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RP - Dans les bois, personne ne t'entendra crier

Fleur_des_pois
Dette de jeu, dette d'honneur

    {Le 15 Juillet, à Loches}


Fleur faisait peut-être commerce des poisons, mais elle le faisait bien. Elle était minutieuse. Désirait offrir aux clients des produits de qualité. Rien ne devait être laissé au hasard. Le temps qui s'écoulait avant les premiers effets. Combien de temps ils duraient. Comment la victime se comportait pendant ce temps-là. Et après, comment refaisait-elle surface.
Tant de questions impliquait un travail acharné. Et surtout des gens sur qui elle pouvait tester ses produits.
Il y avait quelques mois, peut-être deux, Gaia s'était associée à un certain Haldor Von-Stern. Il lui avait promis des cobayes de choix, triées sur le volet. Mais l'homme était mort. Et on l'avait chassé, elle, Gaia Corleone, des terres sur lesquelles elle aurait dû travailler. Le Von-Stern lui avait paru un peu creux. Trop imbu de lui-même. On se chuchotait dans les ruelles que son amante l'avait poignardé. Le grossier personnage courtisant deux demoiselles à la fois. Sacré toupet !
Mais ses rêves de grandeur avaient disparu avec Haldor. Et maintenant. Que faire ? Où trouver ses proies ? Subtiliser des enfants abandonnés ? Non. Ce n'était pas que l'idée la rebutait. Mais les gamins ne réagissaient pas pareil. Leur organisme assimilait les poisons plus vite. Bien trop vite. Gaia avait essayé.

La solution lui vint un beau matin de Juillet. Un nom lui traversa l'esprit au moment opportun. Oh, elle connaissait une brune qui serait furieuse. Mais elle était attachée à l'honneur, cette femme. Et une dette était une dette. Qu'importaient les circonstances ou la personne auprès de qui on la contractait.
Ce blond-ci lui avait toujours bien plu. Bien sûr, désormais, la Fée était éprise de Symon. Et elle s'était promis de lui être fidèle. Ce qui lui donnait l'occasion de mesurer à quel point elle respectait sa parole.

Tout d'abord, il fallait un endroit. L'Ortie ne pouvait décemment passer à l'action au beau milieu d'une taverne bondée. Et dans une chambre d'auberge... Trop risquée. Quelqu'un serait bien fichu de prévenir la garde. Et là, ce serait la corde.
Par chance, durant ses pérégrinations, elle avait repéré une cabane. Celle d'un quelconque garde forestier, sans doute. Mais les lieux avaient l'air inutilisé depuis des mois, si ce n'était plus. C'était l'endroit idéal. Perdu entre Loches et Saint-Aignan. A quelques lieues de l'endroit où elle se trouvait.

Sans plus attendre, Fleur s'empara d'une plume et d'un parchemin. Son écriture ronde s'étalait sur le vélin. Elle y apposa bientôt sa signature, et prit tout de même le temps de se relire.




Cher Tynop,

Voilà un siècle au moins que je ne t'ai vu ni entendu parler de toi !
Comment vas-tu, mon bon ami ? Bien, je l'espère ? En forme ? Tant mieux. J'en suis ravie.
Sarah se porte bien ? Merveilleux !

Mais mon tendre Tynop, je ne t'écris pas pour rien. L'encre est chère, le papier rare, etc...

Venons-en au fait !
Tu te souviens que tu as une dette envers moi ? Si tu as oublié, compte sur moi pour y penser. Je te rafraichis donc la mémoire, cher Blondin. Tu as toujours une dette ! Tu en as de la chance.
Il est temps de la payer. Pas de « plus tard » ! Je te veux immédiatement !

Si tu n'es pas trop loin de Loches, tu devrais y arriver en une demie journée. Il suffit de suivre le chemin vers Saint-Aignan, et de bifurquer à droite, devant le gros chêne. J'attacherai un foulard à une branche pour que tu ne te trompes pas.
Ensuite, tu n'auras plus qu'à suivre le sentier. Attention, il est très peu fréquenté, la piste est parfois presque invisible. Tu continues sur la moitié d'une lieue, et tu tomberas juste devant une maisonnée de bois ! J'y serai.

Oh ! Préviens Sarah que tu seras absent exactement 7 jours. Une semaine entière où tu ne verras que moi. Vraiment, tu es un garçon chanceux.

Je t'attends dès demain, avant midi. Ne sois pas en retard, si tu ne veux pas que je pense que tu n'as pas de parole.

Tu n'as besoin de rien d'autres que toi.

Je t'embrasse !



La missive fut expédiée aussitôt. Une fois cela fait, Fleur quitta l'auberge dans laquelle elle séjournait. Un mot à l'attention de Symon fut rapidement écrit et la demande fut faite au tavernier de la remettre à son blond.

Puis ce fut une marche de plus de deux heures qui suivit. Un panier au bras. Chargé de provisions qu'elle n'avait pas pris la peine de payer. Dans sa besace des herbes dans des sachets, et des fioles de verre.
Dandelion suivait, comme toujours, sa belle maîtresse. Le ruban fut attaché, et la Fée poursuivit son chemin.

La cabane fut en vue, et Fleur ouvrit la porte. L'intérieur était plutôt simple. Une vieille table de bois, un banc. Deux paillasses roulées dans un coin. Une cheminée, un chaudron datant du siècle dernier au moins. Gaia déposa ses affaires et ressortie. Un ruisseau coulait non loin. Elle y récura le chaudron et l'empli d'eau à demi, avant de le remettre dans l'âtre. Quelques bouts de bois assemblés en dessous servirent à allumer un feu. Puis, ôtant sa robe, Fleur entreprit de faire sa toilette, la journée étant particulièrement chaude. Son chien estropié, non loin, se désaltéra puis s'allongea sur le sol.
Gaia enfila ensuite une robe verte légère, vaporeuse. Fortement échancrée, la tenue mettait en valeur la poitrine généreuse de la porteuse, ainsi que sa taille fine. Les cheveux simplement liés au niveau des épaules par un ruban grenat. Le décolleté plongeant n'était pas là pour rien. Tynop devait accepter. Et tous les moyens étaient bons.
En l'attendant, elle suspendit le jambon au-dessus du manteau de la cheminée. Et commença à installer ses plantes dans des pots de verre, les disposant sur la table.




Titre RP inspiré des films Alien (Dans l'espace, personne ne vous entendra crier)
Citation québécoise

_________________
Tynop
À la lueur d'une chandelle, le vélin sous les yeux, le blondinet n'avait de cesse de soupirer. Cette lettre arrivait au plus mauvais moment. Contrairement à ce qu'avait affirmé Gaia dans son vélin, il ne se portait pas bien. La sauvageonne pas mieux que lui. Jamais ils ne s'étaient autant aimés, jamais ils n'avaient été aussi proche de la rupture.

Mais ça, Gaia n'en avait cure. Elle connaissait les règles, pour la simple et bonne raison que c'était elle qui les édictait. On pouvait parler de chantage, mais le mot dette sonnait tellement mieux. Et puis ils étaient censés être amis. On ne fait pas chanter, un ami. En revanche, on peut lui faire payer une dette.

Gaia exigeait. Tynop n'avait guère d'autre choix que d'obéir. Pour lui, la lettre était sans équivoque: "Je te veux immédiatement", un sentier "très peu fréquenté", "Une semaine entière où tu ne verras que moi", "Tu n'as besoin de rien d'autre que toi". Elle voulait ce qu'elle n'avait su obtenir jusque là, et ce qu'il ne pouvait lui offrir. Ce n'était pas faute de lui avoir répété maintes et maintes fois. L'envie ne manquait pas, tous deux le savaient. Non. Il n'irait pas. Ce n'était pas le moment. Saisissant la lettre, il la porta jusqu'à la chandelle et observa les flammes lécher puis finalement dévorer le vélin. Seules subsistaient désormais des cendres. Avec un peu de chance, Gaia ferait de même tôt ou tard avec une autre lettre. Sauf que la chance et lui, ça faisait deux, et il le savait très bien.

Il ne dormit pas, cette nuit-là. Perdu dans la contemplation de la silhouette de l’Écossaise endormie, il se torturait l'esprit, ne sachant que faire. Comment Gaia réagirait s'il ne se présentait pas à ce qui ressemblait fortement à une convocation ? Il n'en avait strictement aucune idée. Foutue Italienne. Elle serait bien capable de mettre ses menaces à exécution. Non, il devait y aller. Et il allait devoir mentir à la sauvageonne. Autrement elle ne le laisserait jamais passer sept jours en compagnie de la Corleone.

Un baiser fut déposé sur les lèvres de Sarah, et d'un doigt, il vint replacer une boucle brune qui s'était échappée. Il l'aimait. Elle aussi, la pauvre.
Silencieusement, il prépara ses affaires, fourrant vêtements et nourriture dans un baluchon avant de s'éclipser comme un voleur. Il ne savait pas comment il allait justifier son absence, mais s'il voulait être à l'heure, il devait prendre la route immédiatement.

