sa peau. Ne pas obéir à la loi et aux désirs masculins. Gabrielle lutte contre sa nature profonde. Lutte pour ne pas sombrer, les bras en croix en signe de soumission absolue. Elle résiste pour ne pas dire à Enzo de faire d’elle ce qui lui plaira selon son bon plaisir. Elle lutte pour ne pas aimer ça. Une main vient s’accrocher au bras musclé. Elle n’a pas le choix, il la tient au-dessus du vide. S’il lâche, elle chute. « Soumettez-vous, nina ». Gabrielle est au bord de capituler. Mais les mains l’abandonnent et elle s’écroule sur le sol. Le choc vient réveiller les chairs maltraitées, lui faisant monter les larmes aux yeux et lâcher un petit cri. Enzo, pourquoi me fais-tu ça ? Pourquoi ? Gabrielle se relève. C’est douloureux. Dehors, dedans, sur sa peau marquée, dans son cœur secoué et dans son âme perdue. Partout, c’est douloureux. Elle a l’impression que cette nuit n’en finira pas. Que le soleil ne se lèvera plus jamais. Elle a l’impression qu’elle ne sourira plus jamais. Il va la tuer. Quelle autre issue possible ? Il est là, devant elle. Immense. Sublime. Terrifiant. Gabrielle empêche sa main d’aller lui redresser une mèche de cheveux mouillé et de s'égarer sur une joue, dans son cou. Le bleu dans le vert. La peur et le désir. Le trouble. Les braies tombent sur le sol. Il va la tuer. Ses paroles ne laissent aucun doute. Plus de résistance. Gabrielle tombe à genoux. Les yeux se lèvent vers Enzo. Des yeux larmoyants. Elle ne veut pas mourir. Se soumettre pour vivre. Une supplique franchit la barrière des lèvres de la jeune femme.

- S’il vous plait…

Elle ne veut pas faire ça. Pas comme ça. Mais elle n’a pas le choix. Alors elle obéit. Un acte fait cent fois avant cette nuit. Agenouillée, prosternée devant la toute puissance masculine. Le regard toujours vers le haut. Les joues mouillées de larmes. Gabrielle rend grâce à son Seigneur et Maitre. Une communion laïque. Les larmes, le sang et le foutre. La vie. Un instant d’éternité. Si elle doit mourir cette nuit, s’il doit la tuer, ça sera son dernier geste pour lui.
Come, my love**, regarde-moi et souris-moi. Aime-moi. Moi je t’aime. C’est la seule liberté qu’il me reste. La seule que tu me laisses. Soumets-moi, force-moi, dirige-moi, brise-moi, déchire-moi. Après tout qu’importe, si tel est ton plaisir. Moi je t’aime. Pardonne-moi…

Come, my love.
Si telle est ta volonté, je la fais mienne.


Traduction de la citation :
Quand tu prononces mon nom c'est comme une petite prière
Je suis à genoux, je voudrais t'amener ici
A l'heure de minuit je peux sentir ton pouvoir
Comme une prière tu sais que je t'amènerai ici

J'entends ta voix, c'est comme un ange qui soupire
Je n'ai pas le choix, j'entends ta voix
C’est comme si je volais
Je ferme les yeux, oh Dieu j'ai l'impression de tomber
Du ciel, je ferme les yeux
Paradis aide moi

* Oh Dieu
** Viens, mon amour (en anglais to come = venir ou jouir)

_________________
Enzo
    « [… ] Like some child possessed, the beast howls in my veins
    I want to find you, tear out all of your tenderness
    And howl, howl
    Howl, howl […] »

