Isabeau_scomber
Mwé... L'était pas mal la vie dans ce patelin de Vaudémont... L'était même...
...
Amusante.
Voilà plusieurs jours qu'il observait sa nouvelle tanière. Le plus discrètement possible. Ainsi que lui avait recommandé la prévôte, il "circulait". Il faisait et refaisait des tours, des détours, fouinait dans les passages, dans les ruelles. S'orientait dans le quartier pauvre comme le quartier riche grâce aux odeurs, aux couleurs, aux façades des maisons de village, des petits immeubles, à l'inclinaison du soleil et à la course des étoiles. Idem dans la campagne, quand il partait à la mine, en revenait. Changeant toujours de chemin, de sentier, de fourré, de pavés.
Il lui était dès lors plus qu'aisé de remarquer la bande de morveux mal dégrossis à l'épais accent lorrain qui lui collait aux fesses.
A la vérité, et bien que celle-ci aurait forcément contrarié la prévôte, il avait repéré les gamins dès le lendemain du début de leur paie. Mais, joueur comme un chat devant une tanière de souris, il les avait laissé faire et engranger des informations.
Le chassé devenant chasseur, il avait tôt fait de les suivre quand ils rentraient pour récupérer leur dû en échange des menues informations glânées. Il travaille à la mine. Il rôde comme s'il cherchait quelque chose. Il rentre se coucher. A l'ombre sage mais épaisse de son coin de ruelle, il se plaisait à imaginer ce que la petite caille apprenait, sur quel ton et, surtout, à imaginer les conclusions qu'elle en tirerait.
Petite caille adorable... Proie qui veut devenir prédateur. Intérieurement, les femmes de Vaudémont qu'il commençait à croiser le faisaient sourire. Fortes et belles, avec des paires de fesses qui feraient rougir les monts d'Auvergne ou du Jura par leurs délicieuses rondeurs, elles aiment tellement régenter, dominer, organiser, rire.
Ah... Rire... Les rires des cailles de la taverne d'Eldorado qu'il se plaisait à leur voler.
Accroupi sous les fenêtres, dans la torpeur de la nuit. Qu'il était drôle de voler des bribes de conversations sans que personne ne le sache; la bande de gamins qu'il commençait à enrôler de son côté à grands coups de petites friandises était depuis longtemps couchée quand il se faufilait, dos voûté, le long du mur de pierre, jusqu'à la fenêtre.
Les rires des cailles de Vaudémont...
'Toujours est-il, petite caille adorable, que les gamins que tu as collé à mes fesses collent aussi aux tiennes.
Je ne sais pas quel bonheur t'attire si souvent à Toul, ou Epinal, mais tu es bien souvent sur les routes. Ta charge de prévôte. Oui oui les gamins t'ont balancée; mais ne t'inquiète donc point, je saurai faire semblant. Ta charge de prévôte, donc et semblerait-il, que tu prends tant à coeur, t'oblige à aller soutenir les troupes que tu peines à embaucher pour contrer la menace brigande.'
Fichtrement bien foutue, la menace brigande qui se remet à Vaudémont, d'ailleurs. Beau p'tit cul...
Les gosses, d'ailleurs, lui avaient rapporté que la prévôte trainait souvent avec une borgne dans la taverne du beau p'tit cul.
Une borgne, avait-il répondu, surpris ? Hauts comme trois pommes, ils avaient été incapables de dire si elle voyait ou pas de l'oeil qui était caché sous une cicatrice.
Décidément, la vie à Vaudémont augurait des meilleurs auspices...
Il était plus que temps d'y plonger les mains.
Son grand projet prenait forme dans sa tête. Et il avait autant envie que besoin de converser, honnêtement, avec les cailles de Vaudémont.
Si y'a quelqu'un, montrez-vous ! J'ai une dague et j'sais m'en servir !
Tiens tiens tiens... Quand on pense au p'tit cul, on en voit la croupe... La rencontre aurait été encore plus agréable si la petite caille l'accompagnait mais...
Il aimait aussi se faire connaître pas à pas.
