Alix_ann
- ... à ce diner j'ai pas le moral, j'suis fatigué
Ils nous en voudront pas, allez on y va pas!
En plus faut que j'fasse un régime, ma chemise me boudine
J'ai l'air d'une chipolata, je peux pas sortir comme çaaa *
Elle fait du point de croix, tranquillement dans sa chambre. Alix aime bien le croix de point, pas que ce soit intéressant c'était une activité parfaitement chiante pendant laquelle elle avait l'occasion de penser à tout et n'importe quoi, concentrée (ou moins) sur son ouvrage. Son esprit vagabonde. Elle aimait bien le point de croix, ça lui rappelait Gontier, ça lui rappelait ces longues après-midi auprès de l'âtre où Yolanda et ses filles, dont elle, s'adonnait à cette activité. Alix était la plus disciplinée, la plus assidue, celle qui y mettait le plus de coeur.
Mais là elle n'arrive pas à ce concentrée. Elle se dit que ça ne va pas, elle se dit qu'elle est pas bien. Ça ne va pas, d'ailleurs, et elle n'est pas bien. Elle est tracassée.
-« Aïe ! »
Elle jete son ouvrage, se suce le pouce, serre les dents et geint en ayant tout à coup plus qu'assez. Le dès à coudre et ôté et lui aussi jeté à terre.
-« Kao'ch... »
Qu'elle geint toujours en suçotant son pouce.
La femme de chambre l'interpelle, elle lui rappelle que ce ne sont pas des manières. Alix lui répond d'aller se faire voir. C'est une autre qui l'interpèle, qui lui demande si ça va. Même réponse, qu'elles aillent se faire foutre. Alix se dirige vers son lit, se laisse tomber dessus. Elle est visiblement pas contente.
Son chat s'enfuit alors que son poids s'abat sur sa couche.
-« Très bien, on vient vous chercher pour le sacre ma p'tite d'moiselle... »
-« J'irais pas ! »
Qu'elle dit en soulevant ses couvertures pour se recroqueviller dedans.
-« Mais qu'c'qu'on va dire à vot' marraine? »
-« Dîtes lui que j'irais pas ! »
Qu'elle s'insurge s'emmitouflant encore plus dans les couvertures, ne laisse se découvrir qu'un petit oeil bleu perçant qu'elle referme par ennui.
C'est pas sa marraine qui va dire le contraire, elle est sûre que elle non plus elle veut pas y aller. Elles étaient dans le même bâteau, sauf que celui d'Alix n'allait pas s'arrêter là et faisait une halte à la destination mariage. Ça elle l'avait bien intégré. Alors elle refusait de se préparer pour aller au sacre en compagnie de la famille Mirandole. Elle refusait d'être le sac de blé de cette transaction territorial, elle refusait d'être l'appât militaire de son sadique d'oncle. A partir de maintenant elle faisait la gueule.
Elle ré-ouvre un oeil pour constater les quelques femmes de chambre toujours occupées à la mater avec des yeux curieux.
-« Dîtes-lui ce que vous voulez, dîtes-lui que je suis malade. Dîtes-lui que j'ai attrapé un sale rhume, qu'on peut pas me balader à Paris comme ça. Dîtes-lui que je suis trop triste, dîtes-lui que je suis fatiguée. Dîtes-lui que j'irais pas. »
Et sur ce elle se retourne de l'autre côté du lit, de celui qui donne vers la fenêtre. Elle attrape son lapin Jean-Baptiste, elle le sert dans ses bras et ferme les yeux très fort. Elle veut s'endormir, elle veut les oublier. Elle en veut pas de ce voyage jusqu'à Paris pour pavaner aux bras d'un fiancé hideux.
Et de les entendre enfin déguerpir de la chambre, la laissant bouder en paix.
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* Titre trouvé par Jd Marzina en référence à une chanson de Bénabar qu'elle connaît tout par coeur
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