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[RP] Les derniers jours d'une condamnée

Rodrielle
* reprise du titre de V.Hugo, le dernier jour d'un condamné



Il arrive pour chacun d’entres nous un jour comme ça où l’on pense à sa mort, à la manière dont on aimerait qu’elle survienne, quant il serait préférable qu’on en finisse, et avec qui. On souhaite tous profiter de sa vie un maximum pour qu’au jour fatidique on n’ait aucun regret.

La Tatouée avait toujours pensé mourir sur le champ de bataille. Mourir une lame en travers du corps, son sang coulant entre ses mains, à genoux devant son ennemi. Elle pensait mourir comme elle avait toujours vécu : l’épée à la main. Comme quoi, rien n’est prévisible ; si on lui avait dit qu’elle mourrait de la suette – ou d’une maladie quelconque après tout – elle aurait rit. En tout cas, la blague avait toujours autant de mal à passer. Depuis qu’Amalio lui avait dit qu’elle était condamnée sans pour autant savoir combien de jour il lui restait, l’italienne se demandait comment préparer « sa fin ». Il était temps.


    Jour 0 : Chinon, juillet 1461.


Le soleil se couchait pour laisser la ville entre chien et loup. La chambre de l’auberge était plongée dans la pénombre et n’était éclairée que par deux bougies. Assise au bureau de la pièce, l’italienne restait plantée devant des parchemins vierges, de l’encre et une plume, en cherchant à mettre toutes ses idées en places. Son état s’était nettement aggravé ; ses mains tremblaient sans arrêt à présent et il lui semblait voir des choses qui n’étaient pas présentes. Elle n’avait rien dit à son neveu, mais depuis peu ses parents apparaissaient dans les pièces où elle se trouvait, tout comme son premier compagnon. Elle savait pertinemment que Jacknight était décédé depuis longtemps maintenant, mais cette image semblait si réelle qu’elle lui parlait souvent. Et puis, lorsque de grosses crises la prenaient, c’étaient des ombres qui l’assaillaient… anciennes victimes revenant la hanter pour l’amener bientôt en Enfer. On l’attendait, elle le savait, le sentait au plus profond de son être meurtri.

Sa main pâle attrapa la plume qu’elle trempa dans l’encre noire. Il fallait qu’elle profite de ces quelques temps de lucidité pour écrire aux personnes qu’elle aimait, à qui elle tenait, pour les prévenir. Ne pas partir avec des regrets.




Laell,

Tu n’es pas loin de Chinon, je pense. Je voudrai te voir, ainsi qu’Amalio, pour vous parler de la suite. Même si c’est une évidence, je veux que tout soit officiel et concret, pour qu’aucun membre de la Famiglia ne puisse contester votre autorité. Je t’expliquerai cela de vive voix.

A bientôt.
Rodrielle.


Oui, il était évident que Laell et Amalio gèrerait la Famiglia Corleone ensemble. Au fil du temps, ces deux membres avaient su se faire une place en haut de la hiérarchie familiale et avaient prouvé qu’ils étaient capables de s’occuper de tout le monde. Et être deux n’étaient pas du luxe, la famille s’agrandissant toujours plus au fil du temps.

La lettre suivante fut pour une plus jeune enfant. Une petite étoile qui était dans son cœur depuis qu’elle l’avait recueillit, il y a plusieurs années maintenant. Une petite étoile partie retrouver sa mère adoptive, en compagnie d’Arthor. Ne pas partir sans parler à cette enfant, sans la revoir.





Lili,
Mia Stella,

Tu es partie il y a déjà beaucoup de jours et tu me manques encore. J’aurai aimé pouvoir de faire un énorme bisou avant que tu partes avec Arthor. J’espère aussi te voir très bientôt. Tu manques aussi à Elouan et Maledic, qui n’ont plus leur sœur à suivre partout. Et comment va Pandou ? Il doit grandir et devenir un vrai tigre de combat !

En tout cas, je t’embrasse ma chérie. Prends bien soin de toi et de Pandou. Et reviens dès que tu le veux… Arthor te ramèneras, je pense.

Ti amo.
Mamma.


Et, accompagnée à cette lettre, une plus petite, adressée à Arthor.

    Citation:
    Blondin,

    Je n’irai pas par quatre chemins. Mes jours sont comptés. Je veux m’assurer que Lili est en sécurité là où elle est. Erwelyn a beau être de la famille, ca n’en reste pas moins une nobliote et je n’ai pas confiance en eux. Je te demande donc de prendre soin d’elle, même si je suis persuadée que tu le fais déjà.

    Ciao.
    Rodrielle.


Enfin. La dernière était certainement la plus importante, pour la personne qui comptait certainement le plus dans son cœur. Légèrement tremblants, les mots s’écrivaient sur le vélin cette fois-ci avec beaucoup plus de tristesse et de regret…




A toi, Aevil Corleone,
Mio Fratello, il mio cuore, il mio angelo,

Même si mon instinct le plus profond me fait croire que tu n’es jamais loin de nous, de moi, que tu nous observes, que tu nous surveilles à ta manière, je préfère t’écrire pour te prévenir. Mon frère, Aevil, c’est la fin. La maladie m’emporte et il ne me reste plus longtemps. Je profite des quelques forces qu’il me reste pour écrire à ceux que j’aime, et je crois que tu es le seul qui ait jamais eu mon cœur.

Tu as toujours été mon exemple, ma ligne directrice, le pilier sur lequel j’ai construit ma vie. C’est grâce à toi qu’aujourd’hui mon nom résonne encore dans quelques têtes. Je ne pourrais jamais me plaindre de l’éducation que tu m’as offerte, lorsque nos parents sont décédés, qu’elle soit morale ou physique. Tu m’as tout appris et je t’en remercie encore.

La seule chose que je regrette – et c’est pour cela que je t’écris, notamment, il parait que les mots apaisent la conscience – c’est que tu sois parti. Je ne comprends toujours pas ton choix, bien que je le respecte. Tu pouvais avoir une vie, quelque part dans ce foutu royaume ; tu as un fils et toute une famille derrière toi, des petits-enfants, à qui je raconte ta vie, notre enfance, et qui me demandent s’ils te verront un jour… Surtout Amalio. Ah ! Amalio ! Tu as eu raison de me demander d’aller le chercher ! Ce jeune homme est très prometteur et va gérer la Famiglia avec Laell, sa cousine, notre nièce. C’est d’ailleurs grâce à lui que je tiens encore debout pour l’instant… Un grand médicastre. Il te ressemble. Chaque regard que je pose sur lui est si douloureux ! Il me fait penser à toi et à la dernière image que tu m’as laissée. A ta dernière lettre aussi…

Je pense arrêter là, même au seuil de la mort, les effusions de sentiments ne sont pas pour moi. Tu aurais dû partir avant moi ! Surement l’air italien est meilleur qu’ici. J’aurai peut-être dû te suivre. Enfin ! Qu’importe ! J’accepte doucement cette fatalité. On ne peut pas prendre des vies pendant si longtemps sans devoir donner la sienne un jour.