Il regretta d'avoir brûlé cette foutue lettre. Plusieurs fois, il s'égara, rebroussa chemin avant de s'égarer à nouveau. Il allait être en retard, et il ne devait pas. Il devait la convaincre de renoncer à cette idée, et la faire attendre ne la rendrait pas très réceptive à sa plaidoirie.

Pestant, maugréant et maudissant la nature, Gaia et ses convocations, il trouva finalement la fichue cabane. Passer une semaine à faire l'amour à une jeune femme au milieu de la nature. Il y a quelques mois, il aurait rêvé de cela. Aujourd'hui, il allait devoir dissuader ladite femme. La vie est injuste.

Il était en retard.

C'est vêtu de sa tenue habituelle -chemises noires, braies rouges- qu'il entra timidement dans la cabane. Depuis Sarlat, il avait pris du muscle et avait gagné une vilaine cicatrice à la main gauche. Gaia, en revanche, n'avait pas changé. Elle était séduisante, elle le savait, il le savait, et elle savait qu'il savait. De plus, elle était particulièrement douée pour mettre ses formes en valeur. Malgré lui, son regard s'égara dans le décolleté de l'empoisonneuse. Sa fidélité allait être mise à rude épreuve.

Tandis qu'elle était affairée à installer des pots de verre sur la table, il fit plusieurs pas à l'intérieur, se raclant la gorge pour signaler sa présence. Et à cet instant, il se rendit compte qu'il ne savait quoi dire, ni sur quel ton parler. Agressivement, posément, amicalement ? Strictement aucune idée.
Finalement, ce fut l'inquiétude qui s'exprima à travers sa voix. Ça commençait mal.


Je suis là, Gaia. Tu me veux quoi ?

Et malgré cette histoire de dette, il se rendit compte qu'il était heureux de la revoir. Alors il enchaîna, d'une voix hésitante.

Tu vas bien ? Tu deviens quoi ?
Fleur_des_pois
Fleur avait su qu'il était là avant qu'il ne se racle la gorge. La forêt était silencieuse. Le moindre bruit s'entendait de loin. Pourtant, la Fée décida d'attendre qu'il se manifeste. Sur ses lèvres, un sourire triomphant se dessinait. Elle avait gagné. Il était venu. Elle l'imaginait bien lutter contre l'envie de venir. Avait-il hésité ? Avait-il avoué à Sarah qu'il venait la rejoindre ?
Gaia émit un rire léger puis se tourna vers lui. Son sourire s'accentua. D'aucun dirons qu'elle avait une conception particulière de l'amitié. Elle avait commencé par empoisonner Sybelle. Et faisait de même avec Tynop, bien que le poison ne soit pas le même.
L'Ortie s'approcha du blond de sa démarche chaloupée. Il ne ressemblait pas du tout à Symon, bien qu'ils partageaient la même couleur de cheveux. Et si elle aimait son blond, elle ne pouvait nier que Tynop lui faisait toujours un effet particulier. Peut-être un goût de conquête. Une sorte de trophée. Un but qu'elle avait presque atteint, une fois. Et c'était ce « presque » qui l'avait mené à elle aujourd'hui.


Tynop ! Quelle joie ! Je ne t'attendais plus...

Il était en retard. Fleur tenait à ce qu'il sache qu'elle s'en était aperçue. Posant une main sur son épaule, la brune se hissa sur la pointe des pieds. Et déposa un baiser au coin de ses lèvres. Pour l'instant, elle s'estimait fidèle. Et elle comptait le rester. Ce qui ne l'empêchait en rien de jouer un peu avec le Blondin.

Ce que je deviens ? Eh bien, tu vois, je bricole. Et je voyage aussi pas mal. Et je vais très bien ! Merci !

Fleur se saisit de la main de son ami. Elle l'entraina jusqu'au banc, où elle le força presque à s'assoir. Conservant la main dans la sienne, elle examina la cicatrice. Une moue contrariée déforma ses lèvres. Rendant leur liberté aux doigts de Tynop, le Lutin ne put retenir une remarque. Qui avaient des accents de contrariété.

Tu aurais dû venir me voir, pour ça. Je suis empoisonneuse, mais je sais aussi guérir ! Et j'aurais pu t'arranger ça mieux que ça ne l'est.

Mais déjà, Gaia retrouvait le sourire. Quittant à demi son assise, elle se pencha en avant. Offrant en le sachant parfaitement, une vue idéale sur son derrière. Se saisissant du pichet de vin qu'elle avait amené, elle emplit deux godets pris dans son panier. L'Ortie tendit à Tynop celui qui lui revenait. Tandis qu'elle trempait les lèvres dans le sien. Si le blond se demandait si boire était sûr, il venait d'obtenir sa réponse.
Pour la suite, Fleur devait se montrer convaincante. Elle posa une main sur la cuisse de son ami.


Tu dois te demander pourquoi je t'ai fait venir.

Ses doigts exercèrent une légère pression sur le genou. Puis, elle fit aller sa main vers le haut. S'arrêtant juste avant l'entrejambe. Et de nouveau, elle glissa vers le bas. Et remonta vers le haut. Doucement, sensuellement.

J'ai besoin de toi ! poursuivit-elle sans interrompre son manège. J'ai récolté quelques plantes durant mon voyage. Et je dois en faire quelque chose, tu comprends ? Ses doigts glissèrent comme par mégarde à l'intérieur de la cuisse, mais son mouvement de poignet de s'arrêta pas pour autant. Il me faut quelqu'un sur qui les tester. Une sorte de... cobaye. Ce ne sera pas bien méchant, rassure-toi. Je ne compte pas t'administrer des poisons mortels ! Juste quelques... Sa main s'arrêta à la limite du convenable. Aller plus haut eut été indécent. Puis le geste reprit plus lentement. ... vomitifs. Peut-être un ou deux somnifères. Un hallucinogène... Ce genre de petites choses qui ne font pas bien mal une fois les effets disparus.

Fleur ôta sa main. Et se pencha légèrement en avant. Le spectacle de son décolleté devait achever de le convaincre. Elle se mordit brièvement la lèvre inférieure. Avait-il tout compris ? Ou avait-il été trop distrait ?

Sept jours, sept potions. Et tu repartiras chez toi. La conscience tranquille.

Gaia se pencha encore davantage. Sa bouche effleura celle du blond. Pour finalement reprendre sa place au coin des lèvres. Tandis que sa main se frayait un chemin dans sa chevelure blonde. Se laissant couler le long de sa nuque. Pour achever sa course sur son torse.

Ta dette sera payée. Et l'affreux secret que tu caches à Sarah disparaitra à jamais de ma mémoire... et de la tienne.

Se reculant vivement, Gaia adressa un sourire joyeux à son interlocuteur.

Alors mon ami ? s'exclama-t-elle. Es-tu d'accord ?

Mais avait-il seulement le choix ?
_________________
Tynop
Le rire triomphant qu'elle laissa échapper signifiait tout. Il exprimait ce qu'elle ne dirait pas, mais ce que tous deux savaient. Elle avait gagné. Du début à la fin, depuis ce fichu courrier, elle l'avait mené par le bout du nez. Pas un seul moment il n'avait eu l'espoir qu'elle oublie cette dette. Il la savait bien trop maline pour cela.

Elle était belle. Là était tout le problème. Parce qu'en résultait une attirance physique que le vagabond ne pouvait que réfréner, mais en aucun cas nier. Elle avait su exploiter cette beauté et cette attirance, en tirer avantage, aujourd'hui et pour les sept jours à venir.

Immobile, il la laissa s'approcher, se forçant à planter son regard dans le sien. Le sourire narquois de l'empoisonneuse l'agaçait, et en même temps, cette arrogance, cette insolence, il la retrouvait chez la sauvageonne. Et cela lui plaisait.

Elle ne manqua pas de souligner son retard. Il eut envie de répliquer, mais il savait que s'il venait à la contrarier, elle pourrait brandir à chaque instant cette lettre, menacer de l'envoyer à la sauvageonne et ainsi -du moins en était-il persuadé- mettre un terme à l'idylle entre l’Écossaise et le blond. Alors il réfréna sa saillie, et d'un ton qui se voulait calme sans vraiment parvenir à l'être, lâcha:


Désolé. Je me suis perdu. Ta cabane est l'endroit le plus paumé que je connaisse sur terre. J'ai brûlé ta foutue lettre, dans l'espoir qu'il s'agisse simplement d'une plaisanterie. Mais tu n'es pas du genre à plaisanter, Gaia.

