Fleur_des_pois
Les prisons sont pleines d'innocents
Depuis qu'elle brigandait avec les siens, Fleur était riche. Plus riche qu'elle ne l'avait jamais été. Pour couronner le tout, elle avait récemment réussi à vendre une quantité folle de poisons et autres philtres. Autrement dit, Gaia croulait sous l'or.
C'était ce qui expliquait sa présence ici. A Paris.
Les voleurs sont attirés par les trésors. Et l'Ortie ne dérogeait pas à la règle. La brune aimait ce qui brillait. Ce qui était beau. Et en particulier les bijoux. Folie du jour, la Fée avait opté pour une bague. Une autre. Les joailliers prenaient cher. Mais qu'importe ! Gaia avait presque autant de moyens qu'une Dame de la noblesse. La pierre brillait de mille éclats. D'un bleu océan parfait, l'aigue-marine était montée sur un anneau d'argent. L'effet était magnifique. La pierre des marins, disait-on.
Il faisait chaud. Fleur avait délaissé ses robes aux tissus épais, et ne portait pas de bas. Chemise légère d'un blanc de nacre, et robe sans manche de lin rosée à la jupe très plissée constituaient sa tenue.
Assise sur les marches de Nostre-Dame, Gaia prenait le frais à l'ombre de la bâtisse. Dandelion à ses côtés profitait de la fraicheur des pavés. Nul doute désormais, l'été était bien là. Les dernières pluies de printemps étaient tombées récemment. Peut-être y en aurait-il encore. Mais Fleur refusait d'y songer. Elle aimait le soleil.
Tendant la main à sa gauche, Fleur fit miroiter sa bague sous les rayons solaires. Un sourire s'épanouit sur ses lèvres. Elle était semblable aux pies : fascinée par ce qui brillait.
Deux hommes firent irruption dans son champ de vision. Ils la détaillaient sans vergogne. Gaia leur adressa un léger signe de tête, amusée. La lueur lubrique dans leurs regards ne lui échappa pas. Communément, la Fée aimait séduire à tout venant. Pourtant aujourd'hui, elle n'en avait pas envie. Elle trouvait bien plus drôle de se moquer d'eux. Ils portaient l'épée au côté et l'uniforme des soldats de la Garde. Cela ne l'arrêta nullement. Bondissant sur ses pieds, Gaia s'approcha à petits pas dansants. Son chien estropié relevant la truffe pour la surveiller. Les deux hommes s'étaient arrêtés et l'attendaient.
Alors mes gros, lança la brune en souriant. Vous vous rincez l'il avant d'aller retrouver vos truies d'épouses ?
Ils l'observèrent, stupéfaits. Ils ne pipèrent mot, aussi continua-t-elle.
Oh, quoi ! Vous pensiez que j'allais vous faire des compliments ? Avec vos trognes de poissons morts et vos allures de cochons en robe de bal ? Vous rigolez !
Qu'est-ce tu...
Qu'est-ce que quoi ? T'avais pas encore compris que t'étais moche comme un pou et con comme une mouche ? Bah mon vieux, il était temps que tu me rencontres !
La suite fut prévisible : ils se sentirent insultés. Ils l'empoignèrent chacun par un bras. Gaia se débattit comme elle le put, mais ils étaient plus solides que le roc. Dandelion les suivaient quelques pas en arrière. La route ne fut pas longue. Le trio longea la Seine sans que la Fée ne cesse de gesticuler. Ils passèrent devant l'Hostel-Dieu et bifurquèrent à droite, puis plus loin à gauche. Et parvinrent enfin à destination. La Conciergerie et ses odieux cachots.
Vous plaisantez, n'est-ce pas ?
Les poissons morts, ça plaisante jamais.
Mais je disais ça pour rire !
Bah tu vas aller rire en cellule. Jusqu'à d'main chez les pailleux ! A moins que t'ais un sous pour qu'on t'loge dans une cellule 'vec des lits ?
Vous faites commerce de tout, hein ?
Aucune réponse, d'un côté comme de l'autre. Grognant, Fleur plongea la main dans sa besace. En sortit une bourse qu'elle soulagea d'un écu.
Oublie pas ton chien. C'est deux sous si tu veux qu'il vienne.
Bande de voleurs ! éructa-t-elle en balançant un second écu.
L'Ortie fut de nouveau empoignée, mais elle se dégagea. Elle tenait à rester digne. Et marcha vers sa cellule comme une reine marcherait vers l'échafaud. Elle était royale, sans aucun doute.
La porte grinça dans son dos, et Dandelion aboya à plusieurs reprises. La pièce était noire. Et ne respirait pas la propreté absolue. Cependant le soupirail déversait un pauvre rayon lumineux. Elément non négligeable. Le jour ne tarderait pas à tomber. Et alors, elle serait plongée dans l'obscurité la plus totale.
Visiblement, Gaia était seule. Pas d'autres détenus. Prenant place sur un lit de fortune, le Lutin fit monter son chien à ses côtés. Fouillant dans sa sacoche, la prisonnière en sortit sa gourde en peau de chèvre. Une lampée de gnôle d'ortie plus tard, elle se sentait déjà mieux.
On n'enferme pas les gens parce qu'ils font des blagues ! beugla-t-elle. Comment je pouvais savoir, moi, qu'ils étaient susceptibles, ces deux têtes de fion ?
Humiliée. Elle était humiliée. C'était bien la première fois de sa vie qu'elle se trouvait enfermée de la sorte. Mais la vengeance se ferait sentir. En attendant... Gaia se mit à chantonner. Il fallait bien passer le temps !
