Saens
Un cimetière. Une migration de papillons bruns, qui voltigent dans les recoins et fuient derrière un muret dévoré par le lierre. Le brun arrive en face d'une tombe, égal à lui-même.
SAENS.— Bonjour majka. Tu sais ce qu'ils ont les papillons aujourd'hui ?
LA TOMBE.— ...
Il s''assied, non pas en face de la pierre mais à côté. Sa besace tombe avec lui.
SAENS.— Ça fait un an. J'ai pas mal traîné depuis... enfin tu sais.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Alors je suis allé jusqu'en Gascogne. Avant j'ai rencontré une blonde, je suis tombé amoureux... ne ris pas. Je suis parti comme un lâche, sauf que j'ai prévenu avant.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Oui, je sais. Mais elle n'était pas grosse je te signale, majka. Donc après, j'ai filé jusqu'en Gascogne. Pas beau à voir. Mais non, ne t'inquiète pas. Je vais bien. En Gascogne je suis parti avant, de tomber amoureux. Malin ton fiston.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— (lance un regard à la tombe) Ne te moque pas... Après la Gascogne... Non, c'est barbant hein ? Venons-en au plus important. Je te raconterai ma vie quand je l'aurai vécue.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— (regarde cette fois autour de lui, pensif) T'es pas si mal ici... le soleil, le lierre... et puis tu as de la compagnie, c'est bien, c'est bien. Je mettrai mon cénotaphe à quelques pas de toi, on jaspinera tranquille. Pas trop embêtant tes voisins ?
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Oui, les morts se plaignent trop. Pas nouveau.
Il sort un morceau de lard séché de son bissac, en grignote un bout.
SAENS.— Majka, je vais me marier.
LA TOMBE.— !
SAENS.— Ta bru ? Foutrement belle. Substantielle, et pourtant elle me glisse entre les doigts, c'est pire qu'une truite.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Non, je ne pense pas qu'elle sache coudre.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Ecoute on ne peux pas tout avoir, et je répare très bien mes accrocs tout seul. Elle sait parler, écrire, compter, lire dans les gens, me faire sentir minable, tout ça elle le fait très bien... trop même.
Il donne un petit coup de pied dans la terre, cale son menton dans sa main.
SAENS.— Râle si tu veux... toi, tu es morte et personne ne t'entends, moi, je suis un fou qui parle à une tombe.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Et puis, tu n'étais pas mieux avec l'oncle... L'oncle. Il était beau mon oncle. Je vous entendais tu sais, les matins pâles, la bosse sous les draps et après je m'en allais tout raconter au petit Justinien, qui me donnait des noix creuses en échange et des calissons, que les enfants se faisaient sous les draps, en s'empilant.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Va, excuse-moi majka. Je suis soucieux. Je vieillis et je commence à écrire comme un vieux. Avec le cœur, et en invoquant des proverbes.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Oui, c'est vrai. Mais bon.
De nouveau, un regard circulaire, les lèvres encore brillante de graisse, il se relève en prenant appui sur ses genoux.
SAENS.— Allez, je ne t'embête pas plus. Et puis je dois aller travailler. Et si ce n'est pas une bonne raison, j'en trouverai une autre, les prétextes ne manquent pas pour s'éloigner d'une tombe et ne revenir qu'un an plus tard.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Au revoir majka. Et ne fais pas trop de bêtises là-haut. Celle que tu as faite en bas à déjà vingt-huit piges.
LA TOMBE.— ...
Le brun pose sa main sur la pierre et s'en retourne par où il est venu.
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SAENS.— Bonjour majka. Tu sais ce qu'ils ont les papillons aujourd'hui ?
LA TOMBE.— ...
Il s''assied, non pas en face de la pierre mais à côté. Sa besace tombe avec lui.
SAENS.— Ça fait un an. J'ai pas mal traîné depuis... enfin tu sais.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Alors je suis allé jusqu'en Gascogne. Avant j'ai rencontré une blonde, je suis tombé amoureux... ne ris pas. Je suis parti comme un lâche, sauf que j'ai prévenu avant.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Oui, je sais. Mais elle n'était pas grosse je te signale, majka. Donc après, j'ai filé jusqu'en Gascogne. Pas beau à voir. Mais non, ne t'inquiète pas. Je vais bien. En Gascogne je suis parti avant, de tomber amoureux. Malin ton fiston.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— (lance un regard à la tombe) Ne te moque pas... Après la Gascogne... Non, c'est barbant hein ? Venons-en au plus important. Je te raconterai ma vie quand je l'aurai vécue.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— (regarde cette fois autour de lui, pensif) T'es pas si mal ici... le soleil, le lierre... et puis tu as de la compagnie, c'est bien, c'est bien. Je mettrai mon cénotaphe à quelques pas de toi, on jaspinera tranquille. Pas trop embêtant tes voisins ?
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Oui, les morts se plaignent trop. Pas nouveau.
Il sort un morceau de lard séché de son bissac, en grignote un bout.
SAENS.— Majka, je vais me marier.
LA TOMBE.— !
SAENS.— Ta bru ? Foutrement belle. Substantielle, et pourtant elle me glisse entre les doigts, c'est pire qu'une truite.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Non, je ne pense pas qu'elle sache coudre.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Ecoute on ne peux pas tout avoir, et je répare très bien mes accrocs tout seul. Elle sait parler, écrire, compter, lire dans les gens, me faire sentir minable, tout ça elle le fait très bien... trop même.
Il donne un petit coup de pied dans la terre, cale son menton dans sa main.
SAENS.— Râle si tu veux... toi, tu es morte et personne ne t'entends, moi, je suis un fou qui parle à une tombe.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Et puis, tu n'étais pas mieux avec l'oncle... L'oncle. Il était beau mon oncle. Je vous entendais tu sais, les matins pâles, la bosse sous les draps et après je m'en allais tout raconter au petit Justinien, qui me donnait des noix creuses en échange et des calissons, que les enfants se faisaient sous les draps, en s'empilant.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Va, excuse-moi majka. Je suis soucieux. Je vieillis et je commence à écrire comme un vieux. Avec le cœur, et en invoquant des proverbes.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Oui, c'est vrai. Mais bon.
De nouveau, un regard circulaire, les lèvres encore brillante de graisse, il se relève en prenant appui sur ses genoux.
SAENS.— Allez, je ne t'embête pas plus. Et puis je dois aller travailler. Et si ce n'est pas une bonne raison, j'en trouverai une autre, les prétextes ne manquent pas pour s'éloigner d'une tombe et ne revenir qu'un an plus tard.
LA TOMBE.— ...
SAENS.— Au revoir majka. Et ne fais pas trop de bêtises là-haut. Celle que tu as faite en bas à déjà vingt-huit piges.
LA TOMBE.— ...
Le brun pose sa main sur la pierre et s'en retourne par où il est venu.
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