    Howl - Florence and the machine


Enzo ne sait plus très bien pourquoi la colère est venue. D’un rien, comme toujours. Une dispute, Gabrielle qui prend un peu trop de liberté, qui use de sa langue pour lui faire rabattre le clapet. Comme souvent. Une rage froide qui s’immisce, un ego heurté sans doute. Il aurait pu aller la baiser la blonde. Lui foutre quelques coups de reins pour se calmer. Boire quelques verres avec Christopher et se dire que sa femme n’est qu’une petite merde. Qu’elle ne le mérite pas. Qu’elle ne mérite pas tout ce qu’il a sacrifié pour elle. Même s’il est un mari épouvantable. Il aurait pu se faire croire qu’elle n’est rien. Qu’une petite salope bonne au lit qu’il a marié pour qu’elle lui fasse de beaux enfants. Il aurait pu se dire qu’il ne l’aime pas. Se répéter mille fois qu’il la déteste tout en s’enfilant des verres de calvados à en finir ivre, avec une envie de pisser et de vomir. Il aurait pu, et pourtant il ne l'a pas fait. Il est venu. Les mains sur elle. Il est venu, caressant et violent. Mordant, arrachant, brisant. Il est venu dominant asseoir son autorité, son pouvoir sur sa femme. Ça hurle dans la tête du jeune homme. Ça cogne la cacophonie. Un charivari insoutenable. Tout éclate dans cette folie qui ne leur est pas étrangère, et Enzo de regarder Gabrielle, les yeux troubles, le corps tendu, la réclamation évidente. Calmez l’orage. De votre bouche et votre langue. Soyez mon tranquillisant. Ma drogue nécessaire. Gabrielle. Je veux arracher votre cœur, votre âme. Je veux marquer votre corps. Le silence absolu. Il n’y a plus que la pluie qui cogne contre la fenêtre. Que les éclairs qui, parfois viennent illuminer la nuit et leur ignominie. Que cette main qui s’apaise un peu, dans les cheveux de Gabrielle. Qui se fait un peu moins impérieuse. Qui devient un peu plus caressante. Légèrement. Le jeune homme ferme un instant les yeux, se laissant le droit de ressentir, le droit de s’abandonner un peu et de calmer l’orage qui gronde. Juste un instant. Juste quelques secondes avant de porter son regard sur sa femme. Un regard adouci. Juste un peu. Il ne sait plus du tout ce qui animait sa colère. Pourquoi il a frappé. Il n’y a plus que cette bouche sur lui. Cette prière qu’elle lui fait. Le bien que ça lui procure. Et Enzo soupire. Elle a les yeux larmoyants, la lèvre blessée, il s’en fiche. Elle calme son orage du bout de sa langue. Il lui voue ses soupirs et ses nuits. Son regard sur elle. Son amour. Éternel et violent. La folie est encore là, tapie dans la tête d’Enzo.

Et pourtant le sourire se fait moins narquois. Le corps se crispe moins, et la main se fait toujours un peu moins impérieuse. Encore un peu, Gabrielle. Ne pleurez pas. Ne dites rien. Faites juste. Venez me chercher. Venez chercher le mari en moi. Repoussez de votre langue douée, de votre bouche gourmande, cette folie qui est mienne. Mon amour, libérons-nous entièrement. Laissons nos propres dieux décider de nos agissements. Oublions que ce que nous faisons est mal. N’y pensons pas. Ne pensons pas que ma main qui frappe ne devrait pas. Ne parlons pas des cordes que j’attache parfois à vos poignets dans nos ébats tourmentés. Ma douce.Nous nous aimons dans la violence. Dans le sang, les larmes et le foutre*. Ne pleurez pas sur la violence de mes envies. N’ayez plus peur de ce regard qui se porte sur vous. Oh, Gabrielle. Vous avez ma rédemption. Je noie nos pêchés en soupirs et gémissements. Les entendez-vous ? Entendez-vous mon pardon s’exclamer dans cette pièce. Dans cette chambre qui ne sera plus jamais pareille. Écoutez nina. Écoutez la confession vous être octroyée.


