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[RP] Plume au vent

Lara..
Raaaaa, les hommes ! Tous les mêmes.

Larguée, - oui je sais, encore une fois - et dans un trou à rats en plus. Mais pas de larmes, juste de la colère.

Si je le retrouve, je le ... le ... et je lui coupe ... Raaaaaaa !


Mon poing s'abattit sur la table, renversant le nécessaire d'écriture. J'allais ENCORE être la risée de la famille et de mes amies. Je les voyais déjà le sourire en coin, l'air de dire "tu vois, je te l'avais dit ..."

Mais c'est ma vie ! De quoi j'me mêle. En plus ces quelques mois avec lui c'était ... aaaaahhh, les hommes.

Reprends-toi ma petite Lara, ce n'est pas comme si c'était la première fois et comme si c'était L'HOMME de ta vie. L'aventure avait été agréable, mais il fallait bien que ça se termine.

N'empêche qu'il aurait pu me dire au revoir et me laisser quelques écus. Le rustre ! Et ça se disait gentilhomme en plus. Mais que faire maintenant. Où aller ? Retourner auprès de ma sœur Angel ? Aller retrouver ... comment s'appelait-il déjà ... machin truc ... à Paris ? Tiens et si ...

L'aubergiste nous avait souhaité la bienvenue à Péronne avant qu'IL ne déguerpisse - toi si je te remets la main au collier tu ne perds rien pour attendre - C'est où ça ? Je sortis la carte des Royaumes que toute fille de bonne famille avait dans son journal de voyage à côté de la généalogie des grandes dynasties. L'Artois ? Mais qui donc habitait ici ?

Gros soupir. Je ne connaissais personne en France à part dans la seule ville digne d'intérêt : Paris. Une liste de noms défila dans ma tête, j'en écartai d'office ceux qui m'étaient apparentés de près ou de loin. Il restait ... pas grand chose au final.


BLANCHE ! Que n'y avais-je songé plus tôt. Ma plume, où est ma plume ? Mon vélin ?

Voyons, comment présenter la chose. Mon regard se perdit dans les flammes du candélabre, puis l'inspiration venant, les mots se couchèrent tout seul sur le papier



Très chère Blanche,

Ce la fait une éternité que je n'ai pas pris de vos nouvelles. J'en parlais dernièrement à Alexandre - vous vous souvenez de lui ? ce magicien de la coiffure sis sur la Grande Place de Paris - il me disait qu'il ne vous avait pas vue depuis votre départ pour cette terre du bout du monde qu'on appelle la Bretagne.

Avez-vous toutes les commodités auxquelles une Dame de votre rang peut prétendre ? On dit l'air breton agressif sur les vêtements et sur le fard à paupières ? Mais tellement sain pour la santé. Ah je vous envie, que ne donnerai-je pour me lever chaque matin et de poser mes yeux sur une terre de légendes ?


Est ce que je n'en faisais pas trop là ?



J'ai décidé de laisser derrière moi les mondanités et les assauts incessants de ces messieurs qui se croient irrésistibles parce qu'ils portent l'habit des dragons ou la livrée royale. Me voici donc en Artois pour me changer les idées ...

C'est sur que je n'ai plus que ça à faire ici. Hum !



... jusqu'à ce qu'on me fasse une proposition intéressante pour que je puisse me rendre utile. J'hésite, je tergiverse. Dois-je retourner dans notre Saint Empire et mettre mes modestes talents au service de l'Empereur, ou continuer à parcourir le monde puisque les voyages forment la jeunesse dit-on.


Pas la peine de lui rappeler que je n'ai plus vingt ans depuis longtemps !



Vous qui êtes ma sœur de cœur, ma confidente, que me conseilleriez-vous ? Mais je me languis de vos nouvelles, avez-vous besoin de quelque chose ? Quelle est la mode à Vannes en ce moment ?

Votre amie dévouée,

Lara de la Fiole Ébréchée


Je ne pus m'empêcher de faire la moue. Ne m'aurait-elle pas oubliée depuis le temps ? Il n'y a pas si longtemps, avant ses fiançailles et alors que nous étions comme inséparables, elle avait même envisagé de me ... mais c'était avant.

Ah Vannes, la Bretagne, que de souvenirs, une partie de ma jeunesse et ces "Da Garan" chuchotés au creux de l'oreille.

C'est sur le rappel de ces beaux jours passés que je m'endormis le sourire aux lèvres.

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Blanche_de_belrupt
Un froid matin d’hiver.

L’hiver, elle déteste ça. On se gèle les miches, personne ne sort, on tombe malade et tout sa pendant au moins 4 longs mois. Son fiancé était une fois de plus occupé à la mairie, et Blanche, elle, clouée dans ses appartements dans le château de sa belle mère.
Très loin était sa vie ou elle se rendait régulièrement à Paris pour acheter les plus belle robes à la mode italienne, à rencontrer des dames issues des plus grandes familles de France. Maintenant elle était en bretagne. Une terre fort charmante, mais aux antipodes de son ancienne vie. Ici, adieu les achats hors de prix avec l’argent de son père et les sorties incessantes, elle passait le plus clair de son temps dans ses appartements, à brodé. Bien sur, son fiancé essayait d’être présent pour elle, ses dames de compagnies lui faisait la conversation, mais il fallait bien se l’avouer, la bretagne sa fait pas rêver.

Ce qui lui manquait le plus, c’était ses amis lorrains. Rare étaient les contacts qu’elle avait garder avec son duché d’origine. Elle fut donc surprise de recevoir une lettre, qu’elle pensa d’abord venir de lorraine.
La vicomtesse décacheta la missive avec ferveur, impatiente d’en découvrir le contenu. Cette écriture, elle la reconnaissait malgré le temps passé sans la lire. Son amie Lara lui donnait des nouvelles. Blanche sourit, et commença sa lecture.


- Très chère Blanche,

Ce la fait une éternité que je n'ai pas pris de vos nouvelles. J'en parlais dernièrement à Alexandre - vous vous souvenez de lui ? ce magicien de la coiffure sis sur la Grande Place de Paris - il me disait qu'il ne vous avait pas vue depuis votre départ pour cette terre du bout du monde qu'on appelle la Bretagne.

Avez-vous toutes les commodités auxquelles une Dame de votre rang peut prétendre ? On dit l'air breton agressif sur les vêtements et sur le fard à paupières ? Mais tellement sain pour la santé. Ah je vous envie, que ne donnerai-je pour me lever chaque matin et de poser mes yeux sur une terre de légendes ?


C’était sur, l’air breton était agressif, et même si sa vie d’avant était loin, elle n’était pas à plaindre. Elle l’enviait ? Mais ou se trouvait-elle donc ? Surement dans un duché perdu au fin fond du royaume de France.

-J'ai décidé de laisser derrière moi les mondanités et les assauts incessants de ces messieurs qui se croient irrésistibles parce qu'ils portent l'habit des dragons ou la livrée royale. Me voici donc en Artois pour me changer les idées ...

Blanche ria. Vraiment, son amie n’avait pas changé, elle gardait cet humour bien à elle. Il fallait dire que Blanche connaissait les relations entre Lara et les hommes. Pas vraiment au beau fixe. En artois ? Effectivement, elle pouvait être jalouse, même pas sur que ce duché soit répertorié sur une carte…

-... jusqu'à ce qu'on me fasse une proposition intéressante pour que je puisse me rendre utile. J'hésite, je tergiverse. Dois-je retourner dans notre Saint Empire et mettre mes modestes talents au service de l'Empereur, ou continuer à parcourir le monde puisque les voyages forment la jeunesse dit-on.

