Ria
Le regain dénergie retrouvée par larrivée de la fillette avait été coupé dans son élan par une bête histoire. Depuis lors, langoisse navait cessée de la tenailler, lempêchant de manger et la tenant éveillée une bonne partie de la nuit. Linquiétude mais également une rage sourde dêtre encore et toujours tenue responsable de choses dont elle ne pouvait rien. Comment aurait-elle pu prévoir que des propos anodins allaient être détournés pour une plaisanterie de mauvais goût ? Elle navait pas cachée sa désapprobation auprès de lauteur du méfait ni même sa colère le lendemain lorsque le sujet de raillerie était parti sans un mot. Des semaines defforts réduites à néant par un manque de respect quelle ne sexpliquait pas. Et son état avancé nétait pas fait pour laider à encaisser le coup avec plus de facilité.
Sil ny avait eut Fleur, elle se serait probablement laisser aller au désespoir qui tentait de la submerger. Mais voilà, linstinct maternel avait réussi à prendre le dessus et remettant à plus tard son désir disolement et de tout abandonner, Ria faisait de son mieux pour la fillette.
La petite Fleur reprenait un peu dallure. Les vêtements neufs et les bains quotidiens avaient eut raison dune partie de son état misérable. Lappétit semblait également être bon et il ne faisait aucun doute que lenfant reprendrait un peu de poids en peu de temps.
En outre, elle semblait dotée dun heureux caractère et bien quelle fût seulement âgée de cinq ans, sa compagnie était toujours agréable. Curieuse de tout, elle sexprimait librement et poliment sans toutefois faire montre de trop de vivacité. Une enfant comme les aimait Ria, enjouée et respectueuse de ce qui lentourait. Et la voir évoluer dans la gargote redonnait un semblant déquilibre à la future mère parfois un peu trop malmenée par les événements.
Bien que Ria soit encore fâchée avec laveugle, elle laissait Fleur passer du temps avec lui. Il était attentionné et patient avec la fillette qui semblait sêtre attachée à ce vieil homme. Chaque jour, ils se retrouvaient pour de longues promenades agrémentées de discutions au gré des questionnements de Fleur. Cela ne pouvait pas faire de mal à lenfant et cela permettait également à Ria de soccuper de la gargote.
Ce jour là, alors que Ria revenait de larrière cours, elle fût surprise de trouver du monde dans la grande salle. Elle reconnue Umi-san et de là, en déduisit que lhomme et la femme étaient les parents de la fillette. Si Ria avait déjà eu loccasion de les apercevoir, cétait toujours de loin et elle aurait été bien en peine de les remettre hors contexte sans la présence de la jeune femme qui était en charge de lenfant.
Savançant à leur rencontre elle les salua aussi respectueusement que son ventre le lui permettait encore.
Konnichi wa et bienvenu au Tengu Immaculé.
Souriant doucement, elle ajouta :
Ravie de vous revoir Umi-san.
La nervosité de la mère était palpable aussi Ria nattendit pas pour la renseigner.
Fleur est sortie un petit moment mais elle ne devrait pas tarder à rentrer. Si vous voulez lattendre ici, le thé sera bientôt prêt. Je vous en prie, prenez place.
Elle se doutait quil ne serait pas facile pour des parents séparés depuis longtemps de leur enfant de rester sagement à attendre, mais ne sachant où exactement étaient parti lenfant et laveugle pour leur promenade ce jour là, il lui paraissait plus raisonnable de les faire attendre là. Il aurait été stupide de leur faire courir tout le village et de voir la fillette arriver de son coté.
Benjisama
Depuis l'instant où son épouse lui avait mis le morceau de tissu entre les mains, tissu qu'il reconnût pour être celui qu'il avait utilisé pour confectionner le premier kimono de leur fille, l'esprit de benji avait été on ne peut plus perturbé...
Ce pouvait-il que leur fille, loin d'avoir disparu à l'étranger ait été prise par des Otomo jins ? Ce pouvait-il que la jeune fillette dont on leur avait parlé était réellement leur fille ?
Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir...D'un commun accord, ils partirent donc avec Umi en direction de Kokura, ville qui recelait tous leurs espoirs... Le voyage fut très rapide, tant leur désir d'être définitivement au courant les tenaillait...
Une fois arrivés à Kokura, ils trouvèrent assez rapidement la gargote qui abritait leur présumée fille.
Le cur rempli d'espoir, ils pénétrèrent dans la gargote, croyant innocemment que leur fille les attendait bien sagement et qu'elle se jetterait à leur cou dès qu'ils auraient franchi le pas de la porte...
Rien n'était moins vrai....la gargote était vide et ils se retrouvèrent comme trois statues au beau milieu de la pièce, se demandant lentement si toute cette histoire n'avait pas été inventée...
Alors qu'ils regardaient autour d'eux, ils virent une personne entrer dans la pièce, s'incliner devant eux et leur souhaiter la bienvenue au Tengu immaculé...
Ils s'inclinèrent également et Benji s'apprêtait à poser une question qui lui brûlait les lèvres lorsque la tenancière répondit d'elle même à sa question non posée...
Fleur est sortie un petit moment mais elle ne devrait pas tarder à rentrer. Si vous voulez lattendre ici, le thé sera bientôt prêt. Je vous en prie, prenez place.
A la citation du nom, Benji tiqua... quelles étaient les chances que ce ne soit PAS leur fille, et si ce n'était pas elle, comment sakurra supporterait-elle cela...comment lui le supporterait-il ?
Ils avaient mis tant d'espoir, tant d'envies refoulées dans ce rouleau tombé du ciel...
A grand peine, il parvint à dire quelques mots..
"Domo arrigato pour votre accueil, nous sommes honorés par votre gentillesse.... Nous ferons comme vous le dites et nous attendrons donc l'arrivée de not...de Fleur avec vous. Domo arrigato pour le thé..."
Il avait voulu dire notre fille mais tant qu'il n'en était pas certain, il ne voulait pas laisser son cur ni son esprit jubiler....Il espérait simplement que cet enfant serait vraiment leur fille car dans le cas contraire...
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Ria
Il nétait nul besoin davoir une grande imagination pour comprendre linquiétude et les sentiments contradictoires qui agitaient les parents. Elle-même aurait eut bien du mal à tenir en place, malgré son ventre proéminent, si on était venu lui annoncer le retour dHimi.
Saffairant à la préparation des boissons et de quelques galettes de riz au miel comme il lui était habituel doffrir en guise de bienvenue, elle répondit :
Je suis honorée de vous rencontrer tout deux.
Vous navez pas à me remercier, vous en auriez fait autant.
Disposant saké, thé et galettes sur leur table, elle leur laissa le choix de consommer ce quils souhaitaient.
Fleur se porte bien. Elle semble avoir manquée de soins et de nourritures en suffisance mais cest une enfant vive desprit et très agréable.
Elle avait été la première à être agréablement surprise par ce petit bout de fillette au sourire facile et à lélocution aimable.
Depuis que je vous ai fait parvenir un message, elle ne cesse de me demander si jai reçue réponse. Elle se fait véritablement une joie de vous revoir enfin.
Quil avait été doux de soccuper de lenfant depuis son arrivée. Retrouver les gestes dune mère envers sa fille, les taquineries affectueuses et ce sentiment dêtre à sa place. Elle sétait attachée à Fleur tout en gardant à lesprit que la fillette ne resterait pas. Et si Ria enviait un peu le bonheur des retrouvailles, elle nen était pas moins heureuse pour cette famille.
Souriant doucement et sattachant à parler le plus possible pour ne pas les laisser dans le silence angoissant de lattente, elle leur conta ce que lenfant avait raconté à son arrivée. Lenlèvement, les durs travaux et sa fuite avant de se retrouver sur la plage de Kokura.
Elle ne put taire son admiration et son affection pour Fleur, voyant peu à peu la fierté animer les regards des parents.
