Alphonse_tabouret
Juin avait jeté ses soirées claires sur la capitale et si désormais les ruelles restaient plus longtemps animées de leur brouhaha journalier, il ne flottait pas moins dans cette atmosphère bouillonnante, une flagrance aux accents estivaux qui néchappait à personne.
Vérifiant dun dernier coup dil lensemble des lieux, Alphonse sapprocha du comptoir, venant humer, par reflexe, les carafes où les vins avaient été mis à décanter, faisant doucement tourner les précieux breuvages pour libérer quelques saveurs et sassurer de leurs senteurs. Une fois rassuré quant à la qualité des crus choisis, il avança dun pas silencieux vers la porte dentrée où trônait le butoir en forme de tête de lion, sachant que ce soir, il ne toquerait pas à tout va.
LAphrodite avait été réservé. Ses murs, son personnel, avaient mis au service dune commande qui avait été orchestrée dans la plus grande confidentialité. Depuis le matin même, le personnel avait briqué la Maison Haute plus encore que de coutume, aérant au profit dune journée ensoleillée, chaque chambre et chaque lit avant de les revêtir des draps propres et frais aux parfums doucement entêtants. Lencens, dhabitude choisi par lherboriste pour agrémenter de son humeur et de ses talents, les salons calfeutrés du bordel, avait été remplacé par délégants bouquets printaniers et des bougies aux notes florales aiguisaient les sens en colorant le bordel dun air doucement faune : par-là, lodeur fraiche de lherbe, par ici, celle délicate du jasmin, là encore, la rose discrète alors que par ici flottait lombre dun muguet Pour une soirée, lAphrodite sétait grimé, des pieds à la tête et savamment, redessiné sur commande, pour une nuit au gout de pomme croquée.
Le jeune homme observa brièvement son reflet tandis quil avançait dans le couloir, jaugeant les cernes légers quil accusait à ses yeux sombres. Fatigué, certes, mais quoi de plus normal dans un lieu où la fête est de rigueur, où lon dispose selon ses envies, de la gaité que lon sestime due ? Son jeune âge lui permettait le rythme effréné que lui imposaient lAphrodite et ses obligations mais il ne doutait pas que ce métier luserait dici quelques années. Les nuits étaient courtes, les comptes fastidieux, et cet embryon de vie qui avait hurlé en lui sur les toits de Notre Dame avait tendance à le tenir éveillé jusquau petit matin Mais lui aussi était grimé, tout entier dédié à ce paraitre quon avait toujours exigé de lui : Un sourire doucement étiré, un air avenant, et cette pointe dassurance qui indique que lon est celui qui accueille et non celui qui sert.
La porte ouverte, il avisa la petite cours pavée, premier cloitre des visiteurs, tandis que le soleil finissait de descendre, allumant lhorizon et les toits de Paris dombres nouvelles et de reflets épars.
Ce soir, nulle lumière rouge sur les murs de lAphrodite, la Maison Haute nouvrirait ses portes quà quelques invités dont on nattendait plus que larrivée.
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Vérifiant dun dernier coup dil lensemble des lieux, Alphonse sapprocha du comptoir, venant humer, par reflexe, les carafes où les vins avaient été mis à décanter, faisant doucement tourner les précieux breuvages pour libérer quelques saveurs et sassurer de leurs senteurs. Une fois rassuré quant à la qualité des crus choisis, il avança dun pas silencieux vers la porte dentrée où trônait le butoir en forme de tête de lion, sachant que ce soir, il ne toquerait pas à tout va.
LAphrodite avait été réservé. Ses murs, son personnel, avaient mis au service dune commande qui avait été orchestrée dans la plus grande confidentialité. Depuis le matin même, le personnel avait briqué la Maison Haute plus encore que de coutume, aérant au profit dune journée ensoleillée, chaque chambre et chaque lit avant de les revêtir des draps propres et frais aux parfums doucement entêtants. Lencens, dhabitude choisi par lherboriste pour agrémenter de son humeur et de ses talents, les salons calfeutrés du bordel, avait été remplacé par délégants bouquets printaniers et des bougies aux notes florales aiguisaient les sens en colorant le bordel dun air doucement faune : par-là, lodeur fraiche de lherbe, par ici, celle délicate du jasmin, là encore, la rose discrète alors que par ici flottait lombre dun muguet Pour une soirée, lAphrodite sétait grimé, des pieds à la tête et savamment, redessiné sur commande, pour une nuit au gout de pomme croquée.
Le jeune homme observa brièvement son reflet tandis quil avançait dans le couloir, jaugeant les cernes légers quil accusait à ses yeux sombres. Fatigué, certes, mais quoi de plus normal dans un lieu où la fête est de rigueur, où lon dispose selon ses envies, de la gaité que lon sestime due ? Son jeune âge lui permettait le rythme effréné que lui imposaient lAphrodite et ses obligations mais il ne doutait pas que ce métier luserait dici quelques années. Les nuits étaient courtes, les comptes fastidieux, et cet embryon de vie qui avait hurlé en lui sur les toits de Notre Dame avait tendance à le tenir éveillé jusquau petit matin Mais lui aussi était grimé, tout entier dédié à ce paraitre quon avait toujours exigé de lui : Un sourire doucement étiré, un air avenant, et cette pointe dassurance qui indique que lon est celui qui accueille et non celui qui sert.
La porte ouverte, il avisa la petite cours pavée, premier cloitre des visiteurs, tandis que le soleil finissait de descendre, allumant lhorizon et les toits de Paris dombres nouvelles et de reflets épars.
Ce soir, nulle lumière rouge sur les murs de lAphrodite, la Maison Haute nouvrirait ses portes quà quelques invités dont on nattendait plus que larrivée.
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