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- {Paris - le 07 Juin 1461}
Depuis qu'elle brigandait avec les siens, Fleur était riche. Plus riche qu'elle ne l'avait jamais été. Pour couronner le tout, elle avait récemment réussi à vendre une quantité folle de poisons et autres philtres. Autrement dit, Gaia croulait sous l'or.
C'était ce qui expliquait sa présence ici. A Paris.
Les voleurs sont attirés par les trésors. Et l'Ortie ne dérogeait pas à la règle. La brune aimait ce qui brillait. Ce qui était beau. Et en particulier les bijoux. Folie du jour, la Fée avait opté pour une bague. Une autre. Les joailliers prenaient cher. Mais qu'importe ! Gaia avait presque autant de moyens qu'une Dame de la noblesse. La pierre brillait de mille éclats. D'un bleu océan parfait, l'aigue-marine était montée sur un anneau d'argent. L'effet était magnifique. La pierre des marins, disait-on.
Il faisait chaud. Fleur avait délaissé ses robes aux tissus épais, et ne portait pas de bas. Chemise légère d'un blanc de nacre, et robe sans manche de lin rosée à la jupe très plissée constituaient sa tenue.
Assise sur les marches de Nostre-Dame, Gaia prenait le frais à l'ombre de la bâtisse. Dandelion à ses côtés profitait de la fraicheur des pavés. Nul doute désormais, l'été était bien là. Les dernières pluies de printemps étaient tombées récemment. Peut-être y en aurait-il encore. Mais Fleur refusait d'y songer. Elle aimait le soleil.
Tendant la main à sa gauche, Fleur fit miroiter sa bague sous les rayons solaires. Un sourire s'épanouit sur ses lèvres. Elle était semblable aux pies : fascinée par ce qui brillait.
Deux hommes firent irruption dans son champ de vision. Ils la détaillaient sans vergogne. Gaia leur adressa un léger signe de tête, amusée. La lueur lubrique dans leurs regards ne lui échappa pas. Communément, la Fée aimait séduire à tout venant. Pourtant aujourd'hui, elle n'en avait pas envie. Elle trouvait bien plus drôle de se moquer d'eux. Ils portaient l'épée au côté et l'uniforme des soldats de la Garde. Cela ne l'arrêta nullement. Bondissant sur ses pieds, Gaia s'approcha à petits pas dansants. Son chien estropié relevant la truffe pour la surveiller. Les deux hommes s'étaient arrêtés et l'attendaient.
Alors mes gros, lança la brune en souriant. Vous vous rincez l'il avant d'aller retrouver vos truies d'épouses ?
Ils l'observèrent, stupéfaits. Ils ne pipèrent mot, aussi continua-t-elle.
Oh, quoi ! Vous pensiez que j'allais vous faire des compliments ? Avec vos trognes de poissons morts et vos allures de cochons en robe de bal ? Vous rigolez !
Qu'est-ce tu...
Qu'est-ce que quoi ? T'avais pas encore compris que t'étais moche comme un pou et con comme une mouche ? Bah mon vieux, il était temps que tu me rencontres !
La suite fut prévisible : ils se sentirent insultés. Ils l'empoignèrent chacun par un bras. Gaia se débattit comme elle le put, mais ils étaient plus solides que le roc. Dandelion les suivaient quelques pas en arrière. La route ne fut pas longue. Le trio longea la Seine sans que la Fée ne cesse de gesticuler. Ils passèrent devant l'Hostel-Dieu et bifurquèrent à droite, puis plus loin à gauche. Et parvinrent enfin à destination. La Conciergerie et ses odieux cachots.
- {Prison de la Conciergerie}
Vous plaisantez, n'est-ce pas ?
Les poissons morts, ça plaisante jamais.
Mais je disais ça pour rire !
Bah tu vas aller rire en cellule. Jusqu'à d'main chez les pailleux ! A moins que t'ais un sous pour qu'on t'loge dans une cellule 'vec des lits ?
Vous faites commerce de tout, hein ?
Aucune réponse, d'un côté comme de l'autre. Grognant, Fleur plongea la main dans sa besace. En sortit une bourse qu'elle soulagea d'un écu.
Oublie pas ton chien. C'est deux sous si tu veux qu'il vienne.
Bande de voleurs ! éructa-t-elle en balançant un second écu.
L'Ortie fut de nouveau empoignée, mais elle se dégagea. Elle tenait à rester digne. Et marcha vers sa cellule comme une reine marcherait vers l'échafaud. Elle était royale, sans aucun doute.
La porte grinça dans son dos, et Dandelion aboya à plusieurs reprises. La pièce était noire. Et ne respirait pas la propreté absolue. Cependant le soupirail déversait un pauvre rayon lumineux. Elément non négligeable. Le jour ne tarderait pas à tomber. Et alors, elle serait plongée dans l'obscurité la plus totale.
Visiblement, Gaia était seule. Pas d'autres détenus. Prenant place sur un lit de fortune, le Lutin fit monter son chien à ses côtés. Fouillant dans sa sacoche, la prisonnière en sortit sa gourde en peau de chèvre. Une lampée de gnôle d'ortie plus tard, elle se sentait déjà mieux.
On n'enferme pas les gens parce qu'ils font des blagues ! beugla-t-elle. Comment je pouvais savoir, moi, qu'ils étaient susceptibles, ces deux têtes de fion ?
Humiliée. Elle était humiliée. C'était bien la première fois de sa vie qu'elle se trouvait enfermée de la sorte. Mais la vengeance se ferait sentir. En attendant... Gaia se mit à chantonner. Il fallait bien passer le temps !
Titre sujet en référence au célèbre Pont des Soupirs de Venise.
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