Benjisama
L'attente était intolérable...Torturé qu'il était par ses déboires et par cette attente surhumaine que leur imposait la vie, Benji ne cessait de regarder vers la porte de l'établissement, s'attendant à voir entrer à tout moment une Fleur émaciée, le teint cireux, pointant son doigt maigrelet en sa direction tout en disant:"Pourquoi m'as-tu abandonnée Otosan"
Il crevait d'envie de prendre son épouse dans ses bras mais un seul regard suffit à le faire changer d'avis...c'est vrai que de nombreuses choses avaient changés en trois ans, trop de choses...
Il était toujours enfoncé dans ses pensées lorsque l'enfant parut...Ebahi, estomaqué, le cur serré, il la vit entrer dans la taverne du haut de ses quoi ?? ...5 ans maintenant. il la reconnut de suite, comme sakurra d'ailleurs et l'enfant reconnut immédiatement sa mère....Les liens entre mère et fille sont ainsi faits que même des années de séparation ne pouvaient mentir
Il vit la gamine foncer vers Sakurra, se blottir dans ses bras tandis que la mère ne cessait de l'embrasser, de la cajoler, de lui caresser les cheveux.
Un spectacle inoui, intense, empli de bonheur...un spectacle que Benji aurait nettement mieux apprécié si....
Fleur, toujours embrassée à tout va par sa mère, tourna la tête vers lui et le dévisagea du haut de ses 5 ans...fronçant légèrement ses sourcils... le regard se fit perçant comme si la gamine tentait de comprendre ce qui était arrivé.
Il lui répondit d'un sourire qu'il se voulut franc...et sentit une larme perler sur sa joue...Larmes de joie ? ou larme de tristesse ? Qui sait ? Le fait était peut être qu'il s'agissait des deux en même temps
Quelques instants plus tard Umi san entra également et Fleur lui fit une énorme fête, ce qui fit sourire Benji...
La suite de la soirée fut un concert de rires et de babillages entre femmes et enfants, dont Benji ne tenta même pas de se mêler, regardant de ses yeux vides de toute expression, le bonheur qui s'était installé entre mère et fille.
Il sourit lorsque Fleur monta sur ses genoux, enfin délaissée quelque peu par sa mère, il ferma les yeux lorque l'enfant l'embrassa tendrement puis...elle repartit bien vite se calfeutrer entre les bras de sa mère...laissant son Otosan plein de remords...
Le soir tombant, il prétexta une grosse fatigue pour laisser mère et fille entre elles...il fonça dans les escaliers et s'enferma dans sa chambre, laissant libre cours à son désespoir... Demain serait un autre jour, demain oui....
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Ria
Telle la main droite
Dune sage-femme
La feuille dérable en automne
[Samboku]
Peu à peu la vie reprenait ses droits à Kokura et lautomne apparaissait comme le prélude dun renouveau auquel plus personne navait espéré. Elle-même prenait un infini plaisir à encourager les nouveaux arrivants à faire de leur village un lieu de paix et dharmonie. Tous avaient des personnalités différentes, des aspirations propres à leur caractère mais leffort était commun pour que la bonne entente perdure. Les rires étaient spontanés, tout comme certaines taquineries mais bien souvent, les conversations se faisaient sérieuses où chacun débattaient de son point de vue ou expérience. Le tout se faisait dans le respect de lautre et rappelait à Ria les longues nuits de conversation avec Tsune lorsquils sétaient connus. Même ce sujet là lui était moins douloureux. Ses sentiments restaient ce quils avaient toujours été, cependant, peu à peu, Ria trouvait le recul nécessaire pour la paix de son cur. Vivre pour elle-même et non plus à travers lui, même si parfois encore, elle espérait quil soit fier delle.
Et avec tout ça, elle en arrivait même à oublier ses doutes et ses peurs quant à lenfantement qui se rapprochait de jour en jour. Les petits désagréments liés à son état étaient toujours présents mais elle les acceptait comme un bien, profitant pleinement de chaque instant. Choyée sans excès, entourée damitiés saines, Ria sépanouissait au contact de ces autres quelle avait trop longtemps tenue à distance de son cocon. La vie était belle, même si la rumeur de nouveaux combats se propageait et loptimisme était quelque chose de contagieux.
