Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3   >   >>

[RP ouvert] Il n'y a qu'une seule beauté...

Tynop
"La vérité ne change pas en fonction de notre capacité à la digérer."
Mary Flannery O'Connor




Il sentait la haine l'envahir. Plus qu'une envie, il s'agissait là d'un besoin quasiment vital de rendre la pareille à celle qui venait de massacrer sa joue. Avec les intérêts. Il fixait les yeux verts de la brune, d'un regard empli de rage et de douleur. Celui de la jeune femme transpirait l'insolence et le mépris. Il ne la connaissait pas, mais il la haïssait. Pour la première fois, il était convaincu qu'il prendrait du plaisir à faire souffrir quelqu'un, à l'entendre pleurer, supplier. Il transpirait la frustration, la détresse, ne supportait pas ce sentiment d'impuissance, d'incompétence, qu'elle semblait se plaire à attiser, le narguant.

Il prendrait la queue, s'il le fallait. Il n'était pas pressé. Il avait cru être prêt à imposer sa volonté par la force, et s'était trompé. Mais ce n'était que partie remise. Par la patience, l'entrainement et l'abnégation, il finirait par se venger. La souffrance qu'il ressentait, il la lui imposerait. Et ce serait alors à son tour de sourire, de se délecter de ses cris de douleur. Par cette excès de pitié, elle venait de commettre une erreur. La même erreur qu'il avait lui-même commis quelques instants auparavant. Elle le sous-estimait, le prenait pour un freluquet, surement persuadée qu'il serait incapable de lui infliger la moindre éraflure. Plus rien n'avait d'importance. Il ne voyait plus qu'elle, et elle seule. Elle et son sourire arrogant, elle et son air méprisant.

Et pourtant, la voix féminine se fit soudain plus douce. Mais plus surprenant encore que le choix de ce nouveau ton, les propos le déstabilisèrent. Tandis qu'il tentait d'éponger le sang qui continuait de suinter de sa plaie, il grogna.


Qu'est-ce que ça peut bien te faire, d'où je viens ? Et tu crois que j'en ai quelque chose à foutre, de ce que représente ton putain de cheval ? Je vais te faire la peau ! Tu comprends ça ?

La menace lâchée n'était pas vraiment crédible. Il était là, tremblotant, luttant pour ne pas tourner de l’œil, n'avait même plus la force de tenir son épée, tandis qu'elle le dominait, du haut de son destrier.

Des bruits de pas détournèrent son regard et son attention sur un nouvel individu. Était-ce la silhouette qu'il avait aperçu avant de charger Kachina ? Les traits de l'homme ne lui étaient pas inconnus. Il l'avait déjà vu. Mais il lui était impossible de réfléchir, impossible de chercher à comprendre. Il avait mal, il avait peur. Il avait envie de tuer. L'homme lui adressa un sourire et un signe, et n'eut en réponse qu'une expression d'incompréhension. Qu'est-ce qu'il lui voulait ? N'était-il pas un allié de la greluche qui venait de le balafrer ?

Il se connaissaient. En entendant sa voix, le blondinet se souvint de lui. Un homme qui passait de temps en temps rendre visite à sa mère, qui posait des questions sur lui, lui demandait si tout allait bien, s'il ne manquait de rien. Lorsque Tynop questionnait sa mère sur l'identité de cet homme, elle se contentait de répondre qu'il s'agissait d'un ami. Le blondinet pensait qu'il s'agissait de son amant. Et vraisemblablement, la vérité était tout autre. Incrédule, il l'écouta. Sa respiration s'accélérait au fur et à mesure des explications. Ses yeux s'écarquillèrent à la dernière phrase.

Mon père ?

Il n'avait jamais connu son père, et n'avait jamais cherché à le connaitre, se disant qu'il s'agissait sans doute d'un séducteur sans scrupules qui avait engrossé sa mère avant de fuir ses responsabilités. La vérité semblait être tout autre. Son père était mort, et il lui avait laissé une famille. Sa sœur. La catin qui se tenait en face de lui était sa sœur. Et elle venait de faire en sorte qu'il ne l'oublie pas. Elle avait apposé sa marque sur sa joue. Elle avait fait couler son sang, le même sang qui était présent dans les veines de la jeune femme. Sonné par la révélation, le blondinet se sentait défaillir. Ses yeux allaient de Pochtron à Kachina, de Kachina à Pochtron. Il était censé faire quoi, maintenant ? Aller embrasser celle qu'il mourrait d'envie de tuer, simplement parce qu'ils partageaient le même géniteur ? Non. Il ne voulait pas de cette famille. Il ne voulait pas partager le moindre lien avec cette brune méprisante. Les liens du sang n'y feraient rien. Elle ne lui ressemblait même pas. Aussi brune qu'il était blond, les yeux aussi verts que les siens étaient bleus. Pochtron devait mentir. Mais pourquoi, dans quel intérêt ? Il ne parvenait pas à réfléchir, cherchait à nier cette évidence qui venait de s'abattre sur lui.

Il se laissa choir au sol, hagard, le regard dans le vide. D'un ton étrangement calme, il parla, sans s'adresser à quelqu'un en particulier, peut-être plus pour lui-même que pour les deux autres.


Ce ne sont pas les liens du sang qui la protègeront. Ce n'est pas ma sœur. Je ne la connais pas. Je ne veux pas la connaitre. Je veux la tuer.
Kachina
" Qui nie les liens du sang foule aux pieds les valeurs les plus sacrées. "
Simone de Beauvoir

Foutre Dieu !
Impossible, c'était tout simplement impossible. Ce freluquet à ses pieds, la joue bousillée par sa lame, ne pouvait pas être son frère.
Il était bien trop blond.
Pochtron avait bu, ou il avait pris un coup sur la tête dans une de ces bagarres pour une coureuse de remparts dont il était coutumier.......On lui avait menti, il devenait fou.

Elle sentit ses tripes se nouer à mesure que les paroles de Pochtron s'enfonçaient dans son crâne et que la vérité se dévoilait, implacable, irrémédiable. Elle écoutait Pochtron raconter comment Royce après la mort d'Aurore, avait trouvé dans la chaleur du ventre d'une femme, le réconfort, la force de survivre avant de reprendre sa vie de clandestin et d'errant. Il avait appris juste avant d'être arrêté qu'il avait eu d'elle un fils. L'enfant avait deux ans de moins que Kachi.

Un frère...............Elle en avait toujours désiré un.

Mais un vrai, un beau, un qui vous apprend les ricochets, et qui vous emmène en riant plonger du haut de la falaise.
Celui qui vous pousse à grimper sur la plus haute branche de l'arbre, un qui vous aime quoi !
Qui vous cajole quand vous pleurez , pour un genou écorché, un jupon déchiré ou pour un séducteur volage qui vous a trompée.
Un qui vous secoue quand vous sombrez, qui vous murmure : "ça va aller, princesse !"

Et un brun de préférence........
Leur père était brun...........


Leur père...elle emploie déjà, malgré elle, inconsciemment le mot Leur ...

Mais elle se reprend, corrige tout bas . Mais nan, SON père...........Son père à elle, et à Théa......

Mais pas question de le partager avec celui là..........ce voleur de chevaux à dix écus.

Elle laissait les mots faire leur chemin dans sa tête.

Abasourdie, muette, le souffle coupé. Statue de pierre, mains crispées sur les renes du cheval. Son regard semblait comme hypnotisé, rivé sur la silhouette qui crachait des injures à son encontre.

Un frère, elle avait un frère.
Et morbleu, ça commençait foutrement mal entre eux.
Quel crétin !

Elle tourna enfin la tête vers Pochtron,s’entendit répondre :


- Je n’veux pas de ce frère là !

Et les prunelles s'assombrirent quand elles se posèrent à nouveau sur le blond, alors que sa bouche se crispait en une moue dédaigneuse :

- Désolée, blondinet, faudra revoir tes plans. On ne tue pas sa soeur ! C'est sacrilège !
_________________
Tynop
Sans un regard supplémentaire pour celle qui prétendait être de son sang, il s'était éloigné, prenant soin de cracher haineusement aux pieds du destrier de la discorde, le désir de vengeance bien ancré dans son esprit. Piteusement, il était retourné au campement. Piteusement, il avait expliqué ce qui s'était passé à la sauvageonne.

