Leandre
Cet après-midi en taverne avait été rude. Leandre s'en souvenait comme si cela s'était passé il y a quelques heures à peine. Pourtant une poignée de jours s'étaient déjà écoulées depuis sa rencontre avec Marie Alice Alterac. La mère de Maeve n'avait pas été des plus tendre avec eux. Enfin c'est ce qu'il en avait conclu, après que la mère eut giflé sa fille afin de faire cesser ses jérémiades. Le jeune Valfrey s'était pourtant juré de protéger sa princesse, investit qu'il était dans son rôle de chevalier servant, mais il n'avait pu qu'assister à la scène, impuissant face à une vicomtesse ayant tout droit pour se prononcer sur le comportement de Maeve.
Leandre avait beau eu expliquer son geste en Normandie, rien n'y avait fait, et il s'était bien rendu compte qu'il avait parfois frôlé l'impertinence dans ses propos et sa répartie. Alors il s'était tu, tout simplement. Non sans mal, certes, puisqu'il supportait difficilement le fait qu'il puisse avoir tort, et encore plus de devoir l'admettre. La tête baissée, les mains jointes entre-elles, il avait écouté le sermon de Marie Alice Alterac. Avait-elle raison ? Avait-il tort ? Toute sorte d'interrogation lui avait trotté dans la tête tandis qu'il avait écouté les reproches faits à son encontre. Et puis leur cheval avait été confisqué par la vicomtesse. Et ça, c'était un nouveau coup de poignard qui s'enfonçait dans le coeur du jeune garçon. Leur monture, ce cher Anthèlme, qui leur avait été si fidèle et si courageux, les deux enfants ne le verraient plus. Ils apprendraient un peu plus tard que le destrier serait pourtant non loin, puisque Marie Alice tenait bien trop à ces animaux pour les abandonner. Et puis le regard suppliant de sa fille, humide jusqu'au moindre recoin de ses yeux, avait sans doute grandement contribué à ce que la vicomtesse garde Anthèlme avec eux.
Depuis, la petite famille était repartie, non loin de Sémur, puisque Leandre avait cru comprendre que l'amant de Marie Alice possédait un domaine dans les environs. L'enfant n'avait pas voulu s'imposer parmi eux, surtout que moult enfants étaient déjà présents. Alors il passait ces dernières nuits dans une auberge, où le gérant avait aimablement toléré sa présence en l'échange de quoi il effectuait quelques menus travaux à l'intérieur de la taverne.
Ce jour, il avait reçu une missive. Le tenancier lui avait fait part de la lettre qu'un homme avait apporté à son intention. Le gamin s'était empressé de quitter la taverne, lettre dans la main, dès qu'il eut l'autorisation de flâner dans les rues sémuroises, direction les bords de l'Armançon. Il aimait s'y installer pour ne rien faire ou lorsqu'il avait besoin d'être seul. Souvent, ses pensées se tournaient vers ses parents, qui devaient le retrouver sous peu, et Dieppe et ses habitants : Mabelle, Pitt, Alizarine, Grankhan, Antiloque, parmi tant d'autres, mais surtout Louve, sa première véritable amie. Cette dernière lui manquait terriblement, et la missive qu'il s'apprêtait à ouvrir n'allait pas arranger les choses.
Une fois assis en tailleur, face à la rivière, il déplia le parchemin d'un geste assuré, puis commença la lecture, son index guidant ses yeux parmi l'enchaînement de mots couchés sur le papier.
Leandre avait beau eu expliquer son geste en Normandie, rien n'y avait fait, et il s'était bien rendu compte qu'il avait parfois frôlé l'impertinence dans ses propos et sa répartie. Alors il s'était tu, tout simplement. Non sans mal, certes, puisqu'il supportait difficilement le fait qu'il puisse avoir tort, et encore plus de devoir l'admettre. La tête baissée, les mains jointes entre-elles, il avait écouté le sermon de Marie Alice Alterac. Avait-elle raison ? Avait-il tort ? Toute sorte d'interrogation lui avait trotté dans la tête tandis qu'il avait écouté les reproches faits à son encontre. Et puis leur cheval avait été confisqué par la vicomtesse. Et ça, c'était un nouveau coup de poignard qui s'enfonçait dans le coeur du jeune garçon. Leur monture, ce cher Anthèlme, qui leur avait été si fidèle et si courageux, les deux enfants ne le verraient plus. Ils apprendraient un peu plus tard que le destrier serait pourtant non loin, puisque Marie Alice tenait bien trop à ces animaux pour les abandonner. Et puis le regard suppliant de sa fille, humide jusqu'au moindre recoin de ses yeux, avait sans doute grandement contribué à ce que la vicomtesse garde Anthèlme avec eux.