Vous qui êtes ma sœur de cœur, ma confidente, que me conseilleriez-vous ? Mais je me languis de vos nouvelles, avez-vous besoin de quelque chose ? Quelle est la mode à Vannes en ce moment ?

Votre amie dévouée,

Lara de la Fiole Ébréchée


La première idée de Blanche fut de l’inviter à la rejoindre en bretagne. Assurément, sa lui ferait très plaisir de revoir Lara, mais connaissant le caractère de la jeune femme, elle s’ennuierait vite ici. Une idée lui vint, enfin lui revint. Quelques temps avant, Blanche voulait lui confier la gestion de ses terres, puis elle était partit en bretagne, laissant cette idée de coter. Mais c’était maintenant le moment idéal, étant donner la lettre de Lara, de mettre à exécution son idée.

Elle prit donc la plume, et coucha sa réponse sur le vélin.

Citation:

Ma douce amie,

Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir de vos nouvelles. Mais agréable surprise, je vous rassure. Il est vrai que nous avons peu à peu perdu le contact, et cela m’attriste beaucoup, étant donné l’affection que je vous porte. Je vous envoie tout mon soutien en Artois, car je partage vos émotions. Je ne me plains pas, je suis on ne peu mieux traitée ici, mais l’ennuie me gagne.

Cependant, dans votre cas, une solution me vient. Comme vous le savez, je suis bien loin de mes terres, et je ne peux donc pas aussi bien m’en occupez que ce que je désirerais. Vous allez vous rendre en lorraine, et cela me pousse à vous proposer une offre que je devais vous faire il y à quelque temps.

Je vous propose de vous confier la gestion de mon vicomté de chatenois, et de ma baronnie de Belrupt. J’ai entière confiance en vous et je ne vois pas meilleure personne pour remplir cette tâche. En récompense de se service rendue, je vous anoblirais.
J’espère que vous accepterez, cela me ferais vraiment plaisir. Et peut être cela est la solution à vos problèmes ? J’attends votre réponse dans votre prochaine lettre, que j’attends déjà avec la plus grande impatience.

Je vous envoie toute mon affection, votre amie,

Blanche.


Et hop, direction l’artois, enfin si le pigeon trouve cet endroit…

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Lara..
TOC ! TOC ! TOC !

Dame Lara, êtes-vous présentable ? Y'a le Pierrot qui est en bas avec une lettre pour vous.

Nan, je suis dans mon bain, repassez plus tard

Dans votre bain ? Mais ...

J'ouvris la porte à la volée et jetai un regard noir sur l'aubergiste qui venait me déranger.

C'est une plai-san-te-rie, comme si je pouvais rêver d'un bain décent dans cette étable que vous appelez une auberge ! Je parie que vous ne savez même pas ce dont il s'agit !

L'aubergiste froissait et roulait son chapeau, ne sachant sur quel pied danser. Sur qu'il n'avait pas l'habitude de recevoir des dames de qualité dans son établissement. Pour preuve, c'est sa propre chambre qu'il lui avait cédé pour l'occasion et la moitié du village était déjà passé rien que pour voir La Dame.

Elle avait encore changé de robe, ça faisait combien ? Trois ou quatre fois depuis ce matin ? Et une vraie robe en plus, avec des volants, des froufrous et tout et tout. A chaque fois il en restait bouche bée.


Fermez-moi cette bouche, pour l'Amour de Dieu, je n'ai aucune envie de savoir ce que vous avez avalé au petit déjeuner. Bon il est où " vot' Pierrot" ? J'ai pas que ça à faire.

Enfin, si, mais bon... Quel ennui !

Deux gamins se chamaillaient au milieu de la grande salle autour d'une cage en osier où un pigeon était retenu prisonnier.

J'te dis que c'est un pigeon !

Et moi j'te dis qu'c'est un merle décoloré !

Et moi je dis qu'on n'entend que vous ! C'est quoi ce raffut ? C'est lequel de vous deux qui m'a dérangée ?

Faites excuses Dame, l' curé il a dit que c'oiseau du diable il avait une lettre accrochée à la patte pour vous.

Un oiseau du diable ? Et une lettre pour moi ? Le village aurait de quoi discuter ce soir au coin du feu. Je me penchai sur la cage et arrachai la lettre des mains dégoutantes du plus grand des gamins.

C'est pas un oiseau du diable, c'est un pigeon BRETON. Comment peut-on être aussi ignares ? Bref !

Ah, tu vois, j'avais rais...

Allez ouste, je garde l'oiseau, allez boire un verre de ... de je ne sais quoi, voyez l'aubergiste et dites-lui que c'est de ma part et que c'est lui qui paye.

Cachant mon excitation et indifférente à l'assistance qui avait écouté religieusement mes paroles, je retournai dans ma tour d'ivoire dont je claquai la porte.

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Lara..
Pauvre pigeon, non seulement je parie que tu as eu du mal à me trouver, mais en plus te voilà traité d'oiseau du diable ! Ne sois pas amer, ils ne voient pas souvent d'étrangers ici.

J'avais naturellement reconnu le sceau et l'écriture de Blanche. Je me sentis beaucoup moins seule tout à coup. Propulsée des mois, des années en arrière, je nous revoyais écumant les boutiques et invitées chaque soir dans un salon différent de la ville de lumière. Ah Paris, Paris !

Le cri du coq de la basse-cour déchira mon petit nuage et je m'absorbai alors dans la lettre venue tout droit du bout du monde.




Je vous envoie tout mon soutien en Artois, car je partage vos émotions.

Merci Blanche ! Toi au moins tu me comprends !



mais l’ennui me gagne

Même toi ? Raaaaaa les hommes !



Je vous propose de vous confier la gestion de mon vicomté de chatenois, et de ma baronnie de Belrupt

J'en avais le souffle coupé. Rien que ça ? Me voir confier l'intendance d'un vicomté et d'une baronnie ? Mes pensées s'emballèrent et j'en arrivai à une conclusion unique, fruit d'une intense réflexion :

Euh...

Blanche ! Quelle confiance... ou plutôt quelle folie ! Si Angel entendait ça elle se roulerait par terre de rire.



En récompense de se service rendue, je vous anoblirai

Je souris. Dame Lara, ça sonnait plutôt bien !



J’espère que vous accepterez, cela me ferais vraiment plaisir. Et peut être cela est la solution à vos problèmes ? J’attends votre réponse dans votre prochaine lettre, que j’attends déjà avec la plus grande impatience.

TOC ! TOC ! TOC !

Dame Lara, êtes vous ... non, pardon, c'est pour le dîner, est-ce qu'une soupe aux choux vous conviendra ?

Ouh là, plus le temps d'hésiter, tout plutôt que rester une heure de plus ici ! De la soupe aux choux ou le faste d'une mennie ! Mon choix est fait

Préparez ce que vous voulez et trouvez-moi un moyen de transport pour rejoindre Arras dès demain !

Sans attendre sa réponse, je sortis un vélin tout neuf et me jetai dans l'écriture d'une lettre.



Chère, ma très chère Blanche,

Quelle joie de vous lire à nouveau. Vous n'imaginez pas à quel point nos "virées" me manquent. L'Artois et la Bretagne ne sont ni Paris ni notre Lorraine bien aimées quoiqu'on en dise ! Vous y avez gagné l'Amour, moi ma liberté, mais malgré tout il nous manque à toutes les deux encore quelque chose pour que nous puissions être vraiment heureuses.

La poursuite du bonheur, ça pourrait être le titre d'un livre, une chimère, malgré tout je suis enchantée de voir que notre amitié est restée inébranlable malgré le temps et la distance qui nous sépare.