Elle vint lui déposer un baiser sur le coin des lèvres. Du même genre que celui qu'elle lui avait offert lors du mariage de Sybelle. Celui que Sarah avait surpris. À cette pensée, il eut envie de reculer brusquement, de s'en aller, loin de cette Italienne. Il en voulait à Gaia. Parce que d'une certaine manière, il appréciait ses petits gestes. Comme cette main qui s'emparait de la sienne pour le mener jusqu'au banc.
Il esquissa un maigre sourire -le premier depuis qu'il était arrivé- lorsqu'elle sembla lui reprocher de ne pas l'avoir consulté, pour sa blessure. Elle se souciait de lui. Il en avait déjà douté, plus d'une fois, tant les intentions de l'Ortie étaient nébuleuses.


C'est ton cousin qui m'a recousu. Quant à toi, tu étais je ne sais où, Gaia. Pour m'enquérir de ton aide, il m'aurait déjà fallu savoir où tu te trouves. Mais tu n'as pas daigné m'envoyer de tes nouvelles.

Lui non plus. Et c'était tout à fait intentionné. Plus l'Ortie était loin de lui, mieux son couple avec la sauvageonne se portait. Il n'empêche qu'il aurait apprécié avoir des nouvelles de Gaia, de son voyage avec Sybelle.
Ses reproches s'évanouirent lorsque l'Italienne se pencha pour servir la boisson. Comme tout homme l'aurait fait dans pareille situation, il ne pût s'empêcher de contempler, l'espace d'un instant, la jolie paire de fesses qui s'offrait à lui. Saleté d'empoisonneuse. Il savait parfaitement que le moindre de ses gestes était calculé, effectué dans un but précis. Mais lequel ?

Forcément qu'il se demandait pourquoi elle l'avait fait venir. Il lui avait demandé quelques instants plus tôt. Le comportement de Fleur laissait penser qu'elle avait tout préparé minutieusement. Les mots prononcés, le ton adopté, les sourires esquissés, la disposition des lieux, tout. Elle n'avait rien laissé au hasard. Pas même cette main qui vint prendre place sur le genou du vagabond.
Une fois de plus, il ne la repoussa pas, se contentant de tremper ses lèvres dans le godet qui lui avait été offert, et de la détailler d'un regard où curiosité et anxiété se mêlaient. Ne rien faire, c'est consentir. Toutefois il comptait bien l'arrêter si elle allait trop loin. Du moins c'est ce qu'il espérait. C'est aussi ce qu'il avait espéré, à Tulle.

Elle jouait. Gaia était joueuse, il le savait. Elle s'amusait à lui faire tourner la tête, et semblait y prendre énormément de plaisir. Il dût lutter pour ignorer la main baladeuse qui s'égarait bien trop près de son entrejambe, et se concentrer pour écouter la manière dont il aurait à payer sa dette.

Cobaye. Il ne pouvait lui reprocher sa franchise. Toutefois, il ne s'attendait vraiment pas à ça. Certes, il la savait empoisonneuse, mais au vu de son comportement, il s'attendait à devoir payer sa dette d'une autre manière. Moins douloureuse. Devait-il s'en réjouir ? Il ne le saurait qu'au terme de la semaine qui allait passer.

Vomitifs, hallucinogène, somnifère. Quel programme réjouissant. Quelle amie formidable... Quelle paire de seins fantastique. Si elle voulait se servir de lui comme cobaye, pourquoi prenait-elle tant de peine à le séduire ? Elle l'empêchait de réfléchir, de peser le pour et le contre. Était-ce pour cela ? Pour lui ôter la possibilité de raisonner et lui faire accepter aveuglément ?

Elle avait gagné.

Il tressaillit lorsque la bouche pulpeuse de l'Italienne s'approcha de ses lèvres, esquissa sans conviction un mouvement de retrait. Mais déjà une main s'était glissé dans ses cheveux, prenait possession de sa nuque et enfin de son torse. En deux mois, il avait oublié à quel point elle savait se montrer entreprenante.

Partagé entre soulagement et désarroi lorsqu'elle s'éloigna, il dût s'accorder quelques secondes pour reprendre sa contenance. Il se haïssait de se laisser désarçonner aussi facilement. La réponse franchit ses lèvres, comme une évidence.


C'est d'accord, Gaia. Si tu tiens tant que ça à me voir dégobiller, je t'accorderai ce plaisir. Si tu me tues, Sarah se hâtera de me venger.

Il doutait que la menace ait son petit effet, mais sait-on jamais. De toute manière, c'était totalement faux. L’Écossaise n'avait aucune idée d’où et avec qui il se trouvait. Et elle avait bien d'autres soucis en tête...
Il a la trouille, le blond. Mais il ne veut pas lui montrer. Gaia exploiterait le moindre signe de faiblesse. Alors il se force à se fendre d'un sourire:



De toute façon tu m'aimes bien trop pour me tuer.Enfin, j'espère.On commence quand, et par quoi ?

Un regard est lancé sur les divers pots de verres posés sur la table.
Fleur_des_pois
Le premier jour, Dieu créa la Lumière.
Gaia, elle, créa un purgatif.


Perdu ? Comment avait-il fait ? Sa lettre était assez précise pour lui éviter ce genre de désagrément. A moins qu'il ne l'ait pas pris avec lui. Qu'importait ! Il était là. Le reste était égal. Tout comme l'excuse qu'il avait donné à Sarah. S'il en avait donné une.
L'un des problèmes, avec Gaia... C'était son manque d'honnêteté. Si en acceptant de venir et en exécutant le programme de la semaine, Tynop se voyait lavé de sa dette... Cela ne signifiait pas qu'une autre ne lui tomberait pas dessus. Il suffisait qu'il faute. Et lorsqu'il serait inconscient de ses actes, ce serait le meilleur moment.


Tu ne m'as pas écrit non plus, Tynop. J'ai même craint que tu m'ais oublié.

Ses doigts agiles s'emparèrent de nouveau de la main du Blondin. La Fée caressa la cicatrice. Sa moue se fit dédaigneuse.

Lorsque les hommes seront capables de soigner correctement, les poules auront des dents. La prochaine fois, tu me fais mander. Et mieux, même. Je crois que je ne vais plus te quitter d'une semelle, maintenant.

L'éclat de ses yeux se fit momentanément lubrique. Bien sûr que l'Ortie était provoquante ! C'était plus fort qu'elle. Durant cette semaine, la Fée devrait veiller à ne pas parler de Symon. Faire croire à Tynop qu'elle n'avait rien à perdre. Le laisser supposer.
Gaia plongea la main dans les boucles blondes. Encore une fois. Elle aimait s'amuser. Et surtout avec Tynop. Il était bon public. Leur attirance physique était mutuelle. Peut-être que le charme serait rompu s'ils venaient à s'unir l'un à l'autre. Ou peut-être que cela n'en serait que renforcé. Pensait-il vraiment pouvoir lui résister pendant sept jours et autant de nuits ? Le programme serait chargé. Et elle ne ferait rien pour ne pas le faire succomber. Gaia n'avait pas de limites avant Symon. Et maintenant ? Était-ce toujours le cas ?


Nous commencerons dès aujourd'hui ! Nous avons encore l'après-midi devant nous. Et la première étape ne sera pas bien longue.

Fleur se leva. Se saisit d'un pot de verre, qu'elle vida de son contenu. Puis elle emplit le bocal de l'eau tiédie au-dessus du feu. Elle ajouta au liquide clair une once de gratiole. Puis, armée d'un bol de bois, elle réintégra sa place auprès de Tynop.

Il faut laisser infuser un peu.

L'Ortie lui sourit. Encore une fois, elle attrapa sa main. Mais cette fois, elle s'intéressa à la paume. Y traçant des arabesques comme sans y penser. S'égarant parfois à la naissance du poignet.
Fleur se demanda si cela viendrait de lui, ou d'elle. Ils ne pourraient pas vivre l'un à côté de l'autre pendant une semaine sans que cela dérape. A moins d'un effort exceptionnel de concentration et de volonté. Et puis, elle aimait jouer avec les nerfs du blond. C'était plus fort qu'elle. Pourquoi lui, précisément ? Quand l'attendait non loin son Symon ? A à peine quelques lieues ?
La Fée était restée sur sa faim, à Tulles. Et elle n'appréciait pas cette sensation. Et s'il lui était donné de mêler travail et plaisir... Elle n'allait pas refuser.


En attendant, parle-moi de tout ce qui t'es arrivé depuis notre séparation. Dans quelle direction tes pas t'ont-ils mené ? Et je veux tout savoir !

Tendant la main vers le bocal, la Fée touilla doucement le contenu. Les essences des feuilles séchées se diluaient parfaitement dans l'eau chaude.
Fleur n'atteignait ce degré de concentration que lorsqu'elle maniait les plantes. Ses sourcils étaient légèrement froncés, et ses lèvres resserrées. Son attention était entièrement dirigée vers ce qu'elle faisait. Quoi qu'elle écoutait en même temps Tynop. Mais l'habitude rendait les étapes plus simples. Elle aimait ce qu'elle faisait. Elle avait toujours apprécié ce « métier ».
Se saisissant du récipient de verre, Gaia versa le contenu dans le bol préalablement recouvert d'un tissu fin. Les feuilles gorgées d'eau furent ainsi séparées de l'infusion. Puis pressée pour en recueillir les dernières gouttes.
Elle fit glisser le bol jusque devant Tynop.


