Dans un petit village corse, au cur d'une bâtisse froide.
NON !! Jamais !! Vous m'entendez ? JAMAIS !!!
Une main d'homme aussi large qu'une assiette vient s'abattre sur sa figure. Sous le choc, la gamine recule de quelques pas, sa propre main vient se greffer sur la douleur cuisante. Les larmes perlent à ses yeux, mais elle ne leur donnera pas ce plaisir là, non, elle n'en versera pas une seule devant eux.
Les lèvres tremblantes, elle murmure à nouveau les mêmes mots, avec la même détermination.
Jamais ... Jamais je n'épouserais qui que ce soit ...
Tu feras ce qu'on te dit Justine ! Tu auras bientôt quatorze ans, ne crois pas que je vais te nourrir toute ta vie !
La main se lève de nouveau, le doigt tendu cette fois, la menace est là, bien présente.
Tu obéiras ou ce sera le reste de tes jours dans le couvent le plus isolé de la région !
Les yeux embués se dirigent vers la mère, qui ricane dans son coin. Elle a subi la même chose, au même age, et tout ce qu'elle en dit c'est "J'en suis pas morte !"
Justine en mourra !!
Sans ajouter un mot de plus, elle sort, claquant la porte de toutes ses forces. Ils pensent avoir gagné la bataille, mais c'est la guerre qu'ils ont voulu et ils ne doutent pas un seul instant qu'ils ne la reverront jamais. Elle le souhaite de tout son cur, en tous cas.
Dans le port, à proximité d'un bateau.
Petit chat furtif, Justine avait troqué ses sabots habituels contre ses chausses du dimanche, bien plus silencieuses. Son petit baluchon sur l'épaule, bien léger vu le peu de possessions qu'elle avait et vu son départ précipité, elle observait depuis quelques heures les bateaux.
Lorsque soudain, elle reconnu une démarche, une allure, oui, reconnaissable entre milles, celle de sa sur Simona qui venait embarquer comme elle lui avait annoncé. Un sourire vint éclairer son visage tout comme le croissant de lune brillant dans les cieux nocturnes.
Petit chat agile, elle se glissa jusque sur le flan du navire et s'y colla, reprenant son souffle, essayant de ne pas perdre ses esprits, garder le déroulement de son plan bien en tête. Les risques étaient grands, immenses même, mais elle n'avait plus le choix. C'était ca ou ...
Avec une grimace de dégoût, elle se retourna et commença à escalader les deux mètres qui la séparaient de l'écoutille, par où l'on chargeait certaines petites marchandises ... ou les boulets de canons.
Alors qu'elle se laissait tomber sur le plancher, elle tomba nez à nez avec un canon. Sa respiration stoppa net et la jeune fille se figea. Voila ce qui l'attendait ! Peut-être du danger, peut-être la mort, mais au moins elle aurait l'avantage d'être rapide.
Petit chat malin, elle commença par fouiner aux alentours, sans faire de bruit. Il lui fallait se trouver une cachette, et quoi de mieux que l'artillerie qui, par temps de paix, était forcement inusitée.
Justine découvrit dans un coin de la cale, une bâche de gros lin qui recouvrait quelques coffres de poudre. Les disposant en carré, elle s'installa au milieu et recouvrit le tout par la bâche, un peu comme si elle se trouvait sous une tente ... sans piquet. Calant sa besace sous sa tête, elle décida de dormir un peu en attendant le départ. Il fallait surtout que personne ne la surprenne avant que le bateau ne soit à des milles de là.