- « Redressez-vous…»

Vous ne boirez pas jusqu’à la lie l’expression de notre amour dérisoire. Pas cette nuit. Les doigts glissent sur sa peau, et ses yeux vont se perdre dans ceux de Gabrielle. Un instant d’égarement sans folie. Un instant amoureux où ses lèvres retournent toucher celles de sa femme et offre plus qu’il n’arrache. Que Gabrielle laisse hurler sa démence. La brûlante envie qui le tenaille. Qu’elle le laisse la posséder et qu’elle crie, qu’elle hurle d’aimer ça. En elle. Entre ses cuisses. Sceller dans le foutre leur union interdite, leur infamie. Gabrielle est poussée vers le lit, alors qu’Enzo plonge sur elle tel un chasseur sur sa proie. Les poignets attrapés, et plaqués sur l’édredon. Le regard dans celui de sa femme. Encore. Il n’y a plus seulement de la folie dans son regard. Il y a ce petit autre chose. Juste pour elle. Pour la femme qu’elle est. Qu’elle représente. Pour l’amour qu’il a pour elle. Cet amour violent et destructeur. Cet amour dont il ne voulait pas et dont il ne sait se détacher. Un poison si délectable qui vient dévorer de l’intérieur jusqu’à ce que la mort s’abatte. Il n’est plus utile de prier les saints. De penser aux pêchés commis. À leur damnation. Enzo retourne Gabrielle sur le lit et se penche sur elle gardant les poignets plaqués au-dessus de la tête de cette dernière. Il se penche et les lèvres glissent sur la nuque, tandis que le torse se plaque au dos de sa femme. J’ai envie que notre sang se répande Gabrielle. À tous les deux. Qu’il s’unisse comme nos gémissements. Alors la langue revient, caressante et brûlante sur votre peau. Mon corps se plaque un plus et mes mains se font plus serrées sur vos poignets. Et je hurle. Je hurle quand mon bassin se colle sur votre cul, et que je vous offre un de ces coups de rein conquérants et violents. Je gémis dans votre cou, mon souffle venant violer votre peau de sa chaleur, ma langue d’aller s’imprimer et sucer les tissus de chair pour étouffer mes cris et mes envies. Gabrielle. Je vous aime. Je vous idolâtre. Je vous donne tout ce que je peux. Dans ma folie. Dans mon amour. Dans ma rage et dans ma passion. Je vous offre ma puissance et ma vigueur. Sanctifions nos ébats de nos orgasmes communs. Venez. Gabrielle. Venez. Je vous guide. Je vous tiens. Je vous aime. Toujours un peu plus. Toujours un peu plus rapidement. Toujours plus loin. Ne cherchez pas à nous séparer. Pas tout de suite. Laissons-nous aller. Laissons-nous bercer pas nos enfers. Que l’orage se termine en douce pluie fraîche. Oh Gabrielle…

- « Haïssons-nous… »

*JD Gab.
Trad. Comme un enfant possédé, la bête hurle dans mes veines
Je veux te trouver, t'arracher toute ta tendresse
Et hurle, hurle
Hurle, hurle

_________________

©JD Marin
Gabrielle.montbray
« Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu'aujourd'hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu'elles ne cessent pas d'obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu'à l'esprit. Qu'il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu'elles ont simplement besoin d'un bon maître, et qui se défie de sa bonté. »
- Jean Paulhan -

