Tynop
"La vérité ne change pas en fonction de notre capacité à la digérer."
Mary Flannery O'Connor
Il sentait la haine l'envahir. Plus qu'une envie, il s'agissait là d'un besoin quasiment vital de rendre la pareille à celle qui venait de massacrer sa joue. Avec les intérêts. Il fixait les yeux verts de la brune, d'un regard empli de rage et de douleur. Celui de la jeune femme transpirait l'insolence et le mépris. Il ne la connaissait pas, mais il la haïssait. Pour la première fois, il était convaincu qu'il prendrait du plaisir à faire souffrir quelqu'un, à l'entendre pleurer, supplier. Il transpirait la frustration, la détresse, ne supportait pas ce sentiment d'impuissance, d'incompétence, qu'elle semblait se plaire à attiser, le narguant.
Il prendrait la queue, s'il le fallait. Il n'était pas pressé. Il avait cru être prêt à imposer sa volonté par la force, et s'était trompé. Mais ce n'était que partie remise. Par la patience, l'entrainement et l'abnégation, il finirait par se venger. La souffrance qu'il ressentait, il la lui imposerait. Et ce serait alors à son tour de sourire, de se délecter de ses cris de douleur. Par cette excès de pitié, elle venait de commettre une erreur. La même erreur qu'il avait lui-même commis quelques instants auparavant. Elle le sous-estimait, le prenait pour un freluquet, surement persuadée qu'il serait incapable de lui infliger la moindre éraflure. Plus rien n'avait d'importance. Il ne voyait plus qu'elle, et elle seule. Elle et son sourire arrogant, elle et son air méprisant.
Et pourtant, la voix féminine se fit soudain plus douce. Mais plus surprenant encore que le choix de ce nouveau ton, les propos le déstabilisèrent. Tandis qu'il tentait d'éponger le sang qui continuait de suinter de sa plaie, il grogna.
Qu'est-ce que ça peut bien te faire, d'où je viens ? Et tu crois que j'en ai quelque chose à foutre, de ce que représente ton putain de cheval ? Je vais te faire la peau ! Tu comprends ça ?
La menace lâchée n'était pas vraiment crédible. Il était là, tremblotant, luttant pour ne pas tourner de lil, n'avait même plus la force de tenir son épée, tandis qu'elle le dominait, du haut de son destrier.
Des bruits de pas détournèrent son regard et son attention sur un nouvel individu. Était-ce la silhouette qu'il avait aperçu avant de charger Kachina ? Les traits de l'homme ne lui étaient pas inconnus. Il l'avait déjà vu. Mais il lui était impossible de réfléchir, impossible de chercher à comprendre. Il avait mal, il avait peur. Il avait envie de tuer. L'homme lui adressa un sourire et un signe, et n'eut en réponse qu'une expression d'incompréhension. Qu'est-ce qu'il lui voulait ? N'était-il pas un allié de la greluche qui venait de le balafrer ?
Il se connaissaient. En entendant sa voix, le blondinet se souvint de lui. Un homme qui passait de temps en temps rendre visite à sa mère, qui posait des questions sur lui, lui demandait si tout allait bien, s'il ne manquait de rien. Lorsque Tynop questionnait sa mère sur l'identité de cet homme, elle se contentait de répondre qu'il s'agissait d'un ami. Le blondinet pensait qu'il s'agissait de son amant. Et vraisemblablement, la vérité était tout autre. Incrédule, il l'écouta. Sa respiration s'accélérait au fur et à mesure des explications. Ses yeux s'écarquillèrent à la dernière phrase.
Mon père ?
Il n'avait jamais connu son père, et n'avait jamais cherché à le connaitre, se disant qu'il s'agissait sans doute d'un séducteur sans scrupules qui avait engrossé sa mère avant de fuir ses responsabilités. La vérité semblait être tout autre. Son père était mort, et il lui avait laissé une famille. Sa sur. La catin qui se tenait en face de lui était sa sur. Et elle venait de faire en sorte qu'il ne l'oublie pas. Elle avait apposé sa marque sur sa joue. Elle avait fait couler son sang, le même sang qui était présent dans les veines de la jeune femme. Sonné par la révélation, le blondinet se sentait défaillir. Ses yeux allaient de Pochtron à Kachina, de Kachina à Pochtron. Il était censé faire quoi, maintenant ? Aller embrasser celle qu'il mourrait d'envie de tuer, simplement parce qu'ils partageaient le même géniteur ? Non. Il ne voulait pas de cette famille. Il ne voulait pas partager le moindre lien avec cette brune méprisante. Les liens du sang n'y feraient rien. Elle ne lui ressemblait même pas. Aussi brune qu'il était blond, les yeux aussi verts que les siens étaient bleus. Pochtron devait mentir. Mais pourquoi, dans quel intérêt ? Il ne parvenait pas à réfléchir, cherchait à nier cette évidence qui venait de s'abattre sur lui.
Il se laissa choir au sol, hagard, le regard dans le vide. D'un ton étrangement calme, il parla, sans s'adresser à quelqu'un en particulier, peut-être plus pour lui-même que pour les deux autres.
Ce ne sont pas les liens du sang qui la protègeront. Ce n'est pas ma sur. Je ne la connais pas. Je ne veux pas la connaitre. Je veux la tuer.