Tiens ! Bois doucement, c'est encore chaud. Et lorsque ça commencera à agir, s'il te plait, va dehors. Ne t'étonne pas si ton cœur s'emballe, c'est normal. Et éloigne-toi si possible d'une bonne vingtaine de mètres. C'est un purgatif. Tu vois, c'est chiant... et c'est le cas de le dire... mais ce n'est pas méchant. On me demande ça parfois pour se venger d'un petit affront, ou pour empêcher un adversaire politique de discourir contre soi, pour le décrédibiliser, le faire passer pour pleutre, puisqu'il ne vient pas ou s'enfuit en courant en pleine tirade parce que l'envie est trop forte.

Se redressant à demi, Gaia déposa un baiser sur la pommette de Tynop. Comme pour l'encourager.

Tiens, d'ailleurs, quand t'auras tout bu, on sortira tous les deux.
_________________
Tynop
T'oublier ?

Comment pourrait-il oublier celle qui, quelques minutes après avoir fait sa connaissance, l'embrassait sans vraiment s'être assurée de son consentement, avant de l'insulter suite à ses réticences ? Celle qui par la suite, s'amusait à lui faire tourner la tête, à le pousser à l'infidélité en y parvenant quasiment.

J'ai une épée de Damoclès au-dessus de ma tête, et la chose la plus terrible, c'est que c'est toi qui peut la lâcher. Donc non, je ne risquais pas de t'oublier.

Il s'en voulait de s'être laissé séduire, d'avoir été assez stupide pour envoyer ce courrier. Étrangement, la caresse sur sa main parvient à le calmer, alors qu'elle devrait au contraire l'inquiéter encore plus. Pourquoi ne réagissait-il pas ? Il connaissait parfaitement la réponse, mais continuait de nier. Il resterait fidèle. Il désirait Gaia, mais n'était pas prêt à risquer de perdre l’Écossaise pour satisfaire un tel désir.

Sarah. En pensant à elle, il trouva la force de retirer sa main. La sauvageonne avait accepté qu'il parte une semaine, sans poser de questions. Ses derniers mots furent "Ne l'oublie pas, tu es à moi".

Tu dois avoir bien d'autres choses à faire. Et je doute que Sarah soit ravie de te savoir toujours à mes côtés.

Doux euphémisme. Et c'était compréhensible. L'Ortie fût la seule personne a avoir représenté un réel danger pour son couple.
Le regard tendancieux de Fleur le fit légèrement tressaillir. Mis à part Sarah, elle était la seule capable, par un simple geste ou un regard, de le chambouler. Les poisons, vite, qu'on passe à autre chose, qu'on arrête ce petit jeu avant de commettre ce qu'il regretterait tôt ou tard.
Mais non. Elle en décida autrement, et sa main, comme pour marquer son territoire, vint se loger dans la chevelure du blondinet qui esquissa vaguement un geste de recul peu convaincant.

Non sans soulagement, il la vit s'éloigner quelques instants, tandis qu'elle lui annonçait que son calvaire débuterait le jour-même. La chose était prévisible, mais il avait nourri l'espoir qu'elle le laisse se reposer un peu du voyage avant de le soumettre à l'expérimentation de breuvages.
Elle ne tarda pas à revenir et à s'approprier de nouveau sa main. Les caresses étaient définitivement apaisantes, et ce fut d'un ton plus serein qu'il répondit à ses interrogations.


Je suis allé à Chinon. Là-bas, j'y ai retrouvé une partie de ta famille. Le but était, moyennant rétribution, d'aider une famille Angevine déchue à récupérer ses titres par les armes. Malheureusement, rien ne s'est vraiment passé comme prévu et nous avons essuyé une sévère défaite. C'est là-bas que j'ai été blessé à la main.
Ah, et Sarah et moi attendons un enfant.


Sybelle le lui avait elle dit ? Gaia éprouverait elle en conséquence des scrupules à continuer son jeu avec lui ? C'était fort peu probable.

La manière dont il parlait à Fleur n'avait rien à voir avec la façon de parler qui était devenue la sienne ces derniers temps. À une autre personne, il aurait plutôt parlé de branlée que de lourde défaite. Il ne savait pas ce qui le poussait à utiliser un langage plus chaste en sa présence.
Poussé par sa curiosité, il lança


Et toi ? Qu'as-tu fait ? Tu es allé en Champagne avec Sybelle ? Comment elle va ?

Le bol le ramena à la réalité. Ils discutaient de manière anodine, comme deux vieux amis qui se retrouvent après une longue séparation. Mais il n'était pas là pour ça, non. Il devait servir de cobaye.

Il manqua d'écarquiller les yeux lorsqu'elle lui révéla les effets de la mixture posée juste devant sa trogne. Une telle chose était terriblement humiliante. Il la fixa un court instant, se retenant de déglutir. Tout ça devait follement amuser l'Italienne. Il émit quand même une objection.


J'aimerai autant que tu ne m'accompagnes pas dehors, quand j'irai... Enfin tu vois. C'est assez humiliant comme ça.

Et, tâchant sans vraiment y parvenir d'ignorer le baiser qu'elle lui administra, il avala le breuvage. Effectivement, c'était chaud, mais loin d'être dégoûtant. Une sorte d'infusion, de tisane comme on en servait parfois dans les tavernes à ceux qui ne désiraient pas boire d'alcool. Qui sait, peut-être passera-t-il commande à Gaia, et s'en servirait pour éconduire quelques prétendants un peu trop collants avec la sauvageonne ? Une fois le bol vidé, il resta quelques instants sans bouger, inquiet. L'effet n'était pas immédiat, mais savoir qu'il allait devoir d'un instant à l'autre se précipiter dans les bois pour déféquer ne le mettait pas vraiment à l'aise. Il détailla ce qui était disposé sur la table, se demandant ce qui allait lui en faire baver le plus.
Pour penser à autre chose, il décida de continuer de parler à sa voisine, tâchant de s'éloigner quelque peu dans l'espoir vain d'échapper à une main baladeuse.


Je... Combien de temps ce poison fait effet ? Quoique je suppose que c'est pour ça que je suis là, non ? Pour répondre à ce genre de questions...
Changeons de sujet, veux-tu ? Comment se porte ton frère ? Vos relations se sont-elles améliorées ? Ah, et je serai curieux de savoir si tu as un...


Un gargouillement vint interrompre le début d'un monologue qui promettait d'être interminable. Devenant soudainement blême, le vagabond se leva sans demander son reste et se rua à l'extérieur, manquant de trébucher plusieurs fois durant une course qui était aussi effrénée que ridicule, avant de finalement se planquer derrière un buisson et de baisser ses braies pour se vider avec soulagement.
Plusieurs fois, il pensa qu'il pouvait rentrer. Plusieurs fois, un gargouillement moqueur l'en dissuada. Et c'est seulement au bout d'une vingtaine de minutes qu'il entreprit de retourner dans la cabane, après s'être nettoyé qu mieux qu'il pouvait. Cramoisi comme jamais, il évita le regard de Fleur et retourna à sa place, fixant ses pieds, et lâchant d'une petite voix:


Tu penses que... Je risque d'avoir des... "rechutes ?"

Il allait passer une sale semaine.
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Ainsi Sarah attendait un enfant. Pour toute réaction, la Fée plissa les paupières. Elle n'imaginait pas Tynop en père. Et inconsciemment, elle comprit aussi qu'après la naissance de l'enfant, toute chance de le faire succomber serait vaine. S'il n'avait pas la mine d'un père de famille, l'Ortie savait qu'il prendrait ses responsabilités à cœur. Peut-être même qu'il se marierait avec la Sauvageonne. Si elle désirait passer à l'action, ce serait cette semaine. Ou jamais.
Cette idée la séduisait. L'Ortie n'avait pas l'habitude de ne pas obtenir ce qu'elle désirait. Et l'objet de ses pensées, pour l'heure, était Tynop.


La Champagne ! Non, nous n'y sommes pas allées, finalement. Nous nous sommes arrêtées à Angers. Son frère avait disparu en chemin, il a fallu l'attendre. Et puis j'ai dû partir. Une course urgente. Mais... elle allait bien. Je crois. Je n'ai pas eu de ses nouvelles dernièrement. Je lui écrirai dans la semaine...

Il but sans faire d'histoire. Fleur le trouva incroyablement attirant, soudain. Sa main se posa sur l'épaule musclée du blond. Elle avait besoin de toucher, c'était plus fort qu'elle.
Le bol fini, il laissa s'écouler quelques secondes avant de prendre la parole. Des questions en vrac. Comme pour oublier la raison de leur présence ici.


Mon frère... ce crétin. Non, aucune nouvelle, les dieux m'en gardent. Et je ne tiens pas à en avoir. Nous ne sommes liés que par le sang.