Quelques jours plus tard, Amalio l'avait recousu, en taverne, deux heures avant la prise de Sarlat. Lors de cette prise, il avait enfin eu l'occasion de déchainer toute la haine, la frustration et la colère accumulées depuis les retrouvailles malheureuses. Des jours durant, ils avaient tenu la ville, vidé les caisses, raillé les locaux, fêté la victoire. Puis était venu le temps du départ, des séparations. Il aurait pu oublier, passer à autre chose, mais la balafre sur laquelle il passait si souvent sa main était là pour le lui rappeler : Quelque part, il avait une sœur, une donzelle qui l'avait humilié, qui l'avait marqué.

Les semaines succédèrent aux jours, et le vagabond remontait toujours plus haut dans le Royaume, à la fois pour répondre à une demande, mais aussi, quelque part, pour s'éloigner le plus possible d'elle, de son regard dédaigneux et empreint de mépris, de son air hautain. De sa dague. Il voulait oublier, passer à autre chose, effacer cet épisode de son esprit. Mais plus le temps passait, plus il se retrouvait contraint de se rendre à l'évidence. Il lui serait impossible de faire comme si. Comme si cette rencontre n'avait pas eu lieu. Comme si il n'avait pas, quelque part dans le Sud du Royaume, un être qui partageait son sang. Comme si les questions qu'il se posait sur elle, et sur leur père, pouvaient rester sans réponse. Comme s'il pouvait vivre sans chercher à savoir.

Il mit plus d'un mois à s'en rendre compte. Les choses ne seraient plus jamais comme avant. Il devait la contacter. En apprendre plus, sur elle, sur Royce, sur lui. La volonté de lui faire du mal était toujours présente. Le blondinet était rancunier, et cette estafilade sur sa joue lui rappelait chaque jour que l'affront subi devrait être payé un jour ou l'autre. Il parvint donc à se convaincre, ce jour-là, en cette fin du mois de Juin, que s'il couchait des mots sur le vélin, ce n'était pas par désir de connaitre sa sœur, mais dans le but de la localiser, pour pouvoir, un jour ou l'autre, lui faire payer.


Citation:
À toi, la catin qui me servirait de sœur.

Ne me demande pas pourquoi je t'écris. Je ne le sais même pas moi-même. Peut-être est-ce parce que les dernières paroles que tu as proféré à mon égard ont fait leur chemin jusqu'à mon esprit. On ne tue pas sa sœur, c'est un sacrilège. Alors, à défaut de te tuer, je vais essayer de te connaitre. Qui es-tu ? C'est quoi, ton histoire de Clan ? Où es-tu ?

Qui était notre père ? Je crois comprendre que toi, contrairement à moi, tu as eu la chance de le connaitre. Peut-être s'agit-il plutôt de malchance, vu que la seule chose qui m'inspire quand je pense à toi est un profond dégoût. Alors au fond, s'il a fait de toi ce que tu es, à savoir une peste dédaigneuse et hautaine, c'est qu'il devait être un mauvais père. Néanmoins, va savoir pourquoi, je m'interroge sur ce qu'il a pu faire, à part engrosser ma mère, j'entends.

Es-tu la seule personne à avoir le même sang que moi, ou dois-je m'attendre à me faire lacérer le visage par d'autres donzelles hystériques dans ton genre ? Et tu fais quoi, dans la vie, à part massacrer le visage de ceux qui approchent de trop près ton cheval? Tu vas bien ? Non pas que j'espère que ce soit le cas, bien au contraire. Si tu pouvais être en train d'agoniser dans de terribles souffrances à cause d'une maladie inconnue, ce serait une bonne nouvelle. Si c'est le cas, dis-moi vite où tu es, et promis, je viens t'achever le plus tôt possible.

Amicalement (Sens-tu toute l'hypocrisie dans cette formule de politesse?),

Ton prétendu frère, Tynop.


Le pli fut confié à une caravane de passage, en direction du Sud, avec une bonne petite bourse et la promesse de se voir offrir le double si jamais une réponse lui parvenait.
Kachina
Il était parti, elle avait d'un haussement d'épaules tourné bride, refusant d'écouter les explications d'un Pochtron bien embarrassé. Elle n'avait pas besoin d'un frère, encore moins d'un frère qui ne lui ressemblait en rien et plus jeune qu'elle.

Sauf qu'elle était femme et qu'à peine arrivée de retour au campement, elle avait pris sa plume pour écrire à sa soeur, l'informer de ce blondin qui leur tombait dessus comme un cheveu sur la soupe.

Les jours étaient passés, entre incertitudes, engueulades, la laissant épuisée, le coeur en vrac. Maussade mais bien décidée à se battre.
Parce que cet homme sombre qu'elle aimait en valait la peine... Parce qu'elle le voulait, lui et pas un autre...

Elle avait rangé dans un coin de sa mémoire, ce frère bien trop encombrant, bien trop menaçant.
Marqué......Défiguré sous sa lame...
Partagée entre agacement et culpabilité, elle niait parfois jusqu'à son existence.

Jusqu'à cette fiente qu'un pigeon déposa sur sa joue, alors qu'elle regardait, le regard songeur, le jour se lever sur Toulouse.
Les derniers jours avaient été plus que difficiles. Elle ressemblait à ces équilibristes qui marchaient sur un fil.
Et elle qui se vantait n'avoir peur de rien, crevait de frousse à l'idée de faire un pas de travers qui l'emmènerait au fond du gouffre.
Elle avait mal dormi et frissonnait dans cette chemise bien trop grande pour elle, mais qui conservait son odeur........quand l'oiseau se posa enfin sur la pierre.

Un juron s'échappa de ses lèvres pleines alors qu'elle essuyait du revers de la main sa joue souillée........

- Morbleu , sal'té d'oiseau !

Son regard s'assombrit quand elle découvrit les premières lignes.

Le freluquet refaisait surface, réapparaissant dans sa vie. Comme si elle avait vraiment besoin de ça en ce moment....

Il l'insultait, la prenait de haut........
Elle fit quelques pas au milieu de la pièce,agacée........hésitant à froisser le parchemin et le jeter au loin.

Finissant par le relire........excèdée..Malgré elle , interressée sans vouloir se l'avouer..

Et enfin, elle prit sa plume, et fit courir l'encre sur la toile fine en réponse à l'arrogant :






Toulouse, le 27 juin de l'an de grâce 1461

Freluquet,

Je ne suis pas une catin.

Et si tu n'étais pas mon frère, je t'aurais tué pour ce mot.
D'ailleurs tu n'es pas mon frère à part entière, seulement une moitié de frère.

Si tu veux me connaitre, il faudra me parler sur un autre ton.
Si , penser à moi, te fait vomir tripes et boyaux, bah, tu m'en vois fort aise, blondin !

Sache que tu as une autre soeur. Eh ouais, t'es un sacré chanceux , l'ami. Elle est belle. Elle a sérieusement morflé , sous les coups de soldats de Navarre, un peu trop échauffés. Elle se remet doucement.
Si tu veux connaitre son nom, il va falloir me le demander poliment.

Je vais très bien, merci. J'ai un pied en enfer et l'autre en espèrance....

Tynop...........Quel drôle de nom !

Va au diable !

Kachi

J'oubliais : Notre père n'aurait jamais volé un cheval. Même s'il était un brigand de grand chemin. Tu ne lui ressembles en rien. Il était aussi brun que tu es blond.
Es tu sur que ta mère n'avait pas d'autres amants ? Franchement, ça m'arrangerait.


Quelques graines à ce foutu volatile, un peu d'eau pour la route et elle le renvoya à son propriétaire en maugréant tout bas...
Thea_
[Lectoure Armagnac ,ou tout a commencé et fin.]

Combien de fois ,la brune aurait aimé recevoir une missive de sa sœur avec écrit en gros : ON ARRIVE Théa ,on arrive !!!!
Combien de fois ,elle était passé devant les porte de la ville espérant entendre le bruit des sabots de tous ceux avec qui elle avait passé de bon moment ,des fous rires ,des engueulades ,des blessures ,tant d'aventures partagées.

Plus de 40 jours étaient passés et toujours rien ,la brune avait compris ,sa sœur avait choisi , elle en voulait toujours plus ,et c'est pas dans un trou comme lectoure ,qu'elle serait reconnue .
Kachi rêvait toujours plus grand ,plus fou ,et que ceux qui ne suivent pas ,au diable !!Elle continuait .

Alors quand le pigeon se posa sur sa charrette ,et que la brune parcourut des yeux le mot de sa sœur lui annonçant qu'elles avaient un frère ,elle haussa les épaules balançant la missive dans un coin .
Ce ne fut que quelques jours plus tard qu'elle pris le courage de lui répondre





Kachi...

Tu m'annonce là que nous avons un frère ,j'en suis heureuse pour toi
Je n'ai malheureusement pas connu notre père ,mais il devait -etre beau ,et des femmes il a dut en connaître plus d'une
Je pense qu'on a dut hériter de son caractère ,fichu caractère d'ailleurs,hein !!

