Vyrgule
[Mauléon, masure de Sudongpo, dans l'unique pièce.]
[...]
Puissiez-vous me pardonner un jour, pour toujours je vous aime.
Sudongpo.
Sa première réaction ? Elle n'en eut aucune.
Elle resta figée. Incapable du moindre geste ou de la moindre pensée.
Seuls quelques battements de cils, geste ô combien instinctif, presque coupé de tout ordre cérébral, la désignaient encore comme un être vivant dans un monde où le temps s'écoule.
Ses mains tenaient la lettre dont le contenu venait de bouleverser sa vie entière. Cette minuscule lettre de rien du tout au pouvoir si destructeur qu'à sa lecture, elle en était assommée.
De ses lèvres entrouvertes à ses doigts crispés, tout en elle n'était plus qu'abandon à ce qui ne pouvait être.
Vyrgule vacilla légèrement.
Reprenant ses esprits, elle relût la lettre, ne pouvant en croire ses yeux.
[Quelques heures plus tôt, masure de Vyrgule.]
-Tu entends Pigeon ?!
Le pire volatile qu'on ait jamais vu dans toute la Navarre ! Voilà ce que tu es !
Le pigeon répondant au nom de "Pigeon" trouvait sa maîtresse un peu gonflée pour le coup !
Il était un pigeon de talent à son sens. C'est elle qui rendait les choses compliquées...
Apporter des messages, d'accord ! Mais quand le destinataire est introuvable, on a beau être un pigeon consciencieux, on ne peut pas faire grand chose.
Malheureusement, Vyrgule ne parle pas le pigeon et Pigeon le sait. Aussi n'a-t-il même pas essayé de lui expliquer et attend il sagement que l'orage passe.
-...même pas compliqué d'aller livrer un message à Sudongpo qui habite deux rues plus loin !
Mais non ! C'est trop compliqué pour Môôôôsieur qui a décidé que ça lui froisserait les plumes !
Vyrgule pointa un index menaçant vers son volatile.
-Tu files un mauvais coton, Pigeon. Un trèèès mauvais coton ! Méfie toi que je ne te passe au four un beau matin. Ce sera te rendre service ! Tu retrouverais là une certaine utilité.
Pigeon ne s'inquiéta pas outre mesure, il savait Vyrgule nulle en cuisine.
-Puisqu'il faut tout faire soi-même, je me rends de ce pas chez Sudongpo. Quant à toi, tu es puni !
Je te conseille d'en profiter pour réfléchir à ton comportement Pigeon !
Après un théâtral claquage de porte, la comédienne remonta la place du marché, direction la demeure de son Tendrissime.
Finalement, l'incompétence de son pigeon tombait à pic. Voilà trois jours qu'elle n'avait pas vu Sudongpo et que ce crétin de volatile lui revenait, ses messages à SON attention toujours accrochés à la patte.
Son éleveur de cochons lui manquait terriblement et c'est le cur battant qu'elle frappa à SA porte.
Le silence lui répondit.
Vyrgule fit quelques pas vers la droite, pour entrevoir les extérieurs de la maison et surtout la porcherie où il était si fréquent de LE trouver. Elle s'immobilisa.
La porcherie, grouillante de tous les compagnons Sudongpiens était vide.
Vyrgule fronça ses sourcils roux. Que les cochons de Sudongpo ne soient pas à leur place est parfaitement inhabituel.
Revenant sur ses pas, elle pousse la porte et entre chez LUI.
IL n'est pas là. Les yeux de la comédienne parcourent la pièce, sans trop savoir ce qu'elle cherche. Vyrgule fait quelques pas, pose ses mains sur ses hanches et soupire, se demandant où il a bien pû passer.
Elle allait rebrousser chemin et rentrer chez elle, lorsque son il repèra une forme insolite dans l'âtre. Elle tourna la tête et entrevit une petite lettre bien pliée dans ce coin obscur.
Une scène se rejoua dans son esprit.
-Vyrgule voulait que je le mette dans la cheminée.
-Non, SUR la cheminée !
-Arf, c'est vrai. Je confonds toujours.
Et IL avait "pouffé" de rire, comme à son habitude.
Soulagée de connaitre enfin la raison de son absence, Vyrgule ramassa la lettre et la déplia.
Ma chère Vyrgule,
je n'ai pas beaucoup de temps et je dois me dépêcher. Je ne vous ai jamais parlé de mes parents et je les croyais perdus pour toujours. Pourtant ce matin mon oncle est venu me voir, il m'a appris qu'ils seraient peut-être encore vivants mais dans une situation désespérée.
