[Face nord du campement, 3 heures du matin]
La jeune femme s'était éclipsé furtivement de sa tente, ruminant depuis bien longtemps sa vengeance contre Jim, son ami et cuistot de la caserne de Tarbes. Celui-ci lui avait fait une belle blague en parvenant à lui subtiliser un de ses objets précieux, et ça, la voleuse ne pouvait laisser un tel acte impuni. Personne n'était meilleur qu'elle en ce domaine, personne.
Alors quand un ex-corsaire était parvenu à lui prendre son médaillon, cela lui avait fait l'effet d'une guillotine très mal aiguisée.
Acerbe, la jeune avait décidé de choisir le moment opportun pour frapper un bon coup. Elle se faufila donc à travers les tentes des soldats endormis, fuyant les feux pour ne pas révéler sa présence. Les sentinelles postées tout autour du bivouac avaient prises la fâcheuse habitude de surveiller autant l'intérieur, que l'extérieur.
S'immobilisant lorsque son pied fît craquer une brindille, Ditzzy fixa l'ombre d'une forme qui ne l'avait pas remarqué, ni elle, ni le bruit. Elle sourit de sa facilité à se déplacer, et reprît la route. Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis la mobilisation générale, un mouvement si important que toutes les unités avaient incorporés l'armée et faisait route pour barrer le chemin à une autre force. Le problème, c'est qu'ils n'arrivaient pas à les accrocher, les adversaires présumés étant bien trop mobiles.
La jeune ne savait que peu de choses, et quelque part, elle s'en foutait, car mobilisation ou pas, elle trouvait cela ennuyeux. Tout comme elle, une pression constante ne quittaient pas les soldats, mis sans cesse en alerte. Ils s'attendaient souvent a rencontrer l'armée ennemie, avançant sur des points de repère qu'ils pensaient occupés, mais qui, au final, était désespérément vide.
Ce soir là, le sénéchal avait décidé de faire un bivouac sur une zone plane, visible. Il aurait surement voulu installer ses hommes sur des hauteurs, mais il n'y avait là que la plaine et la lisière d'une forêt qui s'enfonçait vers le Nord. La rivière, coulant d'Est en Ouest au pied du bivouac, terminait sa course plus loin dans un marais, pourri de moucherons et de moustiques qui n'avaient eu de cesse de la traquer.
Une chance que je connaisse la parade... Pensa t'elle en soupirant.
Avec dextérité, évoluant dans le noir comme un poisson dans l'eau, Ditzzy passa prés de la tente de commandement, encerclée par celles des officiers, puis arriva enfin sur la rangée des soldats, bâches communes pour binômes. En gros, ils dormaient par deux.
La jeune fît la moue en se rappelant que le manque de tente, avait failli la forcer à dormir avec un homme. Une chance qu'elle fût assez maigre pour prendre un peu de place entre le caporal Dancetaria et Nimornor, lorsqu'elles étaient assez endormies pour ne pas se rendre compte de sa visite.
C'était quel tente déjà ?
Un peu perdue, Ditzzy balaya de son regard les nombreuses tentes blanches, bien alignés, qui s'étalaient en un cercle parfait. Elle se demanda si elle n'avait pas fait fausse route, lorsqu'un terrible ronflement s'éleva.
Elle ricana intérieurement. C'était Jim, impossible que quelqu'un d'autre dorme de cette manière. La jeune, dos courbé, s'approcha donc de l'endroit, souleva un pan de la bâche, puis aperçut malgré les ténèbres la forte carrure du cuistot sous les draps. Il y avait quelqu'un d'autre avec lui.....Aknaïl surement....
Cet homme, il leur avait permit d'entrer dans l'armée. Ce fût, avec Nim, le premier à arranger un rendez-vous avec le lieutenant Mitaine. Pourquoi ? Parce qu'il était hors de question de passer par la voie normal : le bureau du recrutement.
Avec souplesse, la voleuse s'allongea et rampa en dessous la bâche, s'approchant le plus doucement possible des bottes de Jim, posées juste à coté de son lit. L'odeur qui en émanait failli la faire crier, elle arriva à se retenir, pensant qu'elle arrivait au bout de son objetif.