En tout cas, la seule chose que je te demanderai avant de terminer ce courrier trop long à mon gout : reviens. Au moins pour ton fils. Assume-le et apprends-lui tout ce que tu m’as appris à l’époque.

On se retrouvera en Enfer.

Ti voglio bene per sempre.
Ton Ombre.


La lettre fut pliée et l’italienne la posa sur le côté, à côté de celle pour Laell. Elle essuya une larme qui perlait sur son visage et poussa un profond soupire. Aevil a toujours été tout pour elle, son frère était la seule personne qu’elle respectait et pour qui elle accepterait de s’agenouiller. Comme toutes les petites filles, elle considérait son frère aîné comme un héro, un immortel qu’elle admirerait jusqu’à la fin. Savoir qu’elle ne le reverrait pas une dernière fois avant de mourir lui brisait le cœur. Sincèrement. Aevil était son seul point faible, le seul qu’elle aimait vraiment, de tout son cœur. Et elle ne pourrait même pas lui dire de vive voix.

Les lettres furent écrites. La Tatouée descendit enfin de sa chambre et donna tous ces courriers à un jeune coursier. Elle prit ensuite place à une table de l’auberge, dans un profond soupire, et leva sa main toujours tremblante.

Du vin, per favore.

Qu’on ne lui demande pas de faire attention. La fin était proche, elle ne se priverait de rien.
Le vin, le sang et sa famille seraient ses dernières volontés.




Famiglia : Famille
Mia Stella : Mon étoile
Ti amo. Mamma : Je taime. Maman.
Mio Fratello, il mio cuore, il mio angelo : mon frère, mon coeur, mon ange
Ti voglio bene per sempre : je t'aimerai toujours
Per favore : s'il vous plait
Arthor
Le Mans, quelques jours plus tard.

Accoudé à une table, au coin du feu dans une auberge au cœur de la capitale Mainoise, le Corleone fixait ce petit bout de papier devant lui. Arthor avait un temps regretté qu’aucun autre Corleone ne prenne de ses nouvelles à lui et à la jeune Lili, ou ne leur en donne, mais aujourd’hui il aurait presque préféré ne pas avoir reçu cette lettre.
Ses doigts tapotaient le bois de la table, venant rompre le silence de la pièce. Il y avait bien le crépitement des flammes pour couvrir le bruit de sa respiration, car oui, il n’y avait personne ce soir. Comme tous les autres soirs d’ailleurs. Le jeune montagnard pouvait s’en plaindre de temps à autre, mais pas là. Rester seul, et simplement lire, et penser, réfléchir, se rappeler. En d’autre terme, prendre simplement conscience de ce qu’il venait d’apprendre. Rodrielle allait mourir.

Le montagnard n’avait pas été au courant de l’état de santé de la matriarche, et il n’avait rien remarqué de particulier quand il avait quitté le gros du clan il y a de ça quelques jours. La nouvelle l’assomma alors d’avantage. Rodrielle avait été la première Corleone à lui dire quoi faire, comment le faire et quand le faire, mais surtout à lui dire qu’il était comme elle, qu’il avait du sang d’italien dans les veines. Rodrielle avait été la première personne à lui ouvrir les yeux, et à lui donner une raison d’être. A vrai dire, elle avait été la seule vraie personne qu’Arthor affectionnait. Certes il respectait plus ou moins chaque homme et femme du moment que celui-ci se nomme Corleone, mais la position de la matriarche était spéciale, et pas seulement parce qu’elle était la matriarche, la chef du clan, et son symbole.

Lisant et relisant la courte missive, il tripotait toujours sa bague, aux couleurs de la famille. Ce geste restait un réflexe qui refaisait surface dans les moments de doute ou de réflexion. Ses doigts ne l’avaient pas quitté quand il avait discuté avec la matriarche à la cours des miracles, et aujourd’hui encore ses pulsions refaisaient surface. D’ailleurs ironiquement il n’y avait rien à réfléchir. Il comptait faire ce que Rodrielle lui disait de faire, il comptait bien ne jamais l’oublier, et lui écrire un dernier mot. Mais il fallait encore trouver les mots, et c’était peu dire. Il ne suffisait pas de trouver les « bons » mots, mais en trouver qu’elle puisse comprendre.





    Matriarche,

    Considérez coma ieu n’aurais de cesse de garder los deux yeux sur Lili.
    Vos resterez toujours un modèle de bravoure, de force e d’autorité per le trop fier montagnard coma ieu soi. Vos êtes, et serez toujours un symbole.

    Addieu,
    A.C.



Le montagnard souffla une dernière fois avant de se débarrasser de la missive et de s’adosser au maximum sur sa chaise. Une page venait de se tourner, mais impossible encore d’oublier la précédente. Il ne savait pas encore qui reprendrait les reines du clan, mais ça ne serait jamais comme avant pour la simple raison qu’il n’y avait qu’une Rodrielle. Son retour parmi les autres serait sans doute d’avantage retardé. Il faut dire qu’Arthor n’était pas aussi fort qu’il le prétendait sans cesse.
_________________
Lililith
- Viens Pandou, vite, vite !

La fillette galopait dans les rues de la ville mainoise, son chat roux sur les talons. La poupée sans Nom était tenue fermement dans une main tandis qu'elle essayait d’accélérer la cadence.

Elle avait un but et elle y arriverait. Vite. Vite. Elle bifurqua, ne prenant pas la peine de ralentir dans le virage. Pourquoi faire ? Il n'y avait - vraiment - personne. Elle tourna la tête brièvement, juste le temps d'avoir la vision du guerrier de chat qui la suivait.


- Allez Pandouu ! Vite ! Vite !

Il n'était pas assez rapide.

- Un jour tu t'f'ras attraper et ce sera pas de ma faute ! T'es lent !

Mais elle-même ne pouvait pas courir plus vite, à son grand dam.
La Minusculissime finit par se plaquer contre une lourde porte en bois qu'elle poussa de toutes ses forces.


- Gnn !

Entrant enfin dans la taverne, elle lança qu'elle voulait un verre de lait tout en s'approchant d'Arthor, tout sourire. Elle se hissa sur le tabouret en face de lui avant de lancer, victorieuse :

- Arthor j'ai trouv... Sa voix mourut sur ses lèvres. Timidement, elle posa les mots les uns après les autres. ... Pourquoi tu fais cette tête... ?
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Arthor
Un bruit sourd contre la porte de la taverne vint sortir le montagnard de ses pensées. Le plus étrange n’était pas le bruit, mais le fait que, sans doute, quelqu’un était à l’origine de ce bruit. Y aurait-il des personnes vivantes au Mans ? Non impossible. Heureusement la solution apparut d’elle-même quand Lili franchit la porte de la bâtisse. La fillette arriva jusqu’au Corleone avec un grand sourire aux lèvres. Etait-elle au courant ? Sa réaction en voyant la tête du barbu donnait d’elle-même la réponse.

Hum, tu as recebut una letra.
[Hum, tu as reçu une lettre.]