Je t'ai toujours suivie Kachi ,jamais lâchée ,j'ai toujours été la pour toi dans toutes les épreuves qu'ont a traversées ensemble
Mais là ,j'ai eu le temps de réfléchir ,plus de 40 jours a refaire le parcourt de sa vie ,c'est long tu sais ,tu as connue ça aussi .

J'ai faillit me laisser mourir ,la guérison a été longue et les blessures qui nous font le plus mal ,ce n'est pas la lame qui te transperce,non
C'est la déchirure de deux jumelles inséparables ,mais il a suffit d'un homme pour que ça arrive ,et je lui en veux et a toi aussi

Je sais que mes mots font mal ,mais tu ne sais pas la souffrance que j'ai eu moi ici
Lectoure ,tu te souvient ?c'est ici que nous nous sommes retrouvé ,et c'est ici que je t'ai perdue Kachi

Alors sache que je m'en fiche d'avoir ou non un frère ,qu'il soit blond ,beau ou moche , ou autre
j'ai perdu ma jumelle ,je n'ai plus de famille .
Soit heureuse avec ton nouveau frère et prend soin de toi ,mais oublie moi

Adieu

Théa

_________________
Kachina
"Ce qui compte, ce ne sont pas les coups que l'on donne mais ceux que l'on reçoit et auxquels on résiste pour aller de l'avant."
Randy PAUSCH

Le Louveteau était loin d'elle. Bien trop loin. Mis en sécurité dans un monastère où un ami moine prenait soin de lui.
Elle avait, ces derniers temps perdu grand nombre d'amis. Eparpillés, retirés ou tombés dans les bras d'une Faucheuse qui la narguait chaque jour un peu plus.
Elle dormait seule, dans une couche bien trop grande, bien trop vide et elle puisait le courage de continuer dans la colère qui la gardait debout.
Elle n'avait plus eu de nouvelles de ce frère, y songeait parfois, avant de repousser l'idée qu'il puisse exister.

Et alors qu'elle berçait entre ses bras, une Néo effondrée, le pigeon de Théa, lui parvint.

Le sourire qu'elle eut en reconnaissant l'écriture familière s'estompa vite à la lecture des mots.
Un peu plus tard, après avoir entendu les bruis des sabots des chevaux s'éloigner et que le coeur serré, elle enfila cette chemise d'homme bien trop grande pour elle,mais qui gardait l'odeur de son Brun, elle prit sa plume.......
Ses mèches brunes effleurèrent le bois, alors que penchée sur la table, elle noircissait le vélin...........





Théa,

J’ai bien compris le message. J’ai lu au-delà des mots ton chagrin.
Je n’ai pas voulu lire ta colère envers moi. C’est fou en ce moment , comme j’attire ça, la colère. Je m'en fous, je ne suis plus moi même que colère........

Je t’aime.

Sache que non, tu n’as pas toujours été là. Tu n’étais pas là quand on a enlevé Arthur tout bébé. Pas là non plus quand tu t’offrais dans un palais à un homme si cher à mon cœur……….
Et j’ai pardonné.

Tu n’étais pas là quand Archy m’a imposé le choix : Suivre Boulvay ou quitter la meute. J’aurais aimé le soutien de ma sœur , entendre sa voix s’élever, dire c’est injuste. Elle a le droit d’aimer qui elle veut.
Tu avais déjà oublié l’aide si précieuse de Boulvay quand tu étais mairesse. Tu as fait ton propre choix, si semblable au mien, puisque tu as choisis toi aussi ton homme.
J'ai respecté ce choix. Mais avoue qu'après ça, il m'était difficile de suivre le pas des autres....

Seuls ceux de Toulouse pourraient te dire, nos efforts, nos déceptions, nos attentes, nos renoncements, avec toujours l’espoir de venir retrouver ceux de Lectoure. Seuls ceux là savent…….

Je sais que ta vie n’est plus que chaos.
Sache que la mienne ne vaut guère mieux, si ça peut te consoler. Les hommes vous disent : je ne te laisserai jamais partir, je t’aime trop, pour finir un jour par vous dire : Tu pars, je n’ai jamais retenu personne. Pars !
On n’est pas douées pour l’amour, soeurette, hein ?

Je ne t’oublierai pas. C'est impossible.

Notre frère, pas grave si tu n’en veux pas.
Il est blond…..
Pas vraiment bien bâti, encore trop vert même si je pense qu'il sera très vite superbe. Il a sur la joue, une balafre que je lui ai offert en cadeau de bienvenue. Il voulait me voler Fantoche. Et toi seule peut savoir comme j’aime ce cheval.

Je ne t’oublierai pas. Tu es ma sœur .

Notre père était beau. Fier et droit. Pas sure qu’il aurait souhaité pour nous cette vie d’errance. Il n’a jamais trompé notre mère. Il a du trousser une femme un soir de cafard , après sa mort…Et lui faire un marmot.
Tynop. Il s’appelle Tynop.
Il ne nous ressemble en rien. Il ne sait même pas jouer convenablement de sa rapière.

Prends soin de toi. Tu m’as manquée souvent…….

Kachi

J’oubliais…….
Le Chat a reçu une lettre de toi. Il en a été affecté. Il t’aurait selon toi, lui aussi abandonnée……..
Il s’est noyé aujourd’hui dans le lac de Toulouse.
Sa Merlette hurle à la Lune en ce moment………….
Tu as raison, ce n’est pas la lame qui tue………..
La plume ou les mots font parfois plus de mal……..



Elle envoya la missive, refoulant les images de deux brunes en train de danser sur une table........
Foutre Dieu, comme elle aurait aimé un frère..............un vrai, qui vienne et la cajole, la console....
Au diable, tout ça...........Elle survivrait..........

_________________
Tynop
Morveuse.

Au moins, elle lui avait répondu. C'était déjà ça. Le vélin avait été déplié avec une hâte teintée d'une appréhension qui ne lui était pas familière. Mais tandis qu'il avalait avec une certaine avidité les lignes couchées par les soins de sa sœur, la déception et la colère prirent de nouveau l'ascendant. Il avait fait un effort, et elle l'envoyait paître. Il admettait volontiers que le courrier qu'il lui avait fait parvenir n'avait rien d'amical, mais à quoi s'attendait-elle ? Qu'il la supplie ? Alors qu'elle l'avait déjà mis à genoux, qu'elle avait déjà triomphé de lui? Elle voulait encore l'humilier, sentir qu'elle était tout, que lui n'était rien?

Il pesta contre cette sœur qu'il détestait. Et ce qu'il détestait encore plus que cette brune méprisante et méprisée, c'était son désir d'en savoir plus sur elle, de la connaitre. Pourquoi ? Parce qu'ils avaient le même sang? C'était stupide. Il se trouvait stupide. Rien ne l'obligeait à répondre, il pouvait l'ignorer, et continuer sa vie en considérant cet épisode comme une parenthèse malencontreuse, espérant que cette dernière s'effacerait avec le temps. Mais il savait qu'il n'en était pas capable, la faute à sa foutue curiosité maladive. Il voulait en savoir plus, et elle était le seul moyen. Et d'une certaine manière, à travers les piques acérées de Kachina... Il se reconnaissait. L'arrogance, la fierté, le dédain, la désinvolture. Ils les partageaient.

Un sourcil se haussa. Une autre sœur ? Agaçante Kachina. Elle s'était bien gardé de lui révéler le nom de cette femme. La carotte pour faire avancer l'âne. Et l'âne, c'était lui. Un coup de rapière dans la roche qui lui faisait office de palpitant, c'est tout ce qu'elle méritait. Elle voulait de la politesse, il allait lui en donner. Une lettre puant l'ironie et l'hypocrisie, voilà ce qu'il allait lui offrir.



Citation:
Ô, sœurette adorée, véritable joyau vivant de ce monde que tu honores chaque seconde par le simple fait d'exister,

mes plus plates et mes plus sincères excuses si le fait de parler de ta profession pique ton égo surdimensionné.

Effectivement, on ne tue pas son frère, c'est un sacrilège. De toute manière tu en es bien incapable. Je ne parle pas là de tes éventuels scrupules par rapport au lien qui semble te dégoûter autant que moi. Non, tu as déjà eu l'occasion de me tuer, et tu ne savais alors pas que j'étais ton frère. Pourquoi m'as tu épargné, sœurette ?

