Tant d'années le séparaient de son départ de la maison paternelle. Et voilà qu'avec son petit pécule, il installait ses basques à Nevers. La maisonnette achetée avait déjà de robustes meubles. Ce qui d'ailleurs sauvait le pauvre Equemont qui n'avait jamais rien entendu à l'art de la décoration. Pour tout vous dire, il n'y voyait qu'une affaire de femme. Ça ne flattait pas sa virilité.
En réalité, son choix s'était porté sur cette masure en raison du grand champ qui la bordait. Il aimait pouvoir veiller sur ses chevaux, les choyer et les dresser lui-même.
Peut-être ne l'avez-vous pas encore compris, mais Equemont tenait de son père le don mais aussi la passion équestre. Son nom même, héritage du père de son grand-père signifiait celui-qui-monte-à-cheval en langue latine. Un programme de vie que le blond entendait accomplir.
Ainsi donc, Equemont entra dans sa nouvelle demeure, le torse bombé :
C'est chez MOAAAA !
Je vous emmène faire le tour du propriétaire, parce que malheureusement, et croyez-moi je suis désolé de vous le dire ainsi, Equemont se fiche éperdument que vous connaissez ou non sa tanière. Laissons-le aérer le rez-de-chaussée en se battant contre le grincement de la porte et visitons les autres pièces.
En entrant, dans la pièce à vivre, vous y trouvez une petit cheminée, une grande table en solide chêne et un écritoire. Lil exercé de la ménagère remarquera que la cuisine se fait aussi dans cette salle, à l'unique feu de la maison. Le novice ne verra qu'une décoration dans l'alignement de plusieurs marmites et casseroles sur le mur.
Au fond le pièce, à droite se trouve un double escalier, permettant d'aller à la cave ou de monter à l'étage. Je ne vous ferai pas l'affront de vous faire manger les bout des doigts de pied par les rats dans l'obscur sous-sol. Montons vers le chambres sans plus tarder.
La dernière marche nous fait déboucher sur un petit couloir avec trois portes. Deux de ces portes donnent sur des chambres. La plus grande est celle du maître de maison. Un grand lit, une commode et une armoire. La simplicité même en somme.
La deuxième porte mène à la chambrée d'Aloan, frère d'Equemont, que nous ne visiterons pas en son absence, ça ne se fait pas...
La dernière porte mène à ce qui sert de pièce d'eau. Un grand baquet trônant au milieu indique par sa poussière que les derniers occupants ne l'avaient pas beaucoup utilisé.
De là où vous êtes, vous pourriez presque entendre la plume d'Equemont écorcher le vélin à vive allure. Et cela parce que pendant que vous étiez occupés à fourrer votre nez dans ce qui ne vous regarde pas, autrement dit l'intimité de notre blond, celui-ci a reçu plusieurs missives.
Et cette première missive, il l'attendait depuis longtemps. Son frère, parti chasser en mal d'aventures, avait fait la rencontre de délicieux personnages qui l'avaient dérobé. S'en tirant, avec la jeune femme qui l'accompagnait, avec quelques égratignures et la bourse plus légère, Equemont s'en voulait de l'avoir laisser presque seul dans cette affaire. C'est que le costaud Kem -c'est son surnom- prenait son rôle daîné très à cur...
Citation:Mon cher frère,
Je me remets doucement de mes émotions d'hier. J'avais une bosse sur la tête qui s'est bien résorbée et mon tibia ne me fait plus mal quand je marche.
Par contre j'ai reçu la nouvelle ce matin, comme quoi l'opération du Duc est reportée... quel coup du sort! J'imagine que tu dois être aussi déçu que moi. D'abord le tournoi de Genève qui est reporté, puis ceci...
Mon moral n'est pas au plus haut, je dois t'avouer. Mais heureusement qu'Hortense est là. Sa présence m'apaise et m'aide à réfléchir. N'y vois pas de sous-entendu, elle se comporte juste en amie.
Du coup, j'hésitais à te proposer d'aller quand même en Lorraine, mais ma mésaventure de l'autre nuit m'a tout de même enseigné quelque chose, je crois. C'est que les routes ne sont pas sûres et qu'une décision trop hâtive (celle de partir à Moulins à deux l'était) peut conduire à de grandes déconvenues.
Je pense donc rester quelques jours à Moulins encore, le temps d'être complètement remis et d'avoir mangé un peu de cette viande qui me faisait tant défaut à Nevers.
De ton côté, je ne sais pas où tu en es avec Elysa. Mais si tu as besoin de prendre l'air, tu peux toujours nous rejoindre à Moulins. Sinon emmène-la en balade, profitez d'être tous les deux. Je crois que je suis la dernière personne qu'Elysa ait envie de voir en ce moment et je t'avoue que l'inverse est vrai aussi, tant ses reproches me pourrissent le coeur en cette heure ou mes espoirs sont mis à mal.
J'attends donc de tes nouvelles, mon frère.
Prends soin de toi,
Ton frère Al
***AldS***
Ainsi donc le jeune frérot était en semi-dépression. En plus pour la première fois, il exprimait clairement un ressentiment face à sa compagne Elysa. Ceci laissa à Equemont un tel mauvais goût dans la bouche qu'il décida de répondre sur le champ.
Citation:Mon frère,
Ces dernières nouvelles ne me rassurent qu'à moitié. Tu prends toujours des grands mots pour décrire ce qui est simple : tu n'as rien à te reprocher là-dedans. J'étais partie prenante sur ce projet, et d'ailleurs nous le mènerons à terme, je le veux.
Par contre, j'ai angoissé dans un premier temps pour ton agression. Ayant toute confiance en dame Hortense je suis content qu'elle t'aide à surmonter tout ça. Surtout que dans l'affaire, c'est elle qui a vraiment perdu quelque chose.
Après tout cela m'apprend à te voir comme un homme avec tes responsabilités. A mourir à cette idée du petit enfant de dix que tu étais encore dans mes souvenirs, il n'y a pas si longtemps.
Pour ce qui est d'Elysa, tout est pour le mieux. Vos difficultés de relation me font souffrir. Ou peut-être que je vous fais souffrir parce que je ne suis pas celui que vous désirez voir. Je ne sais...
Nous allons probablement partir quelques jours en balade.
Je te tiens au courant,
Bien à toi,
Ceci écrit, il ferma le pli et prit sa cape pour se rendre au pigeonnier. Il avait à faire aujourd'hui. Une affaire de cheval pour noble séant. Enfin le sourire lui vint aux lèvres._________________