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Pénates de la belle, du taciturne et de la marmaille

Aelyenor
Aely s'est endormie, après quelques ébats bien savoureux, tout comme la petite Anna repue, bien calfeutrée dans son couffin. Kundera quand à lui, a repris des libertés en escaladant à nouveau le lit conjugal, bien calé entre ses géniteurs, mais épuisé sans doute par trop de dépenses d'énergie, il a les yeux qui papillonnent et ses petites mains cessent de s'agiter en s'agrippant aux poils du torse de son père.

C'est la main causante de son barbu qui la réveille. Alors la brune a ce mouvement pelotonneur des femmes amoureuses dans le noir. Une recherche de l'épaule pour s'y blottir. Elle perçoit les cognements de son cœur. C'est merveilleux une jeune femme aimante. On sent flotter son désir à sa surface.
Ils restent un bout d'instant ainsi, pétrifiés par on ne sait quelle langueur bienfaisante. Puis elle tourne son visage vers le sien. La chaleur des lèvres de son homme guide les siennes, et voilà-t-il pas qu'il l'embrasse ce bougre de saligaud qui ne respecte rien ni la fatigue de sa femme.

Ah le rôle de ces deux petites jauges d'amour. Leur diabolique agilité...certes le petit cœur mignon d'Aelyenor s'emballe, néanmoins elle reste très maîtresse d'elle-même.

Dansla vie il y a deux sortes d'évènements : les fortuits et les prémédités. Et voilà que l'Acanthe il prémédite doucettement, instant après instant, guignant sa femme languissante avec une tendresse qui se teinte de convoitise. Pas concupiscent le pêcheur. Rien du bellâtre. l'Homme tout simplement. l'Homme soucieux d'assurer son territoire. Aely, de toute éternité lui est destinée. Faut admettre, accepter. Il se l'est mignardée à loisir. Elle l'aime depuis qu'elle voit clair. Jamais il trouvera meilleure exclusivité.


- Ça vaut le coup que tu me consacres ta vie non ?

Et bon, ça y est. Il repart au combat l'Acanthe. Il bascule sa paluche dans les régions réservées de sa gosse. Ecarte d'un geste lent mais précis le lacet de son corset. La paluche avant-coureuse, toujours !

Elle le regarde faire et sourit, sentant ses doigts sur son ventre chaud et doux. D'émotion elle l'interrompt. Le vrai voluptueux a le courage de prendre son temps. Seul l'héroïque prend des pieds pour des bottes de sept lieues et se paie...des bottes d'asperges. Mais sa main dépravée glisse, insiste, atteint une région bien explorée déjà. La brune émet un imperceptible gémissement. C'est la plainte de l'amour venant, de l'amour montant et qui fait mal de volupté...

Mais que je vous fasse rire...comme disent certains avant de raconter une histoire lamentable. Aely a bloqué son système de sécurité, reprenant la main entreprenante de son coquin de mari pour la porter à sa bouche.


- Pas avec le petit avec nous mon amour. Laisse-le dormir. Quand je reviendrais on se rattrapera.

Et oui, ce sont les petites grognasses qu'on force, sachant qu'elles ne résisteront pas aux entreprises ardentes. Les filles comme Aely faut jamais les brusquer. Elles fonctionnent au mental, et c'est grâce au mental qu'on arrive à ses fins. En faisant le grand tour.

L'un contre l'autre, ils s'abîment quand même heureux, épuisés de fatigue et d'émotions. C'est la petite Anna qui les a réveillés, babillant dans son panier.
Aelyenor se lève, la prend doucement et se recouche. Anna a les yeux pensifs, étranges pour un bébé d'un mois. Elle la respire. Elle a une odeur de nid. Ce qu'elle sent bon cette mouflette.

Tournant la tête vers son homme elle lui sourit.


- Je la prendrais mon amour pendant mon absence. Je la nourris encore. Pour Kunde, t'en fais pas. Mel ou Donnolae se battront pour le garder.

Il se dégage en ce tout petit matin un grand sentiment de bonheur. La vie a opéré son entrée en scène, son entrée en cœur. La félicité dans un bain tiède.
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Ce n'est pas nous qui ne marchons pas droit, c'est le monde qui va de travers.
Acanthe
Oui ça vaut le coup de lui consacrer sa vie à la petite forgeronne, il en est persuadé l’Acanthe.
Et rien ni personne ne lui fera changer d’avis…..c’est elle l’Unique, la seule qui vadrouille à loisir dans ses pensées. Son dernier souffle sera pour elle, pour tout ce qu’elle lui offre, c’est parce que c’est elle qu’il n’a pas repoussé ce bonheur qui un jour lui a tendu les bras, parce que c’est elle que deux petites merveilles y sont bien au chaud maintenant.
La vie aurait été injuste si leurs chemins ne s’étaient pas croisés.


La demeure est calme en cette soirée, Kundera accroche ses petites mimines aux jupons d’Aely qui dépose une tendre caresse sur la tête de son fils. Le mouflet mâchouille le tissu et penche de temps en temps la tête d’un côté ou de l’autre des jambes de la maman pour observer ce qui se passe de l’autre côté d’elle.
Et de l’autre côté, l’objet de curiosité, c’est une malle que le père vient de poser au sol.
Une grande malle que l’Acanthe n’aime déjà pas, habituellement c’est signe de voyage, signe que la charrette sera bientôt sur les chemins du royaume. Mais pas cette fois, seules les affaires de la brunette et de Anna la rempliront cette malle.


- Ca va faire vide sans vous deux……et long aussi !

Il dépose un court baiser à sa Aely jolie, lui caresse le visage et s’empare à nouveau de ses lèvres sans demander un accord préalable. …..plus longuement……plus sensuellement aussi pour profiter de leur goût et de leur douceur.
- On s'débrouill'ra entre hommes mon amour…..sourit….avec les marraines et Lona aussi…..ça ira

Il se rassure comme il peut le barbu en prenant dans ses bras le fiston qui rechigne à lâcher l’Aely, comme s’il avait compris qu’elle devait s’absenter.
Il se rassure, essaie au moins, parce qu’il sait qu’il y aura un déséquilibre, sans sa femme, sans leur fille.
Enlevez un pied à une table et vous verrez le résultat, si elle ne tombe pas, elle vacillera. Allez pêcher avec votre barque en ne prenant qu’une rame….vous ferez des ronds dans l’eau, vous n’avancerez pas.
Sans sa moitié il sera perdu, il le sait. Il redeviendra aussi sans doute un peu sauvage et solitaire.