Même bébé Tengu, comme elle se plaisait à le nommer, sen donnait à cur joie le soir venu. Sil bougeait moins souvent, les mouvements étaient plus virulents et elle samusait des déformations que cela provoquait à la surface de son ventre. On lui avait dit que les liens se faisaient par le sang mais également par les gestes au quotidien. Vrai ou non, elle ne pouvait nier se sentir privilégiée quand lenfant semblait venir se blottir contre sa main. Il lui tardait à présent de pouvoir le toucher réellement, le blottir contre elle et partager cette tendresse dont elle débordait à tout moment. Fille ou garçon, avec ou sans Tsune, cet enfant serait le centre de ses préoccupations et le moteur de sa vie future.
Un léger sourire vint étirer ses lèvres au contact du chat contre ses jambes. Sappuyant à la poutre de soutient de la petite terrasse bordant sa chambre, elle offrit son visage à la brise légère et au timide soleil, senivrant des senteurs de lautomne.
La journée sannonce belle Neko. Fraiche, mais belle.
Ria
Viennent voletant
des feuilles mortes dailleurs
lautomne sachève
[Masaoka Shiki]
Fatigue, impatience, angoisses
Elle comptait les jours à présent, tentant de se reposer au mieux malgré les différents désagréments liés à son état. Son corps avait pris des proportions quelle naurait jamais crues possible et le simple fait de rester debout ou de marcher trop longtemps lépuisait. Moralement, ce nétait guère mieux, elle avait de plus en plus de mal à se concentrer sur une conversation et finissait souvent par tomber dans la léthargie. A cela sajoutait des phases dagitations quelle ne contrôlait pas, saffairant au rangement et au nettoyage avec cette minutie qui la caractérisait tant.
Dans les changements notables il ny avait pas que son tour de taille, Kokura retombait de nouveau dans lennui. Sen était malheureux mais il ny avait rien de plus à faire que ce qui avait été tenté. Des raisons, ils nen sauraient rien mais les faits étaient là, de ceux qui fréquentaient assidûment le Tengu, il ne restait que de rares irréductibles. Ria ne cherchait plus à comprendre ce qui poussait les uns et les autres à disparaitre de la sorte. La vie avait toujours été ainsi, faite darrivées et de départs dans lanonymat le plus complet.
Même les voyageurs ne se mêlaient pas à la population locale, exception faite de Sakurra et de sa fille, toutes deux arrivées depuis peu mais agrémentant joyeusement le quotidien de Ria. Quoi de plus motivant que les rires dun enfant ? Pas grand-chose à vrai dire, sauf peut-être les voyages et plus précisément la mer. Cétait un projet qui était revenu en force et elle devait bien lavouer, pour son plus grand plaisir. Rester des mois au même endroit sans dautres horizons que les ruelles dun village endormi, finissait par lui peser. Ses études avançaient bien et si tout se passait comme voulu, bientôt un autre de ses rêves se réaliserait.
Les préparations pour la naissance avaient été achevées quelques jours auparavant. Tout semblait à présent en ordre pour cet événement et bien quoublié un temps, laspect religieux serait quand même représenté. Ce moment délicat avait été longtemps remisé afin de ne pas trop angoisser sur les risques encourus, mais il avait quand même fallut sen soucier pour ne pas être totalement dépourvu le moment venu. Ria avait beau se répéter que tout irait bien, elle ne pouvait chasser totalement lappréhension. Elle navait jamais été une grande courageuse malgré les apparences et rien navait vraiment changé de ce coté là.
Et chaque jour, elle guettait les signes avant-coureurs de la bataille quelle attendait et redoutait tout à la fois.
Asami...
"La mort existe, et au jour de la Dissolution, tout sera détruit et rien ne subsistera. Mais la Mère en conservera les graines pour les semer de nouveau lorsque sonnera l'heure d'une nouvelle création."
Râmakrishna
En découvrant Tsune au pied de sa porte, Asami n'eut pas besoin qu'il ouvre la bouche pour comprendre. C'était l'heure.
Elle s'était contentée d'un hochement de tête avant d'attraper un petit panier, confier son fils au futur père, enfiler une épaisse cape de laine pour filer vers le Tengu.
