--Rollon.
Déjà plusieurs décennies que le Rollon vivotait dans ce que était pour lui lenfer sur terre, la Bretagne. Tout au long de ces multiples années il navait de cesse de se remémorer les verts pâturages quasi fluo parsemés de vaches de son cher et tendre pays, la Normandie. De temps en temps il se demandait même pourquoi il ny était jamais retourné une fois désoccupé mais sans tarder il se souvenait alors des créances et hommes louches quil avait laissé là bas et lachait un petit sanglot geignard divrogne à ce détail.
Bling bling bling
Quelques piécettes heurtèrent le fond du godet en cuivre prévu à cet effet. Il fit un sourire quasi édenté à la dame qui venait de lui faire laumône et ne cessa pas quand elle lui rendit un regard dégouté et tournait les talons.
« Oh mci bien Dame, LTrès Haut vous bénisse ! Une sainte parmi les saintes ! »
Cétait le même refrain à chaque fois, il déclamait machinalement ses mièvres remerciements tout en comptant discrètement la somme que lon lui avait accordé. Que celle-ci fut convenable ou non, il ne se gênait pas ensuite pour barbouiller dobscénités via la pensée, les participants à ses revenus faciles.
Une heure plus tard, alors que le jour commençait lentement à décliner, le vioc se félicita comme de coutume de sa récente trouvaille. Assit comme il était, son capuchon abaissé qui ne laissait paraitre que le bas de son visage, la jambe droit repliée de moitié sous ses fesses et le genou bandé à la manière dun moignon, il aimait à se faire passer pour un vétéran abimé des guerres Ponantaises, le filon était plus que fructueux et cette journée en était lun des nombreux exemples. Sil avait su que ça gagnait autant, il naurait jamais eu lidée dans le temps de travailler comme valet Enfin bon.
Il compta une dernière fois sa monnaie puis heureux du résultat, entreprit de retirer son faux bandage tout en sifflotant lair dune chanson paillarde. Avec la somme quil avait gagné plus ce quil lui restait des autres jours, il avait déjà prévu le programme de la soirée. En bon normand il irait dabord picoler de tout son saoul et soffrirait même le luxe dune bonne tranche de barbaque ! Mais le meilleur restait pour la fin, le ventre plein et lhaleine alcoolisée, il irait ensuite avec ce quil lui resterait décus, se payer quelques gâteries expertes de la grosse Madezig LRollon en salivait davance.
Joyeux donc, il avait remballé ses affaires et toujours sifflotant, sétait engagé dans les ruelles de la ville. Le normand anticipait tellement sa « pure soirée » quil en oubliait même de regarder devant lui et bien mal lui en prit.
« Gloups. »
«Hey mon vieux ! Ca tombe bien on tcherchait ! Tas du retard au niveau dtes points dfidélité. »
Les deux hommes qui lui barraient le chemin étaient plus jeunes que lui mais pas forcement mieux bâtit. Pour autant, les dagues qui pendaient à leurs ceintures leur donnaient le charisme suffisant pour risquer de souiller ses braies.
La sueur commençait déjà à couler sur son front, son teint avait viré au blanc et lenvie de soulager sa vessie de plus en plus pressante à chaque pas que faisaient ses créanciers pour le rejoindre. Honnête homme ou à la rue, il fallait toujours quon vous préleva des taxes sur vos revenus Foutu monde que celui la.
« B bah..bah on peut pas sarranger dites ? Un délai dune semaine ? Allez, soyez chics té !... »
Son état de stress grimpa crescendo quand de lhilarité, ses agresseurs dégainèrent leurs dagues en affichant de larges sourires sadiques et sa vessie donna de violents signes de vie quand une donzelle aux tifs rasés et à laspect fantomatique fit son apparition tel lange de la mort venant réclamer son dû.
« Aaargh ! »
Il secoua la tête tout en glapissant quand son regard affolé sattarda sur lobjet que se trimballait la passante zombifiée Une arbalète !? La faucheuse avait-elle choisi la facilité en se procurant une arme à distance ou bien était-ce une de ces mercenaires timbrées comme on pouvait en croiser sur les routes ?... Il opta pour la deuxième solution, sauvegardant pour loccasion le peu de santé mentale quil lui restait.
« Heeeppp !! TOI !!! Aide moiii !! Jpaye !!! »
Reprenant un semblant de courage alors que les deux zigs sapprochaient toujours de lui, il fit de grands gestes en direction de la passante.
Sa vessie lâcha.
Au pire il clamserait en ce début de soirée. Souillé et honteux comme il létait ça larrangerait ptêtre