La petite Anna se lance dans un monologue que seul son grand frère semble comprendre.
C’est l’heure du bain pour la marmaille, le baquet est près du feu et l’Acanthe s’active à cette tâche sous le regard de la brunette qui remplit la malle peu à peu.
Une paluche soutenant la tête d’Anna, l’autre frottant délicatement son petit corps si fragile.
Elle lui sourit, elle est belle cette petite merveille….elle aura grandi……….

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Aelyenor
On dit que la Terre est chaude. (Je l'avais déjà annoncé de retour d'Italie, mais je le répète différemment). Les idéalistes pensent que la Terre est chaude, nourricière. Le blé qui se lève et and so on...Pfff, foutaises !
Elle est glaciale en vérité. C'est un bloc de glace de couleur brune la Terre, rien d'autre. Un astre presque éteint. Vous avez déjà vu germer la désolation vous ? Vous en avez rencontré des bourgeons avec plein de petits rameaux renaissants de leurs cendres ? Des bien tendres, bien verts, purifiés de la tête par leur séjour dans l'humus ? Non camarade. La Terre elle nous happe, nous digère, nous entraîne dans d'incommensurables froidures.

Aely a des pensées atrabilaires en achevant et en cloisonnant sa malle. Elle a le froid qui vient la cueillir à la sournoise. Ce froid qui lui investit les articulations, la chair, le tout en Elle.

Elle se relève. Ça craque. La voix de Kundera qui rit aux éclats dans l'eau du bain lui parvient. Il est en train de noyer son père qui fait des bulles dans le baquet. Les intonations sonores démultipliées dans la flotte le font rire aux larmes.
La brune mate le sablier. Regarde sa fille endormie, ses petits poings serrés, sa frimousse mignonne de côté.

La journée sera rude.

Dans moins de dix minutes Anna et sa maman seront en charrette, en partance pour récolter des droits de plantation sur le territoire Rouergat. Des droits qui lui sont dus et qui appartenaient à sa maman au temps où celle-ci bâtissait un empire en l'abbaye de Noirlac.

Quitter son homme et son fils. Vous parlez d'une fête ! Elle aurait cru le choix impossible. Partir sans eux pour vingt longs et interminables jours.

Elle s'étire. Aely confrontée à ses plus grandes décisions a un comportement étrange. Elle vit l'instant autrement que prévu ; ainsi elle a beau dire : " ça y est, c'est pour aujourd'hui", elle ne parvient pas à ne pas montrer sa grande inquiétude.
Pourquoi a-t-elle l'impression qu'en partant quelques jours elle va commettre une formidable trahison ? Trahir son homme, son fils, ses amies, sa Lona, sa jeunesse. trahir ce quelque chose de miraculeux qui subsiste en elle, vaille que vaille, et qui est un reliquat d'innocence.
Il lui faut un coup de fouet. Se joindre aux ébats quelques secondes de ses deux hommes.

l'Acanthe qui relève sa tête humide.


- C'est toi ma chérie ?

Cette phrase en dit long sur sa pleine lucidité. Voilà qu'elle lui passe la peau de ses doigts sur la peau de sa main, voilà qu'il lui cavale sous la peau. La peau de son cœur. Si on soulevait la peau du cœur d'Aely on apercevrait quoi ? Sa mélancolie ou son désir ? Son passé ou son futur ?
Elle a beau sourire la forgeronne, sa voix reste tendue, plus grave.


- Acanthe ?

Il la regarde.

- N'aies pas peur hein ?

Et cet idiot de pêcheur qui ose lui répondre :

J'irais à Rodez pendant ton absence pour couper du bois et puis......pour couper du bois. En vérité j'ai pas trop envie de rester ici sans toi, je serai bien mieux en charrette que dans une maison à moitié vide.
J'y resterai deux semaines peut-être ou le temps que tu reviennes, je verrai bien.
Je pensais laisser Kundera à Millau avec ses marraines, mais je ne peux pas me séparer de lui. Vos absences mes seront déjà difficile alors je le garde avec moi.

Ne t'en fais pas, je serai sage, très sage même. Il m'arrivera peut-être de franchir une porte de taverne, mais ce sera rare je pense. Et puis je serai bien trop occupé avec notre fils.

Je trouverai peut-être aussi le temps d'écrire un article pour ton journal, enfin le temps...c'est surtout de l'inspiration dont j'ai besoin.

"Plus j'apprends et plus je me rends compte que je ne sais rien" ]Le titre me plait, reste plus qu'à trouver le reste.

Vous allez nous manquer, beaucoup, vraiment beaucoup. Je compte déjà les jours qui me sépare de ton retour.

Je t'aime Aely ! Tu es ma vie, vous êtes ma vie....c'est une certitude.
Prends soin de la petite Anna, je vous embrasse et vous serre dans mes bras...


Son premier élan est de se récrier. Mais elle se ravise. On ne va pas commencer à se mentir merdum ! Un couple qui se ment même pour des évènements de ce genre est foutu d'avance. La franchise c'est l'une des rares forces de l’Être humain. Faut longtemps pour l'acquérir. C'est philosophique. Son instinct à l'homme c'est de mentir. Prétendre noir ce qui est blanc. Les chemins de la franchise paraissent tortueux, mais une fois que tu les as apprivoisés, c'est le pied superbe.

- Moi j'ai peur. Mais notre union n'en aura que plus de force.

Il comprend son barbu. Murmure qu'il l'aime, qu'il vivra à ses côtés, couché à ses pieds, en rond...
Elle pose un doigt sur sa bouche. Le serre fort, puis enfouit son nez dans les cheveux noirs et épais de son fils.


- Je vous aime. Je vais faire au plus vite.

Kundera bat des mains. Il se marre toujours le mouflet. C'est mieux ainsi.

- Tu m'aides à hisser la malle dans la charrette ?

Elle prend le panier d'osier où repose la petite fille et le dépose à l'avant de la carriole, puis grimpe à ses côtés en prenant les rênes d'Héphaïstos.