En chemin, des images, des prières, de la joie, des craintes, de l'excitation. Et l'impression que le Tengu ne s'était jamais trouvé aussi loin.
C'est une Asami essoufflée et les cheveux désordonnés qui se prépara à entrer dans la pièce où Ria souffrait.
Et justement pour minimiser les douleurs, elle défit soigneusement tous les noeuds qu'elle portait sur elle avant de refermer le panneau face à Tsune.
Pas le temps de réflexion, juste un regard compatissant, un sourire rassurant, quelques mots réconfortant et une légère pression sur la main de la future mère, geste très familier, car le toucher était un sens rarement exploité, même entre amis intimes. Mais l'instant était bien au-delà de la notion de protocole.
Un être demandait à voir le jour.
Les événements s'enchainaient.
A son arrivée, le feu qui attendait d'être allumé depuis plusieurs jours, crépitait.
Il faudra veiller à l'alimenter régulièrement durant les longues heures de travail, afin que le kami du feu, Kagutsuchi, soit bienveillant et permette à Ria de ne pas souffrir plus que nécessaire.
Asami avait également prévu une petite fiole avec du saké afin d'en faire offrande à l'esprit du feu et ainsi lui faire honneur.
Asami était certes là pour assister son amie, mais aussi pour épauler l'accoucheuse par des traditions et des rituels ancestraux afin de faciliter au possible la venue au monde de ce petit être.
Les parfums subtiles des baumes ramenés pour masser Ria se mélangeait à la fumée du bois.
Les cris étouffés déchiraient les paroles encourageantes et bienveillantes.
Au fil des heures, la fatigue gagnait chacune d'elles d'une manière différente jusqu'à ce que l'enfant hurle son arrivée et ses propres douleurs.
Une graine avait été semée et aujourd'hui le Monde en récoltait le fruit.
Des nouveaux espoirs. De nouveaux bonheurs. De nouvelles craintes. De nouvelles attentes.
Ce n'était pas une mais deux nouvelles vies qui commençaient. Voire trois.
Asami présenta son fils à Tsune les yeux brillants de joie en soufflant à voix basse :
Ils vont bien tous les deux.
Himi
Dans un sanctuaire d'Hita elle avait passé de nombreux mois à se demander quel mal rongeait son corps. La fièvre était devenue une tendre amie, son fonctionnement marchait au ralenti. Elle avait vécu dans un monde austère, bien loin de la vie idéale qu'un enfant méritait, ballottée entre la vie et la mort, la réalité et la folie. Jusqu'au jour où on décida de mettre fin à son confinement et de la ramener chez elle, le sanctuaire manquait de place et l'on avait décidé qu'il serait bénéfique pour sa santé de la renvoyer dans sa ville natale.
***
Kokura. Himi avait maintenant presque dix ans. Les nombreux mois passé loin du monde n'étaient pas passés inaperçus, déjà elle avait légèrement grandi, ses traits étaient moins enfantins, ses joues par contre s'étaient plus creusées et le teint très pâle, qui les accompagnaient, démontrait à quel point l'enfant avait gardé une santé fragile. Pourtant aujourd'hui, c'est droite sur ses zori qu'elle se trouvait devant l'entrée du Tengu Immaculé. Sur son visage on pouvait lire un mélange d'excitation et d'angoisse. Cela faisait des mois qu'elle attendait cela, des jours et des jours qu'elle réclamait Ria et Tsune, mais personne à Hita n'avait répondu à sa demande, comme si la présence de ses parents d'adoption aurait pu entraver au bon déroulement de sa guérison. Les histoires des grands, Himi, ça elle ne comprenait pas toujours bien.
- Et si... Ils m'avaient oublié ?
Une questions qui la travaillait beaucoup, qu'elle posa avec une voix plus aussi aiguë qu'à l'époque, devenue presque rauque à cause de ses nombreuses toux. Elle avait des craintes et surtout la peur du rejet. La peur de ne plus avoir sa place dans ce foyer, la peur d'avoir été oubliée... Son regard se fixa sur le bas de son kimono. Combien de mois avait-elle passé loin d'eux ? Trop, car ça dépassait ses capacités de calculs, surtout sans boulier.
