Moins pire que prévu. C'était ce que Tynop estimait des diverses réactions suite à son annonce. Certes aucun n'avait manifesté de la joie ou quoi que ce soit, m'enfin ils n'avaient pas non plus sorti les armes pour le dégager d'ici. La compagne en question lui avait même sourit, de ce sourire qui le faisait chavirer, lui donner envie de l'enlacer, de l'embrasser passionnément. Il se retint toutefois, ce n'était ni le lieu, ni le moment.
La maitresse des lieux lâcha son verre sous l'effet de la surprise, en déversant par la même occasion sur son pauvre compagnon qui semblait quelque peu désorienté depuis les arrivées successives, ne sachant plus vraiment où donner de la tête. A vrai dire le vagabond ne s'était pas non plus attendu à tant de monde, et apparemment les Corleone étaient venu pour parler au nom de leur famille, ce qui signifiait qu'ils seraient encore plus nombreux.
En tout cas, malgré ce geste de surprise, la rousse ne semblait pas trouver quelque chose à redire de son annonce, mis à part une petite boutade qui fit sourire le blondinet.
Sourire qui s'estompa aussi vite qu'il était apparu, lorsqu'un homme fit son entrée. Les poils abondaient sur son menton de la même manière qu'ils semblaient déserter celui du blond. Le barbu en question ne juge pas utile de se présenter, préférant à la place se poser juste devant lui, pour le détailler telle une bête. Tynop en profita pour faire de même, d'une manière toutefois plus discrète et moins provocatrice. Les signes de familiarité ne trompaient pas, bien qu'il n'ait alors jusqu'à présent jamais rencontré l'homme en question, tout laissait à penser qu'il s'agissait du frère de celle qui se tenait à ses côtés, notamment la façon qu'il avait de regarder le blond. Une animosité non feinte et non dissimulé. Qu'on lui donne une épée à cet instant précis, et nul doute que le barbu se ferait une joie de s'en servir sur lui. Lincompréhension, aussi, exprimée à haute voix. Le blond se demanda un instant si par le mot "ça" il désignait le couple, où simplement lui. Dans le deuxième cas il s'agirait d'un provocation, et alors même, que faire? En plus de paraitre beaucoup plus costaud que ne l'était le vagabond, cet homme avait une réaction on ne peut plus légitime. Surtout après ce que lui avait raconté l'Ecossaise sur les évènements l'ayant conduit à devenir celle qu'elle est aujourd'hui. Le blond regretta un instant d'avoir annoncé cette union récente, ici, de cette manière, et sans avoir auparavant demandé l'approbation de la sauvageonne. Une dénégation de la part de cette dernière, et son frère se ferait une joie de le tailler en pièce, et ce ne seront surement pas les autres personnes dans la pièce qui l'en empêcheront.
Puis le regard du barbu délaisse un instant le blond pour se poser sur sa sur, pour s'adoucir quasi-immédiatement. Tynop se demanda un instant s'il ne ferait pas mieux de retirer sa main de la hanche de la brune, mais cela pourrait être interprété comme de la peur ou de la lâcheté, et si le frère était comme la sur, alors jamais il ne pourrait gagner la confiance et le respect du barbu. Les pensées semblaient se bousculer dans la tête du barbu, comme elles se bousculaient dans la tête du blond. Tout était allé tellement vite. Il y a encore un mois, il errait seul sur les routes, avec pour seule raison de vivre l'envie de poursuivre la route, et aujourd'hui il était là, entouré d'inconnus, à préparer l'attaque d'une mairie. Décidément la vie était pleine de surprise. Le blond espérait simplement que le barbu ne lui ferait pas regretter d'être venu. Il savait à quel point son frère comptait pour elle, et il se doutait fortement que si jamais ce dernier en venait à lui imposer de choisir, cela mettrait un terme à leur idylle.
Ecoute-moi bien mon ptit gars parce que je le répèterai pas deux fois. Si tu fais le moindre mal à Ella, enfin, Sarah, jte foutrai une branlée qutes pas prêt doublier
et jespère vraiment que tes pas Danois.
Voilà la menace. Il fallait s'y attendre, mettre sa fierté et son arrogance de côté, encaisser sans rien dire. Aucun doute quant au fait que l'Ecossais n'hésiterait pas à la mettre à exécution, et il y prendrait même probablement un malin plaisir. Aucune raison de jouer les stupides et de s'en offenser. Après tout les deux hommes partageaient le même but: voir Sarah heureuse. Son frère ne cherchait qu'à la protéger. Et puis au final ce n'était pas vraiment méchant, le barbu ayant terminé sa phrase parce que la vagabond interpréta comme un trait d'humour, même si cela restait encore à prouver. Le blond s'efforça de soutenir son regard, non pas par affront, mais pour prouver qu'il n'était pas un pleutre indigne de sa sur, ou en tout cas s'efforçait de ne pas en être un. Il ne lui laissa pas le temps de répondre. De toute manière qu'aurait-il pu répondre? Ce n'était pas des paroles mais des actes qu'attendait l'Ecossais, il ne servait à rien de se lancer dans une tirade pour déclarer à qu'il n'oserait jamais faire du mal à sa sur, non pas par crainte d'une quelconque branlée, mais simplement parce que la rendre heureuse le rendait lui aussi heureux. Les mots sont du vent, seuls les actes prouvent la valeur d'un homme. Alors le blondinet hocha simplement la tête, pour faire comprendre que le message était reçu.