C'est avec gratitude que j'ai décidé d'accepter votre proposition. Puisque vous le souhaitez, je prendrai soin de vos domaines en votre absence, je sais quelles sont vos exigences en matière de bon goût et vos gens continueront à bénir votre nom et à lui rendre hommage comme il se doit.

Je jetterai chaque soir un chardon lorrain dans la rivière, afin que la mer amène un peu de chez vous dans le port de Vannes.

Je prends dès ce soir mes dispositions pour me libérer de mes obligations icelieu.

Votre amie dévouée

Lara de la Fiole Ébréchée

Allez fier pigeon, retourne chez ta maîtresse !
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Lara..
Voilà Damoiselle nous y sommes : devant vous c’est la Lorraine et le village en bas c’est Toul.

Repoussant une mèche rebelle je me hissai sur ma selle et contemplai le paysage qui s’offrait sous nos yeux. Que le chemin m’avait semblé long pour parvenir jusqu’ici !

Force m’est de reconnaître que vous connaissez votre affaire. Vous m’avez amenée à bon port mais était-il vraiment nécessaire de passer par ce chemin forestier ? Voyez ma robe est toute crottée et déchirée à deux endroits au moins. Elle est fichue maintenant !

Par ma foi c’est vous qui ne souhaitiez par être … hum … importunée par l’administration des douanes. Ils s’aventurent rarement ici car le chemin est difficilement praticable à cheval et en tout cas pas du tout pour un chariot de contrebande, mais par contre ils surveillent étroitement les routes plus fréquentées, contrôlant tout même le nombre de noix que transportent les écureuils !

Mmmmhhh, moui je veux bien vous croire.

Les douanes ! Quelle plaie. J’avais déjà eu le plus grand mal à trouver une voiture au départ d’Artois, il avait fallu que je sois arrêtée à la frontière de Champagne dès le premier jour. « Nos frontières sont fermées » « Je vois bien, et bien soulevez la barrière et elle sera ouverte » « J’ peux pas m’ dame » « Et bien forcez-vous »

Ce discours n’avait pas du tout plu au garde-frontière qui a cru que je me payais ça tête et avait décidé de me conduire à son chef pour m’expliquer. Expliquer quoi, je vous le demande ? Et pendant ce temps là le carrosse avait fait demi-tour, abandonnant ma malle au pied de la barrière rouge et blanche.

Le « chef de poste » s’était montré « enchanté » de pouvoir rendre hommage à une « dame de qualité » s’excusant car malheureusement les laissez-passer de dépendaient pas de lui mais du bon vouloir du connétable, tout ça… mais lui ferais-je l’honneur de partager son souper ?

J’avais du une fois de plus faire appel à toutes mes ressources pour ne pas le gifler en public.
« Mais bien évidemment, devant une si galante invitation… »

Au milieu de la nuit je quittai enfin cet endroit maudit qui m’avait fait perdre une journée, avec un sauf-conduit rédigé par moi-même et signé par un officier rond comme une queue de pelle et qui se réveillerait avec une migraine carabinée le lendemain. Je priai pour que ce soit le plus tard possible. J’abandonnai à regret ma malle, trop encombrante mais je me dédommageai avec le cheval de l’officier qu’il avait mis à ma disposition comme stipulé dans le sauf-conduit.

Raaaaaa les hommes !

Inutile de préciser que pendant les jours qui avaient suivi j’avais essayé de me faire discrète, troquant ma monture un peu trop voyante contre une autre moins élégante mais qui attirait aussi beaucoup moins l’attention.

C’est à l’approche de la frontière avec l’Empire je m’étais mise à la recherche d’un passeur, le douanier humilié risquant d’avoir prévenu ses collègues de ma venue. On pouvait dire d’eux ce qu’on voulait, mais quand ils avaient quelqu’un dans le collimateur rares étaient ceux qui pouvaient leur échapper.

Et pour échapper à un professionnel de la traque, il fallait faire appel à un professionnel de l’esquive et de la dissimulation. Je n’avais pas eu de mal à trouver mon guide. L’écho de mes exploits dont je me serais bien passée était parvenu jusqu’à lui, confirmant ainsi mes soupçons sur la diffusion de l’alerte. Moi, Lara, recherchée par toutes les polices du duché pour atteinte à la sureté de l’Etat ! C’est vrai qu’avec ma lime à ongle, seule rescapée de mes bagages, je pouvais faire trembler le Duc et son conseil.

Trois jours à bivouaquer, à traverser des forêts, des rivières encore à moitié gelées, à suivre des sentiers que même un sanglier aurait refusé d’emprunter. Mais finalement au bout de la route la Lorraine, l’Empire, ma terre.


Donnez-moi mon argent maintenant et n’oubliez pas vous ne m’avez pas vue et je ne vous connais pas.

Vous ne voulez pas m’accompagner que je vous offre à boire avec un bon repas dans une auberge ? Je vous dois bien ça ?

Merci, mais je suis un homme connu de ce côté de la frontière et ma présence pourrait attirer l’attention des autorités sur vous. C’est donc ici que nos routes se séparent. Bonne continuation.

Il s’enfonça dans les bois par où nous étions venus et moi je descendis vers la ville, vers un vrai repas, vers un vrai bain... la vie quoi !
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Blanche_de_belrupt
L’échange de lettre, même si elles avaient été encore peu nombreuses à ce moment là, faisait le plus grand bien à Blanche. Elle s’ennuyait ferme dans ce duché pourtant majestueux et remplis de vie. La jeune vicomtesse ne sortait que rarement du château ou elle avait prit ses aises, et garder contact avec Lara était sa seule vraie bouffée d’air.

Son amie lui manquait terriblement. Ses lettres refoulées le passé, un passé plein de faste à Paris, ou les deux jeunes femmes avaient dépensées bien des écus. Elle partageait toute les deux un amour inconsidérable pour les robes hors de prix, ainsi que les bijoux et tout ce qui était luxueux. Ah ! Que cette vie lui manquait. Il est vrai que la Bretagne change bien de la capital…

La réponse à sa missive arriva tôt le matin, alors que Blanche venait à peine de se lever. Elle se trouvait comme le plus souvent dans ses appartements, entourée de sa dame de compagnie et d’une domestique.


-Monseigneur, une lettre pour vous.

Rah ! Ce titre l’agaçait. Certes, c’était le terme pour nommer un vicomte ou une vicomtesse, mais cela lui donnait l’impression d’être un homme d’église.

-Je vous ai déjà demandé de m’appeler Blanche, ce n’est quand même pas si…vous avez dit une lettre ?


Lara ! Blanche oublia le monseigneur, et se leva d’une traite afin de saisir la missive. La domestique lui tendit, tout en s’excusant de l’avoir nommé ainsi. Mais Blanche avait déjà oubliée. Elle décacheta la missive, s’installa confortablement dans un fauteuil situé près de la fenêtre.

Visiblement, les moments ensemble lui manquaient également. Blanche se promit donc de retourner dès qu’elle le pourrait en lorraine, cela pouvait être faisable, après tout. Elle sourit quand elle lut que la jeune femme acceptait sa proposition. Blanche lui faisait entièrement confiance pour gérer ses terres. Lara était issue d’une bonne famille, aussi elle saurait parfaitement préserver ses intérêts. Cela permettait à Blanche de savoir ses terres entre de bonnes mains, et pour Lara, c’était l’occasion d’apprendre à gérer un domaine, avant d’avoir le sien.

