Uriel.
Malgré qu'il ne fut pas né de la dernière pluie, le Cardinal restait un gentil naïf et il croyait toujours au service de son prochain. Lorsqu'une personne le contactait pour entamer des démarches afin de sauver son âme ou du moins de l'éloigner du chemin de l'enfer lunaire, il avait du mal de répondre absent. Et pourtant, combien de fois n'avait-il pas été déçu, voire trahi ... l'espoir faisait vivre, à ce qu'il paraissait ...
Le blond n'était pas homme à juger les autres et eût-il entraperçu une quelconque marque de combat ou de navrure ancienne qu'il n'eût pas relevé. Il en aurait été autrement bien sûr si la blessure fut fraîche, mais ce n'était pas le cas, apparemment.
Et dans les nombreuses interactions qu'il avait eut avec le monde, le prêtre avait bien appris que l'habit ne faisait pas le moine. Il avait côtoyé tant les nobles que les gueux, tant les rois, que les empereurs, les princes et les paysans, tant les riches que les pauvres, sans jamais n'accorder à l'un plus d'importance qu'à l'autre. La fortune ne faisait pas tout, que du contraire ; parfois, les gens "simples" s'encombraient bien moins d'hypocrisies que ceux qui déguisaient leur âme avec un corps drapé dans de la soie cousue de fils d'or. Et de la même manière, il avait été reçu dans des palais ou des chaumières, parfois même une hutte et cela ne l'avait jamais choqué. Ainsi il accepta de bonne grâce le quignon de pain et fut tenté de refuser la gourde, pour une autre raison. Cependant, la soif le tenaillait et il se désaltéra en faisant attention que ses lèvres ne touchent pas le morceau de cuir. On aurait peut-être pu croire qu'il était précieux, mais en vérité, c'était pour éviter la contagion de cette souffrance qui l'avait touché.
Je vous remercie de votre accueil et de votre hospitalité. Je pourrai bien entendu vous entendre en confession, que ce soit ici ou ailleurs, c'est comme vous le souhaiterez.
La confession est de fait l'une des finalités à la majorité des peines expiatoires, ainsi fixées pour les dissolutions de mariage ; il faut y voir davantage un aspect symbolique qu'une contrainte, une manière de renouer les liens avec sa Foi et son âme éternelle.
Je n'ai cependant pas encore vu cette demande sur mon bureau, car sans fausse modestie, je me trouve être juge final de toute dissolution pour la partie francophone des Royaumes.
Cela dit, rien n'empêche de prendre de l'avance ... mais il est recommandé que le clerc soit un de ceux du lieu de villégiature. Mais soit, c'est un détail.
Uriel prit alors place sur la couverture afin de lire les documents, avec la plus grande attention. N'étant pas suspicieux de nature, il ne fit pas attention au fait que cela put être un faux ou non.
Au fur et à mesure de la lecture, il se rappela les avoir lu, déjà et les rendit alors, au Gaucher, à la fin.
Je connaissais en effet ces écrits. Ils avaient été publiés, si je me souviens bien, en chambre de la noblesse lorraine.
Voici déjà un moment, je constate que votre situation est en souffrance.
Et depuis ? Comment cela a-t-il évolué ?
Uriel.
L'ancien lorrain était toujours resté une énigme pour ceux qu'il rencontrait la première fois. Parfois une facette révélée laissait transparaître un soupçon de vérité, et dans celle-ci, pour autant que l'on se donne la peine d'y regarder, il n'y avait jamais eu de malversation. Oh évidemment, il avait des ennemis, ceux qui voulaient sa tête juste par délit d'appartenance à une communauté qui les avait rejeté ou alors parce qu'ils n'avaient pu obtenir de lui les faveurs et privilèges tant convoités.
Il s'installa donc sur la caisse, cela valait bien un trône sacerdotal ou une chaise finement ouvragée. De toutes façons, pour poser son postérieur, une surface bien plane suffisait amplement, inutile qu'elle soit décorée d'anges, de fleurs ou de dragons. Ainsi, il puisa dans le bol quelques baies, en signe de communion, afin d'accepter ce partage qu'on lui proposait.
Un autre homme vint se mêler à la discussion et se présenta d'emblée. Le Cardinal le salua.
Mes salutations, messire Lestat Gabriel. Je me nomme Uriel, pour ma part et je vous remercie pour cet ...
... humant le liquide qu'il lui tendait ...
... excellent armagnac.
Et oui ... nanti, bien évidemment, le blond connaissait pas mal de saveurs qui n'avait jamais flatté beaucoup de palais ... du whisky au vin de Retsina, de celui d'Anjou en passant par la Toscane, sans compter les jambons fumés ou salés ... que n'avait-il mangé les tant sucrées dattes d'Alexandrie ou le fameux Foie Gras du Périgord ...
Selon mon mode de pensée, une chose effectuée par la contrainte n'a aucune valeur, car elle porte atteinte au libre-arbitre.
L'Eglise, telle que je la conçois est là pour convaincre et non pour contrainte. Ainsi si vous voulez vous confesser maintenant, je n'y vois aucune objection : je ne suis que l'humble vecteur de Dieu sur ce monde et vous écouterai comme si Il vous écoutait, sans vous juger aucunement.
Il secoua alors la tête en soupirant lorsqu'il lui avoua que la situation n'avait pas évolué.
Parfois je suis sidéré par la lenteur des administrations ... ces courriers datent de plus de quatre mois.
Je gage que si vous aviez voulu du mal à la Lorraine, vous n'attendriez pas la Saint-Noël pour sortir vos griffes et le mal serait déjà fait. Et puis ... vous n'avez rien fait de mal, ici et aucun dossier juridique ne pèse sur votre tête, j'imagine. On peut certes avoir des suspicions, mais de là à en faire des accusations, il y a quand même bien des pas qu'il ne faudrait pas franchir.
Puis regardant les deux hommes, tour à tour, et percevant qu'un lien fort les unissait, sans doute une intense amitié, il leur avoua :
Je perçois en vous un certain code de l'honneur, celui de prendre les coups pour vos hommes, de ne pas impliquer ceux qui n'ont rien fait.
Vous savez pour accuser, il faut des éléments concrets ; or j'entends bien qu'il n'y en a pas ... ou trop peu.
Au sens strict du terme, le travail d'un procureur - quel qu'il soit - est de représenter un état ou une entité, de monter un dossier sur une plainte qu'on lui aurait porté. D'où ma première question, y a-t-il réellement eu une plainte ou alors monte-t-on un dossier sur des on-dits ? Ce qui n'aurait aucune valeur légale ...
Je serai donc à vos côtés, dans votre démarche.
Ils avaient sans doute touché une corde de cet instrument sur lequel étaient inscrites les vertus : celle de la Justice.