Gabriele.
Saint-Aignan, à la mi-juillet.
Je suis enfin arrivé en Berry, contrée où il ny a pratiquement pas âme qui vive. Les derniers jours du voyage Non, en fait, le voyage dans sa totalité, a été terriblement long. Limpatience de retrouver mon père, de découvrir ma famille, mêlée à lennui des tavernes calmes, trop calmes, malgré les quelques moments de bons temps que je me suis accordé.
Tellement long.
Mais cette fois jy suis, pour de bon. Jai retrouvé mon père, et mes surs. Trois surs, aussi différentes lune de lautre quelles ne le sont de moi. Liza, la plus jeune, au caractère capricieux, autoritaire, et qui doit pourtant faire avec léducation de notre paternel, ce qui implique certaines interdictions, pour son bien. Arsène ensuite, un petit bout de femme aux allures de garçonne, un poil plus jeune que moi, mais avec une tchatche digne des Italiens, tellement de caractère que papà a dû la calmer avec des méthodes pas forcément très orthodoxes. Agnesina enfin, du même âge que moi, plus discrète, la plus posée certainement, je nai pas encore eu vraiment le temps de discuter avec elle, mais on sest déjà accordé sur le fait quil faut protéger les petites surs.
Mon père enfin. On a pu passer un peu plus de temps ensemble, discuter. Maintenant, je me rends compte à quel point on peut se ressembler lui et moi. Physiquement bien sûr, mais pas uniquement. La même façon de se mouvoir, avec ce petit quelque chose de fier qui caractérise sûrement une grande partie des Italiens, mais aussi et surtout les Corleone. Je le sais maintenant, il maura fallu la vraie rencontre avec mon père pour men rendre compte.
Je suis un Corleone.
Amalio compte bien faire de moi ce que je suis, et ça passe par plusieurs phases dapprentissage. La première consiste à lentrainement, avec la rapière en provenance dItalie quil ma offert dans laprès-midi, avant de mapprendre à la tenir dabord, puis à la manier. « Garde ton pouce bien droit », « Ton poignet bien souple », je navais pas compris dabord, avant que mon père ne me fasse la remarque. Oui, jai pourtant lhabitude de le faire. Le temps de se souvenir du geste, voilà que je commence à me faire à la lame dans ma main. « Redresse-toi, ton dos bien droit », il y en a des choses à savoir en fait, pour un jeune garçon qui na jamais tenu de lame. « Pointe vers le ciel, que ça siffle », besoin de pratique, mais ça viendrait vite. Le lieu nest pas idéal non plus.
« Et là, tu piques vers lavant. »
Je sens mon corps qui part vers lavant, plus par reflexe que par choix. La lame savance horizontale, mes jambes se sont légèrement fléchies pour me donner plus de mobilité. « Redresse-toi » me souffle encore la voix de mon père, « Cest quand tu piques comme ça que tu as le plus de risques de te faire attaquer par derrière. », je lécoute donc, élève modèle qui veut rendre son père fier.
La petite leçon est finie pour linstant, mais je ne compte pas en rester là. Maintenant que jai une rapière pour mentrainer, il ne faut pas escompter que je sois radin avec leffort. Me voilà déjà parti vers un champ aux alentours après avoir prévenu le Padre.
Je ne vais pas bien loin, je ne connais pas vraiment les environs pour le moment, et il serait prétentieux pour moi de penser avoir assez le sens de lorientation pour éviter de me paumer dans une ville que je ne connais pas. Le premier qui se présente à moi ira bien, il y a quelques bottes de foin ça et là, et ce sera parfait pour ce que je compte y faire. Je retire ma chemise, la pose pliée sous un arbre (je déteste le désordre, cest sans aucun doute dû à mon esprit sans arrêt entrain de calculer ou analyser les choses), et sort la rapière du fourreau. Mon corps est pour linstant vierge de toute cicatrice, finement dessiné, à la manière de lacier de cette lame. Ce quil faut au bon endroit, pas de surplus. Grand et fin, taillé pour la précision et la rapidité. Comme ma lame.
Le soleil est relativement haut dans le ciel alors que je prends position devant une botte de foin qui na rien demandé à personne, jai quelques heures devant moi avant que la nuit ne tombe, et déjà je commence à mentrainer comme un forcené, plantant la lame parfois à hauteur de ma tête, parfois à hauteur de mon ventre, imaginant en face de moi un adversaire invisible. La sueur est témoin de la véracité de mon effort, elle recouvre rapidement lintégralité de ma peau halée par le soleil. Peut-être mon père me rejoindra-t-il un peu plus tard, mais je ne lattends pas pour donner tout ce que jai, un but bien précis en tête, qui me suit depuis le jour de ma rencontre avec cet homme qui a permis ma naissance.
Tu seras fier de moi Papà.