Elle lut la missive plusieurs fois, pour être sur de ne rien oublier dans sa réponse, et prit la plume, pour coucher sur le vélin les mots suivants :


Citation:
Ma chère Lara,

Il semblerait que nous ayons la même nostalgie des moments passés ensemble, soyez assuré que nous nous reverrons pour nos folles virées, même si je ne peux point vous communiquer de date précise. Je suis ravie de voir que vous portez un grand interêt à notre proposition, et nous ferons donc savoir dans le vicomté de chatenoy et dans la baronnie de Belrupt que vous nous représentez dès aujourd’hui, et que les gens devront vous obéir comme si vous étiez ma personne.
Cependant, je dois vous rassurez, rien ne presse, prenez tout votre temps pour rejoindre la lorraine, même si je pense que vous avez hâte de quittez ce duché que l’on nomme « l’artois ».

De mon coté, je vais contactez le hérault de lorraine, marjolaine de réaumont kado’ch afin de faire le nécessaire pour votre annoblissement. Peut-être la connaissez vous ?

Je vous envoie toute mon affection, en esperant que votre voyage vers la lorraine se déroulera sans encombre.

Votre amie, blanche.

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Lara..
Si vous voulez mon avis, celle-ci vous va à ravir. Elle met tout à fait en valeur votre silhouette et c’est la dernière mode en France.

Je me tournai et retournai devant le miroir poli que tenaient les deux aides de la couturière, cherchant le moindre faux pli et guettant le signe d’un bourrelet disgracieux. Mais force était de reconnaître qu’elle m’allait plutôt bien.

Je les prends toutes les deux, mais vous me raccourcirez la rouge de deux pouces à l’ourlet de façon à laisser deviner ma cheville. Attention, j’ai bien dit « laisser deviner » et pas « laisser voir » je ne suis pas une courtisane !

J’ai bien compris la nuance damoiselle et je ne me serais jamais permis de douter de votre qualité. Quand on a la grâce naturelle de ma damoiselle, il serait dommage de ne pas la mettre en valeur.

Ouais, rattrape-toi à la branche. C’étaient de bien viles flatteries, mais je ne me lassai pas de les écouter. Ah Blanche, que n’es-tu pas à côté de moi pour me donner ton avis impartial !

Vous enverrez votre note et mes achats à mon frère messire Loguen. C’est un de vos clients privilégiés je crois ? Mais quelle heure est-il ? Ah déjà ?Alors je me sauve, j’ai d’autres emplettes à faire avant le déjeuner. Et si vous avez un nouvel arrivage n’oubliez pas de me prévenir la première. La première, j’insiste, vous savez que je ne serai pas une ingrate en retour.

Je sortis de la boutique accompagnée par la propriétaire jusqu’au parvis. J’étais une vieille cliente. Vieille, ah non quelle horreur ! Une cliente de longue date, oui c’était mieux. Cela faisait des années que je n’avais pas remis les pieds à Nancy, mais elle m’avait accueillie comme si nous nous étions quittées la veille. Il faut dire que j’avais le pouvoir de faire et défaire la réputation d’une modiste ou d’une couturière d’un simple claquement de doigts, et on n’oubliait pas mes passages, ne serait-ce que parce que je savais faire preuve de largesses au moment de régler, particulièrement quand les écus sortaient d’autres poches que les miennes !

Debout au milieu de la grande place, un valet tenant au-dessus de ma tête mon ombrelle déployée, je pris le temps de fermer les yeux et de savourer l’odeur particulière de la Lorraine et les bruits d’une ville effervescente.


Le bourgmestre vous attend pour vous faire visiter un appartement ma Dame.

Je sais. Qu’il attende, il n’est pas séant pour une vraie dame d’être ponctuelle. Il pourrait se méprendre et imaginer que j’ai hâte de le revoir.

Ma Dame souhaite-t-elle que je lui commande à l’aubergiste une infusion ?

Une infusion ? Pourquoi diantre, je ne suis pas malade !

Je voulais dire une boisson chaude relevée de mirabelle, c’est que le temps est encore au frais.

Ah oui, tiens, pourquoi pas. J’en profiterai pour écrire une lettre. Faites-moi mander l’envoyé de Lady Blanche, comme ça il ne repartira pas les mains vides.

Je ne pouvais pas me résoudre à appeler Blanche par son titre ! Dépêche toi de t’élever au rang de Duchesse mon amie, parler de Grace te rendra beaucoup plus justice.

Quelques jours plus tôt un messager de Bretagne envoyé par mon amie Blanche était venu me confier les lettres de pouvoir pour agir en son nom dans ses domaines ainsi qu’un courrier privé. Il s’apprêtait à présent à diffuser les ordres de sa maîtresse auprès des régisseurs pour préparer mon arrivée avant de retourner dans les terres brumeuses d’Armorique.



Très chère Blanche,

Me voici donc de retour à Nancy en terre civilisée malgré les tentatives infructueuses de quelques fonctionnaires pour me ralentir en chemin. Il n’est pas né l’homme qui décidera pour moi où je dois aller ni quand ! Hum … oui, bon, j’avoue que par le passé j’ai pu me laisser entrainer, mais c’était de ma propre volonté hein !

Aujourd’hui j’ai fait quelques essayages afin de renouveler ma garde-robe, inutile de dire que vos conseils avisés m’ont manqué. Aussi dans le doute – a-t-on jamais vu une couturière dire honnêtement qu’une robe sied ou non ? – dans le doute j’ai donc dévalisé le magasin, je déciderai plus tard de mes choix. Ah oui, c’est que j’ai oublié de vous dire que j’ai retrouvé mon frère Loguen. Par chance pour moi, et par malheur pour son banquier, c’est lui qui a pris à sa charge cette petite folie. Mais chutttt ! il ne le sait pas encore !

Et que dis-je une folie, c’était nécessaire ! Si je veux pouvoir vous représenter dignement, il faut bien que je soigne ma tenue comme vous l’avez toujours fait. D’ailleurs j’ai confié quelques brocarts à votre coursier pour qu’il vous les rapporte. De mémoire les bretonnes étaient assez chiches dans le choix de leurs coloris, ce n’est pas une raison pour les imiter.

Dès que mes malles seront prêtes, j’irai me présenter à vos régisseurs et vos intendants afin qu’ils me présentent leurs livres de comptes. Je commencerai par Vioménil naturellement. De ce que j’ai pu entendre au château, vos domaines n’ont pas attiré leur attention et les taxes ont été collectées dans les temps. Vous vous êtes attachés des hommes et des femmes de valeur !

J’espère que vous vous portez bien malgré le climat. La Duchesse de Poudouvre vous a-t-elle initiée aux pratiques druidiques d’ailleurs ? Simple curiosité de ma part, la Bretagne étant une terre de traditions, cela pourrait vous distraire de votre ennui.

Votre amie dévouée

Lara de la Fiole Ébréchée

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Lara..
La fête battait son plein et à présent quasiment tous les habitants du village, jeunes et moins jeunes, s'étaient lancés pour danser dans la lumière du grand feu qui illuminait la grande place. Le vin coulait à flot, les broches croulaient sous les pièces de viande, les rancœurs du quotidien avaient laissé la place à la bonne humeur au moins le temps d'un soir.

C'est qu'en ce jour on fêtait à la fois l'arrivée d'une nouvelle Dame à Vioménil et le retour du printemps !


Bonsoir jolie damoiselle, m'accorderez-vous cette danse ? A moins que vous n'attendiez l'arrivée d'un amoureux ?

La damoiselle sortit de sa rêverie et prit le temps d'observer l'audacieux. Solidement bâti, vêtu de vêtements simples mais de qualité, il avait la main sur le cœur et il s'inclina cérémonieusement, haussant un sourcil et désignant le gigantesque foyer. Il lui souriait narquoisement.

