Le repos à l'auberge avait fait du bien à Shera ; enfin le repos ... L'alcool à flot surtout. Voilà qui soulageait sa gorge, endormait la blessure de la nuit, et rendait son coeur moins lourd à porter. Saleté de brigande Aliette, ou aliguette ... L'homme avait prononcé le prénom, mais sa mémoire faisait défaut. La garce avait failli lui transpercer le sein droit. Pour un peu, elle serait devenue amazone. La plaie qu'elle lui avait faite avec une lame mal taillée ne demandait qu'à s'infecter. De l'épaule à la base du sein, tssss elle aurait du l'achever tient pour la peine !
Un peu d'eau sur la plaie, et un peu de bourbon qu'elle avait volé aux mécréants cette nuit, et voilà qu'elle s'était empressée de cacher tout ça sous une de ses longues robes aux couleurs gitanes. Rouge sang, voilà qui lui allait à merveille aujourd'hui. Elle avait caché ses lames, un peu partout sur elle et avait laissé dans la chambre son écu et son épée.
L'alcool l'ayant rendu guillerette, elle fit bonne connaissance en la taverne et appris des choses très intéressantes. Alors comme ça le vieil Izaac ne sortait plus guère de chez lui. On disait qu'on y voyait des tas de colombes, tourterelles et pigeons y passer tout au long de la journée, mais pas d'Izaac en ville. Il devait se faire ravitailler.
L'homme au regard qui louchait sur le décolleté, lui apprit qu'on pouvait le trouver au presbytère. Il y avait contait il, en hésitant à porter sa grosse main sur sa cuisse, il y avait ... derrière l'église Saint Pierre, une ancienne cathédrale où un évêque, dont elle s'empressa d'oublier le nom, qui y avait dressé une taverne.
C'était par là bas que le vieil Izaac avait élu domicile. Et c'était là aussi qu'elle comptait se rendre. Justement, Zeph fit son apparition, et après avoir tenté le môssieur louche, elle s'envola avec le colosse. L'accueillant chaleureusement, ivrement, aurait été le mot :
Ahhh ! mon mari ! je ne vous le présente pas, hein ... Il est d'un jaloux, je crains qu'il ne fasse qu'une bouillie de vous ... Petit sourire ravageur et moqueur, et voilà qu'une minute plus tard, elle était au côté du Sénéchal et l'entrainait tout sourire vers l'extérieur. La grande gentillesse dont elle faisait part à son égard pouvait laisser à penser à une reconnaissance pour la bagarre de cette nuit ; en fait, il n'en était rien. La bohémienne souriait car elle savait déjà quel mauvais tour elle allait lui jouer.
Zeph ... vous permettez que je vous appelle ainsi ... je ... je voudrais *hips* vous présenter quelqu'un. Je suis certaine que vous allez beaucoup l'apprécier, et sera vraie *hips* la réciprocité ... C'est trES important que nous le rencontrions ... vraiment ça me tient à coeur.
Oh non, laissez votre monture, marcher nous fera le plus grand bien ... vous n'estes pas blessé au moins ... ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Après une heure de marche silencieuse, retenant le suspens et mettant de l'ordre dans ses idées, Shera et Zeph arrivèrent enfin. Cette marche n'avait pas manqué de lui faire penser à son passé de fantassin. L'armée de Franche Comté, c'était là que tout avait commencé.
Observant la cathédrale éboulée et en piètre état, elle réprima un frisson de dégoût en pensant ce que les hommes étaient capables de faire en nom et place de la religion. Combien des siens avaient fini aux galères pour vénérer et servir les cieux ? pas le bon Dieu ...
Qu'est ce qu'Izaac pouvait venir faire en tel endroit ? Pas de doute, cet homme avait réellement la foi. Du regard, elle cherchait sans le voir. Où donc se cachait il ? Elle ne pouvait pas hurler son nom, Zeph aurait rebroussé chemin. Elle se demandait bien comment l'ex sénéchal allait réagir. La surprise viendrait bien assez vite.
Ce fut alors qu'elle le vit. L'homme, grand et sec, toujours vêtu de noir, avec ce col si serré qu'il finirait un jour étranglé, se tenait raide comme une pique à cinq mètres tout au plus d'eux. Shera s'arrêta et s'appuya sur l'épaule de Zeph pour murmurer discrètement :
L'homme que je cherche, c'est Lui. Il saura me dire où se trouve Fabulous. En temps normal, il est assez ... pacifiste. Alors quoiqu'il se passe, je vous demande d'en faire autant. Quoiqu'il se passe, vous avez bien entendu ? Haussant un sourcil, elle lui lança un regard noir qui n'admettrait pas d'exception, ni même de question.
Allons y, il me tarde de savoir et de continuer ma route ... Elle avança lentement, prenant soin d'écraser quelques brindilles pour annoncer son arrivée et ne pas surprendre celui qu'on appelait à tort le Vieux. La dernière fois qu'elle l'avait vu, il était pâle comme un mort et se remettait difficilement d'une blessure qui l'avait considérablement affaibli. Aujourd'hui, il avait repris des couleurs et se concentrait à bêcher le petit jardinet. Méticuleusement, il bêchait, arrachait, et binait.
Des géraniums ? Hum intéressant. Je ne suis pas une fleur, mais permettez que je pose le pied dans votre humble jardin, messire ... Bien le bonjour, je suis venue suite à votre missive. Je ... je voudrais vous présenter quelqu'un ; j'ai cru comprendre qu'il était important pour vous que je choie l'artilleur, alors je vous l'apporte sur un plateau. Messire Izaac, permettez moi de vous présenter en personne Messire Zephirin, aventureux comtois de réputation. Zeph, messire Izaac, je pense que ... enfin qu'il n'y a nul besoin que je vous dise qui IL est ... Offrant son plus beau sourire à Izaac, elle passa sa main à son front et essuya les gouttes de sueur qui apparaissait sur son visage presque aussi rouge que sa robe. Et hop un point partout. Izaac voulait faire le malin dans sa missive en parlant de Zeph et Lothilde, hé bien l'y voilà devant le grand ! Quant à Zeph et ses intentions douteuses ou hasardeuses, voilà qui le calmerait certainement. Au moins, peut être allait il apprendre à comprendre comment des Comtois avaient pu se retourner contre ce qu'était devenue la Franche Comté.
La rencontre promettait d'être épicée... Et voilà qui plaisait définitivement à l'Andalouse !