Surtout que le moment était venu de voir le recto de ce verso agréable. Tout comme il avait hâte de voir le verso de la prévôte et de son amie.
Surtout que, cette fois, il avait bien pris soin de rester tapi dans l'ombre. Bien pris soin de garder son air stupide, sa lèvre pendante, son regard vide. De garder son dos voûté, ses épaules arrondies autour de son torse. Sa taille en diminuait ainsi de plusieurs pouces, ce qui était non négligeable. D'autant plus que cela faisait flotter sa chemise gris presque propre autour de son torse.
Il avait même pris soin de ne pas laver ses cheveux depuis plusieurs jours; ils n'en étaient qu'encore plus collants et gras. Un parfait idiot du village, non ? Qui prendrait donc le risque de s'approcher de lui à moins d'un tabouret ?
Histoire que le p'tit cul comprenne bien à qui elle avait à faire, un sonore:
Rrrrrrrr. Pft !
Sort des lèvres légèrement charnues d'Isabeau.
B'soir.
Il n'avait pas eu le coeur de tenter de changer sa voix grave. Il aime bien les intonations sortant de sa gorge; et la tonalité souffre déjà suffisamment de l'argot qu'il s'applique à manier pour s'éviter, en sus, de changer sa voix.
Il ne pouvait pas avoir que des défauts, n'est-ce pas ?
J'voulions point vous flanquer les miquettes. Z'êtes paumée ou vous fuyez quelqu'un ?
Il tend sa main aux ongles noirs, aux replis pleins de la poussière de la mine dont il sort à peine.
La seule chose qu'il ne peut pas changer, malgré tous ses efforts: ses yeux, gris, perçants comme un acier, qui se pose sur celui de la tenancière de l'Eldorado.
Avec un peu de bol, la prévôte traîne dans le coin, de retour d'un énième voyage dans ses patelins.
Il ne réprime qu'à grand peine un sourire amusé à l'idée de passer pour un pervers menaçant la brigande blessée. L'avantage de cette réprimande sur lui-même étant que son visage a l'air encore plus stupide à faire une telle grimace.
...
Amusante.
Voilà plusieurs jours qu'il observait sa nouvelle tanière. Le plus discrètement possible. Ainsi que lui avait recommandé la prévôte, il "circulait". Il faisait et refaisait des tours, des détours, fouinait dans les passages, dans les ruelles. S'orientait dans le quartier pauvre comme le quartier riche grâce aux odeurs, aux couleurs, aux façades des maisons de village, des petits immeubles, à l'inclinaison du soleil et à la course des étoiles. Idem dans la campagne, quand il partait à la mine, en revenait. Changeant toujours de chemin, de sentier, de fourré, de pavés.
Il lui était dès lors plus qu'aisé de remarquer la bande de morveux mal dégrossis à l'épais accent lorrain qui lui collait aux fesses.
A la vérité, et bien que celle-ci aurait forcément contrarié la prévôte, il avait repéré les gamins dès le lendemain du début de leur paie. Mais, joueur comme un chat devant une tanière de souris, il les avait laissé faire et engranger des informations.
Le chassé devenant chasseur, il avait tôt fait de les suivre quand ils rentraient pour récupérer leur dû en échange des menues informations glânées. Il travaille à la mine. Il rôde comme s'il cherchait quelque chose. Il rentre se coucher. A l'ombre sage mais épaisse de son coin de ruelle, il se plaisait à imaginer ce que la petite caille apprenait, sur quel ton et, surtout, à imaginer les conclusions qu'elle en tirerait.
Petite caille adorable... Proie qui veut devenir prédateur. Intérieurement, les femmes de Vaudémont qu'il commençait à croiser le faisaient sourire. Fortes et belles, avec des paires de fesses qui feraient rougir les monts d'Auvergne ou du Jura par leurs délicieuses rondeurs, elles aiment tellement régenter, dominer, organiser, rire.
Ah... Rire... Les rires des cailles de la taverne d'Eldorado qu'il se plaisait à leur voler.