Pourrais-tu, pour attester de la bonté et de la bonne volonté qui, je n'en doute pas, te définissent, me donner le prénom de cette sœur ? Où bien dois-je te vouer un culte et te supplier à genou pour que tu te décides enfin à me laisser en savoir plus sur ma famille ?


En espérant que ton pied en Enfer te fasse trébucher dans l'Antre du Sans-Nom, et que le ton adopté te convienne.

Tynop.

PS: Ravi de savoir que mon nom t'amuse. Le tien n'est guère plus commun.
PPS: Je crains hélas que non. Ton père était volage et allait de couche en couche, voilà tout.



Avec une certaine hargne, la lettre est scellée et attachée sans douceur à la patte du pigeon. Au moins, il savait où elle se terrait.
Kachina
Grippeminaud (homme hypocrite)

Il l’énervait.
Par sa façon de se moquer.......
Chaque mot transpirait l'arrogance.
Ce blond n’était qu’un insolent. Un prétentieux…………il posait bien trop de questions.

Pour sur celui là finirait prévôt dans un duché méfiant à instaurer l’étât d’urgence à chaque son du cor un peu trop peureux. Remarque, au moins, il pourrait être utile, user de son rang pour rayer le nom de sa soeur des listes noires.
Un frère ça doit servir à quelque chose non ?

Un frère…………
Finalement, elle finissait presque par s'habituer à l’idée d’avoir un frère. Un lien vivant encore avec ce père tant aimé.

Mais le freluquet qu’elle avait entrevu dans cette clairière, la seule fois où leurs routes s’étaient croisées, n’avait rien d’un homme de pouvoir.
Plutôt du genre à fréquenter les chemins de traverse.

Un sourire éclaira son visage quand elle terminait de le lire.
Il lui plaisait. Elle devait bien se l’avouer, il lui plaisait.
Cette garce de vie aurait très bien pu lui attribuer un soudard arrogant et puant la vinasse, ou pire, un troubadour trop tendre, ou un soldat marchant bêtement au pas….Il lui avait tenue tête, le regard fier malgré la douleur et le sang. Il n’avait pas imploré sa pitié quand elle le tenait au bout de sa lame.

Foutre Dieu, après tout, elle ferait avec. En eux cognait le même sang, celui de Royce. C’était pas rien……
Elle murmura doucement : Théa, Kachi, Tynop…………Tout en rangeant soigneusement la missive dans ce petit coffret qui ne la quittait jamais.

Elle se promit d’écrire à sa sœur quand elle trouverait à nouveau les mots.

Plus tard dans la soirée, alors que l’odeur du lièvre qu’on avait fait rôtir au fil de l’épée,embaumait encore l'air , elle posa ses fesses sur la courtine de laine, au pied d’un chêne, se perdant un instant dans les flammes du feu de camp qui léchaient le ciel.
Elle aimait cet instant entre chiens et loups, l’heure où les bruits s’estompent, forçant les sens à s’éveiller. Quand le jour cède le pas à la nuit.

Son regard clair glissa sur l’homme non loin d’elle, et un soupir de bien être sortit de sa bouche quand elle appuya sa tête contre l’écorce rugueuse de l’arbre, fermant un instant les yeux. Songeant à la veille, aux mots prononcés……Aux retrouvailles...

Elle reprit ses esprits, tira son nécessaire à écrire de sa besace et les jambes en crochet, se servant d’un vieux grimoire comme appui, elle rédigea une réponse à ce frère , cet inconnu.





Tynop !

Je crois que tu es encore plus orgueilleux que moi, ça ne va pas rendre les choses faciles.
Et tu poses bien trop de questions.
Es tu aussi bavard ? Figure toi que ce matin, on m’a baillonnée pour me faire taire, t’imagines ?

Bref, je vais pas passer la nuit à t’écrire.
J’ai bien d’autres choses à faire , bien plus intéressantes. Je vais juste répondre à tes questions……….Enfin…..Essayer….

Pourquoi je t’ai épargné ? Pose pas de questions idiotes…tu veux…

Notre père n’avait rien d’un homme volage. Tu peux être fier de lui, va.
Même si un jour on te raconte qu’il fut pendu en place publique…….Relève la tête , toujours.
Il était beau. Il t’aurait aimé, tu l’aurais aimé.
Et là, mon blondinet, il aurait bien fallu qu’on s’aime toi et moi. Mais comme il n’est plus là, on n’est pas obligés.

Mes talents ?
Bah, j’en ai tant que je n’aurais pas assez de vélin ou pas un assez gros pigeon pour porter tout ça. Disons que je sais pétrir la pâte, cuire le pain. Choisir les meilleures étoffes, les tailler, les assembler aussi. Boulangère, tisserande………….
J'ai même été mairesse, tu sais ça ?
Arf, j’oubliais…………Quand les étoffes sont trop belles, trop douces, trop fines trop riches pour mon escarcelle…………..Je les dérobe où je m’arrange pour remplir ma bourse autrement qu’en allant trimer dans un champ toute la journée.
Je suis assez douée pour crocheter les serrures ...Celles que je préfère, celles des mairies...

Tu comprends ? Mais voler un cheval.............Euh......je l'ai déjà fait, je crois.....

Mais t’as pas besoin d’être fier de ta sœur, hein. Sois le juste de ton père,ça j’y tiens !

Théa ! elle s’appelle Théa.
Nos chemins se sont séparés. Je lui en veux, je l’aime. Elle m’en veux, je crois qu’elle m’aime encore malgré tout.

Quand au Sans Nom, je lui ai proposé mon âme un soir, il l’a refusée.
Du coup, je me la garde. Qu’il crève !
Désolée pour toi, blondin, un homme a repris ma main. Il m’empêche de tomber……M’emporte vers le haut….
T’es amoureux, toi ?

Prends soin de toi ! J’aime assez savoir que quelque part, tu existes. Je ramollis je crois…..

Si tu réponds, fais un effort tu veux ? le ton adopté est bien trop mielleux pour être vrai. Sois juste toi.
Mais au fait, t'es qui, Toi ? quel genre d'homme ?

Au plaisir de te lire, mon petit frère adoré.

Kachi.

Dis moi……..Tu sais faire des ricochets ?

_________________
Tynop
Fait chier.

Pourquoi avait-il eu la mauvaise idée de lui écrire ? Pourquoi avait-il eu besoin d'en savoir plus sur elle ? Pourquoi commençait-il à apprécier, au bout de seulement deux courriers, la catin qui était sa sœur ? Il lui avait écrit, ou avait cru lui écrire dans le dessein de cerner la personnalité et de localiser celle qu'il désirait tuer. Et maintenant ? Maintenant, à chacune des lignes qu'il lisait, il avait l'impression de partager de nombreux points communs avec elle. Il était en train d'humaniser cette harpie à l'apparence humaine, en train de se rendre compte qu'elle n'était pas que ce monstre sans cœur qui tailladait des joues à tout va.

Il était blessé, affaibli. La nuit dernière, il s'était battu, avait tué, et un drôle de type masqué lui avait écorché sa main d'épée. Rapière qu'il avait d'ailleurs perdu dans la cohue. Bilan des courses, il était de retour à Chinon, loin de sa compagne enceinte. À la frustration d'avoir été blessé dès le premier combat, s'ajoutait la crainte de ne plus pouvoir manier l'épée, et celle d'apprendre par courrier la mort de la sauvageonne. Et bizarrement, sans vraiment qu'il sache pourquoi, il ressentit l'envie de faire part de tout ça à sa sœur


Citation:
Kachina,

C'est une déclaration ? Tu es tombé amoureuse de moi ?

Oui, je pose trop de questions. On me le dit souvent. C'est peut-être parce que je préfère comprendre que de rester dans l'ignorance. Et le seul moyen de comprendre, c'est de demander à ceux qui savent.

Je suis bavard, en effet. Je ne suis pas surpris qu'on t'ait bâillonné pour te faire taire. Tu dois être terriblement insupportable.

J'imagine bien que tu aies bien d'autres choses à faire, surtout la nuit. Tu fais combien de passes par soirée ? Si tu trouves cela intéressant, tant mieux pour toi. Ce métier doit être une véritable vocation, pour toi.

Tu vois, là, je me sens obligé de préciser que je plaisante. Et je déteste ça. Pourquoi ? Parce que j'ai pas envie de te vexer ? J'en sais rien. Ça m'énerve, c'est tout. Je devrai n'en avoir rien à foutre de ce que tu penses de moi, de ce que tu ressens. Mais c'est pas le cas, et je le vis très mal, sœurette.

J'ai souvent posé des questions idiotes. Celle-là n'en était pas une, alors je te le redemande, dans l'espoir d'obtenir une réponse : Pourquoi m'as tu épargné ?