Le montagnard n’avait pas lu la lettre destinée à la jeune Corleone, et il n’avait aucun moyen de savoir ce que la matriarche lui disait. Saleté de psychologie infantile. Il ne voulait pas lui mentir, car mentir serait sans doute pire que la triste vérité, mais ce n’était pas à lui de le faire.

Le barbu détourna presque immédiatement le regard de la petite tête blonde devant lui et d’un geste vif et rapide il rangea le petit bout de papier que Rodrielle lui avait écrit. Le mettant dans sa poche, il s’empressa de commander une bière pour accompagner le petit lait de Lili. Le tavernier n’était pas surchargé, et servit les deux verres.


C’es Rodrielle.
[C’est Rodrielle]

Il ajouta ce détail juste avant de boire une bonne gorgée de mousseuse et de tapoter sur l’épaule de sa jeune cousine éloignée. Arthor avait déjà été là quand elle s’était cassé le bras, et malgré son empathie légendaire, Arthor serait encore là. Après tout, elle était aussi une Corleone.
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Amalio

    Chinon... ville morne malgré l'agitation qui y avait régné après les combats. Amalio avait eu davantage de travail que d'habitude, constamment réclamé par les blessés, d'une gamine des rues battue par un garde à un prince breton salement amoché par un coup de masse, en passant par un boucher à la main tranchée et divers soldats plus ou moins abîmés. La fatigue commençait à se faire sentir malgré l'alourdissement progressif de sa bourse au fur et à mesure qu'on le payait pour ses soins ; et la tension constante qui le maintenait debout allait bientôt devoir se payer. Il y avait eu peu de blessés dans le clan Corleone, ou du moins les blessures n'étaient pas trop graves - à part la main du blond qui l'inquiétait quelque peu, au vu de la charpie qu'elle constituait à présent. Mais c'était bien Rodrielle qui était au centre de ses préoccupations depuis plusieurs semaines.

    Oui, il savait qu'elle allait mourir. Il ne le lui avait pas caché. Il ne pouvait que retarder l'échéance de quelques semaines, pas davantage... Et tandis qu'il recousait la plaie d'un jeune gars de l'armée, il réfléchissait encore aux plantes qu'il allait devoir racheter pour confectionner pour elle de nouvelles potions qui devaient empêcher l'infection de s'étendre et le corps de trop vite s'épuiser. Malgré son aide, il la savait condamnée, et bien qu'il soit peu enclin à s'attendrir, cela le rongeait d'une amère désillusion. Il ne pouvait rien faire. Le mal était contagieux et il avait tout fait pour empêcher la propagation de cette maladie qu'il savait mortelle... La suette.

    Après avoir renvoyé chez lui le blessé qu'il venait de recoudre, le médecin italien se dirigea vers l'auberge où il savait qu'il pourrait la trouver. Dans sa lourde besace, deux nouveaux flacons qu'il avait préparés pour elle au matin. Des flacons sans nom, sans étiquette. Rodrielle tenait à ce que personne ne connaisse son état... Or, personne n'était dupe, évidemment : elle n'était pas du tout dans son état normal et tout le monde s'en était rendu compte. Mais peu d'entre eux avaient déjà compris qu'elle allait mourir et ceux qui avaient tenté de poser la question à Amalio s'étaient vus fraîchement ordonner d'aller voir ailleurs s'il y était. Renfermé, le médecin poussa la porte de la taverne et se dirigea directement vers sa tante qu'il trouva, comme il s'y attendait, en train de chercher à oublier sa mort.

    Alors... un geste affectueux, rare chez Amalio... Le geste d'un frère davantage que celui d'un neveu.
    Sa main se tendit, la grande main mince aux longs doigts couturés de cicatrice, pour se poser sur le côté de la tête de Rodrielle, dans les cheveux qu'il repoussa doucement.

    Il savait qu'il était Aevil.

_________________
Lililith
L'Étoile écarquilla un peu les yeux, ravie. Elle battit des mains. La Matriarche lui avait écrit ! Elle n'avait pas oublié Lili ! Elle but quelques gorgées de lait, balançant ses pieds dans le vide, puis regarda le barbu, ayant bien capté qu'il avait caché le papier pour ne pas qu'elle le voie.
Innocemment, elle demanda :


- Tu peux me lire ? Passaque moi... J'ai du mal encor'.

Avec un peu de chance, plus tard, elle détournerait assez l'attention du montagnard pour lui piquer le papier et trouver quelqu'un pour le lire.
Erwe, qui sait.


- Tiltoplé Arthor...

Non elle ne fera pas les yeux de chat que Pandou lui fait quand il veut absolument quelque chose. Pourtant elle sait bien les faire, hein. Elle a de l'entraînement derrière elle, la Minusculissime.
L'écoutant lire de sa voix rocailleuse et bourrue, elle pencha un peu la tête sur le côté par automatisme. Comme si cela lui permettait de mieux assimiler ce qu'on lui disait.

Hésitante, elle finit par dicter au Grand ce qu'elle souhaitait répondre.


Citation:
Mamma,

Je vais bien. Je m'entraîne pour ne pas oublier tout ce que tu m'as appris.
Pandou est grand, c'est un vrai Guerrier maintenant !

Si tu veux je reviens avec 'Thor pour te montrer comment qu'il a changé. Pandou hein, pas 'Thor !

Ti amo anche, per sempre.

La tua Stella, Lili.


  • Ti amo anche, per sempre. = Je t'aime aussi, pour toujours.
  • La tua Stella = Ton Étoile.

_________________
--Aevil



    Milan – Quelques jours plus tard.


« Signore, una lettera per voi »

Grazie Mille, Antonio.

Il tendit sa main pour récupérer le vélin froissé en échange de deux pièces. Plongé dans l’obscurité, le balafré se pencha à la lumière, pénétrant dans la pièce par une petite fenêtre. C’était elle. Malgré l’indécision des lettres posées sur le parchemin, il reconnaîtrait cette écriture entre mille. Ce qu’il comprit aussi, au vu de ces petites vagues représentant son prénom, c’est que quelque chose n’allait pas.

Une fois qu’Antonio, le jeune coursier italien, fut parti en courant vers le marché pour dépenser l’argent qu’il venait d’avoir, la porte de la bâtisse fut fermée, plongeant la pièce un peu plus dans l’ombre, comme si elle n’était pas habitée. Rien ne trahissait la présence de l’homme ici, sauf ses rares connaissance qu’il avait également payé pour taire ce savoir : il devait être invisible, introuvable, comme toujours. Le silence régnait dans la petite maison, religieux, solennel. Milan était son lieu de repos, avant de repartir sur les routes à la recherche de nouveaux contrats pour vivre ; les assassinats ne manquaient pas, en Italie.