Mary Flannery O'Connor
Il sentait la haine l'envahir. Plus qu'une envie, il s'agissait là d'un besoin quasiment vital de rendre la pareille à celle qui venait de massacrer sa joue. Avec les intérêts. Il fixait les yeux verts de la brune, d'un regard empli de rage et de douleur. Celui de la jeune femme transpirait l'insolence et le mépris. Il ne la connaissait pas, mais il la haïssait. Pour la première fois, il était convaincu qu'il prendrait du plaisir à faire souffrir quelqu'un, à l'entendre pleurer, supplier. Il transpirait la frustration, la détresse, ne supportait pas ce sentiment d'impuissance, d'incompétence, qu'elle semblait se plaire à attiser, le narguant.
Il prendrait la queue, s'il le fallait. Il n'était pas pressé. Il avait cru être prêt à imposer sa volonté par la force, et s'était trompé. Mais ce n'était que partie remise. Par la patience, l'entrainement et l'abnégation, il finirait par se venger. La souffrance qu'il ressentait, il la lui imposerait. Et ce serait alors à son tour de sourire, de se délecter de ses cris de douleur. Par cette excès de pitié, elle venait de commettre une erreur. La même erreur qu'il avait lui-même commis quelques instants auparavant. Elle le sous-estimait, le prenait pour un freluquet, surement persuadée qu'il serait incapable de lui infliger la moindre éraflure. Plus rien n'avait d'importance. Il ne voyait plus qu'elle, et elle seule. Elle et son sourire arrogant, elle et son air méprisant.
Et pourtant, la voix féminine se fit soudain plus douce. Mais plus surprenant encore que le choix de ce nouveau ton, les propos le déstabilisèrent. Tandis qu'il tentait d'éponger le sang qui continuait de suinter de sa plaie, il grogna.
Qu'est-ce que ça peut bien te faire, d'où je viens ? Et tu crois que j'en ai quelque chose à foutre, de ce que représente ton putain de cheval ? Je vais te faire la peau ! Tu comprends ça ?
La menace lâchée n'était pas vraiment crédible. Il était là, tremblotant, luttant pour ne pas tourner de lil, n'avait même plus la force de tenir son épée, tandis qu'elle le dominait, du haut de son destrier.
Des bruits de pas détournèrent son regard et son attention sur un nouvel individu. Était-ce la silhouette qu'il avait aperçu avant de charger Kachina ? Les traits de l'homme ne lui étaient pas inconnus. Il l'avait déjà vu. Mais il lui était impossible de réfléchir, impossible de chercher à comprendre. Il avait mal, il avait peur. Il avait envie de tuer. L'homme lui adressa un sourire et un signe, et n'eut en réponse qu'une expression d'incompréhension. Qu'est-ce qu'il lui voulait ? N'était-il pas un allié de la greluche qui venait de le balafrer ?
Il se connaissaient. En entendant sa voix, le blondinet se souvint de lui. Un homme qui passait de temps en temps rendre visite à sa mère, qui posait des questions sur lui, lui demandait si tout allait bien, s'il ne manquait de rien. Lorsque Tynop questionnait sa mère sur l'identité de cet homme, elle se contentait de répondre qu'il s'agissait d'un ami. Le blondinet pensait qu'il s'agissait de son amant. Et vraisemblablement, la vérité était tout autre. Incrédule, il l'écouta. Sa respiration s'accélérait au fur et à mesure des explications. Ses yeux s'écarquillèrent à la dernière phrase.
Mon père ?
Il n'avait jamais connu son père, et n'avait jamais cherché à le connaitre, se disant qu'il s'agissait sans doute d'un séducteur sans scrupules qui avait engrossé sa mère avant de fuir ses responsabilités. La vérité semblait être tout autre. Son père était mort, et il lui avait laissé une famille. Sa sur. La catin qui se tenait en face de lui était sa sur. Et elle venait de faire en sorte qu'il ne l'oublie pas. Elle avait apposé sa marque sur sa joue. Elle avait fait couler son sang, le même sang qui était présent dans les veines de la jeune femme. Sonné par la révélation, le blondinet se sentait défaillir. Ses yeux allaient de Pochtron à Kachina, de Kachina à Pochtron. Il était censé faire quoi, maintenant ? Aller embrasser celle qu'il mourrait d'envie de tuer, simplement parce qu'ils partageaient le même géniteur ? Non. Il ne voulait pas de cette famille. Il ne voulait pas partager le moindre lien avec cette brune méprisante. Les liens du sang n'y feraient rien. Elle ne lui ressemblait même pas. Aussi brune qu'il était blond, les yeux aussi verts que les siens étaient bleus. Pochtron devait mentir. Mais pourquoi, dans quel intérêt ? Il ne parvenait pas à réfléchir, cherchait à nier cette évidence qui venait de s'abattre sur lui.
Il se laissa choir au sol, hagard, le regard dans le vide. D'un ton étrangement calme, il parla, sans s'adresser à quelqu'un en particulier, peut-être plus pour lui-même que pour les deux autres.
Ce ne sont pas les liens du sang qui la protègeront. Ce n'est pas ma sur. Je ne la connais pas. Je ne veux pas la connaitre. Je veux la tuer.