Clelia
Elle sursaute. Non, elle ne dormait pas, quand même pas, elle n'aurait pas osé.
Mais elle s'était un instant perdue dans ses pensées. Le calme du lieu incitait à une méditation à laquelle elle n'accordait que trop peu de temps.
Silencieuse, elle repensait, l'air grave, à tout le chemin qu'elle avait parcouru pour venir jusqu'ici. L'Anjou lui manquait, cela était sûr. Elle en connaissait chaque village comme sa poche, elle connaissait chaque personne influente et s'il y avait eu une personne qui avait pu avoir l'amitié quasi unanime des Angevins, c'était elle. Certains l'avait imaginée Duchesse d'Anjou. Pas elle.
Et puis, il y avait eu les élections, deuxième sur une liste pour les ducales et elle s'était rendue compte trop tard qu'elle n'avait été qu'un pantin entre les mains d'une trop savante double Vicomtesse et de celui qu'elle voulait faire devenir Duc. Un pantin bien sympathique qui avait réussi à casser les programmes des listes concurrentes en un claquement de doigt, un pantin qu'on appréciait et dont tous s'accordaient à reconnaître les qualités.
Le pantin se rebella, trahit sa tête de liste obsédée par le pouvoir et put constater avec un peu de surprise quand même le caractère versatile des gens.
Néanmoins, elle avait l'affection des « grands », de ceux qui avaient façonné son Duché et qui avaient su le gouverner avec justesse ainsi que des rares personnes qui avaient gardé une place dans son coeur.
Et puis, cerise sur le gâteau, il y eut un procès pour Haute Trahison qu'une procureur folle lui imposa. La justice devait lui servir à assouvir une vengeance toute personnelle mais, aux termes de tergiversations dont elle n'eut que les échos, le procès ayant choqué pas mal de monde, elle fut relaxée et partit sur le champ loin de l'Anjou.
Ce sont de ces sombres pensées que Thomas d'Azayes la délivre. A son sourire, elle répond par un autre sourire mais reste quand même impressionnée... le lieu, l'homme en lui-même... et elle, perdue au milieu de ses pensées faites de remords, d'incompréhension et d'un peu de mélancolie.
Mais très vite, elle se reprend et la vitalité de la jeune fille de 17 ans reprend le dessus.
Hum... si vous avez un peu de temps à m'accorder, cela serait avec.. beaucoup d'intérêt...
Je m'appelle Clelia. Je.. je suis angevine, enfin j'étais...
Petite pause, petit regard douloureux. Le « j'étais » a du mal à passer.
Alors voilà, j'ai souvent l'habitude de me référer aux préceptes de notre Sainte Eglise quand je me sens un peu perdue et c'est le cas actuellement.
Voyez-vous, du fait que je suis angevine, certains me considèrent ici comme un danger. Enfin.. un danger.. je ne sais pas très bien si c'est le cas, mais bref, on ne veut pas de moi.
Ajoutez à cela que je suis ici sous la protection d'une Duchesse, que je ne voudrais pas lui faire de tort et je lui avais dit que je serai discrète et sage... Je crois bien que c'est raté.
Donc à votre avis, qu'est-ce que je devrais faire pour racheter tout ça? Déjà, je suis Champenoise maintenant, j'ai racheté une partie de ce que je suis. Mais pour le reste?
Le Très-Haut doit y être pour quelque chose, je ne comprends pas ce déferlement de méchanceté à mon égard. Pourtant, j'ai fait la guerre une seule fois! Une toute petite fois, j'ai juste blessé quelqu'un et en pénitence, Aristote m'a envoyée sur un noeud.. enfin toute l'armée était en pénitence sur ce noeud en fait...
Mais c'était il y a longtemps, je pensais que la guerre c'était bien. Aujourd'hui, c'est différent. Donc je ne comprends pas, comment arranger cela?
Dans une conception assez naïve et simple de ce qu'étaient l'Eglise et les préceptes aristotéliciens, Clelia pensait qu'à chaque problème de la vie pouvait répondre d'une façon ou d'une autre un enseignement d'Aristote ou de Christos. Elle était également persuadée que les hommes d'Eglise avaient toujours une réponse juste et sage aux questionnements de tout un chacun, sentiment redoublé par le titre même du Cardinal-archevêque...
