Beltane
[Quelque part dans une grande ville, à la tombée de la nuit
]
Dehors, l'obscurité se faisait de plus en plus prégnante. Beltane arpentait les rues de la ville à la recherche d'une auberge où elle pourrait passer la nuit en lieu sûr. Elle poussa la porte de la première qu'elle trouva sur son chemin. Il y avait déjà du monde à l'intérieur si bien que personne ne remarqua lentrée de la demoiselle. Tant mieux, elle voulait être discrète. Elle se trouva une petite place au comptoir entre deux rustauds.
Cachée derrière son capuchon, elle jeta un coup dil par-dessus son épaule pour juger de lendroit. Elle n'aimait pas les tavernes. En tous cas, elle n'allait pas aimer celle-ci. Des rustres y buvaient à foison et entonnaient des chansons grivoises pendant que d'autres s'ébattaient aux bras de ribaudes aux murs légères. Elle toisait chaque individu avec un regard empreint de dédain. Tous des ivrognes et des vauriens pensa-t-elle.
- Bien le bonsoir damoiselle, quest-ce que jpeux faire pour vous ? lui demanda le tenancier derrière son comptoir.
Ne layant pas vu arriveré, Beltane se retourna vivement, surprise.
- Euh Bonsoir, répondit-elle doucement tout en ôtant son capuchon. Auriez-vous une chambre à me louer pour la nuit ?
Le ton était timide, les mots hésitants. Elle ne se sentait pas à laise dans cet endroit.
Pour sûr qujai une chambre à vous louer damoiselle , affirma le bonhomme. Par contre le règlement de la maison veut quon paye sa nuit de suite.
Beltane acquiesça, paya laubergiste du prix convenu et celui-ci enchaîna, prévenant :
- Voulez que jvous serve quelquchose à manger ?
Elle tourna la tête vers son voisin vérifiant ce quelle avait déjà aperçu tout à lheure. Il dévorait une espèce de ragoût infâme dont lodeur répugnante fit grimacer la jeune fille.
- Non merci , répondit-elle en adressant un geste désapprobateur de la main. Lhomme, indifférent, haussa des épaules puis sen alla servir dautres clients. En fait, la faim tenaillait Beltane mais elle préférait encore rester le ventre vide que de goûter à cette bouillie infâme. Elle resta là, accoudée au comptoir, le regard vide, jouant avec ses doigts. Au bout de quelques minutes, le tenancier revint la voir.
- Jvous proposerez bien à boire mais jnai rien qui conviendrait à une damoiselle comme vous. Cest que jnai pas lhabitude de recevoir des personnages de haut rang dans mon auberge.
Beltane fixa, curieuse, limposante carrure qui se trouvait devant elle. Pensait-il vraiment quelle soit une grande dame? Une de ces nobles à la bourse pleine de pièces sonnantes et trébuchantes ? Pourtant ce nétait pas le cas. A son grand dam, elle nétait pas plus riche ni plus titrée que son voisin de comptoir qui avalait sa soupe en émettant des bruits grossiers.
- Je ne suis pas un personnage de haut rang , lui répondit-elle sur un ton réprobateur avant de reporter son attention sur ses mains.
- Ah ! Fort bien ! sexclama le barbu. Son visage prit alors un air guilleret.
- Alors vous prendrez bien une chope, nest-ce pas ?
- Je nai pas soif.
La réponse était acerbe, elle navait pas même pris la peine de le regarder pour sadresser à lui. Vexé, laubergiste retourna à ses affaires laissant la jeune fille seule. Anxieuse, elle continuait de jouer avec ses doigts quelle ne cessait de croiser et dentrecroiser, indifférente au brouhaha environnant.
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Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire.
Dehors, l'obscurité se faisait de plus en plus prégnante. Beltane arpentait les rues de la ville à la recherche d'une auberge où elle pourrait passer la nuit en lieu sûr. Elle poussa la porte de la première qu'elle trouva sur son chemin. Il y avait déjà du monde à l'intérieur si bien que personne ne remarqua lentrée de la demoiselle. Tant mieux, elle voulait être discrète. Elle se trouva une petite place au comptoir entre deux rustauds.
Cachée derrière son capuchon, elle jeta un coup dil par-dessus son épaule pour juger de lendroit. Elle n'aimait pas les tavernes. En tous cas, elle n'allait pas aimer celle-ci. Des rustres y buvaient à foison et entonnaient des chansons grivoises pendant que d'autres s'ébattaient aux bras de ribaudes aux murs légères. Elle toisait chaque individu avec un regard empreint de dédain. Tous des ivrognes et des vauriens pensa-t-elle.
- Bien le bonsoir damoiselle, quest-ce que jpeux faire pour vous ? lui demanda le tenancier derrière son comptoir.
Ne layant pas vu arriveré, Beltane se retourna vivement, surprise.
- Euh Bonsoir, répondit-elle doucement tout en ôtant son capuchon. Auriez-vous une chambre à me louer pour la nuit ?
Le ton était timide, les mots hésitants. Elle ne se sentait pas à laise dans cet endroit.
Pour sûr qujai une chambre à vous louer damoiselle , affirma le bonhomme. Par contre le règlement de la maison veut quon paye sa nuit de suite.
Beltane acquiesça, paya laubergiste du prix convenu et celui-ci enchaîna, prévenant :
- Voulez que jvous serve quelquchose à manger ?
Elle tourna la tête vers son voisin vérifiant ce quelle avait déjà aperçu tout à lheure. Il dévorait une espèce de ragoût infâme dont lodeur répugnante fit grimacer la jeune fille.
- Non merci , répondit-elle en adressant un geste désapprobateur de la main. Lhomme, indifférent, haussa des épaules puis sen alla servir dautres clients. En fait, la faim tenaillait Beltane mais elle préférait encore rester le ventre vide que de goûter à cette bouillie infâme. Elle resta là, accoudée au comptoir, le regard vide, jouant avec ses doigts. Au bout de quelques minutes, le tenancier revint la voir.
- Jvous proposerez bien à boire mais jnai rien qui conviendrait à une damoiselle comme vous. Cest que jnai pas lhabitude de recevoir des personnages de haut rang dans mon auberge.
Beltane fixa, curieuse, limposante carrure qui se trouvait devant elle. Pensait-il vraiment quelle soit une grande dame? Une de ces nobles à la bourse pleine de pièces sonnantes et trébuchantes ? Pourtant ce nétait pas le cas. A son grand dam, elle nétait pas plus riche ni plus titrée que son voisin de comptoir qui avalait sa soupe en émettant des bruits grossiers.
- Je ne suis pas un personnage de haut rang , lui répondit-elle sur un ton réprobateur avant de reporter son attention sur ses mains.
- Ah ! Fort bien ! sexclama le barbu. Son visage prit alors un air guilleret.
- Alors vous prendrez bien une chope, nest-ce pas ?
- Je nai pas soif.
La réponse était acerbe, elle navait pas même pris la peine de le regarder pour sadresser à lui. Vexé, laubergiste retourna à ses affaires laissant la jeune fille seule. Anxieuse, elle continuait de jouer avec ses doigts quelle ne cessait de croiser et dentrecroiser, indifférente au brouhaha environnant.
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Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire.