Ria

Depuis combien de temps vivait-elle ici ? Bien longtemps à présent. Elle avait connue Kokura peu avant sa prise par Otomo et s’il y avait bien une constatation qui venait, c’était que les choses avaient irrémédiablement changées. Ceux qui avaient été l’âme de ce village paisible mais non moins vivant n’étaient plus et Ria le déplorait un peu plus chaque jour. Non pas qu’elle ait eue une quelconque préférence sur la politique menée, ça, elle le laissait à ceux qui n’avaient rien d’autre à faire que de se déchirer. Elle se qui lui manquait c’était cette vie discrète mais bien établie ou l’on se rencontrait dans les gargotes autour d’un bol de thé ou d’une coupelle de saké. Les conversations aimables où les voyages, le goût des arts et de la culture ancestrale étaient encore de mises. Chacun discutait de ses projets, de ses rêves…
Qu’était-il arrivé à ce peuple si fier de ses origines et de ses coutumes ? La lassitude probablement. La même qu’elle éprouvait de plus en plus souvent.
Les nouvelles générations n’avaient plus que faire de tout ça. Trouver l’âme sœur en un laps de temps trop court pour dire bonjour ou même apprendre à découvrir l’autre, pour finir dans les larmes et les injures. La majorité voulait tout, tout de suite et sans le moindre effort à fournir. C’était d’un triste…
Et la vie poursuivait son cours au Tengu immaculé. La routine avait finie par s’installer, parfois égayée par la visite d’Asami et sa petite famille. Celle de Ria s’était vue amputée d’un membre. Himi était depuis de long mois recluse au sanctuaire et les rares nouvelles ne comblaient pas le vide laissé par la fillette. Cette enfant que Ria avait souhaitée en secret bien avant qu’elles ne se rencontrent sur la place du marché. Un don des kamis pour compenser ce que son ventre refusait de porter plus de deux lunes. Blessure secrète dont elle n’avait jamais parlé et qui la poussait à s’épuiser dans le travail pour ne plus y penser.
Quand elle n’était pas à aider à la carrière de pierres ou à tenir la gargote aussi propre que possible, elle s’installait à sa table de travail. De son voyage en Oda et de l’idée lancée par Tsune, elle avait gardée le goût du travail du bois et si elle ne prétendait pas rivaliser avec les grands maitres, elle était assez fière de ses créations. Objets de toutes sortes qui ne verraient probablement jamais autre chose que les boites où ils étaient entreposés, mais qu’importe, les longues journées consacrées à leur réalisation lui apportaient satisfaction.
Elle ne comptait plus les peignes, achevés ou non, à deux dents, traditionnels ou plus fantaisistes, aux décors simplistes ou plus détaillés. Aucun ne seraient portés, elle-même n’était pas assez coquette pour s’en parer et les occasions étaient trop rares pour se permettre pareil luxe. Les outils que lui avait fournis Tsune lui avaient permis d’affiner ses tracés, les rendant plus subtiles, plus réalistes.
Le chat roulé en boule sur ses genoux, elle observait le lent ballet des pétales que la brise faisait voleter. Peut-être que la vie reprendrait avec les beaux jours. Peut-être…