- Je t'aime Acanthe. Mon bonheur c'est vous. Je ne pense qu'à vous. Dis à Lona, à Mel, à Donnolae que je pense à elles aussi.

Son petit cœur s'emballe, et puis soudainement elle claque son fouet.

- Hihaaaaaaaaaaaaa !!!

Surpris par la nervosité du geste, Hépha se cabre légèrement et enchaîne immédiatement un trot soutenu.

Vaut mieux se tailler vite, sinon elle risquerait de prétexter une crise hépatique...

Vingt longs jours.

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Ce n'est pas nous qui ne marchons pas droit, c'est le monde qui va de travers.
Acanthe
Machinalement la paluche de l’acanthe part à la rencontre de sa femme, de sa peau, de son corps, de ses cheveux, d’un petit bout d’elle.
Son oreille se tend à l’écoute d’une respiration, d’un petit gémissement…….son parfum est encore là, présent à ses côtés mais la belle des vignes est déjà loin…..bien trop loin…..beaucoup trop loin de lui. C’est dans ce vide qu’il cherche.

La chambrée est plongée dans la clarté du jour qui perce, le réveil du barbu est difficile. Il le sait déjà, cette journée et les dix-neuf qui suivront seront d’une langueur monotone, alors il reste allongé sur le pucier enivré des fragrances de sa belle.

C’est l’arrivée de kundera se blottissant contre lui qui le sort de sa torpeur. Il le serre le mouflet, ne le lâche plus, son rire redonne au barbu le sourire.
La magie de l’enfance, de l’innocence qui opère.
La vie suit son cours et le ventre de l’enfant a besoin de sa pitance, emportant Kundera dans ses bras le père joue son rôle….de père et reste pensif.


Moi aussi j’ai peur Aely….j’ai peur de ne pas y arriver, peur de me perdre sans toi…..comme je l’étais quand on s’est rencontrés. Sans toi…….mais Kundera est là, avec moi……ça ira, il est là….

Le barbu et le petit bonhomme se dirigent maintenant vers l’atelier, pour cette première journée sans l’Aely jolie il n’arrive pas à confier la marmaille à une marraine.
- On ira faire un tour au lac après Kundera et puis on ira voir Louise Anne aussi. Mais j’ai un travail à finir avant, ce sera pas long

En passant à proximité des moutons, le mouflet tend une mimine vers eux et tire la barbe du père pour lui montrer. Une pause s’impose et la petite main caresse le pelage blanc.
Le barbu attendri regarde son fils, il a le sourire de la mère…..elle lui manque terriblement la petite forgeronne, mais il fera en sorte de ne pas le montrer, pour leur fils et pour éviter les questions aussi. Parce que parler de ce qui le chagrine…..il ne le fait qu’avec elle.
Un genou à terre, il profite de l’instant.

- Un jour on aura des moutons nous aussi…enfin on verra ça avec maman quand elle rentrera…


La journée s’écoule lentement mais ce que redoute l’Acanthe, ce sont les nuits quand Kundera retrouvera Morphée.
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Acanthe
Sa moitié était revenue…..enfin ses deux quarts….sa femme et sa fille redonnent de la vie à la maison et aussi un peu plus d’organisation. Parce que ce n’est pas le point fort de l’Acanthe, il suffit de se rendre à son atelier pour constater le désordre qui y règne.
Un désordre dans lequel il se retrouve pourtant, un….savant bric-à-brac comme il dit parce que chaque chose est à sa place, n’importe où mais à sa place et il sait où les trouver.

Ce matin L’Aely est partie aux jardins pour planifier les futurs travaux, la petite Anna à bras et Kundera toujours accroché à ses jupons, tenant un bout du tissu dans sa petite main. Il ne lâche plus sa maman depuis son retour, sans doute par peur de la voir repartir et de se retrouver une fois de plus aux bons soins du père encombrant qui ne laisse que rarement un instant de liberté au mouflet.
L’Acanthe regarde sa petite famille s’éloigner dans le froid qui s’installe, le déhanchement de sa femme qui réveille en lui bien des choses et ses trois merveilles disparaissent déjà et le laisse à ses occupations. Pour les tenir bien au chaud durant l’hiver le barbu s’active à couper du bois, à calfeutrer quelques courants d’air.

A l’œuvre, la hache à la main, il regarde avec curiosité un messager venu à sa rencontre.
Un messager ! Pour lui ? Peu habitué à recevoir des missives, c’est toujours une surprise et un petit événement pour l’Acanthe. Le messager insiste face à l’hésitation, tendant la missive.
Posant l’outil il donne la pièce et déplie le vélin.




Bonjoure Acanthe,


Ca fée très longtemps que je t'a pas écrit…..

- Petitbonhomme !!! C’est petit……..

Il voudrait bien crier sa joie l’Acanthe, mais il n’y a personne pour l’entendre à cet instant. Alors il se ravise et s’assoie sur une buche, il partagera plus tard. Pour le moment un sourire barre son visage.
Il a tout de suite reconnu l’écriture hésitante du Petitbonhomme, petit Pierre. Cet enfant qui arriva comme par magie à Millau il y a déjà un moment, cet enfant qui le sorti de sa tanière. Cet enfant si débrouillard et curieux de tout.

Aussitôt un flot de souvenirs submergent le barbu, il repense à Andrea la colombe qui « vole mais pas dans le ciel », à Donno une de ses mamans de substitution qui entoura le petit de son amour, à Lona et son « on a des papillons dans le ventre quand on est amoureux » laissant l’Acanthe bien embêté pour expliquer ça à un enfant si jeune, d’ailleurs il n’a jamais vraiment réussi. A peine s’il a pu convaincre le petit qu’il ne fallait pas manger des chenilles pour avoir des papillons dans le ventre. Enfin pas simple tout ça.

Et bien entendu Aely aussi survient dans les souvenirs. C’était l’époque où ils étaient amis, très proche certes, mais amis la brunette et le barbu. Ils partirent ensemble, avec l’enfant comme une famille, pour le ramener à ses parents loin de Millau.
Elle n’était pas la mère….il n’était pas le père…..l’histoire est belle…. Et puis sur le retour ce premier baiser qui les unifia définitivement.