- Himi-chan, c'est chez vous, il ne faut pas avoir peur.
Tomomi, la femme qui l'accompagnait lui offrit un sourire rassurant, avant d'ouvrir la porte coulissante, et de passer une tête à l'intérieur du Tengu et de déclamer d'une voix claire à l'intérieur de la pièce :
- Konnichi-wa. Excusez-moi... ? Tomomi, du sanctuaire d'Hita, je vous ramène un petit quelque chose...
La jeune femme pouvait sentir l'enfant derrière elle, qui se dandinait d'un pied sur l'autre, de nature un peu impatiente, la petite fille avait de la peine à rester sur place, elle aurait donné très cher pour se faufiler à l'intérieur de la gargote sans plus de cérémonie.
Ria
Il avait fallut faire un choix, celui de cesser de fermer les yeux sur une réalité qui navait quasi aucune chance de changer. Cesser de se meurtrir mutuellement en comptant sur lautre pour faire le premier pas. Cest elle qui avait finalement prit les devant. Ils étaient daccord sur le fait que la situation était malsaine, autant pour lun que pour lautre et bien quelle avait sentie chez lui une certaine réticence, elle avait enfin réussie à lui faire admettre que ce serait mieux ainsi.
Cela navait pas été facile pour elle et ses sourires cachaient un cur meurtri mais la décision était prise et elle ne comptait pas revenir en arrière. Quitter le Tengu et tout ce quil représentait était un crève cur mais également un soulagement. Celui de ne pas devoir rencontrer celle qui la remplacerait et la mettrait dehors. Aucune femme naccepterait jamais la situation et Ria se connaissait trop bien elle-même pour rester stoïque le moment venu.
Elle avait trouvé un logement non loin, permettant ainsi à Tsune de pouvoir rendre visite à son fils toutes les fois où il en éprouverait lenvie. Il ne resterait plus à Ria que de taire ses sentiments et de faire le deuil dune vie trop vite dissipée. Il ne lui restait plus que quelques jours à passer ici, le temps que son logement soit en état de les accueillir, elle et Haneki.
Pour patienter, elle poursuivait ses tâches quotidiennes, tentant de se faire aussi discrète que possible et rassemblant ses affaires en vu de les faire porter dans sa nouvelle habitation. Et elle était bien loin dimaginer que les kamis, dans leur infinie patience, lui accorderaient un vu ultime.
Citation:- Konnichi-wa. Excusez-moi... ? Tomomi, du sanctuaire d'Hita, je vous ramène un petit quelque chose...
La voix la tira de ses réflexions et déposant la petite caisse où elle rangeait ses outils de sculpture du bois, elle se tourna vers lentrée. Les mots frappaient peu à peu sa conscience et un sombre pressentiment la saisit. Elle ne connaissait quune seule personne susceptible de se trouver au sanctuaire dHita. Allait-on lui donner le coup de grâce en anéantissant le dernier de ses espoirs ? Celui de revoir sa fille, depuis trop longtemps recluse mais que personne ici à Kokura ne parvenait à oublier ? Cet espoir, Ria le conservait précieusement, ne pouvant croire que les kamis pouvaient être cruels au point dinfliger une telle douleur à son cur déjà bien malmené.
Clignant légèrement des paupières, elle tentait de mettre le doigt sur ce qui clochait. La voix était trop claire, trop directe pour la nouvelle à laquelle elle sattendait. Lair lui manquait et cest dune voix à peine perceptible quelle réussie à bredouiller :
Konn
Konnichi wa.
Et puis, il y eut un léger mouvement derrière la femme qui se tenait dans lencadrement de la porte. Cette petite silhouette qui ne quittait jamais son esprit, toujours accompagnée dun léger sourire espiègle.
Himi ! Par tous les kamis ! Himi, cest bien toi ?
Et sans quelle sen rende vraiment compte, linquiétude accumulée depuis plus dune année à présent céda. Rire et larmes se mêlèrent tandis quelle sélançait vers la porte, oubliant ses bonnes manières et sa réserve habituelle. Sa fille lui était enfin rendue et peu lui importait du reste._________________