Un sourire s'épanouit sur les lèvres du Lutin. Elle ne pensait guère à son aîné, entretenant leur mésentente. C'était ce qui les rapprochait le plus, tous les deux.
Chassant Arthor de son esprit, l'Ortie tâcha de répondre aux mieux aux autres questions.


En général ça met...

Mais il courait déjà hors de la cabane. L'effet était rapide, elle l'inscrivit rapidement sur son journal de bord. Fabriqué par ses soins, il était composé de vélins recouverts d'une couverture de cuir teinté de vert, le tout solidement cousu par de la corde fine. Son précieux contenu relatait les résultats des tests précédents. Renseigner sa clientèle était une preuve de ses compétences.
La Fée, n'ayant plus qu'à attendre le retour de son ami, s'occupa comme elle put.
Dépliant les paillasses, Gaia les colla l'une à l'autre. De telle sorte que cela ne forme plus qu'un vaste lit. Un grand drap vint recouvrir la couche de fortune.
Une fois cela achevé, la jeune fille entreprit de vider le reste de son panier. Les deux fromages furent rangés dans la petite armoire. Les trois grosses miches de pain prirent la même direction. La confiture aussi. Les fèves, pois, fruits de saison, fruits séchés, viande fumée se tassèrent à leur côté.

Puis Tynop revint. Un peu plus pâle et visiblement soulagé. Et également essoufflé. Ses joues rouges trahissant sa honte, l'Italienne s'approcha de lui. Et lui caressa doucement une joue.


Tu sens ton cœur battre plus vite ? C'est normal, mais laisse-moi m'assurer du rythme.

Sans plus lui demander son accord, Gaia déboutonna la chemise sombre du Blondin. Repoussant le vêtement, elle le laissa torse nu. S'approchant de lui encore davantage, la Fée posa une main sur son cœur. Un sourire étira encore une fois ses lèvres.

C'est moi qui te fait cet effet ou c'est la gratiole ?

Elle était à présent presque collée contre lui. Sa poitrine ronde séparée de son buste de quelques millimètres. Fleur leva les yeux vers lui. Sa main dériva légèrement, descendant jusqu'au nombril.

Une rechute... Peut-être une. Mais je ne pense pas, non. La dose n'était pas assez élevée et puis, tu as passé un certain temps dans la forêt.

Cette fois, ses lèvres happèrent celles de Tynop. Cela ne pouvait passer pour un « rapprochement maladroit ». Elle l'embrassait bel et bien. Distillant dans ce baiser tout ce que le jeune homme pourrait obtenir s'il acceptait d'aller plus loin. Les yeux clos, l'Ortie savourait. S'éloignant de lui juste ce qu'il fallait pour pouvoir parler, la main de Gaia glissa dans le dos de Tynop.

Allonge-toi, murmura-t-elle. Il faut que tu te reposes, maintenant. Le prochain breuvage ne sera que demain. Je vais tâcher de te préparer quelque chose à manger.
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Tynop
Gaia devenait très tactile. Elle l'avait toujours été, mais jusqu'à présent, elle respectait une certaine limite. Il ne pouvait la blâmer de se montrer si entreprenante. C'était de sa faute, il en était conscient. L'absence de réaction de sa part ne pouvait qu'inciter l'Italienne à aller toujours plus loin. Et elle le faisait avec plaisir.

Plaisir partagé ?

Il n'en savait rien. Il lui était impossible de nier que le contact des doigts délicats sur son épaule, puis sur son torse nu et enfin sur son ventre ne le laissait pas indifférent. S'il éprouvait quelques réticences, il ne parvenait pas à les exprimer, à les formuler. Elle le savait. Elle en jouait. Sa chemise fût ainsi ôtée sans qu'il eût vraiment le temps de réagir.

Il perdait le contrôle. Évidemment que son cœur battait plus vite. L'effet du poison combiné à la panique et au désir. Ainsi un murmure s'échappa de ses lèvres lorsqu'elle lui posa la question:


Les deux...

Comme si elle ne le savait pas. Comme si c'était tout à fait par hasard qu'elle était si proche, qu'elle le fixait tandis que sa main s'égarait une fois de plus. Et elle osa. Elle lui administra un baiser, et s'appropria en même temps son dos.
Ainsi, pour la troisième fois depuis qu'ils se connaissaient, leurs lèvres se rejoignaient. Deux fois de trop. L'espace de quelques battements de cœur, il savoura. Il avait envie d'elle, de prolonger ce baiser, de la déshabiller, de s'approprier chaque parcelle de son corps, de la découvrir dans son plus simple appareil. D'être en elle. Et il le pouvait.

Mais il ne le devait. Il recula brusquement, comme sonné. Il la regardait sans l'écouter. Qu'avait-elle fait ? Et maintenant ?

Maintenant, on fuit.

Le vagabond quitta une nouvelle fois la cabane, sans prendre la peine de ramasser sa chemise ou ses affaires. Un seul objectif, une seule pensée monopolisait son esprit : Fuir Gaia, et l'infidélité qu'elle lui promettait. Tout foutre en l'air, des mois à instaurer une confiance mutuelle, pour quelques instants probablement extatiques mais éphémères dans les bras de l'Italienne. Il ne pouvait pas. Il ne devait pas.

Il s'assit contre un tronc, et tenta de réfléchir. L'implacable évidence s'imposait à lui. Il était torse nu, sans affaires ni écus. Mais surtout, Gaia détenait la lettre. Il n'avait pas le choix. Il fit rebroussa chemin. La cabane n'était pas bien loin. Il y entra une nouvelle fois.

Désolé. Une rechute.

Le ton se voulait neutre, comme une énonciation de faits. Le tue l'amour, c'était cadeau. Il n'allait pas lui avouer ses remords, autrement elle verrait là un défi de les annihiler.

Tu as raison. Je suis fatigué. Je ne sais pas ce qui m'attend demain, mais quelque chose me dit que je dois reprendre des forces pour m'y préparer.

Et de s'installer dans la paillasse, sans vraiment faire attention au fait que l'Italienne comptait elle aussi dormir dedans.
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Voilà qu'il bondissait en arrière. Comme piqué par une abeille invisible. A moins que l'insecte ne soit sa conscience ? Il était plus ardu d'écraser les remords que les faiseuses de miel.
Attentivement, Gaia le regarda revenir. Une rechute, dit-il. Était-ce la vérité ? Cela pouvait, oui. Mais son regard fuyant la faisait douter de l'entière véracité des propos du jeune homme. Le laissant cependant se glisser sous le drap, l'Ortie décrocha le jambon et en découpa deux tranches épaisses. Son ami n'aurait peut-être pas faim. A lui détraquer le transit, c'était à prévoir. Prélevant deux morceaux à l'une des miches, l'Italienne déposa malgré tout le jambon sur la part à Tynop. Une fringale pouvait survenir en pleine nuit. Puis elle avala la sienne. Y succéda une portion de fromage de Savoie, et quelques fruits séchés. Mordant également à pleines dents dans une prune, la Fée rejeta le noyau dehors.

Le soleil sombrait derrière la cime des arbres. Le trajet l'avait fatigué. Fleur décida d'imiter Tynop. Elle ôta ses chausses, seule concession contre sa féminité. Les pantoufles de satin étant très peu conçues pour les longues marches. S'asseyant sur le banc, l'Ortie allégea sa besace d'une fiole de verre contenant un liquide doré. Quelques gouttes de l'huile parfumée à la lavande furent déposées sur ses pieds fatigués, qu'elle délassa par quelques gestes délicats. Infligeant le même traitement à ses mains quelques minutes plus tard, ne prenant que le temps d'ôter sa seule bague, volée, du majeur de la main gauche. L'odeur entêtante de la fleur se répandit doucement dans la cabane. Gaia plongea de nouveau les doigts dans sa sacoche pour en sortir sa brosse en crin de sanglier. Déliant le ruban qui maintenait approximativement sa chevelure, le Lutin coiffa consciencieusement ses longues mèches noires.

Puis vint le temps d'ôter ses vêtements. Elle tourna le dos à Tynop, comme dans un excès de pudeur qu'elle était loin d'éprouver. Fleur délia sa robe, qui s'éparpilla bientôt autour de ses petits pieds. La chemise de corps qu'elle portait en dessous ne lui atteignait pas genoux. Faisant de nouveau face au Blondin, elle se glissa sous le drap. Là, allongée dans l'obscurité grandissante, elle pouvait sentir la chaleur émaner de son voisin. Il ne se passerait rien cette nuit, elle le savait. Tynop devait encore digérer le baiser, et une nuit ne serait pas de trop pour cela.

