Della
Je ne me fis pas prier et j'entrai donc dans le bureau de mon frère.
Un rapide coup d'oeil sur la table de travail m'intrigua. Eldwin ne faisait rien ! Etait-ce possible ? Même pas un livre, même pas un parchemin...C'était inhabituel.
Je voulais être certaine de ne pas mal tomber.
Je ne te dérange pas ?
Mais l'invitation faite à m'asseoir me rassura. Je ne le dérangeais pas...peut-être même allais-je lui procurer de quoi ne pas s'ennuyer davantage. Il fallut que je morde ma lèvre inférieure pour empêcher le petit sourire moqueur qui menaçait de s'étaler de tout son long au milieu de mon visage. J'avais du mal à maîtriser ce côté canaille en moi...
Après avoir pris place, après avoir rendu son sourire à Eldwin...diantre, était-il malade ?...Je toussotai un peu pour me donner contenance et assurer ma voix.
Tendant les livres de comptes, j'entamai la conversation.
L'autre jour, tu m'as demandé à voir les comptes...Alors si tu en as le temps et l'envie, voilà. Tout est à jour.
Je gardai bien évidemment la lettre sur mes genoux et cherchai le courage de lui en parler en noyant un peu le poisson.
Tu verras que les finances sont bonnes et que malgré l'accident de la charrette, la perte des trois tonneaux écrasés ne sera pas trop grave. Il faut dire que c'est un ami de Sémur qui me les fabrique et il me les vend à un prix fort intéressant. J'ai veillé à ce que les ouvriers blessés soient aidés. Je leur ai fait porter de la nourriture, pour leur famille ainsi que quelques médications pour les aider à se rétablir.
Je laissais Eldwin ouvrir les livres et...je repris...sur le même ton.
Lorsque tu auras fini, il faudrait que tu voies ceci.
Je lui tendis alors la lettre de Loctavia en continuant...
Il y a quelques temps de cela, j'ai découvert qu'il se pourrait que nous ayons un...Je cherchai le regard d'Eldwin, non pas, comme je l'avais pensé auparavant pour y déceler une lueur furieuse ou étonnée mais bien parce que nous étions frère et soeur et que dans ces cas-là, la solidarité fraternelle était nécessaire. Enfin, lis, tu verras...
La lettre était sans équivoque...
Un rapide coup d'oeil sur la table de travail m'intrigua. Eldwin ne faisait rien ! Etait-ce possible ? Même pas un livre, même pas un parchemin...C'était inhabituel.
Je voulais être certaine de ne pas mal tomber.
Je ne te dérange pas ?
Mais l'invitation faite à m'asseoir me rassura. Je ne le dérangeais pas...peut-être même allais-je lui procurer de quoi ne pas s'ennuyer davantage. Il fallut que je morde ma lèvre inférieure pour empêcher le petit sourire moqueur qui menaçait de s'étaler de tout son long au milieu de mon visage. J'avais du mal à maîtriser ce côté canaille en moi...
Après avoir pris place, après avoir rendu son sourire à Eldwin...diantre, était-il malade ?...Je toussotai un peu pour me donner contenance et assurer ma voix.
Tendant les livres de comptes, j'entamai la conversation.
L'autre jour, tu m'as demandé à voir les comptes...Alors si tu en as le temps et l'envie, voilà. Tout est à jour.
Je gardai bien évidemment la lettre sur mes genoux et cherchai le courage de lui en parler en noyant un peu le poisson.
Tu verras que les finances sont bonnes et que malgré l'accident de la charrette, la perte des trois tonneaux écrasés ne sera pas trop grave. Il faut dire que c'est un ami de Sémur qui me les fabrique et il me les vend à un prix fort intéressant. J'ai veillé à ce que les ouvriers blessés soient aidés. Je leur ai fait porter de la nourriture, pour leur famille ainsi que quelques médications pour les aider à se rétablir.
Je laissais Eldwin ouvrir les livres et...je repris...sur le même ton.
Lorsque tu auras fini, il faudrait que tu voies ceci.
Je lui tendis alors la lettre de Loctavia en continuant...
Il y a quelques temps de cela, j'ai découvert qu'il se pourrait que nous ayons un...Je cherchai le regard d'Eldwin, non pas, comme je l'avais pensé auparavant pour y déceler une lueur furieuse ou étonnée mais bien parce que nous étions frère et soeur et que dans ces cas-là, la solidarité fraternelle était nécessaire. Enfin, lis, tu verras...
La lettre était sans équivoque...
Citation:
Chère Dame Della De Volvent,
Comment pourrait-on trouver audacieux et cavalier que vous preniez la peine et le temps de m'écrire lorsque l'on connaît votre condition et ce qui l'éloigne de la mienne... C'est un double honneur que vous me faîtes, d'une part en m'accordant votre attention, d'autre part en me révélant des vérités que j'ignorais et qui ne peuvent que me réjouir.
