Aurel
Il vint un âge où les poils lui poussèrent au menton et ailleurs. Boutonneux par le sort, la voix muée, indomptable et ridicule, pubère en somme jusqu'au bout des ongles, et ses braies commençaient à le démanger lorsqu'il voyait par accident, les bouts de mollets ronds des lavandières. Il aurait pu débattre avec cette laideur passagère, sauf qu'il lui manquait deux doigts, qu'à cause de ça les filles l'appelaient le "moignon rêveur", c'était charmant, et puis qu'aux filles, de toute façon, il ne savait pas leur causer. Tout ce qu'il savait faire, c'était de les fixer bêtement, attendri de temps à autres par la symétrie de leurs oreilles ou parce que le marron de leurs yeux lui rappelait du cuivre fondu. Dans ces moments-ci, il lui semblait que sa raison se mettait également à fondre, et c'était inquiétant.
Mais à tout problème son moyen. C'est donc par un matin de mai, le cul posé sur un bout d'étude cléricale, qu'un Aurel de quatorze ans rédigeait les premières lignes d'un long et ennuyeux traité sur la créature femelle à visée instructive et curative. Ou comment gâcher un petit vélin. Perdu sous d'autres feuilles, gratté à des endroits, il ne reste aujourd'hui du traité que quelques bribes que le monde aura oublié, et c'est tant mieux. Nous reportons ici ce qu'il en reste, épargnant au lecteur le poids des illustrations et de la glose, puisqu'il devra déjà se farcir le poids du titre : Traité sur la créature femelle, de son entendement, sa condition et ses humeurs, à l'intention des hommes de science et de raison et à la sauvegarde du compos mentis, par votre humble serviteur.
III. L'entendement de la créature femelle semble être obscurci par son aliénation aux sentiments. En effet, les élans du coeur sont à la femme d'une importance primaire, tandis que les constructions de la raison viendraient en second plan. Ceci expliquerait, partiellement, pourquoi sa parole et sa réflexion sont si éparses et insensées.
IV. L'esprit de la créature femelle nous apparaît fort nébuleux, tel un marécage sans fin où toute logique serait absente. Certaines femmes semblent vouloir faire preuve de bon sens, mais elles meurtrissent alors ce charme béat de l'ignorance que quelques hommes leur trouvent.
V. La créature femelle, on l'a remarqué, est souvent de nature angoissée, peut-être de par sa complexion. Ses nerfs ont alors une grande ascendance sur son humeur. (Certaines rumeurs précisent encore que lors de la période sanglante de leurs menstrues, ces femmes sont encore plus attentive à leurs nerfs, et alors paralysées dans leur pensées et actes, voire violentes, impulsives, bileuses).
XIII. Par nécessité naturelle, la créature femelle devra se borner à deux devoirs : celui d'enfanter sans quoi notre espèce serait en grand péril, et celui de tenir à bien une maisonnée - ce à quoi elle pourra cumuler quelques autres talents, tels que la broderie, voire même le chant.
XIV. En temps de guerre, certaines créatures femelles viennent tenir l'épée. C'est un non-sens. En effet, leur mains, plus courtes et fines, ne sont pas à même de tenir la poignée de l'arme avec autant de fermeté que la main d'homme. Par ailleurs, la formation de leur bras, blancheâtre et potelé, ne les autorise pas à faire tournoyer une épée avec endurance.
XV. Par respect et par convention, l'homme se tiendra loin des devoirs de la femme. Il ne devra alors, s'il vit en épousailles, s'approcher du linge, des fourneaux, ni même de sa progéniture qu'elle se chargera d'élever pendant le temps de bas-âge.
XX. Tout homme voulant atteindre la connaissance devra s'éloigner de la femme. La tentation et la répétition des actes de chair ne peut mener qu'à l'acédie, et donc, à l'inertie de la raison et intelligencia, qui est la clef de l'accès au savoir. Toutefois, on pourra s'adonner sporadiquement à la fornication pour apaiser une tension.
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Mais à tout problème son moyen. C'est donc par un matin de mai, le cul posé sur un bout d'étude cléricale, qu'un Aurel de quatorze ans rédigeait les premières lignes d'un long et ennuyeux traité sur la créature femelle à visée instructive et curative. Ou comment gâcher un petit vélin. Perdu sous d'autres feuilles, gratté à des endroits, il ne reste aujourd'hui du traité que quelques bribes que le monde aura oublié, et c'est tant mieux. Nous reportons ici ce qu'il en reste, épargnant au lecteur le poids des illustrations et de la glose, puisqu'il devra déjà se farcir le poids du titre : Traité sur la créature femelle, de son entendement, sa condition et ses humeurs, à l'intention des hommes de science et de raison et à la sauvegarde du compos mentis, par votre humble serviteur.
III. L'entendement de la créature femelle semble être obscurci par son aliénation aux sentiments. En effet, les élans du coeur sont à la femme d'une importance primaire, tandis que les constructions de la raison viendraient en second plan. Ceci expliquerait, partiellement, pourquoi sa parole et sa réflexion sont si éparses et insensées.
IV. L'esprit de la créature femelle nous apparaît fort nébuleux, tel un marécage sans fin où toute logique serait absente. Certaines femmes semblent vouloir faire preuve de bon sens, mais elles meurtrissent alors ce charme béat de l'ignorance que quelques hommes leur trouvent.
V. La créature femelle, on l'a remarqué, est souvent de nature angoissée, peut-être de par sa complexion. Ses nerfs ont alors une grande ascendance sur son humeur. (Certaines rumeurs précisent encore que lors de la période sanglante de leurs menstrues, ces femmes sont encore plus attentive à leurs nerfs, et alors paralysées dans leur pensées et actes, voire violentes, impulsives, bileuses).
XIII. Par nécessité naturelle, la créature femelle devra se borner à deux devoirs : celui d'enfanter sans quoi notre espèce serait en grand péril, et celui de tenir à bien une maisonnée - ce à quoi elle pourra cumuler quelques autres talents, tels que la broderie, voire même le chant.
XIV. En temps de guerre, certaines créatures femelles viennent tenir l'épée. C'est un non-sens. En effet, leur mains, plus courtes et fines, ne sont pas à même de tenir la poignée de l'arme avec autant de fermeté que la main d'homme. Par ailleurs, la formation de leur bras, blancheâtre et potelé, ne les autorise pas à faire tournoyer une épée avec endurance.
XV. Par respect et par convention, l'homme se tiendra loin des devoirs de la femme. Il ne devra alors, s'il vit en épousailles, s'approcher du linge, des fourneaux, ni même de sa progéniture qu'elle se chargera d'élever pendant le temps de bas-âge.
XX. Tout homme voulant atteindre la connaissance devra s'éloigner de la femme. La tentation et la répétition des actes de chair ne peut mener qu'à l'acédie, et donc, à l'inertie de la raison et intelligencia, qui est la clef de l'accès au savoir. Toutefois, on pourra s'adonner sporadiquement à la fornication pour apaiser une tension.
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