Elle dut s'endormir rapidement car au réveil, l'Ortie ne put situer le moment où elle avait sombré. Ouvrant les yeux pour constater que sa main avait pris place sur le dos de Tynop. Comme fait exprès. Pourtant, le sommeil était le seul moment où le contrôle de ses gestes lui échappait. Souriant à cette idée, Gaia ne s'attarda pas dans la couche de fortune. Un claquement de doigt attira l'attention de Dandelion, qui la suivit dans la tiédeur de ce nouveau matin.
Pieds nus, la Fée s'aventure jusqu'au ruisseau. Ne prenant pas la peine d'ôter sa chemise, elle plongea toute vêtue dans l'eau claire et fraiche. Dandelion fit de même, éclaboussant au passage sa maîtresse qui éclata d'un rire joyeux.
Et là, sur le rivage, un caillou étrange attira son attention. S'en saisissant, la Fée sortit aussitôt de l'eau.


Tynop ! Tynop ! Viens voir !

Impatiente, remonta sur la berge.

Tyyyynoooop ! Viens ! Vite ! Viens voir ! Qu'est-ce que c'est que ça ?

Le soleil à l'est, nimbait sa silhouette d'un halo d'or. La chemise lui collait à la peau, rendue transparente par l'eau. Ne dissimulant plus rien de son corps. Sa trouvaille dans la main, Gaia attendait, dégoulinante d'eau, l'arrivée de Tynop. Qui, elle l'espérait, pourrait la renseigner sur ce qu'était que cette pierre si admirablement sculptée.
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Tynop
Il lui fût difficile de s'endormir avec la présence d'une Italienne légèrement vêtue et sentant bon la lavande dans son dos. Il avait honte. Honte de partager la couche de quelqu'un d'autre que son Ecossaise, même si c'était simplement pour dormir. Honte de lui avoir caché sa destination, honte de lui avoir caché sa lettre, honte d'abandonner pendant une semaine la future mère de son enfant pour une jeune femme ô combien désirable mais surtout dangereuse pour eux. Enfin, il avait honte de ressentir cette envie qu'il s'efforçait de refouler.

La fatigue aidant, il finit tout de même par trouver le sommeil.

À son réveil, elle était déjà partie. Probablement en train d'élaborer une autre potion. Il se rendit compte qu'il avait faim. Non content d'avoir vidé ses entrailles, il avait aussi dédaigné le repas de la veille, dans sa hâte de mettre un terme à la journée, et de se rapprocher de la fin de la semaine.

Péniblement, il se leva et s'attabla devant le morceau de miche qui sonnait comme une invitation à la dégustation. Au moins, elle ne comptait pas le laisser mourir de faim. Lâchant un soupir, il se saisit du pain et l'avala en quelques bouchées, se demandant si c'était vraiment utile, étant donné qu'il risquait d'ingérer un vomitif sous peu. Il ne se fit tout de même pas prier pour finir de manger, et se paya même le luxe d'ingurgiter une autre part de jambon. Autant que ce séjour ait des côtés agréables.

Déjà résonnait son nom dans les bois.

Revêtant à la va vite une autre chemise, du même noir que celle qui n'avait pas quitté le sol depuis la veille, il s'empressa de se mettre en quête de l'empoisonneuse, légèrement inquiet. Lui était-il arrivé quelque chose ?
Ses pas le menèrent jusqu'à un cours d'eau, d'où émergeait la silhouette aux formes épanouies de la jeune Italienne.
De quoi en faire baver plus d'un. Lui se contenta de la dévorer du regard, admirant les courbes de sa tortionnaire, sa poitrine ronde qui luisait à travers le tissu transparent, sa chevelure qui lui tombait jusqu'à ses délicieuses hanches. Étai -il vraiment coupable d'éprouver du désir pour pareille créature ?

Tâchant, non sans peine, de porter son attention sur la cause des cris, il se rapproche d'elle, avant de lui ôter l'objet des mains et de l'examiner, évitant autant que faire se peut de croiser le regard de Gaia.
Se frottant avec une certaine perplexité le menton, il articula :

Aucune idée. C'est beau.

Et si...

C'est un piège ? Je vais devoir manger ça, et je vais vomir mes entrailles ou voir des éléphants roses, c'est ça ?

Esquissant un sourire, il referma sa main sur le fossile et lâcha d'un ton qui escomptait ne souffrir d'aucune contestation.

Confisqué. C'est à moi, maintenant. Et tu vas me le laisser, parce que tu m'aimes bien et que tu m'en fais baver.

Il fuyait toujours son regard. Il avait lui aussi envie de piquer une tête pour se rafraichir un peu, mais elle risquait de considérer un tel acte comme une invitation à le rejoindre, s'il le faisait devant elle. Il prendrait son mal en patience, attendrait qu'elle soit assoupie. Lâchant malgré lui un dernier regard sur les formes plantureuses de Fleur, il se dirigea ensuite vers le ruisseau, ne résistant pas à l'envie de se rafraichir le visage. Ce qu'il fît, avant de s'asseoir, de retirer ses chausses et de tremper ses pieds, se contentant de fermer les yeux et de profiter simplement de cet instant de plénitude. Le calme avant la tempête, en quelque sorte. Une tempête empoisonnée.
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Lui non plus ne savait pas ce que c'était. Un simple caillou, finalement. D'une forme spéciale. Mais caillou tout de même.
Gaia ne put retenir un rire lorsqu'il émit la possibilité qu'elle le lui fasse avaler. Non, de telles beautés ne sauraient être consommées ! Puis Tynop décida de le garder. Une moue déçue déforma les lèvres de l'Ortie. Qui s'était déjà vue faire monter la pierre en collier. Pour pouvoir l'arborer fièrement devant une troupe de femmes jalouses. Mais il n'avait pas tort ! Il le méritait. Bonne joueuse, la Fée acquiesça.


D'accord. Garde le, tu le mérites. Puis ajoutant, insolente et mutine. Tu penseras à moi en le regardant, comme ça. Un souvenir de cette semaine idyllique.

Fleur pouffa, puis essora ses cheveux trempés. Elle avait faim. Et la seconde potion n'était pas encore prête. Il fallait qu'elle se mette au travail. Sifflant son chien qui rappliqua aussitôt, la Fée fit quelques pas sur la terre ferme.

Je rentre ! N'en profite pas pour t'échapper. Et reviens-moi vite.

Reviens-moi. Fleur n'avait pas dit « reviens », simplement. Rien n'était laissé au hasard. Cette semaine devait voir jusqu'où pouvaient aller ses limites. A lui, comme à elle. Car bien qu'elle s'amusât à faire perdre pied à Tynop... elle n'oubliait pas Symon. Impossible de le faire. Oserait-elle rompre la parole qu'elle s'était donnée à elle-même ?

Délaissant enfin Tynop, l'Italienne rentra dans la cabane. Ôtant sa chemise de corps, elle en passa une autre. Mettant celle gorgée d'eau à sécher au-dehors. La Fée réintégra la robe qu'elle portait la veille.
Puis il fut temps d'allumer le feu. Pendant que l'eau était mise à chauffée, la Fée se pencha sur le travail à accomplir. Devait-elle utiliser cette fois de la perce-neige ? La fleur était toxique, et émétique. Pauvre Tynop. Après s'être soulagé d'un côté, allait-il devoir se vider de l'autre ? Mais pouvait-elle déjà passer au niveau suivant ? Et lui infliger des hallucinations ? Ou une insensibilité à la douleur ?
Que faire, songea l'Ortie en tirant sur l'une de ses mèches corbeau. Et puis, était-elle en train de devenir douce et prévenante ? Elle grimaça à cette idée. Ce n'était que le deuxième jour. Elle ne devait pas tout gâcher. La perce-neige serait au menu.

Ôtant du bocal l'un des bulbes arrachés plus tôt dans l'année, Gaia le découpa avec précision et minutie. La perce-neige fut jetée dans le chaudron, qui ne contenait plus beaucoup d'eau. Gaia, la veille, ne l'avait pas empli tout entier. La force n'était pas sa prime qualité.
Couvrant le récipient, elle profita du temps de « cuisson » pour manger. Un ou deux fruits juteux, du pain frais recouvert d'une bonne dose de confiture. Son estomac en fut soulagé. Buvant un peu de vin, Fleur ouvrit la porte. Vain espoir de faire entrer un peu d'air frais. Quoique heureusement, ils se trouvaient dans les bois. Ce qui garantissait moins de chaleur qu'en plaine.

Les minutes s'égrainèrent. Jusqu'à ce que le breuvage soit prêt. L'Ortie filtra rapidement, et emplit le bol du liquide opaque. Transportant le chaudron dehors, elle le vida du reste de son contenu.


Tynop ? C'est prêt !
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Tynop
Semaine idyllique. C'est ainsi qu'elle nommait les sept jours durant lesquels elle se servirait de lui comme cobaye. Cette femme mettait son physique et sa volonté à l'épreuve, et, malgré tout il continuait d'éprouver une certaine affection pour elle. Probablement l'amitié la plus originale qu'il ait eu l'occasion d'expérimenter. Originale et intéressante.