Depuis, la petite famille était repartie, non loin de Sémur, puisque Leandre avait cru comprendre que l'amant de Marie Alice possédait un domaine dans les environs. L'enfant n'avait pas voulu s'imposer parmi eux, surtout que moult enfants étaient déjà présents. Alors il passait ces dernières nuits dans une auberge, où le gérant avait aimablement toléré sa présence en l'échange de quoi il effectuait quelques menus travaux à l'intérieur de la taverne.
Ce jour, il avait reçu une missive. Le tenancier lui avait fait part de la lettre qu'un homme avait apporté à son intention. Le gamin s'était empressé de quitter la taverne, lettre dans la main, dès qu'il eut l'autorisation de flâner dans les rues sémuroises, direction les bords de l'Armançon. Il aimait s'y installer pour ne rien faire ou lorsqu'il avait besoin d'être seul. Souvent, ses pensées se tournaient vers ses parents, qui devaient le retrouver sous peu, et Dieppe et ses habitants : Mabelle, Pitt, Alizarine, Grankhan, Antiloque, parmi tant d'autres, mais surtout Louve, sa première véritable amie. Cette dernière lui manquait terriblement, et la missive qu'il s'apprêtait à ouvrir n'allait pas arranger les choses.
Une fois assis en tailleur, face à la rivière, il déplia le parchemin d'un geste assuré, puis commença la lecture, son index guidant ses yeux parmi l'enchaînement de mots couchés sur le papier.
Citation:
Mon cher Léandre,
Je suis étonnée mais, cette fois, je ne suis plus inquiète, de ne pas avoir reçu une missive de ta part ou un message.
Je suis à Cosne et tu y étais aussi mais je ne t'ai pas trouvé au village. Je t'ai cherché partout...Seules Maeve et sa maman m'ont rencontrée. Aujourd'hui, vous êtes tous partis et je suis là seule avec Brenn et mes pensées...
Je te sais en sécurité et entre de bonnes mains, je voulais continuer mon voyage vers toi puis je suis restée à Cosne où j'ai beaucoup réfléchit.
Au delà de la rencontre d'un homme merveilleux qui semble avoir le pouvoir de faire tomber les portes enchaînées qui entouraient mon coeur, j'ai décidé d'arrêter là ma courses effrénée.
Je te sais bien en sécurité, bien entouré, quand Louve, ta grande amie, elle, n'a personne et m'inquiète de par sa santé après ce drame qu'elle a vécu.
Je reprends bientôt la route pour Dieppe et peut être reviendrais-je pour te voir un jour.
Saches que Louve ne verra peut être jamais de gros codiles...
Affectueusement,
Mabelle
Je suis étonnée mais, cette fois, je ne suis plus inquiète, de ne pas avoir reçu une missive de ta part ou un message.
Je suis à Cosne et tu y étais aussi mais je ne t'ai pas trouvé au village. Je t'ai cherché partout...Seules Maeve et sa maman m'ont rencontrée. Aujourd'hui, vous êtes tous partis et je suis là seule avec Brenn et mes pensées...
Je te sais en sécurité et entre de bonnes mains, je voulais continuer mon voyage vers toi puis je suis restée à Cosne où j'ai beaucoup réfléchit.
Au delà de la rencontre d'un homme merveilleux qui semble avoir le pouvoir de faire tomber les portes enchaînées qui entouraient mon coeur, j'ai décidé d'arrêter là ma courses effrénée.
Je te sais bien en sécurité, bien entouré, quand Louve, ta grande amie, elle, n'a personne et m'inquiète de par sa santé après ce drame qu'elle a vécu.
Je reprends bientôt la route pour Dieppe et peut être reviendrais-je pour te voir un jour.
Saches que Louve ne verra peut être jamais de gros codiles...
