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[RP] Le Péril Jeune.

Solweig
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    Veuve.


Un simple mot pour désigner quelqu'un. Net et sans bavures. Veuve noire ou blanche, qu'est-ce qu'on s'en fout. Veuve c'est bien, ça va droit à l'essentiel, d'autant plus lorsque l'on vous réduit à ce simple état. Y'a personne derrière, non non. C'est qui ? Personne, rien qu'une veuve. Ne reste plus qu'à se trimbaler la pitié du monde, des gens sur le coin de la gueule. Bien en évidence même, parce que ça creuse les joues, les cernes ; et ça courbe l'échine doucement mais sûrement. Ils vomissent leur hypocrisie, et Solweig hoche la tête.

Pour sûr qu'elle n'a pas toujours été veuve, la Solweig. Quand même pas. Avant d'adopter le noir, c'était la "femme de". Logique. D'ailleurs femme de qui ? D'un bourreau. Elle préparait les cordes de chanvre pour les futurs décédés, entre autres. Encore avant elle avait été cette adolescente gênante au regard critique, trop avide de vivre pour rattraper sept années perdues, dont on cherchait à se débarrasser. Et pour commencer sa vie, on l'avait faite malingre.

Pour résumer : on l'avait balancée dans la vie sans lui demander son avis, et depuis elle se contentait d'essuyer les tempêtes, d'en sortir vivante et d'attendre le noir. L'obscurité, pas la mort. Avant même d'avoir atteint la trentaine, Solweig Rowlan n'était déjà plus qu'un tas de raccrocs. Une pierre grossière.

Voilà.


* Titre du film de Cédric Klapisch

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Solweig
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    Chapitre 1 : Dieu te fera malingre.


Personne n'a jamais su pourquoi Solweig était née avec un métabolisme aussi capricieux. Des quilles qui tiennent pas la route, quasi muette, enchaînant tour à tour les maladies. À trois ans, on la destinait déjà garder le lit dans l'attente de la voir mourir. Les parents qui se croyaient punis par le bon Dieu la regardaient comme une erreur qui devait être réparée et avaient mis en route un autre marmot, persuadés que leur chair ne passerait pas l'hiver. Coriace bien que chétive, la gamine survécut à celui-ci ainsi qu'à tous les autres.


Les années passèrent donc et la souffreteuse s'évertuait à rester en vie et aphone au grand dam de ses géniteurs. La maisonnée s'était encore agrandie de deux bouches à nourrir, si bien qu'on considérait l'ainée comme faisant partie intégrante du décor. On passait devant l'enfant comme on passe devant un mendiant, sans la voir, hormis les soirs de grosse toux ou de fièvre. Le paternel pria pour qu'on leur enlève ce suce-moelle, ce gouffre à revenus inutile, mais en vain.

Murée dans un silence immuable, Solweig grandissait en observant son monde, apprenait d'eux en simple spectatrice. Elle se répétait les mots entendus, là-haut, dans le caisson. Et quand à dix ans elle se mit enfin à causer faiblement, elle se heurta à un mur. Ils n'écoutaient pas, plus. Pauvre gosse. Les grincements de dents commencèrent, ses expressions se firent plus franches, bien que teintées d'incompréhension envers ses géniteurs. Son esprit s'affuta de lui-même, il faut croire. Un déclic. La nature l'avait faite malingre, la vie l'avait rendue grande. Déjà.


Et lorsque le courage d'aller vivre avec les autres, de faire un pas, se montra : l'Erreur Familiale quitta son lit.
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Solweig
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    Chapitre 2 : Ma petite tu es... blessante.


Seize ans déjà que la progéniture à son papa emmerdait le monde. Les traits de l'enfance s'étaient estompés au profit d'une silhouette digne d'une brindille. À croire que les os manquaient de lui percer la peau à chaque instant qui passait. Mais le pire, c'était pas tant qu'elle manque de s'envoler à chaque coup de vent ou quoi, non, c'était pas ça. Le pire c'était que depuis qu'elle causait, on ne l'arrêtait plus. Ça, en plus de sa fascination pour le corps humain, faisait d'elle une étrangère à sa propre famille. Ils ne la connaissaient pas, et ne voulaient pas la connaître.

Rien de grave quand on a un monde à soi dans la tête.

La nuit, Solweig griffonnait des théories fumeuses sur quelques feuilles volantes. Le jour, elle s'empressait de les mettre en pratique. Mais étrangement, les gamins du voisinage refusaient de se prêter à ses expériences, et l'adolescente se voyait systématiquement reléguée au rang de "monstre". Soit. Ne pouvant obtenir la coopération des uns ou des autres, ces peureux, il ne restait plus qu'elle-même. C'est ainsi que deux entailles firent leur apparition sur son avant-bras gauche, peu après le coude. L'une très légère, l'autre plus profonde. Le but de tout ceci étant de comparer la vitesse de guérison. Tu parles d'une belle affaire ! Non seulement on lui fila la raclée de sa vie, mais on altéra également les résultats de son essai en foutant des cataplasmes dessus.