Il me faut quitter Mauléon sans tarder pour partir à leur recherche. Je suis vraiment désolé de vous laisser ainsi, mais je me sens obligé d'essayer de leur venir en aide.
L'espoir de les revoir reste faible et le chemin périlleux, mais je dois tenter ce voyage.
Ma plus grande souffrance est de vous quitter et de vous laisser seule. Puissiez-vous me pardonner un jour, pour toujours je vous aime.
Sudongpo
[Au même endroit, après la deuxième lecture.]
Sa deuxième réaction ? Après le vide, le vertige.
Ça ne peut pas être vrai. Rien de ce qui se passe en ce moment ne peut être vrai.
Non pas qu'elle doutait qu'IL puisse lui annoncer sa mort imminente sur un ton jovial, non pas qu'elle remettait en cause qu'IL puisse vouloir rendre service à de parfaits inconnus -tout cela n'était que trop du Sudongpo tout craché- mais il est impossible que le présent soit tel qu'il semble être !
La rouquine chercha des yeux un repère, quelque chose qui la ramènerait à la réalité. Qui la ferait sortir de cette farce gigantesque aux apparences de réel.
La réalité -la vraie !- serait qu'il apparaisse, un brin de muguet à la main et lui dise :
-Poisson de mai, ma douce !
-C'est en avril la saison du poisson Tendrissime.
-Oups, je confonds toujours...!
IL aurait rit malicieusement, lui aurait offert la plante aux clochettes blanches, l'aurait embrassé avec une douceur infinie et lui aurait conté si ses cochons avaient eu de lappétit aujourd'hui, en y mettant autant de cur que s'il s'était s'agit de SES propres enfants et avec autant de passion que si cette histoire formait le point de départ d'une aventure palpitante.
Car IL était ainsi.
Mais IL n'apparut pas et Vyrgule crut que le sol s'ouvrait sous ses pieds. Il fallait absolument qu'elle LE retrouve. Vite. Avant qu'un malheur ne LUI arrive.
Elle sortit et déboula dans la rue, chancelante, la lettre pliée au creux de sa main.
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Sharandula
[...]
Puissiez-vous me pardonner un jour, pour toujours je vous aime.
Sudongpo.
Sa première réaction ? Elle n'en eut aucune.
Elle resta figée. Incapable du moindre geste ou de la moindre pensée.
Seuls quelques battements de cils, geste ô combien instinctif, presque coupé de tout ordre cérébral, la désignaient encore comme un être vivant dans un monde où le temps s'écoule.
Ses mains tenaient la lettre dont le contenu venait de bouleverser sa vie entière. Cette minuscule lettre de rien du tout au pouvoir si destructeur qu'à sa lecture, elle en était assommée.
De ses lèvres entrouvertes à ses doigts crispés, tout en elle n'était plus qu'abandon à ce qui ne pouvait être.
Vyrgule vacilla légèrement.
Reprenant ses esprits, elle relût la lettre, ne pouvant en croire ses yeux.
[Quelques heures plus tôt, masure de Vyrgule.]
-Tu entends Pigeon ?!
Le pire volatile qu'on ait jamais vu dans toute la Navarre ! Voilà ce que tu es !
Le pigeon répondant au nom de "Pigeon" trouvait sa maîtresse un peu gonflée pour le coup !
Il était un pigeon de talent à son sens. C'est elle qui rendait les choses compliquées...
Apporter des messages, d'accord ! Mais quand le destinataire est introuvable, on a beau être un pigeon consciencieux, on ne peut pas faire grand chose.
Malheureusement, Vyrgule ne parle pas le pigeon et Pigeon le sait. Aussi n'a-t-il même pas essayé de lui expliquer et attend il sagement que l'orage passe.
-...même pas compliqué d'aller livrer un message à Sudongpo qui habite deux rues plus loin !
Mais non ! C'est trop compliqué pour Môôôôsieur qui a décidé que ça lui froisserait les plumes !
Vyrgule pointa un index menaçant vers son volatile.
-Tu files un mauvais coton, Pigeon. Un trèèès mauvais coton ! Méfie toi que je ne te passe au four un beau matin. Ce sera te rendre service ! Tu retrouverais là une certaine utilité.
Pigeon ne s'inquiéta pas outre mesure, il savait Vyrgule nulle en cuisine.