Ma foi, pourquoi pas, je n'ai pas de cavalier.

Il l'entraîna dans une bourrée au milieu de la foule, et bientôt ils furent involontairement le point de mire des autres couples.

Vous dansez divinement, voyez tout le monde nous regarde. Il était dit que nous étions faits pour nous rencontrer ce soir. Je ne crois pas vous avoir déjà vue ici auparavant ? Je m'appelle Guillaume, et ce joli minois a-t-il un nom ?

Sa cavalière partit d'un grand éclat de rire avant de d'énoncer : Je m'appelle Lara messire joli cœur. Seriez-vous le Guillaume maître grand verrier ?

Mais oui ! Suis-je donc si célèbre que ça ?

En fait c'est votre fille qui m'a dit qui vous étiez. Devant son air dépité elle partit d'un nouveau rire cristallin qui lui arracha un sourire contraint. Vous dansez aussi très bien messire, et ces regards d'envie vous sont autant destinés qu'à moi.

La musique se tut, le temps pour chacun de se jeter sur le buffet et la damoiselle s'éclipsa, robe rouge au vent au cœur la nuit, non sans lui avoir fait une petite révérence en partant pour le remercier de la danse.

Je suis sure que nous nous reverrons. Profitez de la fête messire joli cœur !

Le maître verrier la regarda partir en souriant. Son frère qui n'avait rien perdu de la scène se rapprocha de lui.

Ferme ta bouche, tu baves. Tu sais qui c'est la donzelle ?

Elle s'appelle Lara et elle est sublime. Elle a dit qu'elle voulait me revoir.

C'est bien ce que je pensais, tu ne l'as pas reconnue. C'est notre nouvelle Dame de Vioménil et effectivement tu la reverras pas plus tard que demain pour lui rendre hommage.

Elle ... je ... tu ... oh non ! Je suis mort.
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Lara..
« Maison de Maître , composée d’un rez-de-chaussée , d’un premier étage de grenier, faux grenier, caves engrangements écuries greniers au-dessus, bûcher, chambre à four, cour, avant-cour, jardin potager y attenant et jardin fruitier séparé de la maison, contenant près de trois hectares. Les autres propriétés sont : le Moulin de Vioménil, la ferme de Jolivet, cinq étangs, trente sept hectares de terres labourables, plus de sept hectares de prés»

L’intendant s’inclina et me tendit l’acte de propriété. Je saisis le document, le relus rapidement puis le rangeai dans la cassette à côté de ma couronne et de l’acte d’anoblissement.

Je souhaite rencontrer les maîtres verriers dès demain. Veuillez m’apporter aussi copie de la charte qui nous lie à eux je vous prie.

Mais euh… ma Dame, c’est inutile, ces familles ne nous causent aucun souci et je me charge d’entretenir de bonnes relations avec eux.

En effet, vous vous en occupiez. Mais je compte m’installer à Vioménil au moins pour un temps et je vous décharge momentanément de votre fardeau pour un repos bien mérité… au moins le temps que je comprenne pourquoi l’acte que vous venez de me remettre ne correspond pas exactement à celui qui figure dans les registres de Lady Blanche. Et pourquoi les domaines de notre suzeraine sont ainsi amputés des revenus des grands verres et des forêts. Je suis certaine que ce n’est qu’une petite erreur administrative et que vous aurez à cœur de vérifier si vous n’avez pas laissé traîner un document au fond d’un tiroir. Vous pouvez également prévenir votre homologue d’Hennezel que je compte lui rendre visite dans la semaine pour les mêmes motifs.

Peut-être ai-je oublié en effet – dans l’émotion de vous accueillir de façon convenable dans vos terres je veux dire – de mettre à jour quelque document comptable.

Et bien dans ce cas demain tout cela sera parfaitement rétabli et nous n’en reparlerons plus. Allons, je ne voudrais pas retarder vos recherches, j’ai de mon côté quelque courrier à rédiger.

L’homme qui était entré si sûr de lui me paraissait bien livide quand il quitta la pièce. Je n’avais même pas envie de rire de la peur que je lui causais. Croyait-il que parce que je n’avais jamais eu de responsabilités jusqu’à présent je ne savais pas comment fonctionnait un domaine ? J’avais observé et écouté Angel pendant des années, et même si je n’avais que peu de goût pour la gestion, j’avais appris les ficelles du métier et les roueries des intendants rien qu’en la côtoyant au quotidien pendant des années.

La porte se referma, et les mains dans le dos je laissai parcourir mon regard sur la forêt de Darney. C’était un feu d’artifice de couleurs, à cette heure où le soleil allait se coucher. Lors de mon premier passage quelques semaines plus tôt, alors que ces terres n’étaient pas encore miennes, je n’avais vu qu’une colline émergeant des forêts des Vosges avec un petit village et un manoir aux murs crénelés dominant la source de la Saône. Aujourd’hui ce simple spectacle de la nature éblouissante était apaisant.

Je disposais encore d’une petite demi-heure de lumière avant que la petite bonne vienne allumer les lampes. Les derniers rayons de l’astre du jour baignaient mon sous-main et l’encrier, me dictant ce que je devais faire.




Ma chère Blanche,

Avant tout j’espère que votre retour en Bretagne s’est bien déroulé. Avez-vous pris le temps de faire un détour par Paris ? Je suis presque prête à parier que vous avez préféré faire la route d’une traite. En tout cas la prochaine fois c’est moi qui viens et qui vous enlève de force à votre menhir ! A-t-on idée de traverser le pays sans renouveler sa garde-robe. Tsss !

J’ai donc posé mes malles à Vioménil. L’inventaire du domaine a de quoi faire frémir, moi qui pensais qu’il consistait en une maison et un jardin ! Je découvre des champs, des prés, des mares, des moulins et j’en passe. J’ignorais aussi que des maîtres grands verriers étaient installés sur les terres d’Hennezel et de Vioménil ? J’ai vu leurs vitraux, ils sont ma-gni-fiques. Souhaitez-vous que je fasse acheminer vers Vannes quelques-unes de leurs œuvres ? Peut-être un présent pour la chapelle de votre nouvelle famille ou pour la cathédrale de Rennes ?

Le croirez-vous, je me suis mêlée hier à vos gens et j’ai dansé comme ça ne m’était pas arrivé depuis bien longtemps. Oh, rien à voir avec les bals de la cour bien sur, mais une joie de vivre et une énergie qui me permet de vous dire combien je me plais à vivre ici. Je vous vois rire en lisant ces lignes. Non, je ne me ferais pas nonne ni ermite, n’exagérons pas non plus. Mais je me sens beaucoup moins seule que j’aurais pu le craindre.

En espérant que cette lettre vous trouve en bonne santé, je reste

votre amie dévouée

Lara de la Fiole Ébréchée


Ma Dame souhaitera-t-elle dîner dans la grande salle ?

Je n'avais pas entendu la petite bonne arriver, mais c'est sans hésiter que je lui répondis

Non, je mangerai dans la cuisine. Vous me tiendrez compagnie.

Dire que j'avais toujours vécu au-dessus de ma condition, et voilà que je me mettais à rechercher la simplicité maintenant que j'avais été anoblie. Et après on dit que les femmes sont compliquées !
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Lara..
[Vaudemont, mai 1461]

Elle est là, assise près du feu. Celle qui a les pieds sur la table.
Ben vas-y avance, tout le monde nous regarde et on bloque l'entrée !
Elle est pas toute seule, y'a un gars avec elle. Qu'est-ce qu'on fait ?
Avance, de toute façon elle nous a vu et elle nous fait signe.