…….J'a pas écrit à beaucoup de monde, passe que depuis que je suis viendu en Normandie, j'ai fée plein de truc, et pis j'a rencontré beaucoup de gens. Des grands surtout, passe que des petits, y'en a pas beaucoup. Y'en a même des très bizarres, passe que à cinq ans, ils sont chefs de port, pis ils ont un bateau. Je sais pas comment ils font, moi j'a déjà du mal à conduire Hypolite.

Faux dire auçi, que y'a eu plein de trucs qui se sont passés. Papa et Môman, ils devaient se marier. Même que ils voulaient faire un petit frère ou une petite soeur. Moi je préférais un chien, mais bon... On m'a dix qu'on pouvait avoir les deux. Du coup, j'étais d'accord.

Il rit tout seul l’Acanthe, imaginant ce petit Pierre négocier avec ses parents. L’imaginant avec un petit frère ou une petite sœur…..et un chien forcément.



Et pis... finalement... ils se sont pas mariés. Y'a eu la guerre. Avec des Fatoume qui sont arrivés de partout et qui z'ont pris le chateau de Rouen, et pis la mairie aussi. Papa et moi on était à Fécamp, passe que papa il travaillait pour le Duché, et que moi, j'allais à la pêche pour ramener des maquereaux au village. Et Môman elle était ropartie à Rouen avec son bouclier et son népée.

Le château, il a quand même été pris. Et Môman... elle est pas roviendue. Le Duc Davy il l'a gardée pour lui. Soi-disant, il était un nami de papa. Je le déteste, passe que depuis, mon papa l'est triste et il rigole moins. Et même quand il rigole, ça dure jamais longtemps comme avant que y'avait des larmes de rire qui coulaient des fois sur ses joues.

Je vois jamais Môman en même temps. Je va avé l'un, pis avé l'autre. Mais j'a pas fêté mes cinq ans avec tous les deux. Des fois, je vois bien que elle est triste quand je lui parle de papa. Mais je sais pas pourquoi elle revient pas avé nous.

- C’est compliqué les grandes personnes Petitbonhomme….
Le barbu ne comprend pas non plus. Il y avait pourtant beaucoup d’amour entre les parents du petit, ils étaient heureux ensemble….comment expliquer cela à un enfant ? Comment l’Acanthe pourra essayer de le consoler ? A distance, avec les mots ce n’est pas simple.
Il demandera à sa belle des vignes, elle saura elle, elle pourra conseiller son homme sur ce qu’il doit écrire. Elle est plus doué que son barbu pour ça, lui cherche souvent ses mots.


- Ils étaient pourtant si heureux ensemble….comme….comme nous, comme Aely et moi on l’est….
De quoi remuer la crainte de l’Acanthe de voir un jour disparaitre le bonheur qui envahit sa vie. Il en parlera avec sa femme, qui le sermonnera et lui dira de ne pas se mettre des choses comme ça en tête. Mais ça le fera quand même cogiter un moment.



Elle travaille beaucoup. Elle est deviendue Pro-cureur. Elle nettoie la Normandie en faisant des procès aux brigands qui sont partis. Elle est au Conseil Ducal. Papa il est dans l'armée en Artois. Et moi je l'a suivi, passe que je porte les pansements. Là, on est à Zincourt. C'est moche et il fée froid. J'a envie de reviendre en Normandie pour que Môman elle me fasse des tartes, mais le Roy il a dix que on devait crabouiller les Artésiens pour pas que ils roviendent à Rouen.

Moi je veux pas qu'ils roviendent, sinon, si ça se trouve, y'a une Duchesse qui va me voler mon papa aussi. Et je finira tout seul, avec Plume et Toutpetitbonhomme.

- Tu s’ras jamais seul p’tit ! Jamais



J'essepère que Kundera va bien. Il doit avoir randi et plus être un bébé. Pis il doigt avoir une tite soeur ou un tit frère aussi. Si j'avais su, j'aurais pas demandé un chien, et j'aurais dit oui tout de suite pour un bébé.

Il s’en veut un peu, beaucoup en fait l’Acanthe. Quand la petite Anna est née il voulait prévenir ce petit Pierre et Andrea, leurs dire son bonheur. Et puis le temps passe, mais il n’a aucune excuse de ne pas l’avoir fait il le sait.

Et toi ? Est ce que tu vas bien ? Est ce que tu est toujoure un forgeron ? Pis Aely, dis moi comment elle va aussi. Et Lona et Donnolae ? Ca me ferait plaisir si t'as le temps... pis si t'as envie.

J'essepère que j'a fée moins de fotes que d'habitude passe que je randis quand même. Môman elle dix que c'est un peu mieux.

Je te fée un rot bizou. A bientôt de te lire.


Petit Pierre,
Dict Petitbonhomme


Une deuxième lecture puis le vélin est soigneusement rangé.
Il est rassuré, depuis qu’il a appris les événements secouant la Normandie, le barbu s’inquiète pour ce Petitbonhomme. Il répondra…le temps de trouver les mots justes.
Aely aura à peine le temps de déposer la petite Anna en rentrant que son homme lui mettra la missive devant les yeux en lui disant d’une voix enjouée « C’est petit Pierre ! Le Petitbonhomme ».

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Aelyenor
Oui la vie est miraculeuse. En ces jours mornes d'automne où rien de bien palpitant ne se passe, le silence au 46 quartier de l'Espinasse n'est plus troublé que par de discrets halètements d'un sommier qui soupire au souvenir de trois semaines de repos.

Il fait un froid soleil. Sur le seuil de la porte, Acanthe et Aely éclusent à menues gorgées gourmandes leurs tisanes bien chaudes contribuant ainsi à chasser les brumes matinales.
Tous les matins Aely se lève la première, change et toilette la petite Anna, puis pourchasse à travers la pièce Kundera qui a probablement été chat dans une vie antérieure, vu que les ablutions du matin il esquive. Etc'est en grognant et criant Papaaaaaaaaaaaa !!!! Papaaaaaaaaaaaaa !!!! que la main soigneuse de sa mère le happe et le plonge dans le baquet d'eau fumante.

Il boude un peu le freluquet, mais la tartine de miel a vite fait de lui faire oublier ses rancœurs.