Seul avec son appréhension, il ouvrit le vélin et en découvrit la longueur. La signature au bout de la lettre confirma son idée sur le destinataire. Non, quelque chose n’allait pas. Et en lisant, il fut anéanti. La masse se laissa choir sur une chaise, continuant la lecture la gorge serrée, les larmes aux yeux et la boule au ventre. Elle allait partir, et il n’était pas là…

Aevil n’avait jamais été – comme une majorité de membres de la Famille Corleone – doué pour les sentiments et toutes les émotions liées à l’amour, la fraternité ou l’amitié. D’un naturel solitaire, il avait endossé le rôle d’aîné au décès de leurs parents à l’époque où il voulait partir sur les routes. Mais ses sœurs étaient là, seules, puis Sharra fut enlevée sans que jamais il ne sache s’ils la retrouvaient un jour. Rodrielle se retrouvait donc seule et désemparée, détruite par le décès de ses parents (ce qu’elle n’avouera surement jamais) et ne sachant pas quoi devenir. Le blond l’avait donc pris sous son aile et lui avait appris les seules choses qu’il savait : l’art de la guerre.

Aevil avait toujours su qu’il était fait pour être assassin. D’un naturel discret, il apprit vite que le silence serait son plus grand ami. Lorsqu’on ne l’entendait pas, il pouvait tout faire. Son premier larcin, à 8 ans, était une broche représentant une tête de loup. A 12 ans, il vola sa première dague à un forgeron.

Et rapidement, sa petite sœur se révéla tout aussi habile que lui, mais d’une manière différente… Autant lui avait le don pour la discrétion que Rodrielle possédait un don, ou plutôt une passion, pour donner la mort. Elle apprit vite rapidement les points stratégiques pour tuer et semblait fascinée par la vitesse à laquelle la mort survenait selon l’endroit où l’on tapait… A chaque contrat qu’Aevil lui proposait de l’accompagner, la blondinette testait une nouvelle technique, de l’arc pour rester à distance de la cible, au stylet avec lequel elle profitait pour regarder la victime droit dans les yeux. Il se rappellerait toujours du sourire qu’elle affichait en voyant les cibles mourir à petit feu entre ses mains… Cruelle. Et il l’aimait pour ça. Et rapidement elle n’eut plus besoin de lui. Lorsqu’elle décida de faire sa vie à Joinville, à 15 ans, Aevil jugea qu’elle était apte à vivre seule, sans lui, et il partit, lui offrant la première dague volée, gravée de ce mantra qui la suivrait toute sa vie :

« Je suis l'Ombre,
insaisissable et mortelle.
Mon esprit est une lame.
Mon corps est une arme.
Je sers la voie Unique.
S'adapter, c'est vaincre.
Je suis l'Ombre,
Je danse et je tue.»²

Apparemment, elle lui en voulait pour ça. Entre autre.

Aevil eu un sourire aux lèvres lorsqu’elle parla, dans sa lettre, d’Amalio. Ce fils qu’il avait élevé avec sa mère jusqu’à ses huit ans, avant de l’enrôler dans l’armée afin qu’il y apprenne à son tour l’art du combat. Fils dont il avait confié il y a peu la charge à sa petite sœur afin qu’il se rapproche des Corleone. Pour ne pas qu’il soit seul. Lui-même se demande encore pourquoi il n’avait pas repris contact avec son propre sang… Surement la solitude avait pris une trop grande place dans sa vie pour qu’il puisse vivre avec quelqu’un d’autre. Et il savait la Famiglia, le clan, assez conséquent pour qu’Amalio y trouve sa place, surtout avec sa tante comme cheffe. Il y était en sécurité, en somme.

Les nouvelles que Rodrielle lui donnait lui faisaient donc plaisir. Mais ce plaisir s’effaça bien vite, laissant place à la peine de voir sa sœur, l’unique amour de sa vie (ses histoires personnelles étant également sans lendemain) rejoindre l’autre monde. Enfer ou Paradis, peut lui importait. On lui enlevait sa prunelle… Et il ne pouvait pas la laisser partir sans la voir, une dernière fois…

Ses affaires furent vite préparées. Quelques chemises, une paire de braies, deux épées courtes attachées à son dos, une couverture et de quoi manger, puis Aevil sortit de son Antre. Retournant voir le petit Antonio, le balafré lui tendit une lettre. Beaucoup plus courte que celle qu’il avait reçu :



Citation:
Il Mio Amore,

Arrivo.
Non partire senza me.

Ti Amo.
A.C.


La route serait longue jusqu’à elle mais il était prêt à tout pour la voir, pour l’embrasser une dernière fois. Le Roc voulait au moins une fois prouver à sa sœur qu’il l’aimait autant qu’elle, elle l’aimait. Pourvu simplement qu’il arrive à temps.






« Signore, una lettera per voi » : Monsieur, une lettre pour vous. / Grazie Mille, Antonio : Merci beaucoup, Antonio.
Il Mio Amore, Arrivo. Non partire senza me. Ti Amo : Mon amour, j'arrive. Ne pars pas sans moi. Je t'aime.

²Coeur de Loki, Michel Robert
Rodrielle
Rodrielle en était déjà à son troisième verre de vin lorsqu’Amalio fit son entrée. Les yeux rivées sur le jeune homme, l’italienne sourit sincèrement, du moins essayait-elle. Elle le reconnaissait, beau, grand, fort, l’air fier des Corleone. Elle le laissa approcher et le laissa rajuster ses cheveux sans broncher, l’alcool faisant déjà son effet. Elle savait évidemment qu’il s’agissait de son neveu mais non de son frère, mais la ressemblance entre les deux était si frappante à ses yeux, que la présence d’Amalio la rassurait. Comme si son aîné était là. Le jeune la rassurait, la soignait (ou tentait toujours), et était sa plus proche famille.

La mémoire de Rodrielle commençait à lui jouer des tours. Souvent, elle ne se rappelait plus de Maledic ou l’appelait Aldaric, son premier fils décédé, ignorait l’année dans laquelle elle se trouvait, voyait des personnes décédées à côté d’elle. Le passé et le présent se mélangeaient pratiquement chaque jour, la laissant dans un tourbillon d’angoisse et d’incompréhension. Les membres de la famille l’aidait à ne pas perdre la mémoire, la ramenait en lieu et place, et cela l’agaçait… Elle se sentait devenir un boulet, une lourde tâche, une corvée pour chacun d’entre eux. Que la mort la prenne et basta ! Souvent l’idée lui était venue d’abréger ses souffrances, et ce jour-là encore elle observait avec attirance le couteau posé sur la table devant elle. Un coup et on n’en parlait plus. Elle serait soulagée…

Mais elle n’avait pas le droit. Pour eux.

J’ai écrit. A Lili et Arthor, à Laell… Et à Aevil.

Elle regarda Amalio droit dans les yeux, pour voir sa réaction. Parler de son père était rare, mais elle aimait lui raconter des souvenirs, espérant que ça ne fasse pas de mal au jeune homme. Elle fit une courte pause, puis repris.

Je n’ai pas dit à Lili, mais les autres doivent savoir. J’n’aime pas savoir Lili avec Erwelyn, j’ai bien peur qu’elle la laisse seule encore une fois. J’comprends même pas qu’elle y soit aller alors qu’à peine adoptée, l’autre nobliote l’a laissé en plan ! Même si Arthor veille sur elle, j’suis pas rassurée… Ils sont trop loin du groupe.

