Lanceline.
~ Jour douze. ~
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« Ouais. C'était encore une putain de bonne idée, ça. »
Lanceline devenant vulgaire car ayant l'impression qu'on l'a prise pour un pigeon, Eauze.
Personne.
Vraiment personne.
Hier, la journée avait été animée -enfin plus ou moins-. Un homme très -trop- enthousiaste. Une brune qui ne pipait pas un mot et était repartie aussi silencieusement qu'elle était venue, et un sorcier. Qui disait lire « sa fiche de profil ». Et avait résumé son caractère en ceci : le teint sérieux et le regard méfiant -le Limousin-, brune (les cheveux), sérieuse, très rigide -la Gascogne-, pleine de vie, mais bornée comme un âne -l'Armagnac-... et bientôt le teint blafard, pâlot -la Guyenne-. Mouais. C'est dingue tout ce qu'on pouvait lire dans sa cicatrice. Bientôt, on y prédirait l'avenir « Ah nan madame, désolée, votre couple bat de l'aile il s'est cassé sans vous le dire. Comment ? Ah ouais, il a mis votre sur enceinte, au passage. Ah bah il vous l'a pas dit ? C'est ballot ça. Cent écus. Cent-cinquante et je vous en dis plus ». Bizness is bizness. [1]
Et enfin. Elle avait vue sa sur. Qui allait on ne peut mieux. Tant mieux. La Balafrée respirait de soulagement. Elles avaient évoqué rapidement la bataille qui l'avait mené à être dans cet état.
Mais aujourd'hui... Personne. Vraiment. C'en devenait inquiétant. Le silence était pesant, à croire que tout était mort. Mais peut-être était-ce annonciateur d'une mauvaise nouvelle ? Allons, Lanceline. Ne doute pas.
Ce non-bruit (qu'il en était assourdissant !) avait été troublé par un cavalier qui avait fini par la retrouver. Le même que celui qui était venu à elle quelques jours auparavant.
Suspicieuse, elle avait regardé la boîte, l'ayant légèrement soulevé pour constater que c'étaient en effet des biscuits.
Et la lettre. Sans hésiter elle l'ouvrit. Fronça les sourcils. Visiblement il n'était pas dans son état normal quand il l'avait écrite. L'écriture était penchée -trop peut-être ?- et il manquait la fin d'une phrase. Étrange. À moins que ce n'était là un moyen pour lui d'instaurer un nouveau jeu. À elle de deviner ou de mettre les mots qu'elle voulait après. Et, là, elle voyait surtout, après ce « vos mots » suspendu dans les airs, une abeille multicolore en train de danser et chanter « kikiki le petit kiwi ». Et pourtant elle n'avait rien bu d'autre que la tisane. Mais c'est là tout ce que lui inspirait la situation.
Elle releva la tête, ayant cru entendre un bruit. Un chien qui hurlait à la mort, au loin. Elle frissonna. Rien ni personne ne bougea.
Mais au moins, elle avait du temps pour écrire.
Citation:
Mon oie-sive.
- Je serai à Auch vendredi. En espérant t'y voir. C'est bête pour la chemise, j'en avais une mais quelqu'un me l'a achetée. Deux cent écus, tu te rends compte ? Il y a vraiment des désespérés.
Spirit est très gentille. Elle n'est pas vraiment orpheline, en fait. C'est juste que son père a eu quelques difficultés ; mais tout est réglé désormais.
Promis je ne touche plus à tes oies. J'avais oublié leur caractère sacré.
Arnaut m'a envoyé une nouvelle lettre. Avec une boîte de biscuits. S'il croit m'acheter, c'est raté. J'ai appris aujourd'hui par sa cousine qu'il arrivait à Dole demain. Tu te rends compte. Il a mis au courant sa cousine et un ami, mais pas sa fiancée. J'ai vraiment l'impression de n'être qu'un objet pour lui. Si je voulais verser dans le dramatique, je te dirais même qu'il ne me considère que comme un outil pour faire des gosses, qui ne mérite guère plus d'attentions que cela Pour preuve ? (Mais en est-ce vraiment une ?) Il ne finit pas ses phrases. Il m'écrit des mots mais les laisse en suspend. Quel homme ferait cela à sa fiancée, sinon pour lui montrer qu'il ne pense pas vraiment à elle même quand il lui écrit ? J'ose espérer que je suis un peu plus haute dans son estime, tout de même. Sinon ce serait un sacré coup pour mon ego.
Je m'ennuie. Je n'aurais pas dû venir à Eauze. Je vais repartir, je crois. Loin. Je ne sais pas où. Qui vivra, verra.
Je t'embrasse. Passe le bonjour à tout le monde.
Lanceline.