Elwenn
[Jour 1]
Fin de soirée.
A cette heure tardive l'obscurité est quasi totale, seule quelques lanternes brillent encore dans la rue principale, la ville est endormie enfin presque.
D'une ruelle, résonne une voix grave.
J'te r'trouverai sale garce!
Combien de fois lui a t on fait cette promesse?
A vrai dire elle a arrêté de les compter, c'est la raison pour laquelle ce genre de menace ne l'effraye plus.
Mais à ces mots, la rouquine se retourne avant de disparaitre dans la nuit noire et pose une dernière fois ses noisettes sur ce pauvre homme qu'elle vient de dépouiller.
Elle hausse les épaules tandis qu'un fin sourire étire ses lèvres puis son index droit se pose sur celles ci, intimant le silence à sa victime.
Tous les mêmes, les hommes.
Champions des paroles en l'air.
Et si hargneux lorsqu'ils sont touchés dans leur fierté.
La Corleone tourne les talons en soupesant la bourse plutôt bien remplie qu'elle tient dans sa main gauche sans plus se soucier de celui qu'elle laisse derrière elle.
Ce fut lui tout comme ça aurait pu être un autre.
Il est simplement passé au mauvais endroit, au mauvais moment.
Pour Elwenn, elle a obtenu ce qu'elle voulait et c'est tout ce qui lui importe!
Ce matin là
Cela fait une dizaine de jours que la rousette est dans cette ville grouillante que le fleuve traverse en son centre.
Logée dans une auberge bon marché, choisie selon son emplacement et sa tranquillité, aux abords de la cité, tout simplement parfait.
Comme chaque matin la Corleone traine du côté du marché, cherchant à dénicher les bonnes affaires et à passer le temps.
Il y regorge d'étals en tous genres, quotidiennement approvisionné de denrées venant des quatre coins du royaume, fromage de brebis, huile d'olive, tonnelets de vin de Bourgogne, poissons provenant directement du cours d'eau ainsi que des bestiaux, des outils, des armes et vêtements ...
Et c'est justement devant le stand d'une tisserande que la rouquine se plante, presque hypnotisée sur ce que ses mirettes viennent de se poser.
La jeune roussette ne se soucie guère de la créatrice en herbe pour le moment, à un point que sa main glisse dans le tissu sans en demander la permission.
Sa douceur, sa couleur, sa coupe, même son odeur, Elwenn tourne et retourne, renifle, caresse la houppelande qu'elle tient entre ses mains.
C'est que ça fait longtemps qu'elle en cherche une et elle est difficile niveau vestimentaire.
Elle en a arpenté des marchés dans l'espoir d'en trouver une qui lui plairait et jamais elle n'avait trouvé satisfaction, jusqu'à aujourd'hui!
S'il vous plait.
Sa propriétaire la sort subitement de son inspection.
Mais elle ne lâche pas pour autant l'objet de sa convoitise, au contraire ses poings se referment un peu plus autour.
Elle daigne tout de même plonger ses noisettes dans son regard interrogateur.
Combien en demandez vous?
Le loyer de la chambre est déjà payé et elle fait en sorte de toujours avoir de quoi se nourrir pour une quinzaine d'avance, les écus qui lui restent en poche sont donc pour son loisir et ses envies.
Comme vous pouvez le constater, elle comporte quelques broderies
Bien sur qu'elle l'a vu, si elle lui plait c'est justement pour son originalité!
Elwenn grimace, le prix sera en conséquence ...
J'apporte ma touche personnelle à chacune de mes créations, vous n'en trouverez pas deux pareilles je puis vous l'assurer.
Pour celle ci le prix est de 270 écus.
Les calculs fusent dans le crâne de la flamboyante, il doit tout juste lui restait 200 écus peut être moins, ça fait une sacrée différence, même en travaillant honnêtement, ce qui lui arrive de temps à autre, elle ne gagnera jamais la somme qui lui manque avant que Sa houppelande trouve acquéreur.
Un soupir s'échappe d'entre ses lèvres tandis qu'elle plie soigneusement le vêtement.
La rouquine acquiesse et ne cherche pas à négocier, elle vaut largement son prix puis elle n'est pas en position de force vue ce qu'elle va lui demander alors elle la repose délicatement sur le côté de l'étal.
Très bien, je suis preneuse!
Pouvez vous me la garder jusqu'à demain matin?
La femme semble réfléchir un bref instant en récupérant son bien.
La Corleone comprend que la tisserande accepte lorsqu'elle la voit retirer son ouvrage de la table.
Avant les douze coups de la mi journée je vous prie après elle sera de nouveau sur l'étal.
Le ton est sec mais c'est son gagne pain après tout.
Dans la soirée.
Les écus ne tombent pas du ciel, la tachetée en est parfaitement consciente.
Travailler pourquoi pas mais encore lui aurait il fallu trouver un noble offrant un salaire avoisinant les 100 pièces et ça c'était totalement improbable si ce n'est pour accomplir un sale boulot, là en l'occurrence ce n'était pas le cas, elle aurait aussi pu embobiner un vieux bourgeois comme savait si bien le faire sa jeune cousine Enaell mais la séduction était un art qu'elle ne maitrisait absolument pas.
N'ayant pas vraiment le choix, pour une fois, la Corleone habituée au détroussage se poste à l'angle d'une ruelle, bâton à la main.
Les minutes passent, les heures, sans que personne ne passe à cet endroit.
Elle commence à s'impatienter, elle bouillonne l'italienne.
Et enfin des bruits de pas dans sa direction se font entendre.
Une longue inspiration s'engouffre dans ses poumons, c'est sur les chemins qu'elle frappe habituellement pas en ville et si quelqu'un venait à la surprendre, et si la garde passait par là, et si ...
Mille questions tournent dans sa caboche lorsqu'un homme plutôt bien bâti entre dans son champs de vision.
C'est maintenant!
Dans un bruit sourd le gourdin s'écrase sur la tête du malheureux, rapidement Elwenn traine difficilement la dépouille par les pieds vers un coin plus sombre, c'est qu'il pèse un âne mort le bougre!
Assise à ses côtés elle reprend son souffle tout en surveillant la ruelle, elle n'a pas pour habitude de s'attaquer à aussi balaise mais quand on improvise il faut faire avec les surprises.
Ses forces lui reviennent doucement alors elle se traine au dessus de l'homme pour l'empêcher de se faire la malle s'il venait à revenir à lui.
Elle y met tout son poids et se met a fouiller ses poches, inconsciemment ses doigts agrippent tout ce qui est de forme ronde et plate et en sort une bonne poignée d'écus.
La commissure de ses lèvres s'étirent et plus encore lorsqu'elle tatillonne sur son flanc une bourse conséquente.
Mais l'homme revient soudainement à lui, assez vigilante la Corleone l'assène aussi tôt d'une droite bien élancée.
Une fourmi contre colosse ...
Il grogne en secouant sa tête.
Au bout de trois baignes elle se rabat sur ses bijoux de famille, la rouquine les sert si fort qu'il en tourne presque de lil.
Courte marge de manuvre qui lui permet tout de même de s'éloigner suffisamment de sa victime en emportant son butin.
Avant qu'elle ne regagne la grande rue l'homme parvient in extremis à exprimer sa fureur ...
J'te r'trouverai sale garce!
Que de belles promesses ...
Remis après être parti au délestage.
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