Alors le caillou fût fourré dans une poche. Bien entendu, qu'il le méritait. Un souvenir certes. Plus que de cette semaine idyllique, il lui permettra de se remémorer une leçon: Ne jamais être en position de faiblesse face à Gaia. Ou alors le faire volontairement, et en assumer les conséquences, qu'elles soient néfastes ou délicieuses.

L'idée de s'échapper ne l'effleurait plus. Ou pas encore. Il tiendrait sa parole. Et puis au fond, il ne pouvait nier apprécier le jeu de séduction de l'Italienne. Qui n'aime pas se sentir désiré ? Il s'en serait même amusé, si ce désir n'était pas réciproque. Mais il l'était. Et ne pas fauter, ne pas céder au avances de la provocante Ortie une semaine durant ne serait guère aisé.

C'est prêt. Aucun doute là-dessus, il ne s'agissait pas du repas. Il avait presque oublié la raison de sa présence, occupé qu'il était à somnoler au bord du cours d'eau. Curiosité glauque et légère appréhension font leur apparition tandis qu'il prend la direction de la cabane. Qu'allait-il avaler, aujourd'hui ?

Avait-il vraiment envie de le savoir ? Il prit place machinalement devant le bol, jeta un regard à la Corleone. Elle s'était rhabillée. Néanmoins, la vision de son corps trempé et luisant, de ses formes que la chemise trempée épousait comme une seconde peau lui revint à l'esprit. Et du bout des doigts, il vint effleurer la joue de l'empoisonneuse, affichant un léger sourire, avant de promener son index le long des lèvres ourlées de la jeune femme.

Jouons, Gaia.

C'était la première fois que lui la touchait, de sa propre initiative. Il se pencha légèrement, rapprocha son visage du sien, dans l'intention corporellement exprimée de goûter à ses lèvres. Seulement, la conscience peut s'étouffer, s'immerger, mais elle ne se noie pas, finit toujours par refaire surface. Et ce fût le visage de l’Écossaise qui prit place dans son esprit, sa voix qui résonna dans sa tête. "Tu es à moi".

Non. Il n'était à personne. On ne le mettait pas en cage, on ne pouvait l'empêchait de faire ce qui lui plaisait. Il lui mentirait, elle n'en saurait rien. Cette envie serait comblée et il pourrait passer à autre chose.

Peut-être. Peut-être qu'elle l'apprendrait. Les secrets sont faits pour être révélés.

Oui. Cela lui ferait mal. Elle se sentirait trahie, meurtrie. À raison.

Alors, à quelques millimètres des lèvres de l'Italienne, de ce baiser qu'il comptait lui offrir, de cet avant-goût qui promettait bien d'autres réjouissances, il s'arrêta, tendit sa dextre à l'aveuglette, dans l'espoir de se saisir du poison qu'il devait ingurgiter aujourd'hui, finit par agripper ce dernier, huma l'odeur florale qui s'en échappé, et avala. Tout. Non pas d'un trait, mais en enchaînant les gorgées, en ignorant ce liquide qui lui brûlait la gorge, qui allait s'immiscer dans ses entrailles pour provoquer en lui une réaction qu'il ignorait. Il reposa le bol. Et parla d'une voix étrangement calme:


Ne me dis pas ce que ça va me faire Je m'en tape.

Pas vraiment, mais bon, après tout quelle importance ? Quoi que ce soit, il devait boire. C'était bien pour ça qu'il était là, non ?

Ça me met dans la peau de tes victimes, qui ne se doutent pas de ce qui va leur arriver.

Double sens évident. Il ne parlait pas seulement des victimes de ses poisons, mais aussi de ceux qui avaient succombé à ses charmes. Et lui, que lui arrivera-t-il, s'il cède ? Une nuit d'extase ? Plusieurs ? Une amante régulière ? Des remords, une conscience qui le torturerait ?

Tu penses que je vais tenir, Gaia ?

Le regard qui lui jeta était censé lui faire comprendre que cette fois-ci, il ne parlait pas des poisons. Tu penses que tu parviendras à me faire céder, cette fois-ci ? À aller jusqu'au bout, à me convaincre ou me persuader de ne pas fuir, de me laisser aller, de m'abandonner à toi ? Tu as tout pour. Ton visage, ton petit nez, tes yeux moqueurs, tes lèvres ourlées, tes courbes, ta poitrine, ton rire, ton air taquin et faussement innocent, tes manières... Ta semaine...

Un long moment s'écoula avant que le poison ne fasse effet. Attentivement, il écouta la réponse qu'elle lui offrit. Ou bien était-ce un silence olympien ? Avant qu'une crampe ne vienne saisir ses entrailles et le faire grimacer.
Ça remontait. La miche avalée, les deux parts de jambons ingurgitées étaient en train de se frayer un chemin à de son estomac jusqu'à sa gorge. Alors il se leva, main plaquée sur la bouche pour tenter de retarder l'échéance, et se traîna avec hâte jusqu'à la sortie, parvint à se contenir encore durant quelques mètres, assez pour ne pas vomir juste devant l'entrée, et finalement dégobilla. À plusieurs reprises, tandis qu'il avait tout le loisir d'admirer les restes de son repas matinal au sol. Cette sensation n'était pas excessivement douloureuse. Elle était en revanche terriblement désagréable. Le mal de ventre, la respiration qui se bloque et finalement l'expulsion de bile par voie buccale, tout ça n'avait rien de charmant.

Avec difficulté, épuisé de ses forces, il tituba jusqu'à l'intérieur, s'affala sur le banc. Il était vide. D'une voix faible, il lâcha:


Quelque chose pour me rincer. Pour me sentir plus propre. À manger, aussi. S'il te plaît.
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Il arrivait déjà. Gaia le regarda venir jusqu'à elle en souriant largement. Etrangement, celui-ci disparu lorsque Tynop passa délicatement un doigt sur sa joue. Puis sur ses lèvres. L'Ortie était surprise. Fait assez rare pour être souligné. Elle anticipait toujours toutes les réactions. Pour mieux savoir comment réagir. Et là, le Blondin la prenait au dépourvu. Elle commençait déjà à fermer les yeux mais le voilà qui encore une fois, lui échappait.
La Fée retint un grognement. Elle jouait, on la suivait. L'inverse n'était quasiment jamais arrivé. Et voilà que le vagabond prenait pour lui ses règles du jeu à elle.
Lorsqu'elle l'avait embrassé, la première fois, elle ne pensait pas le revoir un jour. Et la voilà qui passait une semaine à ses côtés. La vie était surprenante. Le Lutin le savait mieux que quiconque. N'était-elle pas devenue ce qu'elle était aujourd'hui parce qu'une guérisseuse lui avait transmis son savoir ? Avant de la chasser à coup de balais ? Rien n'était jamais figé. Et encore moins acquis. Mais plutôt que de craindre son avenir, Gaia préférait s'amuser avec.


Très bien, tu ne sauras rien. Plus rien du tout ! Sauf une chose. Le dernier jour sera chaumé. Dieu ne s'est-il pas reposé après avoir créé son œuvre ?

De nouveau, le sourire avait éclot sur ses lèvres. Allusion à cette religion dans laquelle elle ne se retrouvait pas. Et insinuation à peine voilée qu'elle se prenait pour Dieu. L'Ortie avait toujours eu beaucoup d'ambition.
Elle avait presque gagné. Il avait failli l'embrasser. Cette idée la rendait particulièrement joyeuse. Aussi, lorsqu'il lui posa la question, la réponse de Fleur fut catégorique. Parce qu'elle savait très bien qu'il ne parlait pas des poisons. Aucun de ceux qu'elle lui donnerait ne serait mortel. Et personne n'avait jamais succombé à un simple émétique.


Non. Tu ne peux pas tenir.

Ils restèrent figés là, à se regarder.
Quel effet cela lui faisait-il, de briser chaque heure un peu plus, les remparts que Tynop érigeait ? Avait-elle le moindre remord ? Non. Bien sûr que non. Qu'il soit en couple ne rendait la chose que plus attrayante. Et qu'elle y soit également plus ou moins officiellement lui procurait le même effet. L'interdit. Voilà qui avait toujours fasciné l'Italienne. Il suffisait de lui demander de ne pas faire quelque chose... pour qu'elle s'empresse de passer à l'action.
On lui avait dit un jour. Tu finiras par te brûler les ailes. Qui lui avait dit cela ? Impossible de s'en souvenir. Mais Gaia ne savait pas vivre autrement. Tout devait être brûlant ou glacé. La tiédeur n'avait pas de saveur.