Je ne peux être fier d'un homme que je n'ai jamais connu. Tout ce que je sais, sur lui, c'est ce que Pochtron et toi m'ont dit. Un brigand pendu en place publique. Il faudra que tu m'en dises plus sur lui, ce qu'il était, ses faits d'armes, ses qualités, ses faiblesses... Tout ce qui me permettra de le connaitre, et donc de me connaitre. Où repose-t-il ?

Par contre, j'ai pas le souvenir de t'avoir demandé une liste de tes talents. Je comprends donc par-là que tu es une vantarde arrogante et prétentieuse, même si je le savais déjà.
Mairesse ? Tiens-donc. Quelle ville est assez folle pour élire une hystérique se prenant pour Dieu à sa tête ? Histoire que je n'y mette jamais les pieds.
Voleuse, aussi ? Je vais finir par croire qu'il s'agit d'une vocation familiale. Théa aussi ? Ou bien est-elle une gentille petite fille ? Où est-elle, d'ailleurs, que je puisse la contacter ? Et pourquoi elle t'en veux ? Tu lui as écorché le visage, à elle aussi ?

Si même le Sans-Nom ne veux pas de toi, tu dois être infréquentable. Et j'aime ça.

Je suis amoureux, oui. Mais contrairement à toi, je n'ai pas la chance d'avoir ma compagne près de moi, aujourd'hui. Les combats nous ont séparés. J'ai été blessé, un Angevin m'a tailladé la main, et j'ai perdu mon épée. D'où mon écriture brouillonne, que tu me pardonneras dans ta grande bonté. La douleur que j'ai ressenti a été comparable à celle que tu m'as infligé, lors de notre rencontre. Va savoir pourquoi, alors que je pissais le sang, j'ai pensé à toi, ton air hargneux et à ta dague qui m'entaillait la joue. Je me suis dit que si j'avais survécu à ça, j'allais pas succomber à cause d'une main en charpie.

J'ai tué quelqu'un cette nuit. J'ai pas pu distinguer ses traits, mais il était jeune. Plus jeune que moi. Je lui ai porté un coup à la tête, avec ma rapière, et il s'est effondré au sol. Je ne dis pas ça pour que tu sois fier de moi, au contraire. C'est la première fois que je tue quelqu'un, et... j'arrive pas à comprendre ce que je ressens. Tu as déjà tué quelqu'un, Kachina ?

Je vais tenter de prendre soin de moi. Pas pour toi, mais parce que je tiens trop à la vie.

Qui je suis ? Rien de plus que ce que tu as vu lors de notre rencontre. Un vagabond ne sachant pas trop ce qu'il fait ni pourquoi, mais qui est heureux de le faire. Je suis loin d'être exceptionnel. J'aime bien boire, rire, me payer la tête des autres, alors que j'aime pas qu'on se paye ma tête. Je ne vais pas te faire une liste des talents, je n'ai pas l'arrogance pour ça. T'as du me voler ma part de vantardise à la naissance.

A bientôt, peut-être. Qui sait, peut-être qu'un jour nos chemins se recroiseront. Je ne sais pas alors ce qu'il adviendra.

Tynop.


Kachina
Nigaud

L'éclaircie avait vaincu la tempête qui avait failli la briser. Les jours s'écoulaient , la laissant apaisée et heureuse....Enfin...
Ils avaient repris la route, chevauchant la nuit pour éviter les armées.
Elle avait toujours aimé ça, les chemins, les paysages changeants, les portes qui s'ouvrent au matin, sur des ruelles déjà connues ou pas. Les coutumes, les visages étrangers. Ces regards de biais qu'on leur lançait quand on les voyait franchir, les tours portières.
Ils faisaient peur, souvent....trop nombreux, trop fous...
Elle aimait ça...


Elle se surprenait parfois à guetter à l'approche du moindre pigeon,l'écriture de ce frère, cet inconnu qui lentement se dévoilait.
Impatiente quand elle reconnaissait les courbes et déliés du blond sur le parchemin....La dernière missive l'avait agacée....il posait bien trop de questions....Et puis elle n'avait pu s'empêcher de la relire, le soir au coin du feu.
Quel idiot ! Il n'avait rien trouvé de mieux que de se faire écharper et d'y laisser sa lame...Il faudrait qu'elle lui apprenne la valeur de l'épée qu'on baptise de son sang et la fameuse botte....Les parades......
Qu'elle lui explique comment...............Foutre Dieu, elle ne lui apprendrait rien du tout. Ils ne se reverraient plus et de toute façon, elle ne voulait pas de lui.

Elle avait attendu, laissant la missive au fond d'une besace, tentant de l'oublier. Se mentant à elle même. Jouant l'indifférence. Alors qu'elle avait elle aussi mille questions à poser.....

Elle avait laissé passer les jours, allant de ville en ville...Glissant ses pas, elle, l'insoumise ,dans ceux d'un homme qu'elle s'était choisie, à moins que ce ne soit lui, qui l'avait choisie. Essayant quelques mots maladroits pour bercer une Sauvageonne au coeur lourd. Apprenant quelques tours au mioche...

Avant qu'un soir, n'y tenant plus, elle prenne la plume.Ce freluquet était capable de laisser sa blessure s'infecter si elle ne s'en mêlait pas.



Lectoure, le 7 du mois de juillet, an de grâce 1461

Blondinet,

On dirait que tu prends goût à mes courriers. Je me trompe ?
Amoureuse de toi ? Je ne suis pas encore assez pervertie pour aimer mon frère. L’amour a pour moi les traits d’un Brun impossible, impitoyable et si tendre parfois avec moi. Et côté passes, ne t’en fais pas. Mes nuits sont belles et chaudes. Il est insatiable.
Tu ne sais pas, toi, gringalet, couillu que tu es, le plaisir fou de s’endormir entre deux bras solides, la tête sur une épaule musclée, protégée… à l’abri. Assouvie…
J’ai failli le perdre. J’espère que tu n’es pas aussi maladroit que moi en amour.

Que ce soit dit : J’essaie juste de m’habituer à ne pas te détester !

Pourquoi je t’ai épargné ? peut-être parce que j’ai pas envie de fournir de nouvelles proies à la Faucheuse. Elle a déjà bien trop gagné de points dans le jeu où on s’affronte , elle et moi. Peut-être parce que , quoique j’en dise, un cheval ne vaut pas la vie d’un homme, même si cet homme est un blond et un arrogant. Un jour peut-être je te dirai, pourquoi apprivoiser cet étalon fut pour moi une façon de m’accrocher à quelque chose pour faire quelques pas de plus.
Pourquoi ne pas t’avoir achevé ? J’en sais rien, en fait..Tu m’agaces là !

Notre père ?
Il faudrait plusieurs vélins pour te raconter. Mais comme il est le lien entre nous, promis, quand je serai décidée, de bonne humeur ou désoeuvrée, je poserai les mots qui racontent son histoire. Tu as le droit de savoir. Et puis parler de lui, m’est agréable. Il dort à côté de ma mère, sous un saule, du côté de Lectoure en Armagnac. Il n’avait rien d’un trousseur de jupons. Il a du aimer ta mère. Il était de ceux qui aiment, qui ne font rien sans passion. Il me manque souvent…

Mairesse ? Oui ! Imagine, un village , fièrement juché sur un piton rocheux. Saint Bertrand la fière. La libre……Village des Comminges……Mon village……Mes monts d’Armagnac. Je suis de ce pays, de cette terre brulée par les guerres…De temps en temps, je ne peux m'empêcher d'y retourner.

Théa n’a rien d’une gentille…..On jouait autrefois à qui serait la plus vilaine des deux. Pourquoi elle m’en veut ? Parce qu’on en veut toujours à ceux qu’on aime quand ils nous abandonnent. Je lui en veux pour la même raison.
Oui, je suis infréquentable. J’aime ça aussi, voir le côté sombre dans le miroir quand je m’y regarde. Rien n’est jamais simple, le jour ne serait rien sans la nuit.

T’es blessé ? je t’interdis de crever, compris ?
Et tu vois, au moment le plus sombre, t’as pensé à moi, blondinet…Sache que j'en suis flattée. Les liens du sang, surement ? Et là, tu vois, imagine mon sourire ironique mon frère chéri.
Cette donzelle, si tu l’aimes et qu’elle t’aime, c’est pas une blessure qui pourra vous séparer. De toute façon, on survit à tout.