Et bien, et bien... qu'avons-nous là ? Rencontre fortuite ou alors vous me cherchiez ? Bonjour messire Guillaume... Padré... Jean et la petite Jehanne si je ne m'abuse ? Mais asseyez vous donc !

Nous ne voudrions pas déranger ma Dame, je vois que vous avez déjà de la compagnie.

Un signe de tête pour m'indiquer la forme avachie dont la tête baignait dans une flaque de vin sur la table. Quelques gouttes tombaient encore de temps en temps sur le sol de terre battue au milieu des morceaux de cruche.

Oh ça ? D'un coup de pied j'envoyai valser en arrière la chaise et son occupant qui s'écrasa au sol au milieu de l'indifférence générale de la taverne. Il ne se réveilla même pas. Voilà, la place est libre.

Encore un ivrogne qui m'a confondu avec une fille facile et s'était invité à ma table sans mon autorisation. J'ai du lui balancer ma carafe sur la tête. Remarquez le vin n'est pas terrible, c'est pas une grosse perte. Bon alors, que faites-vous ici ?


Le petit quatuor s’installa autour de la table et comme par magie une nouvelle cruche et des gobelets firent leur apparition devant chacun.

Non, pas toi Jehanne.
Mais P’pa…
J’ai dit non, une femme ne doit pas boire de vin comme ça en taverne.
Vous dites ça pour moi Jean ?
Euh … non, enfin… elle est trop jeune je voulais dire ma Dame… Il s’empourpra et s’empressa de mettre le nez dans son verre pour masquer sa confusion.

C’est pour vous que nous sommes venus, et c’est un dizainier de Belrupt que nous avons croisé au camp de l’armée qui nous a indiqué où vous trouver. Maintenant que vous êtes démobilisée, j’ai … nous avons pensé qu’une escorte jusqu’à Vioménil pourrait être utile. La campagne va fourmiller de gens peu fréquentables rendus à la vie civile pendant quelques temps.

C’est gentil de vous inquiéter pour moi. Oserais-je leur dire que je m’apprêtais à retourner à Nancy avant leur venue ? Je m’ennuyais ferme et n’avais rien de prévu. A court comme à moyen comme à long terme. Alors là ou ailleurs. Et puis de savoir que quelqu’un avait fait le déplacement rien que pour moi…

Vous pleurez ?
Mais non idiot, c’est ce vin, il est décidément vraiment aigre. Pouah ! Allons, mangeons quelque chose et puis nous irons chercher un endroit plus confortable avant de rentrer … chez nous.
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Blanche_de_belrupt
La décision avait été prise quelques jours plus tôt. Après un énième jour rempli d’ennuie, Blanche avait pris la décision de partir de Bretagne. Son promis n’était que rarement auprès d’elle, occupé à on ne sait quels affaires et tout cela agaçait la vicomtesse. Blanche n’était pas du genre à attendre lorsqu’elle prenait une décision, et même si cette dernière avait été prise en début d’après midi, les malles fut immédiatement rempli de toutes ses affaires emmener en Bretagne. La dame de compagnie et la domestique qui l’avait accompagnée en Breizh fur également mobilisées pour précipiter le départ.

La Belrupt regardait toute cette agitation avec une joie retrouvée mais l’inquiétude pouvait se lire dans ces prunelles. Elle ne pouvait se retirer de la tête les souvenirs de son dernier voyage. Par réflexe elle toucha son ventre, la ou le métal froid l’avait transpercée. Blanche était inquiète. Inquiète que tout cela se reproduise, inquiète de se faire attaquée par des brigands ou une armée. Les nombreuses malles remplis à ras bord ne pouvaient que tenter les personnes mal attentionnées.


-Marie. Venez ici.


La domestique se retourna en direction de sa maîtresse.

-Oui madame.

-Faite savoir en ville que nous cherchons une escorte pour nous accompagner lors d’un voyage jusqu’en lorraine. Qu’il se sache également que nous offrirons une forte récompense pour cela. Mais ne dit pas la date de notre départ. Je ne voudrais pas faciliter le travail de ceux qui nous veulent du mal. Encore une chose. Mettez notre champ en vente pour une broutille d’écus. Nous ne savons pas si nous reviendrons ici.

-Bien Madame.


Le soir venu, Blanche regarda une dernière fois la demeure ou elle avait vécu pendant plusieurs mois. Ce départ était-il un échec ou un nouveau départ ? L’avenir le lui dirait. Elle monta dans le coche, suivit de ses deux domestiques. La dame de compagnie lui tendit alors une enveloppe cachetée aux armes de vioménil. Un sourire se dessina malicieusement sur ses lèvres. Lara ne lui avait pas écrit depuis près de deux mois et Blanche attendait cette lettre avec impatience. Qu’elle ne fut pas sa surprise de découvrir que la lettre datait d’il y a près de deux mois. La dame de compagnie, se précipita de s’expliquer, de peur de s’attirer les foudres de la vicomtesse.

-Cette lettre m’est parvenue seulement en fin d’après midi. L’homme qui l’a ammener ici aurait eut des soucis pendant son voyage, a propos d’une guerre semblerait-il .


Blanche ne dit mot. Elle préferait répondre immédiatement à la lettre.

Citation:
Ma chère Lara,

Installe toi confortablement pour lire cette lettre qui sera longue.

Me réponse c’est sans doute faite attendre de ton coté, mais sache que la tienne vient de me parvenir que maintenant. Mon envoyé aurait eu un problème pendant le voyage. Sache qu’il ne nous causera plus d’ennuis à présent.

Je suis ravie de te savoir heureuse sur tes terres. Pour sur, les richesses de Vioménil sont nombreuses et j’espère que tu en jouis comme tu le souhaite.
Nombreuses sont les choses que j’ai à te dire, et je vais essayer de ne pas en oublier.

Tout d’abord, sache qu’il te sera inutile de m’envoyer quelques vitraux, puisque je serais de retour en lorraine dans un peu plus de deux semaines. Mon promis étant trop peu présent, j’ai pris l’initiative de faire mes malles et de retourner en lorraine. Nous pourrons ainsi passer plus de temps ensemble.

J’ai su que ton frère avait remporté les élections ducales en lorraine et qu’il avait ses chances pour devenir duc. Cela doit te rendre fière. Peut être pourrons nous nous voir lors de la cérémonie d’allégeance.
Je t’ai envoyée voila quelques semaines un colis contenant une robe du plus bel ouvrage achetée lors de mon retour en Bretagne. Je me suis arrêtée à Paris et est fait confectionner une robe avec les mensurations que je te connais. Malheureusement, l’homme a qui j’ai confiée le colis s’est trompé de personne, et ne ta pas livré la robe !* La dame qui la reçue ma dit t’avoir rencontrée en lorraine, peut être la connais tu ? Il me semble qu’elle se nomme Katrina petrova.

Malheureusement, la robe est perdue. Mais je me rattraperais en lorraine.
Tu n’imagine pas à quel point je suis heureuse à l’idée de te retrouver et de retrouver la lorraine. Les conflits entre lorrains me manquaient presque !

As-tu des idées de ce que tu souhaite faire ? Suivre les traces de ton frère ? Tu auras bien entendu tout mon soutien quoique tu fasses.

A très vite autour d’une mirabelle,
Ton amie Blanche.


-Faite parvenir cette lettre à ma vassale, et rapidement cette fois, une fois que nous aurons atteint la ville de fougères.


Et le coche se mit en route. Lorraine, me revoila !



* : RP " le shopping, c’est mieux avec la bourse des autres" à la POSTE
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Lara..
C'est quoi ça ?