Les mois qui suivirent cet épisode furent particulièrement pénibles pour l'ainée.
Son cerveau était devenu trop actif, trop en demande. Il ne s'arrêtait plus. Même la nuit.

Un jour de cagnard, Solweig tomba sur le cadavre d'un chat vraisemblablement crevé de soif ou de faim. Elle l'observa longtemps, assise à ses côtés. Mais ça ne suffisait pas. Quelques heures plus tard, on la retrouva penchée sur ce pauvre matou ouvert de part en part, en train de prendre des notes. On cria au meurtre, à la possession même ! pour les plus extrêmes. « Je voulais simplement comprendre pourquoi mes jambes avaient mis si longtemps à fonctionner » ... voilà ce qu'elle s'égosillait à répéter. En vain.

En moins d'un mois, on lui trouva un prétendant à sa hauteur. Un bourreau. Deux mois plus tard, elle partait.
Bon vent, la tueuse de chat.

Solweig écrira quelques années plus tard dans un journal : « Mère m'a souri ce jour-là. »

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Solweig
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    Chapitre 3 : Des relations humaines. Ou pas.


Le lendemain des noces.

- « C'est étrange, il pleut à l'intérieur... »
- « Il ne pleut pas. Vous pleurez Solweig. »
- « Ah. »


Assurément, son mariage n'avait rien de commun avec ceux dont on faisait l’apologie dans les contes pour enfants. Pas de canasson blanc à l'horizon, ni de preux chevalier ferraillé. Rien qu'un bourreau imposant, craint et méprisé par la populace. Lui, aussi massif qu'elle était frêle. Aussi agité qu'elle était calme. D'apparence aussi menaçante qu'elle ressemblait à un agneau. Mais un agneau tueur de chats quand même. Elle en chiala longtemps, puis de moins en moins, et pour finir plus du tout. Si l'équilibre marital fut bancal durant plusieurs mois, au bord du calvaire, il n'en était plus rien au bout d'un an. A croire que le couple avait trouvé un terrain d'entente.

Vrai. Ils se nuançaient. L'amour était toujours aux abonnés absents, cependant. Mais ne sachant pas quels en étaient les symptômes à l'époque, Solweig ne s'en préoccupa pas. Un ami c'était déjà bien. Son premier. Quelqu'un à qui causer, exposer ses théories foireuses, les yeux brillants comme un gosse qui croirait avoir découvert un trésor. Il l'avait réparée. Elle lui avait rendu la pareille en effectuant son devoir conjugal de bonne grâce. La première fois, il semblait qu'on l'avait déchirée à l'intérieur ; elle avait poussé un grand cri, resserré les cuisses, et puis s'en était pris à sa lèvre inférieure quand elle avait vu le sang. En silence. Preuve que l'acte était mauvais pour le corps puisqu'il vous enlevait un peu de vie.

Ils ne se touchèrent plus sauf cas de nécessité. La douleur avait fini par disparaître, mais ce n'était toujours pas agréable. Ça vous exténuait trop. Vous finissiez poisseux et transpirant. Et puis les bruits... Non, vraiment, c'était répugnant. En plus, la pauvre ne savait jamais comment ni où se mettre. Ses membres étaient trop longs, trop encombrants, et ses os trop pointus. Maladroite ? Oui. Comme lui. Ce qui avait au moins le mérite de les faire rire. Se marrer pour dédramatiser, c'est pratique. Ça évite les silences gênés.

Le seul enfant de cette union qui vit jamais le jour fut la tendresse. Mutuelle. Et inaltérable.

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Solweig
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    Chapitre 4 : Et tu observeras son corps se balancer au bout d'une corde.


Elle était belle la bourrelle.
Et elle sentait bon la fleur nouvelle.


- « M'accompagnerez-vous aujourd'hui ? »
- « J'ai déjà écrit sur les têtes coupées, le bûcher et l'enfouissement... »
- « J'ai un homme à pendre. Vous n'avez pas griffonné là-dessus. »


Quelques heures plus tard on retrouvait mari et femme dans la même charrette que le condamné. Un voleur de bas étages plutôt sympathique au premier abord. Il était assis entre eux deux, tandis que Solweig était occupée à nouer la cravate de chanvre qui ornerait bientôt le col du mauvais bougre. Ce dernier ne semblait pas particulièrement paniqué à l'idée de perdre la vie. Comme tous les autres. L'émotion ne les atteignait vraiment que lorsqu'ils voyaient le lieu de leur exécution. Ce qui ne loupa pas.

La mise à mort sommaire de cet homme fut aussi violente qu'elle l'avait imaginée. Un saut dans le vide, un grand crac, et puis plus rien. Et derrière, la foule en délire, barbare. Si la complexité du genre humain lui échappait toujours, en revanche Solweig s'améliorait dans ses observations. Son obsession pour le corps l'obligeait à tout noter. Tout jusque dans les moindres détails. Après coup, ce feuillet irait rejoindre la centaine d'autres qu'elle conservait précieusement. Le fruit de son travail. Son trésor dont elle était la seule à comprendre le sens.

Un jour elle arriverait à percer ces mystères. Mais pas encore.
D'abord, il fallait rentrer à la maison.

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