J’ai déjà tué, oui. Sans étât d’âmes, j’ai plongé ma lame dans la chair tendre. Puissance absolue, presque comme la vague de la jouissance, tu vois…quand chaque battement de coeur te semble plus intense…
Mais quand la première fois, j’ai plongé mes yeux dans ceux d’une femme bien trop belle, que je les ai vus se voiler, s’assombrir, stupéfaits, incrédules………….j’étais pas si fière que ça, crois moi ! J'ai vu couler bien trop de sang.
Pourtant à l’aube, quand a sonné le cor et que j'ai brandi , victorieuse ,l’étendard……….
pendant un instant je me suis crue indestructible. Chimères, mon frère.

Je ne t’ai rien volé. Jamais. A part peut-être un visage trop lisse…Tu devrais me remercier, ta cicatrice te rendra plus viril. Les greluches aiment ça.

On n’est pas nés sous la même étoile, petit frère. Je me contrefous de toi, de ta vie, de tes amours…..
T’es blessé ? Je t’interdis d’en mourir, tu m’entends ?
Pour ta main, nigaud, débrouille toi pour te procurer du tue la fièvre et de la racine pilée de fleurs des elfes. Badigeonnes en la chair tuméfiée de cet onguent. Entre autres talents, j’ai également longtemps tenu le dispensaire à Saint Bertrand. Ecoutes ta sœur…

Avec toute ma tendre indifférence,

Kachi.

J’oubliais……………..Je suis heureuse…..Comme jamais…
J’ai rendu les armes…Je m’abandonne à lui. Réjouis toi pour moi !


_________________
Tynop
Elle ne se trompait pas. Il prenait goût à ses courriers. Il avait même fini par accepter l'acceptation. Pas assez pour l'avouer à cette greluche par contre.

La dépouille de son père reposait à Lectoure, en Armagnac. Théa habitait aussi cette ville. Un jour ou l'autre, il allait devoir y traîner ses pieds et faire face à la réalité des faits. Mais pas encore. Il n'était pas prêt. La vérité avait été ingérée de force, mastiquée avec peine et difficulté. Il lui fallait maintenant le temps de la digérer. L'échange épistolaire l'y aidait beaucoup. L'écrit et la distance lui permettaient de poser des questions qui n'auraient jamais franchi ses lèvres.

La plaie ouverte à sa main avait laissé place à une cicatrice. La deuxième. Recousue par la même personne, Amalio Corleone. Convalescence, abandon et départ du bordel incroyable qu'était devenu Chinon avaient rythmé les deux dernières semaines. Il était loin de cette ville, et s'y éloignait chaque heure un peu plus. Avec regret. Ils lui manquaient déjà. Il avait pris du rab en embarquant avec une partie de ses compagnons de débâcles, mais pour la plupart, les chemins s'étaient séparés. Pour mieux se retrouver, c'était la seule chose qu'il espérait.

Le voilà donc sur ce navire, à se morfondre. Tant de fois il s'était plaint de l'immobilisme, avait demandé "quand est-ce qu'on bouge ?"
Le con. S'il avait su, il leur aurait demandé de prendre leur temps, de ne pas se presser. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Une bouteille et un bout de chaise, voilà ce qu'il conservait de cette escapade Tourangelle.

La bouteille était d'ailleurs posée sur la table. Il ne l'avait pas ouverte, s'était promis de la boire en compagnie du Teuton et de l'Irlandais. À côté, un vélin, une plume et un encrier. Elle s'était inquiété pour lui, avait même pris le soin de lui conseiller quelque remède.


Citation:

À bord d'un putain de navire qui tangue bien trop à mon goût, quelque part sur la Loire, le 15 Juillet 1461.

Sœurette,

Tu te trompes. Je ne t'aime pas. Je ne sais même pas pourquoi je te lis, ni pourquoi je t'écris. Si t'as la réponse, fais moi signe.
J'en ai absolument rien à foutre, de ton Brun ô combien impitoyable. Je te laisse deviner l'intérêt que je porte à tes parties de jambes en l'air avec ce dernier.
J'ai failli arrêter la lecture là. J'étais à deux doigts de dégobiller. Me parler de m'endormir sur une épaule musclée, entre deux bras solides... Franchement, tu m'as pris pour un sodomite, sœurette ?
Je suis bien plus maladroit que toi en amour.

Et tu t'y habitues ? Tu commences à ne pas me détester ? Moi j'ai du mal.

Oui, voilà. Un jour, au coin du feu, tu me raconteras ce que signifie cet étalon pour toi, comment que la vie, c'est trop dur, et puis on se fera des câlins pour se réconforter et après tu iras te faire enfourcher par ton Brun insatiable.
Tu divagues, ma pauvre.

Prends ton temps, pour me raconter l'histoire de mon père. Je suis pas pressé. C'est pas comme si j'avais failli y passer il y a quelques semaines. J'aurais péri sans savoir quoi que ce soit sur mon géniteur, parce que la putain que j'ai en guise de sœur attend d'être de bonne humeur.
Tu me montreras sa tombe ?

Je vais écrire à Théa. Si tu es toujours à Lectoure, préviens là. Autrement, va au diable. Pourquoi l'as tu abandonné, sœurette ? Pour aller te faire chevaucher par ton Brun insatiable ? Tu es de cette espèce, Kachina ?

Tu ne m'interdis rien du tout. Je crève si je veux. Je te conchie. Tu dis n'importe quoi, en plus. On survit à tout ? Sans blague, j'ai jamais vu un type survivre avec une lame enfoncée dans son cœur.
Je vais mieux, si ça t'intéresse.

Tu es cinglée. Prendre du plaisir à tuer quelqu'un, c'est malsain. Tu es malsaine. Se sentir toute puissante à ce moment-là, c'est immonde. Tu es immonde. Je suis immonde.
Je te hais, sœurette.

Merci. Merci de faire d'avoir fait en sorte qu'à chaque fois que j'observe mon reflet, je me rappelle de toi, de ta dague lacérant ma joue, de la douleur que j'ai éprouvé, de l'humiliation que j'ai ressenti. Merci, sincèrement. Avec ça, je garde les pieds sur terre, je me rappelle qu'il ne faut jamais sous-estimer mon adversaire. Je ne te sous-estimerais plus, Kachina. Un conseil, fais de même avec moi.

Tu te contrefous de moi, de ma vie, de mes amours, et dans le même temps, tu me fais part de l'appétit sexuel de l'écervelé qui doit te servir d'étalon. Pire encore, tu m'interdis de crever. Tu es la contradiction incarnée, Kachina. Tu ne sais pas ce que tu veux.

J'ai pas besoin de ta médecine de catin. À tous les coups, tu cherches un moyen de m'empoisonner. Je ne peux pas t'écouter, Kachina, seulement lire ta perfidie.

Affectueusement,

Ton frère adoré.

PS: L'amour ne dure qu'un temps, sœurette.
PPS: T'aurais pas une épée en rab ? Une rapière, de préférence.



Kachina
Saleté !

L’été la voyait voyager sur les chemins du Bearn.
Un Béarn ravagé par la guerre, qui avait vu son castel livré à l’appétit d’ogre du Carmin. Les marchés offraient des étals bien vides. Les personnes croisées étaient tristes. Mis à part quelques soldats qui rêvaient encore d’en découdre, l’œil arrogant. Pauvres fous qui bientôt rongeraient leur frein dans les ruelles d’une ville triste. Le corps abimé, les rêves de grandeur évanouis.
La guerre ne profite qu’a ceux qui la mènent. Les autres ne sont que des pions sur le grand échiquier.

Elle veillait tard la nuit, cherchant une autre quête, regardant résolument vers l’avenir, se laissant dériver en rêve sur une coque au fil du courant.

Ce matin là, elle allait chevauchant, ses cuisses resserrées sur les flancs de l’étalon, l’épée à son baudrier lui battant la cuisse droite.
Toujours sur le qui vive.
La veille encore, elle avait vue, amusée, les habitants s’armer à leur approche, monter au chemin de garde. Ils faisaient peur. Elle aimait ça.
Elle comprenait, elle en aurait fait autant à leur place.
Mais les nuits étaient bien trop chaudes, ils étaient bien trop paresseux, tous.
Juillet les laissait alanguis, tels les fauves en attente…Ils reprenaient tous des forces, gardant leurs lames aiguisées.
Prêts à tout.

Plusieurs pigeons arrivèrent à la suite. Le premier lui arracha un soupir d’agacement. L’homme ne se lassait pas, bien qu’elle ne lui réponde jamais. Elle le jeta à la rivière, le regarda dériver au fil du courant. Le second était un appel au secours. Elle en parlerait à son Brun . Le troisième lui vint d’Aphy, elle prit le temps de le relire, regrettant de n’avoir pas pu parler un peu plus à la belle bourgmestre .