Le déjeuner dans une auberge digne de ce nom s'était révélé excellent et le vin abondant qui l'accompagnait avait brisé la timidité de mon « escorte » J’avais appris tout ce qui s’était passé pendant ma courte absence sur Vioménil, du dernier petit veau qui était né aux rendez-vous galants de la femme du boulanger derrière le presbytère. Des informations dignes d’intérêt ! Pourtant j’avais senti qu’on me cachait encore quelque chose, et les coups de coude qu’ils s’échangeaient au milieu des messes basses en insistant pour que j’aille jusqu’aux écuries du relais m’avaient plus agacée qu’amusée.

Alors ? J’attends !

Nous avons pensé que vous apprécieriez de retrouver votre palefroi pour la route qui nous sépare du village ! Nous en avons pris grand soin vous savez. Attendez je vais vous le seller.
Vous savez très bien ce que je veux dire ! Pourquoi ma jument n’est-elle plus chez le juif ? Mes yeux flamboyaient et les sourires s’étaient vite mués en regards baissés.

Il faut que je donne quelques explications pour expliquer ma colère. Mes finances étaient… comment dire… pas des plus florissantes quand l’ordre de mobilisation était tombé quelques semaines plus tôt, et j’avais du emprunter à l’usurier local pour m’équiper avant de prendre la tête des hommes de ma suzeraine. J’avais donc gagé ma monture chez le vieux Simon en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes. L’homme, orfèvre de son état, était doux et arrangeant mais il restait un commerçant, un âpre commerçant même, et je le voyais mal remettre ma propriété entre les mains du premier venu alors qu’un contrat nous liait.

Hum… bon, c’est un peu de ma faute car nous avons un peu « forcé la main » à Simon. Mais c’était pour une bonne cause !

Jehanne étouffa un rire mais son père lui mit une claque derrière la tête. Ce qui n’empêcha pas le curé et Guillaume de sourire à leur tour en les regardant.

Je suis curieuse de savoir comment vous avez réussi cet exploit. Forcer la main à Simon ? Rien que ça ?
Le fils de notre Simon a été surpris à compter fleurette à notre Jehanne par son père. Non pas qu’il s’y oppose…
Le p’t’it il m’a demandé la permission de fréquenter ma fille . C’est un bon gars, mais son père ne semble pas de cet avis. Comprenez m’Dame, il espère mieux qu’une simple fille d’artisan pour bru. Mais ils s’aiment bien ces deux là alors…
Alors, reprit le curé, le Très haut a décidé de faire appel à nous pour que l’Amour triomphe … et pour remettre notre Simon à sa juste place. C’est là que notre petit stratagème s’est mis en place…
J’ai enfoncé la porte de sa boutique avec ma hache en prétextant que je voulais occire son fils qui avait manqué de respect à ma fille. Vous imaginez sa tête ! * rires * Et puis le curé est arrivé comme par hasard à ce moment, il m’a calmé et a dit qu’il fallait éloigner Jéhanne quelque temps, la mettre sous votre aile, loin des yeux du fils de Simon le temps que les pères parviennent à un éventuel accord.

Et moi je suis arrivé comme par hasard disant que vous ramener votre cheval serait un bon motif pour l’éloigner. Avec nous pour l’escorter bien sur. Et je crois que savoir que Jean serait loin pendant quelques jours l’a décidé.

Mais c’est pas vrai ! Une véritable conspiration ? Et vous êtes fiers de vous ?
Assez, oui ! car Simon n’a pas osé dire non à l’éventualité d’un mariage pour effacer l’incident ! Et il vous sera obligé de garder Jehanne avec vous, qui par la même occasion voit son statut s’élever… enfin, c’est à dire…
C’est à dire si vous voulez bien de moi à votre service…

Que répondre à ça ? Hein, je vous le demande ! Du coup j’avais l’impression moi aussi de me faire forcer la main, mais pour les affaires de cœur… pfffff ! Raaaaa les hommes et leurs manigances !

Allez monte Jehanne, je vais marcher un peu pour commencer, tu me raconteras comment il est ton amoureux.

Elle piqua un fard puis prise d’une subite révélation elle sortit un pli de son corsage qu’elle me tendit.

C’est arrivé chez vous le jour de notre départ, votre intendant nous a demandé de vous le remettre. Il a dit que ça remettrait peut être en cause votre itinéraire.

Les armes de Belrupt. Blanche. Ma gorge se serra. Quelque chose de grave lui était arrivé ?

Je descellai le pli et au fur et à mesure de ma lecture mes lèvres esquissèrent un sourire.


Dites, ça vous dirait de faire un petit détour avant de rentrer ?

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Lara..


Très chère Blanche,

C'est à la fois avec joie et tristesse que je prends connaissance de votre retour dans notre beau pays. Joie de vous retrouver mêlée à la peine que vous devez éprouver à quitter votre promis. Mais bast, ce sera à lui de traverser le pays pour se traîner à vos pieds la prochaine fois. Je suis certaine que ça vous plaira !

Votre courrier m'a trouvé à Vaudemont à l'heure où vient de sonner la démobilisation. La victoire nous est acquise et les routes sont de nouveau à peu près sûre, c'est à dire que comme auparavant on a de nouveau des chances de garder sa bourse en traversant les forêts à condition de ne pas trop la mettre en évidence.

Désormais les guerres se poursuivent dans les couloirs du château de Nancy. Guerres de pouvoir et d'ambitions comme vous vous en doutez, où le bien-être de la Lorraine n'est que tout à fait secondaire. Je laisse bien volontiers mon frère s'y ébattre et je me contente d'observer de loin et d'apprendre les rouages de la politique en m'assurant qu'on ne porte pas atteinte à vos intérêts en votre absence.

Pour l'heure j'ai avec moi quelques gens de Vioménil qui m'ont rejointe. Pas des gens d'armes, mais quelques uns de vos plus fidèles sujets qui m'accompagneront jusqu'à vous. Car bien sur je viens à votre rencontre ! Vos hommes d'armes n'ont malheureusement pas été autorisés à quitter le sol lorrain, mais ils seront présents pour vous rendre hommage dès que vous y poserez le pied.

Votre fidèle et dévouée

Lara de la Fiole Ébréchée



On va aller jusqu'en Bretagne ? Oh la la c'est loin ça non ?

Mais non Jehanne, on va aller jusqu'à la rencontre de Monseigneur Blanche et l'accompagner pour la fin du voyage. A mon avis elle a déjà pris la route depuis qu'elle m'a envoyé cette lettre.
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Lara..
Halte ! La bourse ou la vie ?

Tirant sur les rênes, Lara arrêta sa monture alors que deux malandrins surgissaient des fourrés l’arme au poing. Ils n’avaient pas l’air commode, l’un brandissant sa massue tandis que l’autre tenait une épée pointée dans sa direction.

Posant sa main sur le pommeau de la selle, elle leur sourit en haussant un sourcil.


Eh bien, eh bien ! Serait-ce que vous comptez me détrousser ? La bourse ou la vie, rooooo, non mais je vous demande pardon, personne ne dit ça voyons ! Et puis vous avez vu comment vous êtes sortis du fourré ? Même pas un cri ou un hurlement, et j’ai bien cru que vous alliez trébucher avant d’atteindre le chemin. Non, non, sérieusement vous n’êtes pas crédible !

L’air ahuri les deux compères se regardèrent, avant de fixer à nouveau Lara, un peu énervés par tant de désinvolture.

Fais pas la maline. Jette tes sacoches et donne-moi ta bourse. Et p’is… Et p’is tes bijoux. Tes bijoux aussi tu les jettes. Grouilles-toi !