Permettez-moi de vous expliquer ma situation après que les personnes m'ayant élevé m'ont éclairé à ce sujet. Et veuillez accepter toutes mes excuses pour les peines que je pourrais vous infliger concernant feu votre père.
Dame Heliabel, la jeune femme dont vous avez retrouvé les lettres, s'est trouvée être la maîtresse de votre père il y a de cela 24 années. C'était une paysanne de Chambéry, une jeune fille plutôt simple qui aura attiré l'attention de votre père pas sa candeur et sa joie de vivre qu'on disait fort appréciées. Leur liaison, bien que plutôt brève, suffit à mettre cette demoiselle enceinte, et quelques mois plus tard, je naquit, fruit d'une union qui n'aurait jamais dû être mais que l'on ne pouvait plus ignorer. Votre père, durant tout ce temps, fut grandement bon pour ma mère. Il fit en sorte que sa maternité ne lui cause aucun tort, et s'engagea à prendre soin de mon cas, de manière indirecte certes mais fortement engagée.
Ainsi me plaça-t-il, en accord avec ma mère, auprès d'Hector et Valentine, deux paysans de sa connaissance qui désespéraient de n'avoir point d'enfant, et dont l'âge avancé laissait peu d'espoir à ce sujet. Il prit la peine de leur expliquer sa situation, ne leur cachant rien et faisant preuve d'une grande honnêteté. C'est ainsi que j'ai grandi, ignorant mes origines, au sein d'une famille que je croyais mienne et que je ne saurais renier aujourd'hui.
Voilà donc la médiocre réalité de ma destinée : suivant le chemin de mes parents adoptifs, je ne suis moi-même qu'un simple paysan. Conscient du trouble et du déshonneur que peut causer mon existence auprès des vôtres, je ne saurais vous demander de m'accorder plus d'attention. Sachez tout de même que j'aurais grand plaisir à correspondre encore avec vous, et à connaître les enfants de celui que je n'ose considérer comme mon père sans risquer de vous blesser, mais pour qui j'ai une très grande estime.
Dans l'attente de votre éventuelle réponse, veuillez donc recevoir, chère Dame Della, l'assurance de mon plus grand respect.
Messire Loctavia
Chère Dame Della De Volvent,
Comment pourrait-on trouver audacieux et cavalier que vous preniez la peine et le temps de m'écrire lorsque l'on connaît votre condition et ce qui l'éloigne de la mienne... C'est un double honneur que vous me faîtes, d'une part en m'accordant votre attention, d'autre part en me révélant des vérités que j'ignorais et qui ne peuvent que me réjouir.
Permettez-moi de vous expliquer ma situation après que les personnes m'ayant élevé m'ont éclairé à ce sujet. Et veuillez accepter toutes mes excuses pour les peines que je pourrais vous infliger concernant feu votre père.
Dame Heliabel, la jeune femme dont vous avez retrouvé les lettres, s'est trouvée être la maîtresse de votre père il y a de cela 24 années. C'était une paysanne de Chambéry, une jeune fille plutôt simple qui aura attiré l'attention de votre père pas sa candeur et sa joie de vivre qu'on disait fort appréciées. Leur liaison, bien que plutôt brève, suffit à mettre cette demoiselle enceinte, et quelques mois plus tard, je naquit, fruit d'une union qui n'aurait jamais dû être mais que l'on ne pouvait plus ignorer. Votre père, durant tout ce temps, fut grandement bon pour ma mère. Il fit en sorte que sa maternité ne lui cause aucun tort, et s'engagea à prendre soin de mon cas, de manière indirecte certes mais fortement engagée.
Ainsi me plaça-t-il, en accord avec ma mère, auprès d'Hector et Valentine, deux paysans de sa connaissance qui désespéraient de n'avoir point d'enfant, et dont l'âge avancé laissait peu d'espoir à ce sujet. Il prit la peine de leur expliquer sa situation, ne leur cachant rien et faisant preuve d'une grande honnêteté. C'est ainsi que j'ai grandi, ignorant mes origines, au sein d'une famille que je croyais mienne et que je ne saurais renier aujourd'hui.
Voilà donc la médiocre réalité de ma destinée : suivant le chemin de mes parents adoptifs, je ne suis moi-même qu'un simple paysan. Conscient du trouble et du déshonneur que peut causer mon existence auprès des vôtres, je ne saurais vous demander de m'accorder plus d'attention. Sachez tout de même que j'aurais grand plaisir à correspondre encore avec vous, et à connaître les enfants de celui que je n'ose considérer comme mon père sans risquer de vous blesser, mais pour qui j'ai une très grande estime.
Dans l'attente de votre éventuelle réponse, veuillez donc recevoir, chère Dame Della, l'assurance de mon plus grand respect.
Messire Loctavia