* Cyrano de Bergerac
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Je suis enfin arrivé en Berry, contrée où il ny a pratiquement pas âme qui vive. Les derniers jours du voyage Non, en fait, le voyage dans sa totalité, a été terriblement long. Limpatience de retrouver mon père, de découvrir ma famille, mêlée à lennui des tavernes calmes, trop calmes, malgré les quelques moments de bons temps que je me suis accordé.
Tellement long.
Mais cette fois jy suis, pour de bon. Jai retrouvé mon père, et mes surs. Trois surs, aussi différentes lune de lautre quelles ne le sont de moi. Liza, la plus jeune, au caractère capricieux, autoritaire, et qui doit pourtant faire avec léducation de notre paternel, ce qui implique certaines interdictions, pour son bien. Arsène ensuite, un petit bout de femme aux allures de garçonne, un poil plus jeune que moi, mais avec une tchatche digne des Italiens, tellement de caractère que papà a dû la calmer avec des méthodes pas forcément très orthodoxes. Agnesina enfin, du même âge que moi, plus discrète, la plus posée certainement, je nai pas encore eu vraiment le temps de discuter avec elle, mais on sest déjà accordé sur le fait quil faut protéger les petites surs.
Mon père enfin. On a pu passer un peu plus de temps ensemble, discuter. Maintenant, je me rends compte à quel point on peut se ressembler lui et moi. Physiquement bien sûr, mais pas uniquement. La même façon de se mouvoir, avec ce petit quelque chose de fier qui caractérise sûrement une grande partie des Italiens, mais aussi et surtout les Corleone. Je le sais maintenant, il maura fallu la vraie rencontre avec mon père pour men rendre compte.
Je suis un Corleone.
Amalio compte bien faire de moi ce que je suis, et ça passe par plusieurs phases dapprentissage. La première consiste à lentrainement, avec la rapière en provenance dItalie quil ma offert dans laprès-midi, avant de mapprendre à la tenir dabord, puis à la manier. « Garde ton pouce bien droit », « Ton poignet bien souple », je navais pas compris dabord, avant que mon père ne me fasse la remarque. Oui, jai pourtant lhabitude de le faire. Le temps de se souvenir du geste, voilà que je commence à me faire à la lame dans ma main. « Redresse-toi, ton dos bien droit », il y en a des choses à savoir en fait, pour un jeune garçon qui na jamais tenu de lame. « Pointe vers le ciel, que ça siffle », besoin de pratique, mais ça viendrait vite. Le lieu nest pas idéal non plus.
« Et là, tu piques vers lavant. »
Je sens mon corps qui part vers lavant, plus par reflexe que par choix. La lame savance horizontale, mes jambes se sont légèrement fléchies pour me donner plus de mobilité. « Redresse-toi » me souffle encore la voix de mon père, « Cest quand tu piques comme ça que tu as le plus de risques de te faire attaquer par derrière. », je lécoute donc, élève modèle qui veut rendre son père fier.
La petite leçon est finie pour linstant, mais je ne compte pas en rester là. Maintenant que jai une rapière pour mentrainer, il ne faut pas escompter que je sois radin avec leffort. Me voilà déjà parti vers un champ aux alentours après avoir prévenu le Padre.
Je ne vais pas bien loin, je ne connais pas vraiment les environs pour le moment, et il serait prétentieux pour moi de penser avoir assez le sens de lorientation pour éviter de me paumer dans une ville que je ne connais pas. Le premier qui se présente à moi ira bien, il y a quelques bottes de foin ça et là, et ce sera parfait pour ce que je compte y faire. Je retire ma chemise, la pose pliée sous un arbre (je déteste le désordre, cest sans aucun doute dû à mon esprit sans arrêt entrain de calculer ou analyser les choses), et sort la rapière du fourreau. Mon corps est pour linstant vierge de toute cicatrice, finement dessiné, à la manière de lacier de cette lame. Ce quil faut au bon endroit, pas de surplus. Grand et fin, taillé pour la précision et la rapidité. Comme ma lame.
Le soleil est relativement haut dans le ciel alors que je prends position devant une botte de foin qui na rien demandé à personne, jai quelques heures devant moi avant que la nuit ne tombe, et déjà je commence à mentrainer comme un forcené, plantant la lame parfois à hauteur de ma tête, parfois à hauteur de mon ventre, imaginant en face de moi un adversaire invisible. La sueur est témoin de la véracité de mon effort, elle recouvre rapidement lintégralité de ma peau halée par le soleil. Peut-être mon père me rejoindra-t-il un peu plus tard, mais je ne lattends pas pour donner tout ce que jai, un but bien précis en tête, qui me suit depuis le jour de ma rencontre avec cet homme qui a permis ma naissance.
Tu seras fier de moi Papà.
* Cyrano de Bergerac
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