Aimbaud
La tête penchée vers celle du Maréchal de France, qui l'entretenait des détails de la nouvelle levée du ban royal, dans la salle du trône, le jeune marquis de Nemours avait pu observer les coiffes de Blanche de castille et de ses suivantes disparaître par la porte d'honneur. Leur traversée de la grand salle avait semé un fin nuage de parfum dans leur sillon, suivi d'une sorte de trouble éphémère parmi les hommes de la cour dont les regards pendaient par-là... Cette équipée en robes, leur meneuse plus particulièrement, provoquaient souvent ce genre d'attentat à la distraction, dans les grandes assemblées de la cour, par le seul bruit de leurs souliers sur les dalles, et le chuintement de leurs voiles sur leurs gorges.
Les yeux noirs d'Aimbaud restaient ainsi fixés sur le passage de l'escorte de la maîtresse du roi, qui se refermait lentement sous le poids des capes de quelques feudataires austères (les fameux "feuds austères" doués aux claquettes...). Les propos que le Talleyrand lui tenait à l'oreille lui parurent soudain parfaitement ennuyeux. Si bien qu'il se mit à tapoter d'un doigt nerveux le pommeau de son épée, et à cligner des yeux en attendant la première occasion de voir le prédicateur reprendre son souffle, afin de couper court.
Veuillez m'excuser. Dit-il enfin, en inclinant le chef, arrêtant Flavien au beau milieu d'une phrase.
Et puisqu'il n'avait nulle excuse, il n'en chercha pas.
Il s'engouffra par la porte principale, en allongeant le pas. Il se laissa mener à l'oreille, suivant les "Ma dame..." prononcés par les nobles de la cour sur le passage de la favorite. Il emprunta les arcades du Louvre à sa suite. Le coeur battant, il suivit du regard son entrée dans la chapelle royale, et ralentit sa marche devant la porte de l'édifice. Les dernières traînes des damoiselles d'atours passèrent derrière les barreaux... Le Bourguignon attendit sur le seuil, observant chacune prendre place sur un prie-dieu derrière leur maîtresse, sans mot et avec la discipline de petits soldats en dentelles...
Il hésitait à entrer, n'ayant pas le souhait de perturber la prière. Il resta donc debout près du premier bénitier, croisant les mains faute de savoir où les poser. Les épaules de Blanche lui apparaissaient près de l'allée centrale, droites et claires, support de son port de tête impeccable, dont il devinait à peine la nuque, éloignée, et dissimulée par un fin drap de lin. D'ailleurs il était myope... Mais son imagination lui suffisait pour voir la couleur de ses yeux bleu-gris mi-clos absorbés par la récitation du crédo, et ses lèvres frémissantes.
Il se surprit à expirer profondément. Et ce soupire le glaça, quand il réalisa qu'il le poussait aux portes d'un lieu saint. Dans un sursaut de conscience, il défit le noeud de cuir de son fourreau afin de déposer l'épée contre la porte de bois sombre, puis emprunta l'allée vide de la chapelle.
Il exécuta les gestes mécaniquement, puis, arrivé à hauteur de l'Espagnole, s'agenouilla sur le prie-dieu à sa gauche pour y joindre les mains posément.
Me permettrez-vous de prier à vos côtés ? Fit-il à mi-voix.
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Les yeux noirs d'Aimbaud restaient ainsi fixés sur le passage de l'escorte de la maîtresse du roi, qui se refermait lentement sous le poids des capes de quelques feudataires austères (les fameux "feuds austères" doués aux claquettes...). Les propos que le Talleyrand lui tenait à l'oreille lui parurent soudain parfaitement ennuyeux. Si bien qu'il se mit à tapoter d'un doigt nerveux le pommeau de son épée, et à cligner des yeux en attendant la première occasion de voir le prédicateur reprendre son souffle, afin de couper court.
Veuillez m'excuser. Dit-il enfin, en inclinant le chef, arrêtant Flavien au beau milieu d'une phrase.
Et puisqu'il n'avait nulle excuse, il n'en chercha pas.
Il s'engouffra par la porte principale, en allongeant le pas. Il se laissa mener à l'oreille, suivant les "Ma dame..." prononcés par les nobles de la cour sur le passage de la favorite. Il emprunta les arcades du Louvre à sa suite. Le coeur battant, il suivit du regard son entrée dans la chapelle royale, et ralentit sa marche devant la porte de l'édifice. Les dernières traînes des damoiselles d'atours passèrent derrière les barreaux... Le Bourguignon attendit sur le seuil, observant chacune prendre place sur un prie-dieu derrière leur maîtresse, sans mot et avec la discipline de petits soldats en dentelles...
Il hésitait à entrer, n'ayant pas le souhait de perturber la prière. Il resta donc debout près du premier bénitier, croisant les mains faute de savoir où les poser. Les épaules de Blanche lui apparaissaient près de l'allée centrale, droites et claires, support de son port de tête impeccable, dont il devinait à peine la nuque, éloignée, et dissimulée par un fin drap de lin. D'ailleurs il était myope... Mais son imagination lui suffisait pour voir la couleur de ses yeux bleu-gris mi-clos absorbés par la récitation du crédo, et ses lèvres frémissantes.
Il se surprit à expirer profondément. Et ce soupire le glaça, quand il réalisa qu'il le poussait aux portes d'un lieu saint. Dans un sursaut de conscience, il défit le noeud de cuir de son fourreau afin de déposer l'épée contre la porte de bois sombre, puis emprunta l'allée vide de la chapelle.
Il exécuta les gestes mécaniquement, puis, arrivé à hauteur de l'Espagnole, s'agenouilla sur le prie-dieu à sa gauche pour y joindre les mains posément.
Me permettrez-vous de prier à vos côtés ? Fit-il à mi-voix.
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