La classe totale... Respect!
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Mais elle s'était un instant perdue dans ses pensées. Le calme du lieu incitait à une méditation à laquelle elle n'accordait que trop peu de temps.
Silencieuse, elle repensait, l'air grave, à tout le chemin qu'elle avait parcouru pour venir jusqu'ici. L'Anjou lui manquait, cela était sûr. Elle en connaissait chaque village comme sa poche, elle connaissait chaque personne influente et s'il y avait eu une personne qui avait pu avoir l'amitié quasi unanime des Angevins, c'était elle. Certains l'avait imaginée Duchesse d'Anjou. Pas elle.
Et puis, il y avait eu les élections, deuxième sur une liste pour les ducales et elle s'était rendue compte trop tard qu'elle n'avait été qu'un pantin entre les mains d'une trop savante double Vicomtesse et de celui qu'elle voulait faire devenir Duc. Un pantin bien sympathique qui avait réussi à casser les programmes des listes concurrentes en un claquement de doigt, un pantin qu'on appréciait et dont tous s'accordaient à reconnaître les qualités.
Le pantin se rebella, trahit sa tête de liste obsédée par le pouvoir et put constater avec un peu de surprise quand même le caractère versatile des gens.
Néanmoins, elle avait l'affection des « grands », de ceux qui avaient façonné son Duché et qui avaient su le gouverner avec justesse ainsi que des rares personnes qui avaient gardé une place dans son coeur.
Et puis, cerise sur le gâteau, il y eut un procès pour Haute Trahison qu'une procureur folle lui imposa. La justice devait lui servir à assouvir une vengeance toute personnelle mais, aux termes de tergiversations dont elle n'eut que les échos, le procès ayant choqué pas mal de monde, elle fut relaxée et partit sur le champ loin de l'Anjou.
Ce sont de ces sombres pensées que Thomas d'Azayes la délivre. A son sourire, elle répond par un autre sourire mais reste quand même impressionnée... le lieu, l'homme en lui-même... et elle, perdue au milieu de ses pensées faites de remords, d'incompréhension et d'un peu de mélancolie.
Mais très vite, elle se reprend et la vitalité de la jeune fille de 17 ans reprend le dessus.
Hum... si vous avez un peu de temps à m'accorder, cela serait avec.. beaucoup d'intérêt...
Je m'appelle Clelia. Je.. je suis angevine, enfin j'étais...
Petite pause, petit regard douloureux. Le « j'étais » a du mal à passer.
Alors voilà, j'ai souvent l'habitude de me référer aux préceptes de notre Sainte Eglise quand je me sens un peu perdue et c'est le cas actuellement.
Voyez-vous, du fait que je suis angevine, certains me considèrent ici comme un danger. Enfin.. un danger.. je ne sais pas très bien si c'est le cas, mais bref, on ne veut pas de moi.
Ajoutez à cela que je suis ici sous la protection d'une Duchesse, que je ne voudrais pas lui faire de tort et je lui avais dit que je serai discrète et sage... Je crois bien que c'est raté.
Donc à votre avis, qu'est-ce que je devrais faire pour racheter tout ça? Déjà, je suis Champenoise maintenant, j'ai racheté une partie de ce que je suis. Mais pour le reste?
Le Très-Haut doit y être pour quelque chose, je ne comprends pas ce déferlement de méchanceté à mon égard. Pourtant, j'ai fait la guerre une seule fois! Une toute petite fois, j'ai juste blessé quelqu'un et en pénitence, Aristote m'a envoyée sur un noeud.. enfin toute l'armée était en pénitence sur ce noeud en fait...
Mais c'était il y a longtemps, je pensais que la guerre c'était bien. Aujourd'hui, c'est différent. Donc je ne comprends pas, comment arranger cela?
Dans une conception assez naïve et simple de ce qu'étaient l'Eglise et les préceptes aristotéliciens, Clelia pensait qu'à chaque problème de la vie pouvait répondre d'une façon ou d'une autre un enseignement d'Aristote ou de Christos. Elle était également persuadée que les hommes d'Eglise avaient toujours une réponse juste et sage aux questionnements de tout un chacun, sentiment redoublé par le titre même du Cardinal-archevêque...
La classe totale... Respect!
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