Bientôt, Tynop quitta la maisonnée, main devant la bouche. Le pauvre, songea Fleur sans ressentir une once de culpabilité. Et ce n'était que le deuxième jour...
Il revint bientôt. Blanc comme un linge. Il se laissa tomber sur le banc. Et Gaia comprit en un instant comment poursuivre le jeu. Son compte-rendu des effets de la perce-neige pouvait attendre. L'occasion, elle, ne serait pas éternelle.
Elle lui tendit son godet empli de vin et un morceau de tissu. Lui laissant le temps de se rincer et de se nettoyer, la Fée découpa rapidement une tranche de pain, et une autre de jambon. Le tout recouvert d'une part de fromage. Puis, avant de lui faire face, l'Ortie délaça le haut de sa robe. Juste assez pour agrandir l'échancrure.
Puis, elle remonta ses jupes. Pour s'assoir plus facilement sur les genoux du jeune homme. La nourriture à la main, et un sourire ravageur aux lèvres. Son buste séparé du sien par la longueur d'une main. Gaia posa une main sur l'épaule de son ami.


De quoi as-tu le plus faim, Tynop ?
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Tynop
Plus le temps passait, et plus il se doutait qu'elle avait raison en affirmant qu'il ne pourrait tenir. Il ne serait pas capable de passer une semaine à la côtoyer, elle et seulement elle, à vivre avec elle, manger avec elle, dormir avec elle... Comme un couple.
Le dernier jour serait donc chômé. Il n'était pas dans les habitudes de Gaia de se montrer si généreuse, elle avait forcément une idée derrière la tête.

Muet et toujours faible, il se nettoya néanmoins consciencieusement la bouche et se rinça abondamment, se resservant au passage un verre de vin. Il se sentait sale et honteux. Ce statut de cobaye, cette impression de n'être qu'un objet subissant différents essais ne lui plaisait guère. Mais par dessus tout, il avait faim. La seule chose qu'il avait ingurgité en deux jours, il l'avait dégobillé quelques instants auparavant.

Aussi ce fût avec un regard empli de gratitude, tête reposant avec difficulté entre ses mains, qu'il suivait la préparation de son repas. Qu'elle ne lui tendit pas. À la place, elle décida de prendre place sur lui, face à lui. Deux coupes de vin, c'est peu pour être ivre. Pourtant, la tête lui tournait, tandis qu'il contemplait celle qui lui faisait face, son visage à quelques centimètres du sien, sa poitrine ronde gracieusement offerte à sa vue, son derrière posé sur ses cuisses.

La question le fit sourire. Elle ne lâcherait pas. Ni aujourd'hui, ni demain, ni dans cinq jours. Tôt ou tard, elle finirait par obtenir ce qu'elle désirait. Cette pensée traversait son esprit comme une évidence. Elle avait raison. Lorsqu'elle avait évoqué la possibilité qu'il puisse payer sa dette en s'offrant à elle, il avait refusé. Peut-être aurait-il dû. Cela lui aurait évité de se vider par toutes les voies possibles, et de subir il ne savait quoi encore. Mais elle aurait le beurre et l'argent du beurre.

Sauf s'il décidait du contraire. Dans son état actuel, il n'était plus apte à décider de grand chose. Alors une main se posa sur celle qui était sur son épaule, caressant du pouce la douce peau de l'Italienne, tandis qu'une autre s'égara presque innocemment sur sa poitrine avant d'aller se nicher sur sa nuque. Se penchant à son oreille, il lui murmura:

De toi, Gaia. Mais il est parfois préférable de jeûner. Laisse-moi reprendre des forces, veux-tu ?

Car oui, il avait quand même sacrément faim. Pour en attester, il lui mordilla l'oreille avant de délaisser sa nuque pour s'emparer du casse-croûte qu'elle lui avait confectionné.

Si tu comptes m'épargner les joies de l'empoisonnement le dernier jour, dois-je en conclure que je suis libre de retourner auprès de ma douce ?

Elle est enceinte. Et il pourrait lui arriver bien des choses...
Toutefois, le vagabond ne se fit pas prier pour s'enfiler le repas préparé. Après tout, pourquoi lui demander de quoi aurait-il le plus faim, puisqu'il avait la possibilité de déguster les deux ?
Fleur_des_pois
Ainsi il résistait. Encore. La tâche serait plus ardue que prévue. Et l'Ortie commençait à s'impatienter. Elle fut tentée, l'espace de quelques secondes, de se lever de lui assener de grandes gifles. La Fée se reprit bien vite. Laisser transparaître son humeur colérique ne serait pas pour l'aider dans la mission qu'elle s'était fixée.
Tout de même. Être aussi fidèle à une brunette quelconque quand on avait en face de soi la perfection incarnée ! Gaia ne pouvait comprendre. Il devait beaucoup y tenir. Il l'aimait, même, sans doute.
Cette révélation la fit se pencher sur son propre cas. Et Symon dans tout cela ? A peine l'avait-elle retrouvé qu'elle n'aspirait qu'à en séduire un autre. Était-il impossible pour elle d'être fidèle à quelqu'un d'autre qu'à elle-même ?
Peu encline d'ordinaire à se poser des questions, Fleur remarqua à peine les gestes de Tynop. Agaçant personnage, songea l'Ortie. Il était gentil. Et il avait une conscience, lui. Et le pire dans l'histoire, c'est qu'il était en train de la lui refiler. Hors de question !


Mauvaise réponse ! répondit-elle joyeusement en quittant les genoux du Blondin. Et encore plus mauvaise question.

Souriant malgré tout, Gaia resserra les lacets de sa robe. Il était énervant. Lui résister comme cela ! Mais comment pouvait-il bien faire ? Chassant le visage désagréable de Sarah de son esprit, la Fée se glissa derrière lui. Il avait faim ? Soit ! Elle lui donnerait à manger. En quelques gestes, elle déposa sur la table divers fruits. Et pour faire bonne mesure, lui emplit de nouveau son verre. Tous les moyens étaient bons.
Etrangement, Fleur eut une pensée pour Isolda la Guérisseuse. Sa mère d'adoption. Ne lui avait-elle pas dit qu'elle serait trop laide pour plaire ? Et que soigner par les plantes serait son seul moyen de s'en sortir ? Si cette vieille bique pouvait la voir aujourd'hui !


Le dernier jour, nous le passerons ensemble. Comme les six autres. Je te ferai bien boire quelque chose, oui ! Mais ce ne seront que d'innocentes petites préparations. Pour te redonner un peu de vigueur... avant d'aller retrouver ta... chère et tendre.

Était-ce précisément à cause de Sarah que Fleur s'échinait à séduire Tynop ? La Fée ne pouvait pas supporter cette femme. La faire souffrir était plutôt agréable. Surtout qu'elle était enceinte... Avec un peu de chance, cela lui causerait un choc si intense qu'elle en perdrait l'enfant ! Et ainsi, Tynop serait libre. Certes, il lui en voudrait. Mais il finirait par se calmer. Et s'il n'y arrivait pas tout seul... L'Ortie avait de quoi le détendre. Une ou deux préparations et il aurait les idées claires.

En attendant, la mi-journée n'a même pas sonné. Nous n'allons pas rester enfermés tout le jour, n'est-ce pas ? Et si tu venais avec moi ? Il doit y avoir des mûres et des fraises sauvages dans cette forêt. Et nous ne serons pas sans trouver quelques plantes intéressantes. Viens !

L'Ortie ne lui laissa pas le temps de réagir. Elle n'imaginait même pas qu'il ne puisse vouloir ce qu'elle désirait. Le panier d'osier fut saisi. Elle s'empara de la main du jeune homme. Et l'entraina dehors.
Le ciel était clair. D'un bleu limpide. Qu'émaillait juste, vu du sol, les feuilles émeraudes des arbres. Déjà, Dandelion s'éloignait en jappant. L'écureuil repéré par ses yeux de chien s'enfuyait déjà dans les hauteurs.
Gaia ne se dirigea pas vers le ruisseau. Préférant s'enfoncer dans les sous-bois.


Tu te souviens de notre première rencontre ?

Fleur sourit à ce souvenir. Faisant volte-face pour pouvoir voir Tynop en face, elle lui adressa un large sourire.

C'était amusant, non ? Et après, nous nous sommes revus au mariage d'Enjoy et Laell. Tu n'imaginais pas alors, que tu te retrouverais ici, avec moi.

Gaia bondissait tel une biche. Souriante. Insouciante. Et finalement, heureuse d'être là. Elle tournait autour de Tynop. Posant tantôt une main sur son épaule. Ou enserrant ses doigts doucement. Chassant de sa chevelure blonde la feuille qui s'y était égarée. Avant de s'arrêter vivement. Et de sortir un court poignard de sa ceinture.
Se laissant tomber à genoux, elle se mit à gratter la terre autour d'une fougère royale.


Tu peux m'aider, si tu veux.

Sans attendre sa réponse, Gaia l'attrapa par une main, le forçant à adopter la même posture qu'elle. Mêlant ses doigts pleins de terre à ceux du jeune homme. Enfouissant leurs ongles dans l'humus tendre.

Ne t'inquiète pas, celle-ci, je ne te la ferai pas avaler.

Son index s'égara sur la joue de Tynop. Laissant sur sa peau une trace brunâtre. Et maintenant, semblait dire son regard. Maintenant que ton ventre est plein. Finiras-tu par comprendre que tu n'as pas le choix ?
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