Reconnaissant l’écriture du quatrième, elle laissa poindre malgré elle sur sa frimousse aux traits tirés par la nuit sans sommeil, un sourire ravi.
Qui se changea vite en une grimace de dépit à la lecture des mots. Le salaud………il la traitait comme la dernière des ribaudes……..Et elle , comme la dernière des dindes qui se réjouissait à la vue d'une missive de lui.

Elle attendit la halte, rongeant son frein. Et quand à l’ombre de grands arbres feuillus, ils se posèrent enfin, elle s’adossa à un tronc pour répondre à celui que la vie lui avait , comme une pénitence, donné comme frère.






Quelque part en Bearn, à rêver d’un bâteau qui tangue sur une rivière ou sur la mer. Le 17 du mois de juillet, de l’an de grâce 1461.

Sale mioche,


Que ton sale rafiot coule par cent mètres de fond !
Et que les poissons bouffent ta carcasse !
Brule en enfer , toi et tes insultes !
Ne perds plus de temps à m'écrire !
Va te faire foutre !

Je te hais.

Kachina



_________________
Kachina
Le pigeon envoyé dans les airs d'une chiquenaude, elle le regarda s'éloigner. Sa main vint porter à sa bouche un gobelet contenant un vin épicé, qu'elle avala d'une traite pour une fois.
Rageuse et agacée... Songeant à son père, à ce qu'il aurait bien pu dire de tout ça...
Et dans un soupir, rendant les armes, reprenant un nouveau vélin, la Louve recommença à écrire...







Tynop, fils de mon Père !

Cinglée, malsaine , immonde, perfide…….dis moi , t’as fait quoi au ciel pour mériter pareille sœur ? Au moins, t’as pas dit moche, c’est déjà ça !

J’ai déjà reçu mieux comme billet doux. Fais un effort tu veux, tu peux encore me trouver d’autres défauts. Je suis bien pire que tu ne penses.

Je passerai sur tes sarcasmes concernant mes amours. Je n’ai toujours tout fait que par amour, ça changera pas. Je ne changerai jamais. Tant pis si ça défrise tes jolies boucles blondes, petit frère.
Pour les calins, faudra repasser. J’ai d’autres bras où m’épancher quand je sombre. Pour les confidences aussi, je te fais grâce. De toutes façons les hommes ne comprennent jamais rien aux femmes. Avec ta petite gueule d’ange et même si je l’ai un peu abimée, t’as du en faire souffrir plus d’une.

J’ai vu Théa . On s'est parlées un peu. Sans se dire l'essentiel. J’essaie juste de ne pas repenser à nos rires, notre complicité d’avant et ça ira. Il est certains fossés que seul le temps peut combler. Il y aurait tant de choses à dire…Dis toi juste qu'elle n'est plus à Lectoure. Je crois qu'elle rentre au pays. J'y rentre aussi. Ni elle , ni moi n'y resterons, ce village n'est plus rien .

L'amour ne dure qu'un temps, je sais ! Autant savourer chaque instant. Non ? La Vie aussi ne dure qu’un temps. Et puis, ta soeurette est une éternelle rêveuse, laisse moi rêver qu'il durera toujours.

J’ai toujours une épée en rechange au cas où sur moi . C’est presque une obsession. Ne jamais manquer d’arme.
Et avec ta rapière, tu remontes un peu dans mon estime. Enfin, tu fais preuve d’un peu de goût. Sache que notre père ne jurait que par les rapières. Celle que j’ai est un héritage, mais elle ne me vient pas de lui. Tu n’aimerais pas les initiales entrelacées dessus, ni la tête de loup gravée sur le pommeau. Et puis, franchement, t’es bien trop maladroit avec une lame pour que je t’en confie une. Il faudra que tu t’entraines, freluquet ! Sais tu au moins, qu’une lame se baptise ? de son propre sang ?
Rha la la, j’en ai des choses à t’apprendre, petit frère !

Sache que mon chevaucheur insatiable comme tu l'appelles est aussi forgeron entre autres talents. Si tu es sage, il te forgera une belle lame. Il est doué. Il s'appelle Boulvay, dit le Joker.
Si tu veux une lame digne de ce nom, il faudra venir à Saint Bertrand de Comminges. C’est là que je vis avec lui. Enfin quand la route ne m’appelle pas ailleurs.

Notre père.
Il était né au pied de ces monts d’Armagnac. Sa vie semblait toute tracée. Il serait berger, parcourant sans relâche ces montagnes qui l’avaient vu naitre. Il en connaissait chaque sentier, chaque clairière, le moindre fourré, la moindre grotte. Il savait imiter à la perfection le cri de la chouette. Il déchiffrait sans peine, les marques laissées par les animaux, qu’il braconnait parfois. Brun et râblé, il était fort et le sang qui coulait dans ses veines était du vif argent. Tu ne lui ressembles pas blondin, désolée, à part peut-être cette dégaine insolente et la forme de la mâchoire. Bref, il était toujours celui qui menait les jeux. Les garçons de son âge le suivaient dans ses bêtises. Il serait berger, il épouserait la fille du marchand de bois. Aurore. Il rêvait qu’un jour, elle porte leur fils. Elle lui a donné deux filles.
Il était né gueux, et bien trop pauvre. La vie se moque bien des rêves d’un gueux. Tu devrais le savoir, maladroit, toi qui rêvais d’un cheval à la robe noire et qui n’a récolté qu’une balafre et une sœur en prime.
Il ne fut jamais berger, mais brigand. Il est des instants, où tout bascule. Où on glisse à jamais du côté sombre. Notre père était le chef des Fils de la Nuit.
Pochtron t’a déjà dit qu’on l’a pendu, un matin en Armagnac. T’a-t-il dit que j’étais là, ce jour là ?

Je te conduirai à sa tombe, un jour, oui, si le destin nous remet face à face.

En attendant, trouve toi donc un cheval et reste entier. A force de cicatrices, tu ne seras bientôt plus qu’un pauvre pantin recousu.

Je ne t'embrasse pas.

Ta sœur chérie.

PS/ Tynop, sale petit freluquet, si tu me traites encore de catin ou de putain, je tordrai le cou à ton pigeon, et je laisserai ta missive sur le bois des latrines.
Sache qu’on ne peut rien changer à l’affaire. Le même sang coule en nos veines. Faudra bien faire avec. Tu ne me tueras pas. Je suis indestructible.

PSS/ On n’est pas obligés de s’aimer. J’ai quelque chose à te léguer de notre père…Je pense qu’il aurait aimé que tu l’aies.



Elle hésita longtemps, gardant la missive pliée au fond de sa besace. Mais quand vint le soir, elle ne put résister. Le freluquet avait le droit de savoir...Le pigeon monta haut dans le ciel qui virait au sombre, cherchant les courants favorables. Ne lui restait plus qu'à éviter les oiseaux de nuit.
_________________
Tynop
C'est avec un large sourire qu'il avait lu la première missive, pleine de mots doux.
Visiblement elle était vexé. Peut-être même qu'il lui avait fait du mal. Juste retour des choses.
Mais comme il avait tendance à changer d'avis comme de ville, il regretta soudain la fin de cet échange épistolaire auquel il commençait à prendre goût. Ainsi s'achèverait sa relation naissante avec la sœur qu'il n'aurait jamais du connaître. Dommage. Cela lui laissait comme un goût de gâchi dans la bouche, à lui qui envisageait de lui rendre visite. Une lettre fût envoyée, réponse provocante, destinée à la piquer au vif, la faire réagir.


Citation:

Sœurette,

Désolé, je suis encore en vie.
Donc pour la rapière, cela ne va pas être possible ?

Tendrement,
Tynop.


Et le pigeon s'envola. Que cette lettre l'énerve. Qu'elle l'oblige à lui répondre. Et l'oiseau revint quelques minutes plus tard. Cet abruti de volatile s'était perdu ? Non, ce n'était pas le même. Une autre missive ? Alors, une autre réponse.


Citation:

Quelque part (oui, j'ai décidé de me la jouer mystérieux.)

Kachina, petite-fille de mon grand-père.

Je ne sais pas ce que j'ai fait au Ciel pour qu'il m'affuble d'une donzelle comme toi en guise de sœur. Peut-être est-il farceur, qu'il trouve cela drôle de lier par le sang une cinglée malsaine immonde et perfide à un sale mioche détestable.

Je crois que je commence à bien t'aimer, sœurette. J'ai toujours eu une affection particulière pour les marginales dégénérées. Oh... On dirait que je viens de te trouver un autre défaut ! La liste s'allonge, sœurette. Promis, je continue de chercher.