Lara partit d’un grand éclat de rire.

Mes bijoux ? Parce que j’ai une tête à porter des bijoux ? Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué je porte des vêtements de guerre, pas une robe de bal.

Te fous pas d’moi. File-moi ton bouclier. Ou sinon… sinon…

Celui qui était visiblement le chef ne voyait pas son affaire tourner comme il le voulait. Il en bafouillait mais ne pouvait plus reculer. Sans doute des paysans démobilisés qui avaient vu l’occasion de se faire un peu d’argent facile avec une femme voyageant seule avant de retourner dans leur chaumière. Pas des bandits de grand chemin en tout cas.

Et tu en ferais quoi de mon bouclier ?

Elle laissa porter son regard au-dessus de l’épaule du deuxième compère puis elle leva la main à hauteur de l’épaule. Immédiatement un carreau d’arbalète jaillit de nulle part avant de se planter entre les jambes du « chef »

Un deuxième carreau se planta à quelques pas devant son compagnon, obligeant Lara à retenir sa monture aussi surprise qu’eux.

Les taillis se mirent à bouger tout autour avant de livrer passage à Jean qui frappait sa main du manche de la hache, Jehanne qui braquait son arbalète armée, au curé qui portait nonchalamment une masse sur son épaule et enfin à Guillaume qui avait sorti sa vieille épée.

Oui ? Tu voulais dire quelque chose ? Sinon ?

Elle laissa planer quelques secondes d’un silence lourd avant de les chasser d’un geste vague.

Allez, filez vos femmes et vos enfants vous attendent. La prochaine fois que je vous recroise à menacer qui que ce soit je vous fais couper les oreilles.

Ils progressèrent à reculons tout doucement, faisant force sourire et courbette, puis détalèrent sans demander leur reste au premier détour du chemin.

Vous aviez raison mon père, ce chemin sombre n’augurait rien de bon mais je crois qu’il y aura d’autres rencontres avant que nous rejoignions Dame Blanche. Pour cette fois c’était de pauvres diables, mais pas sur que les prochains soient du même acabit.

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Lara..
Assis autour d’un feu dispensant plus de fumée que de chaleur, les cinq voyageurs s’étaient fait une raison : ce soir ils dormiraient à la dure.

La pluie était tombée sans discontinuer de toute la journée, transformant les chemins en bourbier et ralentissant leur progression. La nuit les avait surpris encore loin du relais où ils avaient prévu de faire étape, et ils avaient employé les dernières lueurs du jour pour dénicher un abri quelconque où établir leur campement. Ils n’avaient rien trouvé de mieux que cet éperon rocheux sous lequel ils s’abritaient et qui les protégeait au moins de la pluie à défaut du froid mordant qui leur faisait claquer des dents.

Le feu avait été long à prendre tellement le bois qu’ils avaient ramassé était mouillé et encore maintenant, alors que cela faisait déjà plusieurs heures qu’il brûlait, la fumée qui s’en échappait leur piquait les yeux. Au moins cela suffirait-il à sécher leurs vêtements de voyage d’ici demain. De temps en temps, Jean jetait une branche au feu pour continuer à l’alimenter.

Emmitouflés dans leurs couvertures, ils se laissaient hypnotiser par les flammes, les traits tirés d’avoir pataugé toute la journée sans voir à plus de dix pas à travers le rideau de pluie et sans croiser âme qui vive. Quelle idée de voyager par ce temps ! Jehanne avait laissé tomber la tête contre l’épaule de son père et fermait les yeux, tandis que Guillaume et le curé improvisaient le dîner à partir de leurs réserves. Ce dernier ne cessait d’ailleurs d’étonner Lara. Un homme d’Eglise qui maniait le gourdin comme s’il avait fait ça toute sa vie et qui s’était révélé un véritable épicurien. Bien loin de l’image que Lara se faisait d’un curé de campagne.

Que pensaient-ils de leur Dame de Vioménil en ce moment ? Se maudissaient-ils d’être allée à sa rencontre alors qu’ils pourraient être douillettement chez eux à cette heure ? Et qu’est ce qui les avait réellement motivés ? Cette amourette abracadabrante de Jehanne, Lara n’y croyait qu’à moitié et elle doutait d’avoir pu inspirer une quelconque fidélité à ses gens depuis qu’elle avait pris possession de ses terres. Il y a quelques mois, ils ne la connaissaient même pas et elle-même n’avait jamais entendu parler d’eux.


Dame Lara ? Parlez-nous comment de la Vicomtesse s’il vous plait. Comment est-elle ? Que devrons-nous faire ou justement ne pas faire quand nous la verrons ? Je ne l’ai vue que de loin, et encore j’étais toute petite, l’intendant ne nous aurait jamais permis de l’approcher quand elle passait à Vioménil.

Jehanne avait ouvert les yeux et son père qui allait la rabrouer pour sa témérité se tut quand Lara leva la main.

Laisse Jean, c’est de la curiosité légitime. Même si je suis forcément de parti pris puisque c’était – et c’est toujours je crois – une amie avant d’être notre suzeraine. Dame Blanche est… euh…



Chère Blanche,

Nous avons quitté Vaudemont il y a quelques jours et nous voici en route pour vous retrouver. Votre centenier sera comme promis sur les marches de Lorraine avec sa troupe pour vous accueillir à votre arrivée. Pour l’heure il raccompagne l’armée qui rejoint sa garnison.

J’espère que vous avez trouvé une escorte et des compagnons de voyage d’agréable compagnie. De notre côté nous avons déjà du nous débarrasser de quelques coupe-jarrets qui se croyaient libres de prendre la place de ceux dont nos armées nous ont débarrassé quelques semaines plus tôt.

Je ne sais pas quel temps vous rencontrez sur les chemins. Ici il tombe des cordes, et on a même vu quelques traces de neige sur les hauteurs. Le temps est fou. J’aurais peut-être du vous commander des vêtements adéquats avant que vous quittiez la Bretagne, ils sont réputés pour être étanches ! Notre progression en est ralentie, et à l’heure où j’écris nous bivouaquons à la belle étoile. Enfin… belle étoile… façon de parler, elles sont bien cachées !

Tout à l’heure mes gens - qui sont aussi les vôtres - m’ont demandé de leur parler de vous. J’imagine qu’ils sont un peu nerveux à l’idée de vous approcher de près. J’ai été bien embêtée pour leur répondre. Comment dissocier l’amie de la suzeraine. Comment expliquer qu’un comportement en société et une attitude en privé peuvent différer du tout au tout. Comment leur parler des règles de conduite et de bienséances, du poids des traditions ! Comment expliquer le poids des devoirs et des charges ! Tout ce que je découvre depuis quelques mois et dont j’avais à peine idée avant d’y être confrontée.

Ils me voient portant des robes à la dernière mode et prenant soin de mon apparence. Bon peut-être pas aujourd’hui, je ferai fuir n’importe qui avec mes cheveux en bataille et mon dernier bain remonte à des lustres ! Ils pensent que vous portez des atours encore plus riche et être dix fois plus rayonnante. Je ne les détrompe pas parce que c’est sans doute vrai, mais c’est parce que vous êtes… vous et non pas parce que vous êtes notre suzeraine.

Je vais tâcher de vous envoyer cette lettre avant que notre bon curé ne décide d’attraper mon dernier pigeon pour le plumer. Je trouve que son regard pointe bien trop souvent vers sa cage à l’heure des repas !

Ne vous inquiétez pas pour moi ni pour mes compagnons, nous cheminons lentement mais surement et rien de notable ne nous est arrivé.

Votre amie dévouée.

Lara de la Fiole Ébréchée

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