A genoux, comme pour la prière ou pour recevoir l’obole consacrée. A genoux, baillonnée de la manière la plus indécente qui soit. Chuuut Gabrielle, tais-toi et obéis-moi. Tais-toi et soumets-toi à mes désirs et à mes folies. Tais-toi et fais-moi du bien. Reçois-moi en toi avec gratitude et respect. Sois-en honorée. Les yeux bleu sombre ne quittent pas le visage du seul dieu qu’ils reconnaissent. Un dieu fou et dominant. Un dieu qui se joue d’elle et de son cœur. Un dieu qui la fout en l’air, chaque jour un peu plus. Qui l’entraine dans son olympe violent et tourmenté. Mais puisqu’il le veut, elle le fait soupirer et gémir du bout de la langue. Avec patience et dévotion. Avec abnégation et soumission. Pour apaiser. Pour contrer la folie. Pour calmer la violence. Ca lui fait mal ce geste, aux tibias, à la lèvre, au cœur. Ca lui donne la nausée. Ca tape au fond de sa gorge que la main presque douce sur ses cheveux a serré si fort juste avant. Ca lui donne envie de hurler. De le repousser. De lui cracher à la gueule et de fuir. Mais elle ne fuira pas. Jamais. Quoiqu’il fasse. Elle le sait et il le sait aussi. Alors elle obéit, comme la vulgaire catin qu’il a décidé qu’elle serait cette nuit. Sans plaisir, sans envie, elle fait aller sa langue et sa bouche dans un geste qu’elle n’arrive pas à rendre tout à fait mécanique. Par habitude. Parce que c’est lui. Parce que d’habitude, quand il est juste brusque, impérieux, passionné mais pas fou, elle lui fait don d’elle-même avec une délectation immense. Mais pas cette nuit. Elle espère la délivrance proche. Qu’il explose et l’éclabousse de sa rage et de sa haine. Qu’il en finisse. Que l’amertume lui remplisse la bouche, lui brûle la gorge et les entrailles. Et ça sera terminé. Mais il en a décidé autrement. Le supplice doit se prolonger. Encore et toujours.

Gabrielle se relève, elle s’étonne de tenir encore debout. Elle voudrait s’allonger et dormir. Sombrer dans le noir d’une nuit sans cauchemars ni rêves. Mais le Seigneur et Maitre décide et il sera fait selon sa volonté. Quelle qu’elle soit. Un moment de flottement. Les yeux verts d’Enzo plongent dans le bleu sombre de ceux de Gabrielle. Un regard presque normal, un trouble amoureux qui ne la fige pas sur place. Elle le trouve insoutenable pourtant ce regard. Parce qu’elle sait bien que ça n’est pas fini. Pas encore. Pas tout de suite. Il doit achever de la briser. Pourtant elle ferme les yeux quand il l’embrasse. Pour un instant seulement croire que tout va bien, retrouver le monde et la vie. Quitter la misère et la peur. Pour un instant seulement. L’orage s’était éloigné mais il n’était pas terminé. Alors qu’il plonge sur elle avec cette envie destructrice de possession, elle le regarde, ne pas frémir, ne pas baisser les yeux, ne pas lui montrer ni la peur ni… le reste. De la froideur et de l’indifférence malgré le frémissement quand les poignets sont plaqués contre la couche. Malgré le trouble toujours bien présent dans son regard à lui. Tu peux crever Enzo, pas cette nuit. Viole-moi si ça te plait. Si c’est ça qui t’excite. Prends-moi sans mon consentement. Tu n’en as pas besoin. Ce qui est à moi est à toi. Mon corps comme le reste. Viens. Profite. Jouis. Je n’en ai rien à foutre. Alors tu peux bien répandre le tien où il te plaira sur moi, en moi, tu n’obtiendras rien de plus.
Gabrielle a un léger mouvement de résistance quand il la retourne. Une résistance bien inutile. Une résistance un peu imbécile. Il la plaque contre le lit, les poignets solidement coincés. Elle le sent dans son dos, dans sa nuque. Si elle osait, si elle acceptait, elle sourirait de le sentir contre elle, lourd comme un cheval mort. Dans leurs nuits insensées, elle aime qu’il la coince, qu’il la plaque, qu’il la serre. Elle aime même quand il la retourne violemment, qu’il lui appuie sur la nuque et qu’il la force à se cambrer, parfait réceptacle à ses désirs conquérants. Mais pas cette nuit. Malgré cette langue reptilienne et chaude qui glisse et dessine des arabesques sur sa peau. Malgré ses poignets douloureux entre leurs étaux de chairs. Malgré le cri de rage quand il s’enfonce en elle jusqu’à la garde. Elle ne peut retenir un cri, de douleur, de surprise et…. Non. Juste ça. Douleur et surprise. Le va et vient la déchire et l’incendie de l’intérieur. Et c’est… ça ne doit pas pourtant, il ne faut pas… mais, oh God, que c’est bon. Mord-moi Enzo. Oui, comme ça. Plus fort. Serre plus. Va plus vite. Plus loin. Fais-moi mal. Juste un peu. Juste pour de faux. Mais assez pour que je contemple les marques violacées sur ma peau demain. Marque-moi. Pose tes mains sur moi. Ta langue. Tes dents. Ta b… Toujours plus. S’il te plait. Oh oui, Enzo haïssons-nous encore et encore. Nous faisons ça tellement bien. Le précipice est là, je ne vois pas le fond, je te regarde, je te souris et je fais le saut de l’ange. Je sais que tu me rattraperas avant que je ne heurte violemment le sol. Fais-moi jouir, bloody bastard*. Fais-moi gémir plus fort que la pire des putains du port. Tu as toujours été doué pour ça. Très doué. Mon amour détesté. Mon salaud de mari.