Un baiser sur les lèvres de son homme et la brune, accompagnée de ses deux gardes du corps en herbe prend la direction des jardins.

En chemin elle pense à son Acanthe. Elle aime le regarder dans son échoppe, ciseler le bois, frapper sur des poutres servant aux charpentes, tourner un manchon pour en sortir une volute.
Chaque fois qu'elle le regarde en catimini elle se demande si elle ne va pas se trouver mal. Sa peau est irisée à cause de toutes ces perles de sueur qui s'accrochent par milliers aux pores de sa peau cuivrée. Alors immanquablement elle ressent la vache secousse. Et la brunette empoigne la serviette accrochée à la porte de l'échoppe et la dépose sur ses bras pour l'essuyer...Elle croit bien Aely que c'est le plus beau moment de la journée. Plus rien n'existe que l'attention d'une femme qui sans mot dire éponge la somme d'efforts de son homme baraqué.

Les jours passent ainsi, lentement mais à une allure folle...Comprenez ce paradoxe si vous y arrivez.

A midi on se fait la dînette. Un morceau de pain et de saucisse pour Kundera, la mamelle laiteuse et bien pleine de sa mère pour Anna. Une sieste dans l'abri contenant les tonneaux de vin et puis retour à la maison.

En chemin des coups de cognée se font entendre. Kundera lâche la main de sa mère en criant : Papa ! Papa ! Le barbu est ravi et s'agenouille pour recevoir un boulet lancé à pleine vitesse en pleine poitrine.

Puis c'est Aely qui souriant tire la manche de son homme, se hisse sur la pointe des pieds une main sur sa fesse droite...ses lèvres caressent les siennes, doucement, doucement...c'est beau des lèvres, ça peut embrasser...ça peut aussi dire oui...en y réfléchissant, c'est même conçu spécialement pour proférer ce mot. Mais bizarrement Aelyenor le trouve contrarié. Elle le connaît trop bien pour ne pouvoir se tromper. Il a une ride qui affaisse une partie du coin de son œil lorsque quelque chose ne va pas comme il aimerait.

Elle en profite que Kundera pourchasse quelques pigeons chieurs pour lui demander.


- Dis-moi ce qui ne va pas. Et surtout ne me réponds pas de ne pas m'inquiéter. Qu'y a-t-il mon ami ? Il y a des signes chez toi qui ne trompent pas. Surtout pas moi.
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Ce n'est pas nous qui ne marchons pas droit, c'est le monde qui va de travers.
Acanthe
La cadence du « tchak » fendant le bois se ralentit lorsque l’Acanthe aperçoit les silhouettes d’Aely et des enfants sur le chemin, une dernière bûche subie le poids de la hache et vient s’amasser en deux morceaux contre le bois qui recouvre déjà le sol.
A peine le temps de poser l’outil et de s’agenouiller qu’un petit homme lancé à vive allure s’agrippe au poitrail du barbu, rien n’a plus d’importance que ces instants.

Rien n’a plus d’importance que sa petite famille.
Quand les mimines du fils s’accrochent à sa barbe, quand le sourire de sa fille égaye le matin, quand les yeux de sa belle se posent sur lui.
Ou quand, comme à cet instant, elle se hisse à hauteur de ses lèvres pour y appliquer les siennes et y déposer un petit baiser tout en délicatesse.
L’Acanthe partage et profite, il embrasse la petite Anna et libère le petit intrépide.


- Dis-moi ce qui ne va pas. Et surtout ne me réponds pas de ne pas m'inquiéter…..
Elle le connait son homme, il aurait répondu « C’est pas grave Aely, ne t’en fais pas ! » puis il aurait changé de conversation, il lui aurait parlé des enfants, des jardins ou de son journal.
Mais il sent bien que là il ne trouvera pas d’échappatoire, qu’il ne pourra pas remettre à plus tard la conversation.
La lettre du Petitbonhomme l’avait, dans un premier temps, comblé de bonheur. Et puis réflexions et cogitation faisant, il l’imaginait bien triste de ne plus voir ses parents ensemble, ils semblaient tellement heureux tous les trois. Pour l’Acanthe c’était inexplicable.

Sortant la missive, il la tend à sa Aely jolie avec sur le visage des mimiques qui hésitent entre la joie et la tristesse.

- J’ai reçu une lettre….de Petitbonhomme….il va bien....enfin……….
L’Acanthe soulage la mère du léger poids de leur fille, la prenant au creux de son bras.
- Il doit être triste le p’tit ! Ses parents sont plus ensemble……..pourtant ils étaient heureux, vraiment unis….j’comprends pas…..c’est pas qu’une chose éphémère l’amour ?

Il ne dira pas qu’en lisant la lettre il a fortement pensé à leur propre couple, à leur bonheur, à la crainte qu’il a sans cesse que tout ça se finisse un jour…..comme les parents du Petitbonhomme.
Il ne le dira pas, mais elle connaît trop bien son homme pour savoir les pensées qui traversent son esprit.
Passant une paluche dans la chevelure de sa femme, il dépose un baiser sur son front et l’entraine vers l’intérieur de la demeure, rappelant Kundera au passage. Pour le plus grand bonheur des pigeons.

- Dis Aely ! Tu m’aid’ras pour la réponse au Petitbonhomme ? Je sais pas quoi lui dire pour ses parents, j’ai pas les mots pour ça….surtout pour un enfant….j’ai peur d’être maladroit
Tu m’aid’ras mon amour !
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Aelyenor
Acanthe le calme, qui a toujours des histoires à raconter aux enfants, des histoires de loup. Son Acanthe avait la figure triste comme une affiche électorale, les cils papillotant comme ceux d'un hibou éveillé en pleine nuit.

Il tend la missive à la brune et enfouit son visage dans les cheveux de sa belle.

Au fur et à mesure de sa lecture elle ne peut s'empêcher à la fois de rire aux éclats et aussi de frémir pour assister de ses yeux à cette impuissante ironie du sort.

Fin de sa lecture. A en croire les mots du Petitbonhomme (et il faut les croire car la vérité sort de la bouche des enfants) et donc par déduction, on finirait par penser que tout le monde - hommes et femmes - sont déçus par leur brancard. Ils rêvent tous d'une autre souris ou d'un autre matou. Pour tout le monde le plus choucard, la plus chouette c'est l'autre, celui ou celle qu'il ou elle n'a pas eu.