Accroupi sous les fenêtres, dans la torpeur de la nuit. Qu'il était drôle de voler des bribes de conversations sans que personne ne le sache; la bande de gamins qu'il commençait à enrôler de son côté à grands coups de petites friandises était depuis longtemps couchée quand il se faufilait, dos voûté, le long du mur de pierre, jusqu'à la fenêtre.
Les rires des cailles de Vaudémont...
'Toujours est-il, petite caille adorable, que les gamins que tu as collé à mes fesses collent aussi aux tiennes.
Je ne sais pas quel bonheur t'attire si souvent à Toul, ou Epinal, mais tu es bien souvent sur les routes. Ta charge de prévôte. Oui oui les gamins t'ont balancée; mais ne t'inquiète donc point, je saurai faire semblant. Ta charge de prévôte, donc et semblerait-il, que tu prends tant à coeur, t'oblige à aller soutenir les troupes que tu peines à embaucher pour contrer la menace brigande.'
Fichtrement bien foutue, la menace brigande qui se remet à Vaudémont, d'ailleurs. Beau p'tit cul...
Les gosses, d'ailleurs, lui avaient rapporté que la prévôte trainait souvent avec une borgne dans la taverne du beau p'tit cul.
Une borgne, avait-il répondu, surpris ? Hauts comme trois pommes, ils avaient été incapables de dire si elle voyait ou pas de l'oeil qui était caché sous une cicatrice.
Décidément, la vie à Vaudémont augurait des meilleurs auspices...
Il était plus que temps d'y plonger les mains.
Son grand projet prenait forme dans sa tête. Et il avait autant envie que besoin de converser, honnêtement, avec les cailles de Vaudémont.
Si y'a quelqu'un, montrez-vous ! J'ai une dague et j'sais m'en servir !
Tiens tiens tiens... Quand on pense au p'tit cul, on en voit la croupe... La rencontre aurait été encore plus agréable si la petite caille l'accompagnait mais...
Il aimait aussi se faire connaître pas à pas.
Surtout que le moment était venu de voir le recto de ce verso agréable. Tout comme il avait hâte de voir le verso de la prévôte et de son amie.
Surtout que, cette fois, il avait bien pris soin de rester tapi dans l'ombre. Bien pris soin de garder son air stupide, sa lèvre pendante, son regard vide. De garder son dos voûté, ses épaules arrondies autour de son torse. Sa taille en diminuait ainsi de plusieurs pouces, ce qui était non négligeable. D'autant plus que cela faisait flotter sa chemise gris presque propre autour de son torse.
Il avait même pris soin de ne pas laver ses cheveux depuis plusieurs jours; ils n'en étaient qu'encore plus collants et gras. Un parfait idiot du village, non ? Qui prendrait donc le risque de s'approcher de lui à moins d'un tabouret ?
Histoire que le p'tit cul comprenne bien à qui elle avait à faire, un sonore:
Rrrrrrrr. Pft !
Sort des lèvres légèrement charnues d'Isabeau.
B'soir.
Il n'avait pas eu le coeur de tenter de changer sa voix grave. Il aime bien les intonations sortant de sa gorge; et la tonalité souffre déjà suffisamment de l'argot qu'il s'applique à manier pour s'éviter, en sus, de changer sa voix.
Il ne pouvait pas avoir que des défauts, n'est-ce pas ?
J'voulions point vous flanquer les miquettes. Z'êtes paumée ou vous fuyez quelqu'un ?
Il tend sa main aux ongles noirs, aux replis pleins de la poussière de la mine dont il sort à peine.
La seule chose qu'il ne peut pas changer, malgré tous ses efforts: ses yeux, gris, perçants comme un acier, qui se pose sur celui de la tenancière de l'Eldorado.
Avec un peu de bol, la prévôte traîne dans le coin, de retour d'un énième voyage dans ses patelins.
Il ne réprime qu'à grand peine un sourire amusé à l'idée de passer pour un pervers menaçant la brigande blessée. L'avantage de cette réprimande sur lui-même étant que son visage a l'air encore plus stupide à faire une telle grimace.