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Pendant ce temps, Becks, bon soldat Lourdais, montait la garde sur la face nord. Durant un temps, il lui sembla apercevoir une silhouette se faufiler à travers les tentes. Il pensa cependant qu'il ne pouvait s'agir qu'une petite donzelle en manque de son homme, profitant de la nuit pour venir passer un moment « agréable » avec celui-ci.
Se retenant de bailler, il fixa à nouveau la lisière de la forêt, difficilement visible de là ou il était. Les bruits de la nature, et le vent dans les arbres proches, forçaient la paranoïa, faisant penser aux sentinelles que des hommes marchaient plus loin, ou qu'ils murmuraient.
Pourtant, après avoir passé plus de deux ans dans des manuvres de ce genre, Becks sût que ce n'était rien. Il repensa avec amertume ses premières gardes, où il sonna l'alerte pour avoir entendu des crapauds plonger dans l'eau dans l'étang deux cent mètres plus loin....Mais cela, il l'ignorait au départ. La main sur la garde de son épée, refroidi par l'absence du soleil, l'homme marcha un peu, faisant attention a ne pas sortir de son périmètre de surveillance. Totalement confiant, il savait qu'il ne risquait rien. Pourtant, il entendit un genre de sifflement, puis un bruit mat. Ce fût si rapide qu'il se demanda s'il ne venait pas de rêver.
Tendant l'oreille, Becks crût entendre des pas foulant l'herbe, mais en était-il sûr ? Ne faisait-il pas la même erreur qu'a ses débuts ?
La fatigue surement....
La sentinelle se retourna, loin d'être rassuré, puis fît quelque pas de plus. Il remarqua une silhouette a plusieurs mètres en face de lui. Sa respiration s'accéléra, son cur cogna dans sa poitrine, puis il comprit qu'il ne s'agissait que de l'autre sentinelle.
Ennuyé par ces émotions, l'homme secoua la tête en se maudissant d'être aussi méfiant. Il entendit cependant un autre sifflement, et lorsqu'il releva les yeux, la sentinelle avait disparu.
La peur revint, et l'incompréhension paralysa totalement son esprit, commettant l'erreur de rester muet. Il regarda les alentours, puis une main apparut brusquement derrière lui, se plaquant avec force contre sa bouche, une lame plongeant dans sa gorge.
Après la douleur lancinante et l'opacité de la mort qu'il l'emportait, Becks pensa une dernière chose : Ce n'était pas une erreur de débutant.
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Ditzzy avait versé l'eau de sa gourde au fond des bottes de Jim. Cela lui rappellerait qu'on ne vole pas impunément une voleuse, même pour blaguer. Esquissant un sourire satisfait, la jeune repartit et passa sous la bâche, humant l'air frais qui vint caresser son visage.
Elle allait repartir vers sa tente (place gracieusement accaparée entre Dancetaria et Nim) lorsque quelque chose la chiffonna.
La jeune femme resta un moment immobile, incapable de comprendre d'où venait son malaise. Elle s'apprêtait à l'ignorer, repartir, lorsqu'elle en trouva l'origine : Il n'y avait plus un seul bruit.
Les animaux s'étaient tous tu, laissant tomber sur le bivouac un silence macabre annonciateur de mauvais présage.
Les sentinelles ? Elles sont où ?
La panique commença à l'atteindre lorsqu'elle remarqua quelqu'un allumer un feu dans la lisière de la forêt. Comme suivant la trace d'un combustible qu'on avait coulé par terre, le feu s'étira en une longue bande, éclairant une masse sombre, correspondant à des hommes.....Des tas d'hommes.
Ça sent pas bon.....Oh mon dieu
Tétanisée, la jeune femme vît les formes bruler quelque chose dans le feu, de nombreuses lucioles apparurent alors, pointant toutes en direction du bivouac.
Des.....Des flèches !!!!!!
Impossible d'ouvrir la bouche, Ditzzy les vît s'envoler, éclairant soudainement tout le campement, les bouts enflammés fonçant droit sur elle. La voleuse fît volte-face, animée par une terrifiante trouille, puis s'élança vers la tente de son lieutenant, courant le plus vite possible.
- Mitainnnnnneeeeeeeeee !