Affectueusement,
Mabelle
Il replia ensuite la lettre, un air inexpressif sur le visage. Ainsi, elle était partie... sans qu'ils n'aient le temps de se voir. Mabelle, celle qui avait été pour lui comme une seconde mère à Dieppe, celle qui lui avait appris des tas de trucs et qui l'avait toujours soutenu, quelque soit la situation. Maintenant elle était sans doute repartie auprès de Louve. Leandre n'avait pas vraiment saisi ses propos concernant la jeune blondinette. De quel drame avait-elle été victime ? Et pourquoi pourrait-elle ne jamais voir de gros codile ? Perplexe, le Valfrey se releva sans grand enthousiasme. Il lui fallait maintenant répondre à Mabelle, et pour cela il était nécessaire d'avoir à disposition parchemin, encrier et plume. Alors le retour à l'auberge semblait inévitable.
Trainer des pieds, ça il sait faire. Et bien en plus. Le retour dura le double de l'aller, et la ruelle où se trouvait l'entrée de la taverne était déjà en vue. A cet endroit, une scène étrange se jouait : deux hommes entièrement vêtus de gueules repoussaient de manière plus que brutale un homme à l'allure débraillée. Leandre s'approcha, curieux, dans leur direction. De toute façon, il lui fallait bien passer par ici. Quelques mètres le séparaient des trois hommes lorsqu'un de ceux habillé tout en rouge leva la main sur le gueux. Sans hésiter une seconde, Leandre cria en leur direction :
Arrêtez !
Les deux hommes détournèrent leur attention pour regarder l'impertinent qui les avait interrompu, et le troisième en profita pour échapper à ses bourreaux.
Ecoute petit... tu vas gentiment retourner voir ta mère, tu n'as pas le droit d'être ici. Elle doit t'attendre pour changer tes langes.
Le jeune garçon ignora les paroles de celui qui le provoquait ouvertement pour se concentrer sur les raisons de la maltraitance du pauvre gueux.
Pourquoi vous avez voulu frapper cet homme, alors qu'il était seul contre vous deux ?!
Cette fois, ce fut le second homme qui prit la parole. Il semblait un peu moins borné que son camarade.
On a des ordres nous. L'comte a dit que personne ne devait entrer sans son autorisation. Donc on applique. C'est qu'il est pas commode l'comte de Beaufort lorsqu'on fait pas ce qu'il d...
Avant qu'il n'eut le temps de finir sa phrase, Leandre s'était déjà précipité à l'intérieur de la taverne, se faufilant rapidement entre les deux gardes comtaux. Il était plutôt vif, et eux lourdauds, alors forcément... Ainsi, son père était enfin arrivé, après tant de temps à l'attendre ! Sur le coup, il n'avait nullement réfléchi au fait que son père était sans aucun doute très en colère contre lui. Il salua rapidement le tavernier avant de grimper quatre à quatre les marches de l'escalier qui menait aux chambres, sans même prêter attention à l'homme qui allait dans le sens inverse en boitant. Etant donné qu'il s'occupait des chambres lorsque le tavernier lui demandait, Leandre savait quelles pièces étaient occupées. Et forcément, puisqu'il y en avait qu'une seule dont il ne s'était occupé depuis ces quelques jours, son père se trouvait forcément dans celle-ci, avec sa mère, espérait-il. En quelques secondes il se retrouva nez à nez avec la porte concernée. Et là, la main fermée de l'enfant s'arrêta à quelques centimètres du traditionnel "toc-toc".
Effectivement, tout lui revenait en mémoire. La formidable escapade avec Maeve n'avait pas vraiment enchanté le comte de Beaufort... Surtout lorsque c'est la Première Secrétaire d'Etat de France qui la lui apprend. Un sourire espiègle se forma sur le visage du garçon. Après tout, son père serait heureux de le revoir en vie et il ne lui en voudrait peut être pas autant qu'il l'avait laissé croire dans sa lettre... C'est avec cette utopique idée en tête que Leandre se décida finalement à frapper à la porte, accompagnant son geste par un seul mot, où la crainte se cachait parmi l'excitation.
Père ?
_________________
Leandre Lazare de Valfrey
Chevalier servant de sa p'tite princesse