Encore. Voilà, comme ça.

Et mon âme décolle pour rejoindre la voûte céleste. Je fais l’amour avec les étoiles. Je suis une et multitude. Je n’existe plus. Je ne suis plus. Je m’éparpille dans l’orage qui claque au dessus de la ville. Je suis l’orage. Je suis la nuit. Je suis pucelle et catin. Je suis l’éphémère et l’éternelle. Je ne sais plus si je suis feu ou glace. Il me semble que mon souffle et mon cœur s’arrêtent. Il me semble que le silence se fait. Il me semble que c’est assourdissant pourtant. J’explose dans un cri et je me liquéfie alors que mon corps se crispe et se tend à en décoller du lit, à m’en faire mal aux muscles et aux os. La chute est rude. J’en ai le souffle coupé. Mon cœur me semble vouloir sortir de ma poitrine. J’ai l’impression d’être morte. Je vis pourtant. Donne-moi un peu de temps. Que mon esprit réintègre mon corps. Que je me rappelle où je suis. Que je reprenne possession de moi-même. Et ce soupir que je n'arrive pas à retenir.


- Enzo…

... je crois que tu m’as eu. Et je ne sais pas encore si je vais te le pardonner.

*plus ou moins « sale connard »
_________________
Enzo.montbray


    « [...] J’ai beau adorer vous détester
    J’ai beau adorer vous lapider
    J’ai beau adorer l’odeur de votre corps à demi brûlé
    Toujours et encore les remords
    Viennent manger mon corps [...] »

    Les remords ont faim – Pierre Lapointe


- « Gabrielle…»

