[gamma ut]
En repartant de ta grange, je passai par le pigeonnier. Un bout de papier griffonné, à la hâte visiblement vu l'écriture désordonnée, m'attendait dans une des petites niches.
Hégide
Donnez moi votre clef. Je dois vous voir !
Illi
Quelques heures plus tard, elle était là et toquait à ma porte. J'ouvris et, sans un mot, lui pris la main avec légèreté pour l'amener jusqu'au sofa où elle s'assit, le dos bien droit, sur la pointe des fesses.
Qu'elle soit chez moi est déjà une victoire.
Mon coeur se gonflait de joie. Elle était venue d'elle même, sans que je n'aie à intervenir et je savourais mon plaisir.
Al, qui s'était tue jusqu'à présent me souffla sa joie mauvaise au coin de l'oreille.
Achève la, Hégide.
Je remplis un verre de vin que je lui offris. C'est un très bon vin. Un Petrus avant l'heure, un nectar précieux que je distillais uniquement pour les amateurs avertis.
Elle le gouta du bout des lèvres et savoura discrètement l'arôme du merlot. Ses yeux se levèrent sur moi et je vis qu'elle appréciait à ses pupilles dilatées qui ne me quittaient pas.
Elle était vétue d'une robe de soie épaisse fermée par une broche, rouge comme une robe de mariée qui la couvrait jusqu'aux pieds, serrait sa taille et prenait de l'ampleur aux hanches sans toutefois réussir à combler l'absence de formes propre à une danseuse. Le bustier, croisé et très ajusté, comprimait et faisait jaillir ses seins minuscules, mettant surtout l'accent sur les muscles de ses épaules et ses clavicules.
J'eus envie de serrer mes mains autour de sa taille tant je me disais que j'aurais pu en faire le tour avec mes doigts.
Une onde de désir vint crisper mon ventre.
Sans un mot elle se leva et posa le verre sur le guéridon tout proche. Puis, face à moi, elle souleva sa jupe à pleines mains pour les remonter sur ses jambes, découvrant des genoux polis et des cuisses galbées. Les bas resserraient la chair à mi hauteur et je tiquais à la vue de sa peau marquée par la jarretière.
Voyant mon agacement elle tourna légèrement la tête vers son reflet dans le paravent laqué qui séparait mon lit de la coiffeuse et ne voyant pas ce qui me déplaisait, s'appliqua à redresser son buste pour que les seins soient mis en évidence.
C'est pour que vous voyiez mieux. dit elle.
Remonte ta robe.
A deux mains, elle reprit plus de soie craquante, plus de satin frissonnant que la première fois et découvrit un triangle noir clos et un ventre doré.
Elle voyait mon visage amusé mais attentif, ses yeux guettaient mes réactions et sa bouche s'entrouvrit cherchant de l'air.
Je portai la main à sa toison, glissant le long du pli d'albâtre de l'aine et glissai mon majeur vers la moiteur cachée entre ses jambes.
Je ne la quittais pas des yeux, me demandant si tu aimerais autant que moi sa fragilité et son subtil parfum d'herbes coupées.
Ouvre.
Elle obtempéra, me laissant un passage plus aisé et ma main continua son inspection, ne laissant aucun endroit inexploré autour des plis, des creux et des monts ainsi offerts.
Sa main prit appui sur le bord de la coiffeuse et elle entreprit de défaire le lacet de son corsage.
Non.
Surprise elle me regarda et stoppa le mouvement pour tendre sa main vers moi.
Non ! Ouvre encore.
Renonçant à toute initiative, elle agrippa le rebord de la coiffeuse faisant basculer les peignes et poudriers qui tombèrent sur le tapis.
Elle ouvrit donc, encore.
Je nous imaginais tous deux, toi jouant de tes mains sur ses hanches étroites, possédant son antre avec application pendant que je la gamahuchais et elle s'abandonnerait, chose soumise à nos caprices, à l'extase que nous lui donnerions.
Elle revint le lendemain soir et le surlendemain soir aussi.
Et la petite danseuse revint chaque soir chercher le plaisir que je ne consentais à lui donner qu'avec parcimonie, peu à peu, l'habituant à supplier pour obtenir un peu plus ou la laissant pleurer devant ma porte pendant que je sirotais un jack ou lisais un livre.
Chaque jour, elle apprenait davantage et se faisait à mon gout, ma volonté. Je la voulais parfaite pour nous. Elle le serait j'en étais sûre.
Hégide, je veux rester avec vous. Prenez moi à votre service je vous en supplie !
Il n'en est pas question Illi. Tu ne m'appartiens pas. Le jour où tu m'apporteras la preuve que tu t'es affranchie de lui, j'accepterai de te garder.
Elle se griffait les joues, pleurait, gémissait mais je restais intraitable, sans aucun regard, ni aucune considération pour elle.
Un soir, elle vint toquer à ma porte et à ses yeux pétillants, je sus qu'elle avait quelque chose d'important à me dire.
Un frisson de plaisir et et panique me parcourut l'échine. Tu étais chez les moines. Injoignable. Si elle se soumettait à ce moment là, tu ne serais pas là pour le vivre avec moi. Ca n'avait alors plus aucun intérêt, aucune saveur !
Hégide... j'ai amené un invité. Si vous le permettez, mon compagnon est là. Peut il entrer ?
Qu'il attende. Dis lui que je le recevrai dans un moment. En attendant déshabille toi et danse pour moi.
J'attendis quelques instants qu'elle parle à son compagnon et m'installais confortablement dans mon fauteuil, un verre de Jack à la main. Elle revint et entama une danse lascive toute en sensualité et délicatesse. Peu à peu la danse devint plus rythmée et la fièvre s'empara d'elle, l'emportant dans une chorégraphie qui la laissa le souffle court. Les cheveux s'étaient emmêlés. Je l'arrêtai.
Ca suffit. Ouvre lui maintenant.
Essoufflée, le regard un peu hagard, elle alla ouvrir la porte à son compagnon qui surgit comme un fauve de sa cage.
Illi se tenait face à lui. Une fine pellicule de sueur recouvrait son corps et ses seins se soulevaient au rythme de sa respiration rapide.
Je dansais ! lui dit elle.
Pour elle ! C'est elle que je veux désormais.
Je restais silencieuse, les couvant du regard.
Il l'attrapa par les cheveux et la traina hors de ma chambre.
Je bus une gorgée de jack.
Quelques jours plus tard, j'appris qu'ils étaient morts.