Et il faut que j’vois les filles. J’veux que tout soit en règle avec vous trois avant de… bref, j’veux que tout soit prêt.

Quant à mon frère… Tu sais.


Oui, il sait. Il sait que l’amour qu’elle lui porte vient notamment du fait qu’il soit le fils d’Aevil. Elle avait promis de le protéger, de l’intégrer, et c’était fait. Rodrielle soupira puis appela une nouvelle fois l’aubergiste. Boire en duo c’était bien aussi.


_________________________________________________

    Jour 1 : Chinon, juillet 1461
    Toujours la même table, avec la même personne.


La fatigue l’assaillait. Elle n’en avait plus que pour quelques jours. Pas plus. L’idée de mettre fin à sa vie plus rapidement, pour ne pas qu’une maladie stupide l’emmène, lui plaisait de plus en plus. Elle avait entamé cette discussion avec Amalio et cherchait à présent quel serait l’objet de sa fin : poison ou dague ? Douceur ou violence ?

C’était à cela qu’elle pensait lorsque les deux courriers arrivèrent. Lili et Aevil. Rodrielle se redressa et sourit à la lettre de la petite.

Lili veut venir… Arthor ne lui a rien dit. Heureusement.

Comment dire à un enfant que sa « mère » va mourir ? Ni elle, ni Maledic, ni Elouan n’étaient au courant. Ils l’apprendraient un jour, mais l’italienne n’avait pas réussi à leur dire ce qu’elle pensait, à leur dire une dernière fois « Je t’Aime », de vive voix. Non, elle ne pouvait pas. Elle tendit la lettre à Amalio alors qu’elle ouvrait celle de son frère. Courte, comme toujours. Mais cette simple phrase la fit sourire avec tendresse.

Il arrive…

Sa gorge se noua et ses mains se remirent à trembler. Elle avait peur. Peur de ne pas le revoir, peur de partir. Peur de mourir. L’arrivée de son frère accentuait la Fatalité ; il se déplaçait parce que c’était la fin. Rodrielle jeta la lettre sur la table et jura en italien, à présent en colère contre ce frère qui n’est jamais là au bon moment. Pourquoi n’était-il pas resté ici, avec eux tous ? Il venait pour la simple et bonne raison qu’elle allait mourir. Sinon il ne serait jamais venu. Elle termina son verre de vin et regarda Amalio et lui lança cette fameuse dague gravée.

Ce s’ra ça. Toi ou quelqu’un d’autre, vois ça avec eux. J’veux partir avec un minimum d’honneur.

La décision était prise. Elle dirait au revoir, et s’ils ne se décidaient pas, elle se l’enfoncerait toute seule, cette dague.
Arthor
[Une NouNou d'Enfer au Mans.]


Arthor la regarda avec presque un léger sourire en coin. Presque bien sûr, car même si le montagnard vivait un moment de faiblesse, il restait un Corleone. Ne pas fléchir, et surtout ne pas le montrer. Mais comment ne rien ressentir devant une fille si heureuse de vivre et qui est à deux doigts d’apprendre l’horrible vérité sur sa mère ? Arthor avait beau vouloir rester impassible, il ne put retenir quelques signes d’émotion qu’il essaya immédiatement de faire passer pour de l’agacement.

Hum, d’accord.

Arthor prit son temps pour ressortir la lettre destinée à la jeune Corleone. Il fallait à tout prix qu’il se ressaisisse et qu’il redevienne tout simplement lui-même. L’Arthor de tous les jours, Arthor Corleone.
Le barbu parcourut rapidement la lettre mais sans dire un mot. Il ne voulait pas la découvrir en même temps que Lili pour éviter de faire une gaffe. D’ailleurs devait-il lui dire que sa mère allait mourir si cette dernière le lui avait écrit ? Heureusement il n’allait pas devoir trouver une réponse à cette question, car le voilà qui finissait déjà sa lecture. Il se racla la gorge, renifla bruyamment et commença sa lecture à voix haute.


Lili,
Mia Stella,

Tu es partie il y a déjà beaucoup de jours et tu me manques encore. J’aurai aimé pouvoir de faire un énorme bisou avant que tu partes avec Arthor. J’espère aussi te voir très bientôt. Tu manques aussi à Elouan et Maledic, qui n’ont plus leur sœur à suivre partout. Et comment va Pandou ? Il doit grandir et devenir un vrai tigre de combat !


Il se permit même une petite pause pour voir la réaction de la fillette. Il voulait aussi lui laisser le temps de comprendre tout ce qu’il disait, du moins voulait-il faire croire. Car si Lili avait du mal de lire, le jeune Corleone avait aussi quelques difficultés à lire et à prononcer correctement tous ces mots d’Oil, et d’italien. Il lui fallait du moins beaucoup plus de concentration que d’ordinaire.

En tout cas, je t’embrasse ma chérie. Prends bien soin de toi et de Pandou. Et reviens dès que tu le veux… Arthor te ramèneras, je pense.

Ti amo.
Mamma.

Une nouvelle pause, encore, mais plus pour marquer la fin de la lettre. Il déglutit rapidement avant d’ajouter rapidement un point final à cette lecture.

Voila.

Mais bon ce n’était pas finit, ho non. Il fallait maintenant qu’il écrive. On se croirait à l’école. Mais bon, le Corleone ne broncha pas, il ne pouvait pas. Il enchaîna alors, et rédigea la petite réponse de Lili à sa mère. Une fois terminé il joignit cette lettre à la sienne, et remit le tout dans sa poche. Il trouverait bien quelqu’un pour remettre à qui de droit ces plis, mais pas ce soir-là. Il fallait déjà encaisser.

Anam, aüra au liech.
[Allez, maintenant au lit.]
_________________
Amalio

      Toujours à Chinon.
      Toujours la première scène.


    Il s'était assis à côté d'elle pour partager l'alcool; pour partager la vie et la mort. Il était là parce qu'il était le médecin du clan, et parce qu'il était le fils de son frère. Près de lui, le corps de Rodrielle exhalait l'odeur de la maladie. Il avait tout fait pour la maintenir debout quelques semaines supplémentaires, pour limiter les possibilités de contagion au sein du clan, pour lui redonner un peu de forces, mais il ne pouvait pas la guérir. Personne ne le pouvait, d'ailleurs.


    - Je vais faire chercher Arthor s'il ne bouge pas son cul. La p'tite reviendra avec nous.

    Par loyauté, par devoir, par amour aussi, Amalio allait se consacrer aux derniers jours de Rodrielle. Il lui avait dit "un mois grand maximum, peut-être deux semaines". Il pensait dix jours... et encore. Rodrielle avait épuisé ses dernières réserves physiques et mentales. Elle délirait parfois, s'effondrait quand il n'y avait plus que lui à pouvoir la voir. Il ne pouvait plus la droguer pour diminuer la douleur, sans quoi il lui ferait totalement perdre l'esprit, et ça n'était pas dans ses manières de faire ni dans les désirs de la mourante. Alors, Rodrielle souffrait. Et chacun jour il venait auprès d'elle pour l'examiner, évaluer l'avancée de la mort dans ce corps moite et amaigri. Il veillait sur son sommeil, en pleine journée, parfois même alors qu'il aurait du être ailleurs. Il veillait ses derniers jours.

