Une invitation lui était parvenue, assez surprenante. Un de ses journalistes, Flex, la conviait à son anniversaire à l'Aphrodite. Blanche s'était étonnée de cela, elle était persuadée que le héros du jour ne l'aimait pas particulièrement. Quoique, ces derniers temps, son idée là-dessus avait quelque peu changé. Quasiment en même temps qu'était arrivée la missive, une rousse cousine avait accouru. En gros "au s'cours Blanchounette, si j'y vais toute seule, comme j'suis la dulcinée de Nicolas, ben on va me tomber dessus ! Mais si tu viens, comme on dit que t'es quelqu'un de sévère, ça va le faire". C'était beau, ça rimait, et ça avait fait bien rire ladite Blanchounette. Il allait vraiment falloir que sa cousine vienne en Flandres. La blonde était loin d'y avoir cette réputation de sévérité extrême. Enfin, tant que ce secret restait bien caché en Flandres et en famille... Si son vrai caractère était découvert, plus de contrôle possible de ses petits journalistes !
Blanche s'était quand même renseignée, demandant à Rosalinde si l'Aphrodite était un hostel particulier, ou bien un domaine appartenant à Flex. Une forte rougeur avait envahi ses joues à l'annonce de l'utilité du lieu. Un lupanar. La jeune femme n'en revenait pas. On l'invitait à un anniversaire dans un lupanar. Pourquoi fallait-il que ça arrive alors qu'elle était mariée et mère de famille ? Bah, après tout, Rosalinde l'était aussi... Mais plus pour longtemps heureusement. La blonde avait hésité, longuement. Les yeux suppliants de sa cousine en face d'elle, la missive de Flex dans l'autre, elle avait fini par se décider. Après avoir fait jurer à Rosie de ne rien dire à Skal, elles avaient organisé leur soirée. Départ de l'AAP, changement en voiture, on restait collées l'une à l'autre.
Le grand soir était arrivé. Si Rosalinde avait opté pour une tenue d'un rouge éblouissant, Blanche avait préféré un vert émeraude chatoyant, faisant ressortir la pâleur de sa peau. Pierres précieuses, voilà le surnom des cousines Wolback. Ce vert symbolisait la jeunesse, la vigueur et la beauté, offrant sans doute d'elle une image bien différente de celle donnée à l'imprimerie. Ses cheveux relevés en un chignon flou laissant sa nuque découverte, à l'exception de quelques boucles rebelles. Afin de se fondre dans la masse des invités, la comtesse avait préféré porter elle aussi un très large décolleté, laissant apparaître une poitrine laiteuse, soutenue par un bandier. Si sa taille n'avait pas tardé à redevenir fine après son accouchement, d'autres rondeurs s'étaient attardées, pour le plus grand plaisir de son époux. Des brodequins de même couleur que la robe complétaient la tenue. Pas de bijoux, Blanche préférait la simplicité. Un simple parfum discret, que seul aurait pu sentir un amant déposant un baiser dans le cou fin de la blonde.
Voilà, elles étaient enfin prêtes. Ne croyez pas qu'elles soient restées silencieuses durant l'habillage ! Au contraire, elles avaient pépié sans discontinuer, parlant futur mariage et meilleure manière d'obtenir un second enfant.
Une fois arrivées, Rose les dirigea vers le bâtiment. Plusieurs invités étaient déjà présents, entourant Enguerrand. La jeune femme observa attentivement les lieux. C'était la première fois qu'elle se rendait dans un lupanar. Blanche sentit Rosalinde se crisper. Sans en connaître la raison, elle passa son bras sous celui de sa cousine, comme pour la soutenir, lui signifier qu'à deux, elles étaient plus fortes, et pouvaient affronter ce qui l'effrayait. Une Wolback ne reculait devant rien. La rousse avait d'ailleurs fort bien intégré ce concept, puisqu'elle s'élança à l'assaut de son collègue, en dépit de l'attention qu'il portait à une blonde, laquelle semblait mal à l'aise dans ses souliers. Elle le salua joyeusement, lui offrant une bouteille de vin. Blanche se retint de rire quand Rosalinde cita Nicolas. En mode "pas touche, j'ai déjà un homme !".
Plus calmement, la comtesse le salua à son tour.
- Je suis ravie de vous rencontrer dans un cadre plus détendu que celui de l'imprimerie.
Plus détendu ? Quelle plaisanterie ! Dans un cadre libertin, un cadre de débauche ! Pour un peu, elle aurait craint pour sa vertu.
- J'ose espérer que mon présent vous plaira.
Emballé dans un foulard, elle ne le lui tendit pas immédiatement, il avait les mains suffisamment occupées comme ça, qu'il s'agisse de femmes ou de cadeaux. Soigneusement dissimulé pour l'instant, il s'agissait d'un recueil de poésie galante. Skal ne lisant pas ce genre de livres, Blanche avait eu un mal fou à le dégoter. Des enluminures osées accompagnaient le texte. Bien entendu, la blonde l'avait parcouru, et en était restée rougissante pendant trois jours. Heureusement, cela était passé, et elle restait calme et posée, son regard planté dans les yeux de celui dont on fêtait l'anniversaire.