Elle réfléchit Aely. Elle pense au gamin mais d'abord au Père Bonhomme. Il doit avoir une petite mine en ce moment, en train de relire les lettres d'amour fou que sa tendre et chère lui écrivit. Jadis. On ne devrait jamais relire des lettres d'amour quand l'amour qui les suscita s'est éteint. Elles paraissent d'un coup écrites en langue étrangère qui n'a cours que l'espace d'un instant, recueillant le débordement d'une passion pleine de foutre et de larmes, comme toutes les passions des hommes, de notre pauvre vie haletante, égarée, miséreuse.
Ah ce pauvre Père Bonhomme qui un instant avait pris feu, un instant dépassé dans le lyrisme éperdu de l'amour éperdu, lui qui ouvrit ses bras et elle qui se sauva. Lui qui savait tout le poignant du seul être qui manque et dépeuple tant, lui qui connaissait désormais la brûlure intarissable sur les joues en manque de baisers, lui qui était devenu autre pour avoir été lui-même dans sa recherche d'absolu.

Misère, pauvre de lui.

Ce dont elle a peur Aely c'est qu'il devienne méchant. Comprenez quoi. A force d'accumuler, à force d'être méprisé, cocufié ; ben ça enfle, ça fermente, ça émulsionne, ça veut sortir quoi, enfin, sortir d'un côté comme de l'autre.
Bon. On ne peut pourtant pas déféquer sur l'univers à longueur de vie ! L'intestin a ses limites si la vacherie humaine n'en a pas ! Alors faut que ça s'évade autrement. Et le plus bel exutoire, croyez-en tous les cocus pas contents, tous les battus endoloris, c'est dans la douleur des autres qu'on va le chercher et qu'on le trouve.

Tout a une utilité dans la vie. C'est ça la grande harmonie. Nous sommes conçus pour nous faire payer aux uns et aux autres le mal que nous nous faisons. Quelle aventure ! Le coup à portée de tous les poings, les larmes à la portée de tous les yeux...

Et le petit ? Faut le comprendre. C'est pas une bonne nouvelle et il le sait. C'est violent pour lui ; son désir et son besoin d'unité est brisé.
Ben quoi ! Ça doit lui coller un cafard intime, et puis ce sont bien ses parents qui ont porté sa présence au monde non ?

Pas la peine de rentrer dans les détails pour lui expliquer, ça ne ferait que l'anéantir.


- C'est bien triste tout ça mon Acanthe. Il y a beaucoup de tristesse dans cette missive. Mais tu vois, je pense à une chose ; s'ils se sentent pas trop lâches les parents, ils devraient lui annoncer ensemble qu'ils ne vivront plus tous les trois réunis, en évitant les trémolos dans la voix et les gros sanglots.
Pas simple. Faut dégager Petitbonhomme de ce conflit. Les parents boivent et les enfants trinquent. C'est bien connu. Il a besoin de repères cet enfant.

Alors tu sais quoi ? Explique-lui la situation avec des mots simples. Ne prends pas parti surtout, car il a quand même besoin de ses deux parents et sentir qu'ils l'aiment. Et puis rassure-le, parce-que j'ai comme dans l'idée qu'il se demande s'il n'est pas la cause de tout ce gâchis.
Plus un enfant est petit, plus sa maison est son repère. Alors si c'est son père qui est resté dans la maison, qu'il y reste également pour le moment afin qu'il ne perde pas ses habitudes de vie...le temps ensuite ne fera pas oublier la séparation mais il l'adoucira. Fais-lui confiance à ce salaud.


Une pause puis elle conclut.

- Non...réponds-lui sur le mode souriant. Envie-le. Dis-lui qu'il va avoir deux maisons et qu'il fera connaissance avec plein plein d'amis mais que ses parents seront toujours là pour lui.

Elle roule délicatement le pli et le range dans la poche de son homme.

- Allons, rentrons, il se fait tard.

Elle se pend à son bras, le regarde et sourit.

- C'est ça qui donne du piment à la vie. Nous vivons dans un monde si étrange que l'on est jamais certain de rien...ce dont je suis sûre, c'est que je t'aime.
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Ce n'est pas nous qui ne marchons pas droit, c'est le monde qui va de travers.
Acanthe
…….ce dont je suis sûre, c'est que je t'aime.
Si vous saviez….si vous saviez l’effet que ces quelques mots ont sur l’Acanthe. A cet instant précis il lui suffirait de pousser fort sur ses talons pour s’envoler.

Les mots elle les avait toujours à portée de bouche sa belle des vignes, à l’appel au secours de son taciturne d’homme elle répondait une fois de plus présente.
Elle avait les mots à portée de bouche et bientôt les lèvres de l’Acanthe, pour la remercier……parce qu’il l’aime tout simplement.
Parce que les lèvres de l’Aely c’est un peu de chaleur dans le froid qui s’installe, une douceur qui apaise bien des maux.


- Moi aussi Aely…..je t’aime et je sais qu’il n’y aura que toi…….
Une tendresse de paluche lui caresse la joue, la voix se fait un peu plus discrète…….même si un jour tu trouves le bonheur ailleurs, personne ne t’remplacera jamais…..

A peine la porte ouverte que le petit bout d’eux s’engouffre entre les parents et se précipite vers l’âtre où quelques braises rougeoient encore.
Pour s’y réchauffer ? Non, pour le réactiver.
Regardant les adultes, un sourire illuminant sa petite bouille, il les imite et glisse un morceau de bois à l’intérieur. Il a bien tenté d’y mettre une bûchette, mais malgré tous ses efforts seul un bout de branche n’a pu résister à la puissance du mouflet.
Il est fier ce petit Kundera, il fait comme les grands, comme ses parents qui le regardent avec dans les yeux tous l’amour qu’on peut y mettre.