    - Tout sera prêt.


    ________________________________

      Quelques jours plus tard.
      Ledit jour 1.
      Toujours à Chinon.



    La grande main du médecin serrait un peu trop fermement le verre d'alcool qu'il avait déjà à demi descendu. Son visage était plus fermé que d'habitude. Les jours et les heures s'avançaient et engloutissaient les derniers éclats de Rodrielle qu'il voyait sombrer, impuissant. Il avait exigé que les autres membres du clan restent à distance à moins d'une bonne raison - bien qu'il acceptât l'idée que remonter le moral à la mourante pouvait être un bon argument - par crainte de la contagion. Il était tendu, fatigué. La grossesse d'Elwenn le faisait culpabiliser d'être peu disponible pour elle. Il ne quittait presque plus Rodrielle et passait plusieurs heures par jour auprès d'elle. À boire, lentement. À la regarder boire plus que lui. À serrer ses bras, à la forcer à le regarder quand elle commençait à délirer... Elle voyait des morts. Elle les appelait, les désignait à Amalio comme s'ils étaient assis avec eux... Et patiemment, il la guidait, la ramenait vers la réalité, ses yeux plantés dans les siens, son ton grave et ferme l'obligeant à se raccrocher à la vie. Les fantômes s'évanouissaient dans les yeux de Rodrielle; pour quelques heures seulement...

    Le coursier de la poste déposa sur leur table les lettres qu'ils attendaient. Arthor et Lili, d'abord, puis Aevil... son père. Ce père qui n'avait plus vu depuis son enfance et dont il ne savait plus grand-chose à part qu'il était, pour sa tante, l'une des seules choses qui la raccrochait encore à la vie. Mais il était loin. Amalio savait que Rodrielle ne tiendrait pas jusqu'à son arrivée... Elle espérait en vain. Et elle en avait sans doute conscience dans un coin de sa tête. L'un des coins encore sains. Il tourna entre ses doigts le vélin sur lequel l'encre noire avait tracé l'écriture de son père.

    Le fracas bref, métallique, d'un poignard lancé sur la table, le fit soudain sursauter; et temps qu'il entende ce que lui lâchait Rodrielle... il se passa un instant de silence. Oui, il s'y était attendu. Il le lui avait lui-même proposé. Lui donner une fin un peu plus rapide, moins douloureuse que les tourments qu'il savait qu'elle vivrait dans les dernières heures. Lui donner du poison, la douceur du sommeil.


    - Une dague... Celle de mon père ?

    Il ne lui demanda pas si elle était sûre d'elle.

    - Je le ferai.

    Il ne pouvait pas en être autrement.
    Pas pour lui.
    Pas pour elle.

_________________
Arnan
Calle sèche. C'est la seule foutu raison qui le força à s'arrêter à Chinon, dans une auberge du bord dans l'espoir d'y trouver quelque chose de buvable.

Depuis quelques temps, y faisait la transition entre les contrats d'escortes et les bouteilles de rhum, ignorant les diverses missives reçus, bouffant les pigeon. Y noyait au mieux son ennui dans la bouteille. Pu rien était pareil. Y avait laisser les Corleone en plan pour prendre le chemin de l'abbaye pendant quelque temps, espérant qu'un peu de repos le requinquerait. Pas tout à fait. Y avait oublié que ces bon dieu de moine était accro à la bibine. Déjà que le concept de boire de l'eau lui était étranger, là, ça devenait carrément imbuvable. Tout son fric y passait. Tout comme le monde, il évitait tout contact prolongé. Y se rappelait même plus la dernière fois qu'il s'était rasé ou même baigné. Les cheveux lui tombait à la mi dos, la barbe venait caresser son torse, à peine couvert d'un tissus crasseux, à chaque mouvement. Même ses iris d'ordinaire si glacial ne l'était plus. Ce n'était qu'un miroir vide et terne où flottait une bouteille de rhum.

Pas même les rousses lui faisait envie. Il ne portait plus de ses fourrures qu'y aimait tant, qui le suivait partout. Il n'avait plus que la peau sur les os, aillant perdu de ce panache qui s'effritait déjà depuis quelques temps. Mort vivant, sans suceur de sang, voilà ce qu'il était. Un cadavre avait plus fière allure. Il avait même perdu sa précieuse hache. Il en avait rien a s'couer. Plus tôt que cela finirait, plus tôt sera le mieux. Y était juste trop paresseux pour se couper lui même les veines. Autant boire tout ce qu'il avait en stock que le perdre. Il n'avait personne à qui légué ses biens. Autant tout dilapidé, ce s'rait plus profitable. Il en venait juste à espéré un petite place dans un coin de paradis, rousse comprise. Y rêvait pas du Valhalla. C'tait trop tard pour ca.

Y baisait ce qui était baisable et y buvait ce qui était buvable, le reste, il s'en fichait, pourvu que ça passe au plus vite.

Levant la tête vers l'affiche, le géant poussa un grognement avant de baisser la tête pour entré dans la salle, beuglant, d'une voix plus rauque et cassé qu'à l'habitude, sans même prendre la peine d'entré complètement.


Bordel, y a qul'k'un qui a du rhum dans c'pat'lin?
Rodrielle
    Jour 3 : Toujours Chinon.
    Plusieurs jours plus tard.



La maladie empirait.
Les hallucinations devenaient de plus en plus fréquentes, ses mains refusaient de lui obéir. Rodrielle jonglait entre des "périodes chaudes", correspondant à des bouffées de chaleur étouffantes, presque mortelles, et des "périodes froides", où elle grelottait même lorsque le Soleil était à son zénith. Plus les jours passaient et moins elle contrôlait son corps. Pourtant, elle n'avait pas encore décidé de mourir. Pas tout de suite.

Tout n'était pas encore réglé. Notamment une question importante : que faire de Maledic ?

Son père, absent, aurait-il le temps de s'en occupé ? Elle en doutait... Lui-même était parti depuis trop longtemps pour savoir que sa "compagne" s'en allait vers d'autres sommets. Et Rodrielle se refusait de lui écrire - malgré la pression qu'Amalio lui mettait pour le faire - pour la simple et bonne raison qu'elle ne savait pas quoi lui marquer. La maladie emportait peut-être son corps, mais son mental, lui, restait le même. Et ce n'était pas parce qu'elle allait mourir qu'elle allait commencer à dire des mots doux. Pas d'amour, pas d'excuse, pas de remords : elle partirait avec sa fierté encombrante et comme tout le monde l'avait connu : sans coeur. Maledic lui-même ne savait pas que sa "Mamma" allait mal. L'italienne n'avait pas voulu prévenir les enfants de sa maladie et préférait qu'ils l'apprennent plus tard - pourvu que ce soit le cas. Et, au fond d'elle, la Tatouée en voulait à ce dernier enfant qu'elle avait conçu, persuadée que ses faiblesses venaient de lui. Combien de fois l'avait-elle dit, à Fralis ou Amalio... « C'est à cause de lui que ma vie a changé. Je ne serai pas malade si je n'avais pas été enceinte ! ». Et elle le pensait sincèrement, rendant la Malediction coupable de sa perte. Surement était-ce pour ça, d'ailleurs, que son esprit l'effaçait parfois. Mais, pour le coup, elle ne l'oubliait pas et se demandait qui aurait sa garde après sa mort...

