Panperdu
« La porte la mieux fermée est celle quon peut laisser ouverte. »
(Proverbe chinois)
Debout sur la plateforme de la tour, Panperdu regardait le soleil qui se levait sur la mer, et qui annonçait une belle journée en perspective. Sa première journée de semi-liberté au service dun maître qui ne cessait de létonner. Il senivra encore et encore de cet air de liberté défendue aux fragrances iodées, jusquà ce que le garde décide quil était temps dy aller. Lui non plus nétait pas indifférent à ce spectacle, et sans doute était-ce la raison pour laquelle il lavait laissé monter avant daller frapper à la porte du laboratoire.
Le laboratoire en question nétait quune cellule aménagée, assez semblable à celle dans laquelle on lavait transféré la veille au soir si lon faisait abstraction de la grande table qui disparaissait sous des montagnes de parchemins et des flacons de verre et des cornues alignés sur des étagères.
Hi hi, tu as donc accepté ma proposition ? Cest bien, cest bien. Tu peux mappeler Cornelius entre nous si tu veux, tu vois je suis un détenu tout comme toi. Je laisse lappellation de « maître » pour nos geôliers et pour mes « clients »
Un détenu assez influent pour me soustraire à une peine dictée par le juge lui-même.
Hi hi hi, pas faux, pas faux. Mais on parlera de nous une autre fois. Viens, viens, je vais te montrer ce que jattends de toi.
Il poussa la porte qui était restée entrouverte, puis trottina en me tirant par la manche jusquà une pièce située sur le dernier palier juste avant la plateforme. Comme javais pu men apercevoir un peu plus tôt, deux grilles verrouillaient laccès aux escaliers. Un garde affecté à nous accompagner tira une clef de sa poche et déverrouilla la serrure avant de se mettre en faction à lentrée.
Cornelius alluma une torche pour me dévoiler son atelier. Il ny avait que quelques étroites meurtrières finement grillagées, à peine de quoi renouveler lair. Pas question de séterniser ici ni tenter de séchapper par là. Le gouverneur de la prison avait pris ses précautions.
Les murs disparaissaient sous une multitude doutils, dans un coin un assemblage de bois et de toile hétéroclite à côté de planches, de poutres, de colle et on ne savait trop quoi encore. Et toujours des parchemins, des plans, des rouleaux par dizaines si ce n'était par centaines.
Ne me dites pas que cest pour construire un moulin tout ça ?
Hi hi, non, non. Je bricole, jinvente, jaméliore principalement des armes quon me commande sur mesure ou des projets dingénierie. Il semble que mon cerveau ici soit plus utile que mes bras sur une galère, ce dont je ne me plains pas dailleurs.
Et moi dans tout ça ?
Moi je suis la tête, toi les bras. En ce moment un ami italien ma demandé de lui concevoir une machine pour sauter sans danger dans le vide et atterrir un douceur. Nous en sommes à la phase de test, malheureusement mes derniers assistants sont morts pendant les essais et ils nont pas pu me dire ce qui nallait pas. Jespère que tu pourras au moins revenir me donner ton impression, parce que là je piétine.
Hein ? Vous voulez que je saute dans le vide et que je vous rapporte avant de mécraser où ça cloche ?
Voilà, tu as tout compris. Simple, non ?
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