L'homme alla ensuite s'assoir, balançant quelques plaisanteries au sujet du deuxième couple, se présentant pour la première fois, permettant au blondinet de confirmer ce qu'il pouvait jusqu'à présent simplement supposer. Une légère reproche sur le comportement de la Corleone vis-à-vis de la "Paysanne", reproche repris par la cheffe de famille, avec plus de virulence cette fois-ci. Car le ton était monté entre les deux femmes, l'une aussi belle que l'autre était repoussante. Quelques insultes échangées. Tynop avait déjà vu Enjoy agir d'une manière similaire en taverne. Si sa lame était aussi aiguisée que sa langue, alors la mairie était d'ores et déjà prise. Les mots sont du vent, mais même le vent peut blesser. Toutefois si telle était l'intention de l'Italienne, son but ne semblait pas atteint, la paysanne ne se laissant pas le moins du monde impressionner. Tynop se serait bien débarrassé d'un second bouclier pour voir l'échange se poursuivre, mais la rousse ne partageait pas son avis. D'un ton autoritaire, elle fit cesser la discussion. Le blondinet n'avait jamais vu Enjoy se faire reprendre, encore moins d'une telle manière, aussi guetta-il la réaction de la Corleone, tandis que sa désormais compagne l'entrainait prendre place avec les autres.
On était entré dans le vif du sujet, enfin. Entre une quinzaine et une vingtaine de Corleone seraient de la partie. Deux fois plus que ce que s'était imaginé le blondinet. Il repensa un instant à ceux avec qui il avait déjà échangé à Sémur. Il se rappelait vaguement d'Enaell, qu'il avait eu le malheur de désigner par le sobriquet de déserteuse, s'attirant par là les foudres d'Enjoy et de sa cousine Elwenn. Il avait aussi aperçu Amalio, une fois. Le frère d'Enjoy si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, ou encore un cousin. Ils seraient probablement de la partie, si les Corleone étaient autant à participer, à moins que la famille ne soit encore plus tentaculaire que ne se l'était imaginé le blond.
Tandis que l'on commençait à s'épancher sur la meilleure façon de ne pas attirer l'attention une fois en ville, le blondinet se demanda pourquoi il n'avait pas eu droit à un interrogatoire ou quoi que ce soit de la sorte, histoire de voir s'il était digne de confiance ou non. Était-ce le fait qu'il se soit présenté en tant que compagnon de Sarah qui lui épargnait cette épreuve? Possible, mais alors comment expliquer que la paysanne n'ait pas fait non plus l'objet de quelques questions? Elle ne semblait pas vraiment appartenir à une des deux familles, s'était ramené en se contentant de se présenter. Oui, elle avait l'allure d'une brigande, gueuse, brutale... le déguisement parfait si on désirait s'infiltrer dans une bande de pilleurs de mairie.Il était certes possible qu'elle connaisse très bien l'une des personnes présente ici, mais le vagabond en doutait. Seule Enjoy avait, à sa manière certes, tenté d'en savoir plus sur elle, et elle s'était fait calmer par la dénommée Syuzanna. Pourtant la méfiance de la Corleone paraissait légitime à ses yeux. Elle l'avait lui-même déjà assailli de questions quant à ce qui le poussait à s'engager dans une telle équipée, et bien que le blondinet ait fait tout son possible pour dissiper ses doutes, il était fort peu probable qu'elle lui fasse confiance. Et il devrait en être de même pour tous les autres. Pourquoi si peu de méfiance à son égard? Certes on ne lui avait pas révélé le nom de la ville, mais il le saurait tôt ou tard, et alors rien ne l'empêcherait d'alerter les autorités.
Enfin il n'allait pas s'en plaindre, même si plus de prudence à son égard l'aurait quelque peu rassuré. Si lui, quasiment inconnu de tous, était capable de s'embarquer avec eux, la moindre taupe le pourrait aussi.
Et finalement Sarlat. Le mot était lâché, la ville annoncée. Le voilà désormais au courant, si toutefois la paysanne avait raison. Cela pouvait aussi très bien être une ruse, dans le seul but de s'informer du nom de la ville pour pouvoir préparer au plus tôt les défenses. La réaction de ceux qui étaient au courant était à guetter avec la plus grande attention. Les mots sont du vent, et ils pourraient mentir, que ce soit en confirmant ou non ce qu'avait avancé la paysanne. Aussi fallait-il scruter les réactions, les éventuels signes de stupeur, d'étonnement, de décontenance. La seule personne dont Tynop était sûr qu'elle savait était la rousse, la cheffe de famille. Le frère de Sarah devait aussi plus que probablement savoir, après tout il s'agissait apparemment de venger son honneur. Laell aussi, n'engagerait pas les Corleone sans être au courant du moindre détail. Enfin celle qui l'avait entrainé ici, qui l'avait en quelque sorte recruté, connaissait le nom de la ville. Tant de réactions à analyser en si peu de temps pour tenter de discerner le vrai du faux
Il avait bien envie de reprendre un verre, mais il devait conserver les idées claires. Après tout, il était un novice, il n'y connaissait rien et il devait donc bien ne rien rater de ce qui se dirait. Se taire et écouter.
[HRP: Edit: avant dernier paragraphe rajouté suite au post de Praseodyme]