Et c'est à cet instant que le Malin lui envoya LA solution. Ou, du moins, le soulagement qu'elle attendait.

"Bordel, y a qul'k'un qui a du rhum dans c'pat'lin?" Elle reconnaîtrait cette voix entre mille. Son visage se tourna vers le Géant qui venait de râler. Et elle fut stupéfaite. Que lui arrivait-il ? Arnan était tout aussi fantomatique qu'elle, le regard vide de toute expression... Lui qui avait ce charisme si grand au point qu'il n'avait pas besoin de parler pour imposer sa présence. L’éclat était parti… Mais son apparition fit manquer un battement au cœur de l’italienne qui esquissa un sourire.

Avec un peu plus d’politesse, t’en auras, Mio Tesoro !
(mon trésor)

Elle lui sourit – tant bien que mal – et l’invita à venir s’assoir à sa table. Elle-même portait les signes flagrants de la maladie ; teint pâle, le regard voilé, elle était également plus maigre qu’avant par le manque d’exercice et la fatigue l’assaillant chaque jour. Non, elle n’était plus la Rodrielle Corleone d’avant… Mais elle tentait de sauver les apparences, notamment avec les concoctions que lui proposait Amalio chaque jour, pour tenir jusqu’au dernier…

Come sei, Bello ? Sono contenta di vederti…
(Comment vas-tu, mon beau ? Je suis contente de te voir...)

… Une dernière fois.
Arnan
Avec un peu plus d’politesse, t’en auras, Mio Tesoro !

Hin? Ça y prit deux seconde avant d'allumer que ce n'était pas la tavernière qui le regardait, interloqué, mais une blondasse étrangement familière qui était assise au bar, un verre à la main, qui l'avait appeler comme ca.

Plissant les yeux, le géant se força à faire entré la partie postérieur de son anatomie dans la taverne pour s'avancer, d'un pas lourd et peu assuré, vers la chose et lui prendre le menton entre ses deux doigts crasseux, assez pour qu'elle lève le visage vers lui, passant un pouce sur sa lèvre inférieur, encore humide du breuvage ingurgité un instant plutôt. Tout à coup, y se figea de stupeur, croisant les iris inoubliable de la Corleone, oubliant sa bouteille et son envie de picoler.

Come sei, Bello ? Sono contenta di vederti…
(Comment vas-tu, mon beau ? Je suis contente de te voir...)

La relâchant, comme si ces doigts le brûlaient, y se laissa tomber à genou, sans la quitter des yeux, sa lucidité lui revenant peu à peu. Il avait peine à en croire ce que ces yeux lui offraient. ça ne pouvait pas être vrai, pas elle, si forte, si tenace. Qu'est-ce qui lui arrivait?!


Mio Dio, la mia bellezza, che cosa ti è successo?
[Mon dieu, ma beauté, qu'est-ce qui t'es arrivé?]

Elle semblait fiévreuse, ses cheveux blonds d'ordinaire si beau s'en trouvait cassant, l'éclat vitreux de ses yeux n'accentuait que la douleur qu'il venait de sentir au coeur, tel un coup de poignard. Même le grain doux et soyeux de sa peau semblait s'effrité, tout comme la dureté de son caractère. C'est tout juste s'il ne l'imaginait pas poussant un soupire de lassitude. Ça collait pas avec l'image. Comment une telle beauté, une telle force de la nature pouvait-elle en être réduite à ça? Qu'est-ce qui était arrivé depuis son autodestruction... Il en venait à s'en vouloir, les remords lui revenaient en pleine gueule. Na! ça y pouvait pas!

Se tournant vers la tavernière qui revenait de sa stupeur, bien qu'il n'en avait rien à glander, il lui gueula;


Et cette bouteille, elle vient où j'dois aller la chercher moi même?!?!

Bah oui, à croire que ce que la Corleone avait dit était passé par une oreille et sorti par l'autre. Ou était-ce vraiment le cas? C'était plus que probable.
Enjoy
    En absence de miroir, le reflet est orphelin.

    Cristalline s'écoule sur la tempe bouillonnante. La perle suante reflète sa semblable sanguine. Les chœurs chaotiques égorgent l'harmonie. Chaleur, moiteur et bise violente de l'impact se mêlent, s'entremêlent au cœur de l'opposition. Anonyme contre anonyme. Les molaires se décrochent, les mâchoires encaissent, les côtes rompent, les airs profilés se brisent. Voici son premier élément. Les phalanges belliqueuses l'harcèlent sans relâche. Rien n'estompe la douleur si ce n'est sa sœur jumelle, la souffrance. Alors l'acharnement l'étreint face à des adversaires toujours plus forts, plus imposants. Mustélide aime ces affrontements. Ils l'aident à réfléchir. Or, depuis des semaines ses tourments réclament sa tête pour orner, en trophée de chasse, la galerie des désœuvrés. Seulement l'Ignorance a omis de leur souffler qu'ils ne l'auront jamais.

    Accepte ce que tu es et ferme-la.

    Combat inégal. Une horde contre un escadron. La frêle versus l'imployable impitoyable. Chaque coups de son vis-à-vis touche, inflige à tout son être un élancement insoutenable. Aucune riposte. MacDouggal coule, s'écroule et subit. Il pleut des hallebardes sur les brèches ensanglantées de son faciès. Sa seule réaction est la protection. Protégée derrière son clan. Jusqu'à l'heure des différends. De la différence à l'indifférence la course éreintante nous entraîne aux portes de l'exode. Venue en terres françaises avec la Solitude. Compagne sereine de l'esprit. Les rencontres font mal. Ne parlons-nous pas du « choc » des cultures ? Et le sien fut effroyable. Silhouette damnée errant dans les vallées parsemées de cadavres. Ceux des esseulés, des tourmentés. Puis. La rencontre. L'apprentissage. La chute et le nouvel ordre dans le désordre.

    Tu es née seule, tu crèveras seule.