Pour Anna c’est l’heure où le père n’a plus d’utilité, si ce n’est celle d’admirer la mère donnant le sein à leur fille.
Et il ne s’en prive pas le barbu, non pas pour se délecter de cette partie de corps bien cachée que sa Aely jolie ne dévoile que pour lui, bien que cette partie du corps de sa belle ne le laisse jamais indifférent, mais parce qu’il trouve toujours ces instants beaux.
Il se sent tout petit devant la scène, tout petit devant la relation qu’il peut y avoir entre une mère et son enfant. Tout petit devant cette relation qu’aucun père ne connaîtra jamais.

Elle donne la vie à son enfant et lui donne ensuite un peu d’elle chaque jour, à chaque tétée. C’est beau !
L’Acanthe se contente de caresser la tête de la petite Anna, si fragile enfant.

L’Aely avait raison pour le Petitbonhomme, dès que possible le barbu prendra plume et vélin pour lui répondre.


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Aelyenor
Alors je vais vous en annoncer une qui méritera d'être prise en considération et dans le sens de la hauteur : je ne compte pas vous faire rire avec cette tranche de vie.
Cauchon qui s'en dédit, comme disait l'évêque qui cherchait des crosses à Jeanne d'Arc et qui lui a fait le coup de la femme au foyer.


Tout avait commencé de la façon la plus innocente qu'il soit ; comme toujours. On fêtait le vin nouveau de Millau. Belle fête à l'Espinasse. Il y avait l'Acanthe, les petits et Aely bien évidemment. Gudrule et son amant Lapointe, Lona et Kikou...bref, que des beaux produits de la race humaine.

Le repas avait été copieux et soigné, jugez-en plutôt : du saucisson à l'ail véritable, poursuivi avec du gigot à l'ail agrémenté d'une poélée de carottes...à l'ail et conclu par une crème renversée, que la Grosse avait renversée d'ailleurs sur sa liquette.
Après ces agapes, personne n'osa respirer de peur de nous entr'asphyxier. Tout s'était déroulé dans la meilleure ambiance qu'il soit. L'euphorie était à son comble. le gars Lapointe s'occupait de la cuisse gauche de la Gudrule qui en gloussait d'aise et les enfants repus, avaient depuis longtemps rejoint le gars Morphée au pays des songes, lorsque un pigeon gris anthracite , presque noir, lesté à sa patte d'un vélin encombrant, se posta en face de l'Acanthe, messager du diable au demeurant, œil stupide de celui qui n'est responsable de rien, qui ne fait que passer l'information, à qui on ne peut pas répondre, qui s'en bat l'aile qui plus est .

Étrange, comme lorsqu'il s'agit de quelque chose d'intime, le pressentiment est de mise, Aely n'aimait d'emblée pas cette bête hormis à la broche.

Il fallait pourtant libérer ce piaf stupide, dont le seul talent était le sens de l'orientation, ou sa chair cuite...Puisque le bonheur ne pouvait pas durer, que la joie, cette radasse se faisait la malle à nouveau, l'amour de la brunette se leva et arracha presque le message de l'oiseau qui manqua ne plus jamais repartir. Le cachet venait de loin...
Il a une gueule pas possible le volatile. De celui qui veut se délecter de cadavres sur un champ de bataille. Crochu de partout le pigeon, du bec aux serres. Un dépeceur quoi, un arracheur d'entrailles, un briseur de bonheur, la hantise des cœurs purs, vilaine odeur d'outre-tombe. le méchant pigeon quoi qui n'y peut rien sans doute mais quand on regarde sa ganache on prie pour qu'il ne nous tombe pas dessus.
Oui le bonheur c'est une troussée, un moment éphémère. Le temps d'une nuit d'amour sur fond de réconciliation, remords et plus jamais ça. Faut pas rêver trop fort, juste ce qu'il faut et être prudent que sinon on se réveille et la réalité nous surprend, durement, quelle garce cette saleté ! Grise comme novembre...

Aely a compris. Les fêtes de Noël elle les passera seule avec ses enfants. Son homme va devoir partir...Certes elle s'y attendait, son barbu lui avait souvent parlé du moine, de l'ermite, de l'anachorète qui lui avait transmis moults réflexions sur la vie...


- Je suis avec toi mon ami...

Jusque là, rendez cette justice qu'Aely vous a toujours prêtée, elle a toujours tenu bon. Serré les dents, les poings et sa ceinture. Seulement il y a des cas dans la vie où le femme la plus forte, la mieux constituée, la plus courageuse, le plus téméraire, la plus...la plus...et la plus...* est obligée de mettre les pouces ailleurs que dans les entournures de sa houppelande.

Le ton n'y est pas. C'est joli de vouloir faire la mariolle, encore faut-il avoir le cœur à ça. Le cœur c'est ce qui manque le plus. Pour l'esprit ça marche tout seul. C'est automatique.

Ce brave Acanthe a la figure qui se congestionne. Il essaie de fermer ses yeux attendrissants de bon amant et de père attentif pour tenter d'oublier les misères de l'existence, mais dans ce cas présent la politique de l'autruche ne rend pas grand chose.
Aely le comprend à ce moment présent. La vie appartient à ceux qui ont du nez. L'existence ça ne se regarde pas, ça ne se bouffe pas, ça se renifle.

Lona et son amoureux lèvent le camp. Sans condescendance, respectueux, suivis de près par la Gud et Lapointe. L'intimité est de mise.


- Je dois y aller Aely souffle l'amour de la vie de la brune.Je suis ce que je suis grâce à lui. Qu'il m'ait envoyé ce parchemin est le signe que je comptais pour lui.
Même s'il ne partageait pas les concepts des différentes religions il en admirait certaine sagesse : "la vie n'est la vie que parce-qu'elle est la vie...te savoir heureux me permets de mourir heureux."


Comme il avait raison. Toutes les religions sont à base de prosternations et de psalmodiances, d'encens, d'offrandes et autres imbécilités du genre. L'homme il faut qu'il rampe, qu'il bouffe la poussière. Il croit servir Dieu en s'humiliant, en s'écrasant, alors qu'au contraire la seule manière de le servir c'est de dresser la tronche. Il n'y a qu'une vertu en ce monde : la charité ! Et la charité c'est quoi ? De la colère mes loulous. Uniquement de la colère. La charité consiste à s'indigner. C'est de l'intolérance la charité. La charité c'est pas de chialer sur la misère du monde, c'est de la combattre. La charité elle n'est pas humble mais belliqueuse. La charité c'est de l'amour, et en amour faut pas s'aplatir. On doit remuer pour l'agrément de la chose. La carpette ? Jamais ! Dieu a horreur des carpettes.