Le prénom étouffé dans un soupir suivi des dents qui s’enfoncent dans la peau d’une épaule alors que les corps se rejoignent dans les étoiles. Un instant. Un moment de communion totale entre les corps et les âmes. Je vous ai peut-être eu, mon amour, mais vous m’avez eu aussi. Un peu. De la colère, il ne reste plus que mon souffle rauque qui s’évade, que ma respiration haletante et mon corps en sueur. Il ne reste plus que les marques sur vos poignets, mes dents dans votre cou, les traces des coups infligés avant. Je vous ai eu, mais vous avez été ma libération, le réceptacle parfait de ma fureur, un tranquillisant des plus efficaces. Ne m’en veuillez pas. Pardonnez-moi cet orage, comme tout les autres avant, et ceux qui viendront. Ne me haïssez pas trop. Seulement dans nos ébats. Oh, Gabrielle. Je vous tiens. Je ne vous lâcherais pas. Pas tout de suite. Restons ainsi, les corps alanguis, dans les bras l’un de l’autre. Le temps que nous pouvons, avec que la réalité nous rattrape complètement. Ne sont-ce pas des bras amoureux qui vous tiennent là, un instant. Un moment rare. Un moment qui ne devrait peut-être pas avoir lieu, pas maintenant. Puisque je suis un salaud. Puisque je vous ai violenté, forcé à l’humiliation. Forcé à l’amour. À cet amour passionné et destructeur. À ces actes violents et intenses. Je ne devrais pas vous tenir ainsi, de cette façon, laisser mon nez frôler votre peau et remonter dans vos cheveux, relâcher un poignet et engouffrer ma main dans les méandres de votre coiffure. Ma belle aimée, ne m’en veuillez pas de ces ébats interdits, de ces mains violente et douce, de mes mots crus et faux. Mon âme sœur, laissez-moi encore vous tenir quelques secondes, vous tenir le temps de votre absence, vous retenir pour que vous ne sombriez pas trop loin, que vous puissiez revenir, reprendre possession de votre corps. Je suis là. Je ne vous quitte pas. Pas tout de suite. Encore quelques minutes. Pardonnez-moi cette nuit orageuse, ma bien-aimée, parce que moi… si vous saviez ce qui se trame dans ma tête. C’était si bon. Si intense. Si excitant. Ma bouche vient brûler une marque faite dans votre cou et je me détache, mes yeux se déposant sur vous, un instant. Votre corps. Vos marques. Mon œuvre. C’est beau et laid. Terrifiant et affolant. Une main glisse le long de l’échine, puis je recule, secouant la tête.

- « Rhabillez-vous… »

C’est le marasme. Une asphyxie longue et mortelle. Je le sens en moi, ce petit feu que je tue à chaque assaut, à chaque trahison, à chaque regard méprisant que je pose sur vous. Et pourtant je ne fais rien contre. Vous faire mal est mon plaisir, vous voir plier, gémir de douleur et de plaisir me plaît. Ça me fait bander et jouir. Et j’ai honte. Une confusion qui s’installe et m’empêche de bien raisonner, m’empêche de bien accepter l’art dont je vous éclabousse. Il ne me reste plus que mon opprobre et votre corps marqué, comme un chien pisserait sur un arbre pour marquer son territoire. GabrielleEnzo déglutit et recule encore un peu, attrapant ses braies qu’il enfile un peu nerveusement. Ses yeux se posent de nouveau sur sa femme, ne sachant que dire, que faire. Rester. Partir. Parler. S’excuser ? Entre la honte et le plaisir certain ressenti, il ne sait pas bien dans quoi voyager. Envie de se faire pardonner, mais de quoi ? Puisqu’il y a pris son pied. Ne pas se laisser consommer par les humeurs et les sentiments. Reculer encore. Remettre un masque, le temps de reprendre contenance dans cette histoire, cette tragique nuit. L’indifférence. Un peu. Oublier. Ne pas voir l’étendue des marques, oublier les sanglots qu’il a vu. J’ai honte, nina. Alors Enzo s’habille et jette un dernier regard sur sa femme, s’éloignant silencieusement. Ne rien ajouter, cela ne sert à rien. Un léger sourire, un peu troublé, un brin honteux et les talons se tournent et se dirigent vers la porte. Mettre de la distance. Un peu. Il va aller boire un coup. Ça lui fera du bien.

Demain...On verra.
Pardonnez-moi.


