Minah
[Paris, quelque part, un jour, encore filé en douce pour éviter les corvées]
Les doigts courtauds se promenèrent une énième fois sur la missive, comme pour appréhender chacun des grains du mauvais papier.
Il était rare que la petite bête reçoive des lettres, et plus rare encore que celles-ci ne finissent pas en papier-du-ptit-coin-derrière-les-buissons. Il fallait dire que Minah ne savait pas lire. La personne qui lui avait envoyé le pli ne le savait pas non plus. Elle avait probablement payé un écrivain public moins cher encore que celui qui lavait lu pour lestropiée destinataire.
La manchote avait fait répéter chaque mot tant de fois quelle savait par cur ce qui était couché sur le parchemin bon marché. En substance, cela donnait quelque chose comme ça
Chére Mina,
Jai plu dargen que tu ma laissé en partan é tu men a pa envoyer dautre. Tu mavé pourtan di que tu seré bien payer au service dune noble. Tu test pas fait couilloné pour la paye, dit-moi ? Ou tu veu laissé creuver ta vieille mémé adoré ?
Jai tous dépenser en gnole et pis pour la petite monnaie quil faut donné en sortant de la maison toute fermé avec des jeunes messires dedans. Maintenant je mennui.
Joré mieu fé de resté au village, je suis sur que ta mère maurait caché dans la cave, le prêtre maurait pas trouver.
Puisque cest comme sa, je vais te rejoindre ou tu travaille, sa te fera les pied. Et si je meure en cheumin, Dieu tenverra chez le San-nom et les fées te mangerons les yeux.
Gros bisou
Mémé Glaviotte
Gros soupir. La famille, cétait vachement encombrant parfois.
Quand elle était entrée au service de la Rouge, la Châtaigne avait laissé mémé dans le Maine, se disant que la vieille létait trop pour un long voyage de plus.
Lancêtre Lebergier lui faisait payer sa jeune condescendance. Même de loin, elle savait être insupportable.
Et comment Minah allait-elle faire, si mémé Glaviotte mettait ses projets à exécution ? Comment expliquer à la patronne, rapiate comme elle létait, quil y aurait une bouche de plus à nourrir et quen plus cétait une bouche utile à rien dautre que chanter des chansons cochonnes ?
Peut-être pouvait-elle convaincre mdame Scath que cétait une gardienne parfaite pour le futur moufflet ? Elle ne pouvait pas donner la tétée, voilà tout.
Horripilée, la manchote fourra la lettre dans sa besace.
Rah ! Que lSans-Nom patafiole tous les Lebergier dla terre ! Grogna-t-elle en tapant du panard sur le pavé. Puis, se souvenant quelle était dans le tas, elle ajouta : surtout les vieilles biques libidineuses !
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Les doigts courtauds se promenèrent une énième fois sur la missive, comme pour appréhender chacun des grains du mauvais papier.
Il était rare que la petite bête reçoive des lettres, et plus rare encore que celles-ci ne finissent pas en papier-du-ptit-coin-derrière-les-buissons. Il fallait dire que Minah ne savait pas lire. La personne qui lui avait envoyé le pli ne le savait pas non plus. Elle avait probablement payé un écrivain public moins cher encore que celui qui lavait lu pour lestropiée destinataire.
La manchote avait fait répéter chaque mot tant de fois quelle savait par cur ce qui était couché sur le parchemin bon marché. En substance, cela donnait quelque chose comme ça
Chére Mina,
Jai plu dargen que tu ma laissé en partan é tu men a pa envoyer dautre. Tu mavé pourtan di que tu seré bien payer au service dune noble. Tu test pas fait couilloné pour la paye, dit-moi ? Ou tu veu laissé creuver ta vieille mémé adoré ?
Jai tous dépenser en gnole et pis pour la petite monnaie quil faut donné en sortant de la maison toute fermé avec des jeunes messires dedans. Maintenant je mennui.
Joré mieu fé de resté au village, je suis sur que ta mère maurait caché dans la cave, le prêtre maurait pas trouver.
Puisque cest comme sa, je vais te rejoindre ou tu travaille, sa te fera les pied. Et si je meure en cheumin, Dieu tenverra chez le San-nom et les fées te mangerons les yeux.
Gros bisou
Mémé Glaviotte
Gros soupir. La famille, cétait vachement encombrant parfois.
Quand elle était entrée au service de la Rouge, la Châtaigne avait laissé mémé dans le Maine, se disant que la vieille létait trop pour un long voyage de plus.
Lancêtre Lebergier lui faisait payer sa jeune condescendance. Même de loin, elle savait être insupportable.
Et comment Minah allait-elle faire, si mémé Glaviotte mettait ses projets à exécution ? Comment expliquer à la patronne, rapiate comme elle létait, quil y aurait une bouche de plus à nourrir et quen plus cétait une bouche utile à rien dautre que chanter des chansons cochonnes ?
Peut-être pouvait-elle convaincre mdame Scath que cétait une gardienne parfaite pour le futur moufflet ? Elle ne pouvait pas donner la tétée, voilà tout.
Horripilée, la manchote fourra la lettre dans sa besace.
Rah ! Que lSans-Nom patafiole tous les Lebergier dla terre ! Grogna-t-elle en tapant du panard sur le pavé. Puis, se souvenant quelle était dans le tas, elle ajouta : surtout les vieilles biques libidineuses !
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