C'est tellement mignon ! Laisser l'Amour te guider dans la vie ! C'est d'un romantique ! Ne me fais pas croire que tu es si stupide, sœurette.
Mes boucles blondes te remercient quand même de les trouver jolies. Tu vois, je ne suis pas totalement ingrat.
Je te parlais de câlins tout ce qu'il y a de plus fraternels, Kachina. Loin de moi le désir de goûter à l'inceste. Désolé de te décevoir sœurette, tu devras te contenter de ton Brun. Mais j'ai cru comprendre, à la lecture de tes mots enflammés, qu'il t'apportait pleine et entière satisfaction.

Tu n'es toutefois pas si niaise que je ne le pensais. Et tu n'as pas tort quand tu dis que j'en ai fait souffrir plus d'une. Je ne m'en vante pas, bien au contraire. Tu vas peut-être penser que je me fous de toi, mais je n'aime pas spécialement faire du mal aux gens. Encore moins à ceux que j'aime. Pourtant, c'est souvent ces derniers que je blesse le plus, par mon comportement immature, égoïste et maladroit. Tu vois ? J'ai même pas besoin de toi pour me trouver des défauts, moi !

Au pays ? Quel pays ?

Je te laisse rêver, Kachina. Fais simplement attention à toi. Le réveil est parfois très brutal.

Voilà que tu me flattes ! Encore un peu et ma gueule d'ange va se mettre à rougir, sœurette ! Hélas, même si je suis ravi que tu approuve mon choix de manier la rapière, tu as pu voir, lors de notre rencontre, que je n'étais pas encore un fin bretteur. Mais je m'améliore, de jour en jour. Je ne désespère pas d'obtenir un jour ma revanche contre toi, pourquoi pas en lice ?
Tu peux garder ta rapière aux initiales -Quelles sont-elles et que signifient-t-elles ?- j'ai fait l'acquisition d'une autre épée. Par contre je ne compte pas la baptiser de mon sang. Il a assez coulé, ces derniers temps. J'éviterai donc ta pratique barbare.
Barbare... Encore un autre défaut que je viens de te trouver ! Quoique selon le point de vue, il peut aussi s'agir d'une qualité.
Qu'as-tu d'autre à m'apprendre, Kachina ?
Le Joker. Quel sobriquet ridicule. Vous l'appelez comme ça pour vous moquer de lui, ou il s'est lui-même affublé d'un tel surnom ? Si c'est le cas, il a beaucoup d’auto-dérision.

Notre père, donc. Je ne sais pas pourquoi, un sourire m'est venu aux lèvres lorsque j'ai lu "Notre". Il doit toutefois y avoir une escroquerie quelque part. Mon sang est rouge, et pas vif argent. Tu m'as piqué ma part à la naissance, Kachina ?

Plus sérieusement, je te suis reconnaissant. Merci d'avoir daigné m'en apprendre un peu plus sur mon père. À croire que l'illégalité est héréditaire.

Le destin nous remettra tôt ou tard face à face, sœurette. Il suffit qu'on l'aide un peu.

Ne meurs pas trop tôt, sœurette. On n'en a pas encore fini, tous les deux.

Tynop.

Ps: Je me suis senti obligé de me relire, pour la peine, et je pense pouvoir affirmer que sur cette lettre ne figurent ni "catin" ni "putain". Une question: Ribaude, ça compte, ou pas ?

PPS: De quoi s'agit-il ? Pour ma part, je n'ai rien à t'offrir, pour l'instant. Par contre je veux bien ton cheval.

Kachina
Elle avait laissé passer les jours, engourdie par la chaleur de l'été.

Indolente, alanguie, vivant au ralenti.
Désoeuvrée, désemparée, lasse.

Pourtant, il ne se passait pas un seul jour sans qu'elle ne pense à lui . Pas un seul jour sans qu'elle ne parle de lui.
Affichant en prononçant son nom une moue dédaigneuse, alors qu'en elle une voix murmurait : Où est-il ? que fait-il ?

Elle avait bien commencé le soir quand l'air se faisait plus frais à griffonner quelques ébauches, qui la laissaient insatisfaite et qu'elle s'empressait de jeter au fil de l'eau de cette rivière aux berges de laquelle , elle venait se rafraichir.

Mais elle comprit vite que si elle n'écrivait pas au blondin, elle n'aurait plus de nouvelles de lui. Aussi se força t-elle un beau jour à envoyer quelques mots :






Saint Bertrand - Comminges, Armagnac, le 3 du mois d'aôut 1461.

Tynop,

Je voulais tirer un trait sur toi, oublier que j'avais un frère.
Pourtant, c'est plus fort que moi, tu hantes mon esprit. Et là, je vois déjà ton sourire moqueur à la lecture de ces mots. Ne va pas fanfaronner, je n'ai pas encore rendu les armes, freluquet !
C'est juste la chaleur qui me ramollit. Où bien l'ennui dans lequel je me perds.

En vérité, voleur de cheval, ma vie est devenue si fade, que je n'ai rien de croustillant à te raconter.

Je rêve souvent le soir de seller Fantoche et de partir au hasard, nulle part, n'importe où !
Juste pour à nouveau me sentir vivante. Sentir mes sens se réveiller. Vibrer encore...

Saint Bertrand n'est plus qu'un village aux ruelles désertes. Ma ville fière est comme une magnifique catin qui aurait d'un coup vieilli. Fânée, trop et trop mal aimée. Oubliée.
Les quelques lieux qui me restent chers, sont porteurs de tant de souvenirs que j'y perdrais mon âme si je m'y attardais.

Mon Brun désire être maire ici, et s'il est élu, ça lui laissera encore moins de temps pour moi, ce qui veut dire plus du tout. Il saura tenir les rênes, y trouvera plaisir j'espère, et moi je rêverai au soleil d'un bâteau au port de Montpellier et du vent dans les voiles...

Bref, rien de nouveau pour moi de bien affriolant tu vois.
Réjouis toi, si ça te chante. Je ne sais pas mentir. Je lutte, je me débats entre lassitude et dégoût de tout. Peut-être que c'est ici où tout a commencé que tout doit finir ?

Je ne sais plus grand chose. Si cette garce de vie s'était montrée plus clémente avec moi , elle m'aurait donnée un frère, un vrai.....à qui j'aurais pu dire...et qui m'aurait collée un bon coup de pied dans le séant pour me faire réagir. Mais nan, la gueuse m'a filée un voleur de chevaux, insignifiant et blond.

Bon.....cessons là....Tu as du assez jouir de ces mots. Ne m'enterre pas trop vite. J'ai toujours su nager à contre courant. Et puis c'est au bord du gouffre que le ciel semble le plus bleu non ? Et puis crever pour crever, j'aimerais le faire l'arme en main. Le Carmin joue au chat, à la souris avec ceux du castel à Auch.

Il parait que tu traines avec la Luciole. Cette fille est folle. Je me méfie d'elle autant que je l'aime, c'est tout dire. Cette fille est folle.....et belle. Je lui ai dit te te dévorer le coeur. Gaffe, elle est capable de le faire. Et toi, tu serais capable d'en redemander.
Comment vont tes amours, petit frère ?

Théa est à nouveau tombée sous les coups d'une armée. L'imprudente est blessée à Orthez. J'ai eu quelques nouvelles. Elle pense que j'ai été dure . Possible...Mais tout était si vrai dans ce que je lui ai dis !

La Sauvageonne va me quitter. Encore une. Elle a un rêve à vivre. Il ne faut pas laisser passer les rêves. Sinon, ils ne reviennent pas. Mais elle va me manquer. Il me reste si peu d'amis. Et elle m'est si précieuse.

Permets moi de laisser le voile sur ce que je souhaite te donner de notre père. Quand au cheval, tu l'auras.Promis, juré, foi de Kachi !
Quand je serai morte...
Il te faudra alors l'apprivoiser. Celui là ne se donne pas au premier venu.

Au fait, je t'ai dit que je tire les runes ? Sais tu qu'elles ne mentent jamais ? Je les tirerai pour toi ce soir , tiens. A la lueur de la lune.

Blondinet, tu peux m'appeler comme tu veux, je crois que je m'en fous, m'affubler de tous les défauts du monde.
Mais, Foutre Dieu, Tynop ! Donne de tes nouvelles. Dis moi que le sang de notre père coule , joyeux dans tes veines. Que ton coeur cogne et bat la chamade.

Je ne t'embrasse pas !

Kachi

PS/ Rajoute à la liste de mes défauts : Pleurnicheuse à ses heures.

_________________
See the RP information <<   <   1, 2, 3   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)