-Puisqu'il faut tout faire soi-même, je me rends de ce pas chez Sudongpo. Quant à toi, tu es puni !
Je te conseille d'en profiter pour réfléchir à ton comportement Pigeon !
Après un théâtral claquage de porte, la comédienne remonta la place du marché, direction la demeure de son Tendrissime.
Finalement, l'incompétence de son pigeon tombait à pic. Voilà trois jours qu'elle n'avait pas vu Sudongpo et que ce crétin de volatile lui revenait, ses messages à SON attention toujours accrochés à la patte.
Son éleveur de cochons lui manquait terriblement et c'est le cur battant qu'elle frappa à SA porte.
Le silence lui répondit.
Vyrgule fit quelques pas vers la droite, pour entrevoir les extérieurs de la maison et surtout la porcherie où il était si fréquent de LE trouver. Elle s'immobilisa.
La porcherie, grouillante de tous les compagnons Sudongpiens était vide.
Vyrgule fronça ses sourcils roux. Que les cochons de Sudongpo ne soient pas à leur place est parfaitement inhabituel.
Revenant sur ses pas, elle pousse la porte et entre chez LUI.
IL n'est pas là. Les yeux de la comédienne parcourent la pièce, sans trop savoir ce qu'elle cherche. Vyrgule fait quelques pas, pose ses mains sur ses hanches et soupire, se demandant où il a bien pû passer.
Elle allait rebrousser chemin et rentrer chez elle, lorsque son il repèra une forme insolite dans l'âtre. Elle tourna la tête et entrevit une petite lettre bien pliée dans ce coin obscur.
Une scène se rejoua dans son esprit.
-Vyrgule voulait que je le mette dans la cheminée.
-Non, SUR la cheminée !
-Arf, c'est vrai. Je confonds toujours.
Et IL avait "pouffé" de rire, comme à son habitude.
Soulagée de connaitre enfin la raison de son absence, Vyrgule ramassa la lettre et la déplia.
Ma chère Vyrgule,
je n'ai pas beaucoup de temps et je dois me dépêcher. Je ne vous ai jamais parlé de mes parents et je les croyais perdus pour toujours. Pourtant ce matin mon oncle est venu me voir, il m'a appris qu'ils seraient peut-être encore vivants mais dans une situation désespérée.
Il me faut quitter Mauléon sans tarder pour partir à leur recherche. Je suis vraiment désolé de vous laisser ainsi, mais je me sens obligé d'essayer de leur venir en aide.
L'espoir de les revoir reste faible et le chemin périlleux, mais je dois tenter ce voyage.
Ma plus grande souffrance est de vous quitter et de vous laisser seule. Puissiez-vous me pardonner un jour, pour toujours je vous aime.
Sudongpo
[Au même endroit, après la deuxième lecture.]
Sa deuxième réaction ? Après le vide, le vertige.
Ça ne peut pas être vrai. Rien de ce qui se passe en ce moment ne peut être vrai.
Non pas qu'elle doutait qu'IL puisse lui annoncer sa mort imminente sur un ton jovial, non pas qu'elle remettait en cause qu'IL puisse vouloir rendre service à de parfaits inconnus -tout cela n'était que trop du Sudongpo tout craché- mais il est impossible que le présent soit tel qu'il semble être !
La rouquine chercha des yeux un repère, quelque chose qui la ramènerait à la réalité. Qui la ferait sortir de cette farce gigantesque aux apparences de réel.
La réalité -la vraie !- serait qu'il apparaisse, un brin de muguet à la main et lui dise :
-Poisson de mai, ma douce !
-C'est en avril la saison du poisson Tendrissime.
-Oups, je confonds toujours...!
IL aurait rit malicieusement, lui aurait offert la plante aux clochettes blanches, l'aurait embrassé avec une douceur infinie et lui aurait conté si ses cochons avaient eu de lappétit aujourd'hui, en y mettant autant de cur que s'il s'était s'agit de SES propres enfants et avec autant de passion que si cette histoire formait le point de départ d'une aventure palpitante.
Car IL était ainsi.
Mais IL n'apparut pas et Vyrgule crut que le sol s'ouvrait sous ses pieds. Il fallait absolument qu'elle LE retrouve. Vite. Avant qu'un malheur ne LUI arrive.
Elle sortit et déboula dans la rue, chancelante, la lettre pliée au creux de sa main.
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Sharandula