Praseodyme
Cétait une belle fin daprès-midi de printemps, et le soleil finissait de se coucher derrière les collines. Une chaude lumière dorée illumina encore le campanile, avant que la pénombre ne recouvrît lentement la coquette petite cité de Sarlat. Langélus avait rappelé les paysans à leurs chaumines, à fins quils prissent un peu de repos, alors que les bourgeois sétaient réunis en leurs hôtels, pour festoyer et jouir du fruit dun labeur fourni à leur profit par plus pauvres queux. Lordre était établi ainsi que le Très-Haut lavait souhaité, et tout nétait que calme, luxe et volupté
Ce jour-là, Praséodyme était revenue de la mine plus tôt quà laccoutumée. Elle sétait introduite en ville quelque temps auparavant, gueuse parmi les gueux, et personne ne lui avait prêté la moindre attention. Elle était vêtue de hardes misérables, et portait un lourd baluchon, quelle avait remisé dans un coin de la mansarde louée pour un sol dans une masure borgne. Puis, elle avait pris grand soin de se faire oublier.
Mais ce soir-là, après avoir soupé dun brouet clair, elle retira ses guenilles, et se vêtit en guerre de maille et de fer. Elle ne possédait poinct dépée, mais elle tenait un fort gourdin de bois ferré en pointe au bout, qui, manié avec force et habileté, pouvait causer de grands tourments au plus fin des bretteurs. La brutalité vaut mieux que lacadémisme, en certaines circonstances. Elle attendit lheure.
Quatre heures sonnèrent enfin au campanile. Elle ignorait où se tenait le reste de la bande. Elle supposait quils avaient fait comme elle, quils sétaient fondus dans la masse des villageois, qui paysan, qui innocent voyageur, qui marchand ambulant. Mais elle savait quils étaient là, comme elle, impatients den découdre, confiants dans leurs complices. Elle sortit dans la douceur de la nuit.
Un bruit sourd montait des ruelles, chuchotements dabord, qui devinrent des cris, tintement des casques et des boucliers, entrechoc des armes, la meute surgit de lombre, et les Corléone, leurs alliés et leurs affidés se ruèrent sur lHôtel-de-Ville, taillant et estoquant tout imprudent se mettant en travers de leur route. Lescadron de garde qui défendait le bâtiment fut proprement roué. Praséodyme balançait sa massue de droite et de gauche, broyant des crânes, brisant des membres, poussant des grognements de bête, un rictus sauvage éclairant sa trogne hideuse et rayonnante. Bientôt la garde ne fut plus quun vague souvenir. La place était à eux.
Le soleil se levait. Fourbue, mais heureuse, Praséodyme sen alla faire un tour dans le bourg, pour jouir de sa nouvelle situation de maîtresse de la ville. Elle avisa une tour sombre qui sélevait non loin de là, et que les gens du lieu nomment Lanterne des Morts. Elle y grimpa alertement, et une fois tout en haut, elle gonfla ses poumons, mit ses mains en porte-voix autour de sa bouche, et elle hurla à perdre haleine, dans le langage des anglois, car on lui avait dit que ce village était peuplé danglois vêtus de jupettes que lon nomme escossois, et qui ne portent poinct de braies dessous :
GOOOOD MORNING SARLAT !!!
Ceci fait, elle redescendit, et se hâta vers la mairie. Car si les gens qui lavaient engagée pour cette besogne avaient évoqué des raisons de vengeance ou dhonneur, elle, qui navait poinct dhonneur, nétait venue que pour se remplir les poches. Alors, il allait falloir remplir, prestement et abondamment !
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Ce jour-là, Praséodyme était revenue de la mine plus tôt quà laccoutumée. Elle sétait introduite en ville quelque temps auparavant, gueuse parmi les gueux, et personne ne lui avait prêté la moindre attention. Elle était vêtue de hardes misérables, et portait un lourd baluchon, quelle avait remisé dans un coin de la mansarde louée pour un sol dans une masure borgne. Puis, elle avait pris grand soin de se faire oublier.
Mais ce soir-là, après avoir soupé dun brouet clair, elle retira ses guenilles, et se vêtit en guerre de maille et de fer. Elle ne possédait poinct dépée, mais elle tenait un fort gourdin de bois ferré en pointe au bout, qui, manié avec force et habileté, pouvait causer de grands tourments au plus fin des bretteurs. La brutalité vaut mieux que lacadémisme, en certaines circonstances. Elle attendit lheure.
Quatre heures sonnèrent enfin au campanile. Elle ignorait où se tenait le reste de la bande. Elle supposait quils avaient fait comme elle, quils sétaient fondus dans la masse des villageois, qui paysan, qui innocent voyageur, qui marchand ambulant. Mais elle savait quils étaient là, comme elle, impatients den découdre, confiants dans leurs complices. Elle sortit dans la douceur de la nuit.
Un bruit sourd montait des ruelles, chuchotements dabord, qui devinrent des cris, tintement des casques et des boucliers, entrechoc des armes, la meute surgit de lombre, et les Corléone, leurs alliés et leurs affidés se ruèrent sur lHôtel-de-Ville, taillant et estoquant tout imprudent se mettant en travers de leur route. Lescadron de garde qui défendait le bâtiment fut proprement roué. Praséodyme balançait sa massue de droite et de gauche, broyant des crânes, brisant des membres, poussant des grognements de bête, un rictus sauvage éclairant sa trogne hideuse et rayonnante. Bientôt la garde ne fut plus quun vague souvenir. La place était à eux.
Le soleil se levait. Fourbue, mais heureuse, Praséodyme sen alla faire un tour dans le bourg, pour jouir de sa nouvelle situation de maîtresse de la ville. Elle avisa une tour sombre qui sélevait non loin de là, et que les gens du lieu nomment Lanterne des Morts. Elle y grimpa alertement, et une fois tout en haut, elle gonfla ses poumons, mit ses mains en porte-voix autour de sa bouche, et elle hurla à perdre haleine, dans le langage des anglois, car on lui avait dit que ce village était peuplé danglois vêtus de jupettes que lon nomme escossois, et qui ne portent poinct de braies dessous :
GOOOOD MORNING SARLAT !!!
Ceci fait, elle redescendit, et se hâta vers la mairie. Car si les gens qui lavaient engagée pour cette besogne avaient évoqué des raisons de vengeance ou dhonneur, elle, qui navait poinct dhonneur, nétait venue que pour se remplir les poches. Alors, il allait falloir remplir, prestement et abondamment !
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