Temperance
Venir à un défilé, c'est très enthousiasmant.
Mais faire le mur pour venir à un défilé, c'est grisant au-delà de tout ce que les mots peuvent décrire.
Tempérance était destinée ce jour-là, le vingtième de mars, veille du printemps, à un repas en grande pompe au château de Nevers, conviée par son cousin, le Prince de Castelmaure-Frayner, qui rassemblait tous ceux qui lui étaient apparentés à Nevers.
Le sort avait voulu que sa mère, et son nouveau promis, n'étaient pas à l'Aragne ces temps, en sorte que Tempérance devait voyager seule. Bien sûr, elle ne s'attendait pas à faire à Charlemagne l'affront de son absence : mais quand l'invitation de la Guilde lui était parvenue, en tant que cliente mécène des Doigts d'Or, elle avait hésité fort, puis ourdi un plan : elle grimerait une fille de l'Aragne en elle-même, et l'enverrait à sa place au dîner. Après tout, la famille, elle la connaissait si peu, ayant peu cherché à les connaître pendant tant d'années. Elle espérait que sa mère comprendrait ses raisons, et couvrirait le stratagème. Quant aux autres qui pourraient la connaître... Mais qui serait là qui pourrait la connaître ?
Non, vraiment, se sauver de ce dîner barbant, faire le mur pour glisser jusqu'à Paris, au lieu de s'arrêter à mi-chemin, c'était son plaisir le plus fou, le plus enfantin, le plus délicieux.
C'est donc avec un radieux sourire aux lèvres qu'elle investit les lieux, dans sa cotte brodée et bordée d'argent, digne représentante de la mesnie d'Amilly, dont elle était, somme toute, la seule survivante.
Sans scrupules, elle alla s'asseoir aux premiers rangs.
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Mais faire le mur pour venir à un défilé, c'est grisant au-delà de tout ce que les mots peuvent décrire.
Tempérance était destinée ce jour-là, le vingtième de mars, veille du printemps, à un repas en grande pompe au château de Nevers, conviée par son cousin, le Prince de Castelmaure-Frayner, qui rassemblait tous ceux qui lui étaient apparentés à Nevers.
Le sort avait voulu que sa mère, et son nouveau promis, n'étaient pas à l'Aragne ces temps, en sorte que Tempérance devait voyager seule. Bien sûr, elle ne s'attendait pas à faire à Charlemagne l'affront de son absence : mais quand l'invitation de la Guilde lui était parvenue, en tant que cliente mécène des Doigts d'Or, elle avait hésité fort, puis ourdi un plan : elle grimerait une fille de l'Aragne en elle-même, et l'enverrait à sa place au dîner. Après tout, la famille, elle la connaissait si peu, ayant peu cherché à les connaître pendant tant d'années. Elle espérait que sa mère comprendrait ses raisons, et couvrirait le stratagème. Quant aux autres qui pourraient la connaître... Mais qui serait là qui pourrait la connaître ?
Non, vraiment, se sauver de ce dîner barbant, faire le mur pour glisser jusqu'à Paris, au lieu de s'arrêter à mi-chemin, c'était son plaisir le plus fou, le plus enfantin, le plus délicieux.
C'est donc avec un radieux sourire aux lèvres qu'elle investit les lieux, dans sa cotte brodée et bordée d'argent, digne représentante de la mesnie d'Amilly, dont elle était, somme toute, la seule survivante.
Sans scrupules, elle alla s'asseoir aux premiers rangs.
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