    Le commun des mortels considèrent que certaines causes semblent être perdues. Que l'impossible a l'haleine fétide de la défaite et qu'ils hument sa senteur infecte à chaque seconde de leurs tristes existences. Pas eux. Eux chargent en première ligne lors des batailles vouées à l'échec. Eux se lancent à l'assaut lorsque les remparts ploient sous le poids des cercueils mouvants et leurs glaives tranchants. Eux, ce sont les Corleone. Rien ne les fait ployer. Les sentiments se lient aux doigts des faibles, les émotions embrassent la couche des couards. Corleone meurt mais ne se rend pas. Alors sous les foudres ténébreuses de la témérité absolue et le courroux d'une foule oppressante, la Corleone plie le genoux. Non pas pour porter allégeance à la défection naissante des vaincus. Seulement afin de quêter un meilleur appui pour se relever. Ce sont des prédateurs, les proies font nuits blanches, frémissantes à l'écho du tocsin. Ils le comprendront à leurs dépens. La fête est finie, Corleone est ici. Dextre et senestre s'épousent dans un mouvement conjugué jusqu'à ce que le doute, la crainte, le questionnement ravalent leur salive fielleuse d'acide. Seul le goût cuivré du sang aura une place dans le Calice de Joy.

    Ne sois pas triste, Nous sommes ton héritage...

    Après la chute se succède le retour. Après la réflexion s'offre la décision. Pansant ses blessures morales et physiques, sa monture la guide auprès des siens. Le Mystérieux fardé par un épais nuage de fumée l'avait harponné lors de sa fuite salvatrice. C'était au sujet de la Matriarche. Rode Rodrielle dans les aigreurs de ce temps avec la forme qu'il te plaira. Sous le phonème du phénomène la phalène aux prunelles ébènes s'exile vers les marches éternelles. Celle menant au trône dorée de la famiglia pour siéger aux côtés de la Belladone. Mustélide n'est pas dupe. L'âge effleure la vivacité, la passion et ne laisse que l'oraison et l'élégie. Le ton du médicastre ne l'avait pas trahi. Mais la manière, le fond, quant à eux, oui.

    « C'est au sujet de Rodrielle. »

    Son palpitant glacial ne pompe plus qu'une lymphe gelée. Plutôt que d'apporter une oreille attentive, ses tympans se fermèrent. Loin des préoccupations de ses semblables. La fuite avait été son choix, sa solution. Se reconstruire. Éloignée du reste du clan. On s'attache trop et cela finit par nous ronger de l'intérieur. On se moque bien de souffrir lorsqu'on le fait par Amour, pour l'Autre. Cet autre qu'on ne voit plus, qui s'éloigne. Dont l'éclat d'hier devient le souvenir terne d'aujourd'hui. De son départ jusqu'en ce jour, les fondations de son temple ont été mises à mal. Victimes des intempéries et des affres du temps. Ci-gît devant la lourde du point de ralliement, une Ombre. Lorsque le bois grince et claque sur ses talons, naquit Joy. Dévouée corps et âme à son clan peu importe leurs origines.

    Premier regard envers les présents, elle va mourir là, la Mamma. Un parfum impalpable plane à travers la pièce. Aucune importance que leurs rapports sont loin d'être enviables, la Sulfureuse offre sa présence. Une dernière fois, un dernier éclat, une ultime lutte. Un échange passé, trop peu présent et qui n'aura point de futur. Mais elle est là, pour les siens. Ses yeux sombres les scrutent sans éluder le moindre détail. Entre l'une à la mine blême et l'autre empuantissant l'atmosphère de relents d'alcool. Aussi pour ne pas déroger à son tact légendaire, sourcils et lèvres s'interrogent.


    Qui va crever ?!


_________________
Rodrielle
Les yeux se ferment au contact du Géant. Depuis combien de temps un homme ne l'avait pas touché comme cela ? Un frisson lui parcourut l'échine durant une seconde. Cette fois-ci, ce n'était pas Amalio qui vérifiait sa santé, mais bien un homme qui cherchait à la reconnaître. Mais la réaction n'était plus la même. L'italienne rouvrit les yeux en entendant le brun tombé à genoux devant elle. Il la regardait comme s'il ne la reconnaissait pas, comme si elle était le Diable en personne...

Et ce fut un coup de poignard.
Le retour à la réalité.
La peur.


    Tu n'es plus rien, Rodrielle. Juste une âme errante, qui s'accroche encore à la vie, juste un petit peu, pour revoir ceux qui sont passés dans ton monde une dernière fois. Tu n'es plus rien, tout ce qui faisait de toi l'italienne s'est enfui avec la maladie... Sensuelle, enjôleuse, combative, égoïste, hautaine... Terminé. Basta. Tu n'es plus qu'une mourante qui cherche désespérément à survivre à la vie que tu dénigrais si souvent. Tu as peur maintenant, tu n'es pas aussi forte que ça, maintenant que tu es au pied du mur. Profites-en une dernières fois. Encore un peu... Et après, rejoins-moi. La Mort gagne toujours.


La main blanchâtre de l'italienne se posa sur la joue du Géant, hésitante mais tendre, pour le relever. Comment lui dire ? Devais-ils réellement parler de tout ça ? Qu'elle lui raconte qu'elle était fatiguée, qu'elle n'en pouvait plus, que depuis quelques semaines elle perdait la tête, et que d'ici quelques jours elle n'existerait plus ? Elle n'avait pas envie... Voulait profiter une dernière fois de tout ce beau monde. De sa Famille et de ses amis. Oublier la Mort une dernière fois. Mais...

"Qui va crever ?! "
Deuxième coup de poignard.

La Sulfureuse était là. Belle, mais apparemment blessée. Elle-même. Enjoy... Sa vision fit de la peine à la Tatouée. Elle était la preuve vivante du temps qui s'étiolait, qui s'envolait, et de celui qui manquait. Avait-elle était si absente que cela pour avoir l'impression de ne pas la connaître autant qu'elle le souhaiterait ? Surement... Elles étaient là, toutes les deux, comme deux satellites autour de la planète Corleone, sans pour autant jamais se croiser, jamais se toucher.

Regrets.
Nouveau sentiment que l'italienne apprenait à ses dépends. Mais quelles étaient donc ces fichues émotions de vieille ? Depuis quand ressentait-elle de telles choses, elle, Rodrielle Corleone ? Non ! Elle se l'interdisait ! Il était hors de question qu'elle tombe là-dedans. D'accord ?!

Et la gagnante est... moi !

Sa main s'était levée et sa phrase sonnait sur le ton de l'humour. Histoire de cacher sa peine. La Matriarche devait être forte devant les membres de son Clan, de sa Famille. Et Arnan avait également sa réponse. A présent, il fallait reprendre contenance. Redevenir, pour quelques heures, pour quelques jours, la Rodrielle qu'elle était avant. Ce ne devait pas être bien difficile. L'italienne tapota la chaise qui se trouvait à sa gauche. Elle était bien entourée, déjà.

Aller, buvons avant qu'on n'puisse plus. C'va aller, c'pas la fin du monde non plus.

Rhum, vin, bière. C'était la tournée.
Nostalgie. Jamais deux sans trois.

Z'allez bien vous occuper de la Famiglia, hein ? Que j'parte rassurée au moins et que j'puisse profiter d'mes derniers jours... Parce que là y a des p'tits nouveaux à mater. Faut qu'ils soient forts pour la suite... Va falloir s'y mettre à plusieurs.

La Famiglia. Ce qu'il y avait de plus important pour elle, à ses yeux.
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