Puis il répète.

- Je dois y aller Aely. Mais sans vous. Là où je vais c'est trop dangereux. Je vais traverser des plaines faussement fertiles, gravir des rampes sinueuses, longé des précipices rocailleux. Je vais traverser des villages remplis de gamins tristes parce-que trop maigres, des femmes sans bonheur et des hommes résignés.
Des gens exténués, maigres à hurler, pointus de partout, couverts de pustules et de haillons gisant partout...et ces enfants au ventre énorme qui te regardent sans te voir. Le bide. Il n'y a rien de plus révélateur. Seuls les très riches et les très pauvres ont du ventre ici...mais pas taillés dans la même viande.


Sans un mot elle lui colle la petite Anna dans les bras. Kundera a compris et va serrer les jambes de son papa.

- Je vais atteler Héphaïstos. Dis à tes enfants que tu les aimes et que tu leur promets de revenir très vite.

Elle prit son temps Aelyenor pour harnacher son cheval. Le caressant, enfouissant sa tête dans son encolure.

- Tu repars pour longtemps mon joli. Prends soin de lui t'entends Hépha ? C'est un long voyage que vous allez faire tous les deux. Je veux vous revoir. Fais gaffe à lui et à toi...


* Le lecteur est trop enclin à la paresse intellectuelle. Afin de lui permettre de se dérouiller ses petites cellules grises, l'auteur prend des risques et lui permet de participer à cette œuvre en laissant des blancs à remplir.

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Ce n'est pas nous qui ne marchons pas droit, c'est le monde qui va de travers.
Lebarbu
Un solitaire souffrant d’être seul….le tableau n’est pas très reluisant.

Parce qu’il y a une nuance entre les deux, le solitaire cherche la solitude alors que la personne seule la subit.
Et depuis son départ précipité, l’Acanthe la subit cette solitude. Loin, bien trop loin de ses trois merveilles qui ne quittent pourtant pas ses pensées.
Il voudrait à cet instant entendre le rire de Kundera, voir le sourire d’Anna ou sentir le corps de sa Aely se serrer tout contre lui comme pour lui réchauffer le rêve. Mais de rêve il n’en fait même pas, le froid, bien trop froid ici, s’immisce dans la charrette et dans la chair du barbu grelottant.
Morphée cette nuit a pris la tangente en compagnie du marchand de sable.

Le matin, enfin, se décide à percer. Le ciel est un champ de bataille où quelques rayons de soleil parvenant à déjouer les nuages viennent claquer sur la toile de l’hippomobile et sortent l’Acanthe de sa torpeur.
De la lumière….de la chaleur dans l’air glacial et le pas d’Héphaïstos qui déjà arpente le pavé.
Pas le temps d’admirer le lever de soleil pour le barbu, il ne met de toute façon qu’en évidence la misère du lieu, la cruauté de la nuit qui laisse à même le sol les rescapés d’un avenir précaire.

Et voilà les souvenirs qui reviennent vaguer à l’âme, les mauvais, ceux d’avant.
Ceux que sa toute belle Aely a enveloppés de son amour pour les mettre de côté, loin de son homme, loin de leur bonheur.
Mais sans elle, sans leurs enfants, tous reviennent et se posent comme une charge sur les épaules pourtant solides de l’Acanthe.

Où peut-il bien être cet ermite ? Personne ne le sait, personne ne peut le renseigner.





Mon amour,

Pardonne-moi d’avance cette écriture tremblante et maladroite, je t’écris de la charrette qui cahote sur les chemins.
Je ne veux pas prendre le temps pour une fois, ce que je vois ici je l’ai déjà trop vu et enduré.

Je suis toujours à la recherche de l’ermite, il a toujours eu le don de se faire discret.
Certains me disent qu’il est parti, d’autres qu’il n’est jamais venu ici. Je ne sais plus où mener ma quête, je me dis qu’il doit être là où personne ne viendra le déranger.
Sa dernière volonté peut-être qu’il a émis il y a déjà quelques années.

Tu sais à quel point il a été important pour moi, sans lui il n’y aurait pas de nous, il n’y aurait pas Kundera et Anna. Il n’y aurait plus de moi sans doute.
C’est pourquoi je devais partir, je ne pouvais pas attendre. Mais tu le sais, tu ne m’as pas posé de questions.
Tu comprends mieux que personne cela, tu me comprends mieux que nul autre aussi. Mieux que moi-même parfois.
J’ai beau rôle de jouer les solitaires, mais je me rends compte de l’importance que l’autre a pour moi. Seul je n’avancerai pas.
Il y a eu lui, il y a toi aujourd’hui, toi qui m’as déjà tant appris, déjà tant offert.

Je me souviens d’une phrase qu’il m’avait dite un soir au coin du feu.
A l’époque je n’avais pas compris, comme souvent cela me semblait bien trop mystérieux et….que de simples mots je l’avoue.
Aujourd’hui elle prend tout son sens et je comprends ce qu’il a voulu me dire ce soir-là.
Il m’avait dit : N’oublie jamais cela Acanthe, chaque personne a deux vies et la deuxième commence quand on se rend compte que nous n’en avons qu’une !*
Je transmettrai tout ce qu’il m’a appris à nos enfants.

Tu me manques….les enfants me manquent, je ne peux vivre loin de vous et je veux profiter de chaque instant à vos côtés.
Pour toujours je serai là. Le reste m’importe peu, votre bonheur me suffit.

Je serai bientôt de retour ma Aely.

Je t’aime tant tu sais……….!
Ton Acanthe


*Confucius

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"Et par le pouvoir d'un mot, je recommence ma vie. Je suis né pour te connaitre, pour te nommer. Liberté !!! " Paul Eluard"
Lebarbu
L'Acanthe avait envoyé une annonce à clouer sur la porte de leur demeure, peut-être qu'un passant y jetterait un œil intéressé.


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"Et par le pouvoir d'un mot, je recommence ma vie. Je suis né pour te connaitre, pour te nommer. Liberté !!! " Paul Eluard"
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