Gabrielle.montbray
« Tu as désolé ma nuit de rites funèbres ou cruels. Tu m’as détrempée, décousue, habillée de morsures et tu as lacéré mes reins. Tu m’as suspendue devant les flammes. Tu as étiré mon ombre au rythme de sévères cinglées. Tu as repoussé mon sommeil. Tu as considéré mes blessures. Tu n’as mis un terme à mon supplice que lorsque le soleil s’est levé. Alors j’ai mesuré le bien que tu m’avais fais. »
- Michel Plessier, Eloge de le Servitude (passage du « je » au « tu ») -

Cent fois, elle s’était jurée qu’on ne l’y prendrait plus. Cent fois, elle avait trahi sa promesse. Cent fois, elle avait claqué la porte. Cent fois, elle était revenue. Les bras tendus, le cœur ouvert et l’âme à nu. Il la tenait. Des liens bien serrés. Des chaines incassables. Et elle aimait ça. Malgré tout le mal que ça lui faisait. Il pouvait bien crever cette nuit, elle ne lui avouerait jamais en cet instant. Mais elle profitait de ce corps trop grand et trop lourd qui l’écrasait. De cette main qui se glisse dans ses cheveux. De cette bouche qui s’égare dans le cou, trop tendrement, trop doucement. Le calme après la tempête. Et la victime est tout aussi troublée que son bourreau. Entre jouissance et honte. Entre remords et regrets. Entre encore et plus jamais. Gabrielle ne sait plus vraiment si elle veut qu’il parte ou qu’il reste. Si elle hait ou si elle aime. Elle ne bouge pas. Elle reste là, allongée sur le ventre, sur cette couche à peine froissée. Maltraitée, humiliée, souillée. Le foutre et le sang. La vie et la morte. Eros et Thanatos.

Pars, Enzo. C’est mieux. Que tu ne vois pas le tourment qui m’agite. Que tu ne devines pas que, peut-être, par delà les larmes et la douleur, il y a eu l’extase et le plaisir. Que tu ne soupçonnes pas que je pourrais bien avoir envie de te supplier de recommencer un jour. Ca me plait de te plaire. Ca me plait de te faire plaisir. Ca me plait de te faire bander. Mais pas comme les autres. Pas comme ces putains blondes que tu retournes. Je suis la seule à te faire vasciller de l’autre côté. Celle à qui tu montres ta partie la plus sombre, la plus folle, la plus dangereuse. Celle que tu n’oserais montrer à nulle autre que moi. Là est ma fierté. Là où tout le monde ne voit qu’humiliation et soumission, moi j’y vois la preuve de ton amour pour moi. Ta fêlure. Celle par laquelle entre la lumière.
Pars, Enzo. C’est mieux. Que je ne sois pas tentée de parler. De dire l’indiscible, le secret, le caché. De mettre des mots sur ce que nous taisons mais que nous savons pourtant toi et moi. C’est peut-être parce que nous ne mettons pas de mots dessus que ça nous vrille et nous déglingue. Peut-être que c’est trop fort pour nous. Trop intense. Trop violent. Au delà d’un « je vous aime » pathétique. D’une déclaration sordide qui nous gênerait tous les deux. Dans nos phrases avortées, dans nos regards tourmentés, dans nos mains qui se tiennent et dans nos corps qui se heurtent, il y a tout l’amour du monde. Ca fait beaucoup pour nos deux âmes égarées. Oui, pars. Je ne voudrais pas te dire que tu es mon paradis perdu, mon complément d’âme et mon éternité. Je te dirais aussi que tu es un petit con, un salaud et mon enfer incarné.
Que je voudrais que tu crèves en souffrant. Que je te préfèrerais mort et fidèle que vivant et coureur. Que je m’en fous de toi. Que tu peux bien disparaître. Je voudrais éviter mon regard méprisant. Je voudrais ne pas avoir à te repousser. Ne pas avoir à forcer mes mains à te rejeter quand elles ne voudraient que te retenir. Tremblantes et amoureuses. Traitres à mon esprit mais loyales à mon cœur et à mon âme.

La porte se referme et laisse Gabrielle seule. Ca coule entre ses lèvres. Un goût de sang métallique et salé. Ca coule entre ses jambes. L’indécence d’une étreinte violente et interdite.

Demain est un autre jour.
Demain, tout ira bien.
Demain, vous recommencerez... Mon Seigneur et Maitre.

S’il vous plait ?

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)