Anthoyne
La nuit était avancée lorsqu'un pigeon vint se manifester à sa fenêtre. Malgré l'heure tardive, il ne s'étonna pas de recevoir un courrier, attendant des réponses urgentes de plusieurs personnes. La surprise vint lorsque ses yeux parcoururent la première ligne de cette missive. Pressé d'en connaitre le destinataire, il sauta les étapes et alla chercher le nom inscrit en bas de la feuille. Un léger sourire se dessina puis Anthoyne reprit le sens conventionnel de la lecture. Son rictus s'accentua au fil de la lecture. Dès qu'il eut fini de lire, il s'empressa de répondre et d'expédier son message.
Citation:
A Nevers, le vingt et un août de l'an mil quatre cent soixante et un,
D'Anthoyne,
A Arsene, douce demoiselle dans un monde de brutes,
J'espère que vous vous portez bien et que vos compagnons vous traient avec respect. J'avoue que je m'inquiète de votre sort.
Je vous imagine entourée de tant d'humidité, cela doit prendre jusqu'aux os. Couvrez-vous bien car les nuits de fin d'été peuvent être traîtres.
Oui, je peux vous décrire cette chambre. Elle était grande. Je dois vous avouer que son seul défaut est qu'elle est côté nord et assez sombre. A l'intérieur, se trouve un grand lit à baldaquin dans lequel vous auriez pu vous étendre à votre aise. Elle est composée également d'un petit secrétaire où vous auriez pu écrire vos missives en tout confort. Une petite cheminée se situe au fond de la pièce au cas où vous auriez froid. Bien mieux que votre arbre, à n'en point douter. Alors, décrivez-moi votre arbre.
Perdre un petit bout de moi ? Si vous désirez, je peux vous envoyer une mèche de cheveux. Je trouve votre démarche tellement adorable que je vous donnerai cette mèche de cheveux sans hésitation.
Si jamais malheur vous arrive, parlez-en à Tynop. C'est la seconde fois que je le croise et il a l'air de quelqu'un de confiance et de sain d'esprit.
Que le Très Haut vous garde.
Anthoyne
"Ma douce, venez à moi."_________________
Anthoyne
Rien à faire, il ne pouvait aboutir qu'à une seule conclusion, elle avait un sérieux problème. Elle était tarée ! Certes, vu ainsi, c'est la poêle qui se fout du chaudron mais Anthoyne ne se considérait pas comme fou. Assis à son bureau, lisant pour la seconde fois ce parchemin, il était persuadé qu'il pouvait la "soigner". Plusieurs questions se posaient :
- la première : était-ce possible ?
- la seconde : que signifie "la "soigner"" ? Dans l'esprit d'Anthoyne, c'était de la faire devenir moins violente, qu'elle ne ressent plus le besoin de couper quelque chose à quelqu'un à tout va, qu'elle dispose de sentiments autres que "cool j'ai coupé un testicule" et qu'elle lui en soit infiniment reconnaissant de l'avoir sorti de cette vie monotone, complètement folle et en direction vers l'enfer lunaire et qu'elle le serve lui et plus si affinités. Et si vraiment elle veut couper des parties intimes, que les victimes soient au moins des ennemis d'Anthoyne, que cela lui soit bénéfique à lui
- la troisième : en toute objectivité, était-ce possible ?
Il envisageait que cela soit impossible mais cette idée ne lui plaisait pas, il se verrait obliger de la trucider. Non, en fait, l'idée lui plaisait un peu tout de même.
Citation:
A Nevers, le vingt-sept août de l'an mil quatre cent soixante et un,
A Arsene,
Je suis enchanté d'apprendre que vous allez bien. De mon côté, la vie continue. De sombres jours approchent mais j'essaie de les aborder avec optimisme.
Je ne vais pas vous mentir à vous car je vous apprécie. Je m'inquiète pour vous. Vous êtes une jeune femme et vous voir traîner avec des personnes aussi peu fréquentables, je trouve cela horrible. Ne parlons pas de votre accoutrement, ils vous font vous habiller comme un homme ! Cela gâche énormément votre charme et Dieu sait à quel point vous pouvez être une femme charmante. Vous êtes une femme, soyez fière de l'être ! Voyez-vous, vous avez également dormi au pied d'un arbre, aussi beau soit-il alors que vous pourriez profiter d'une chambre tous les jours ! Regardez comment ils vous traitent ! Mais faites surtout attention à vous. Ce sont des gens violents et sans scrupule. Je prie le Très Haut tous les jours pour qu'ils ne vous fassent rien !
Je vais aborder maintenant en ce qui concerne le don de ma personne. Entre nous, vouloir couper des doigts ou casser des dents n'est pas une activité honorable, je vous l'assure. Je comprends que vous considériez cela comme un jeu, un jeu que sûrement les personnes de votre entourage vous ont appris mais ce n'est pas un jeu. Personnellement, je tiens à l'intégrité physique de mon corps ! Si je perds une dent, je perdrais tout mon charme, cela serait fort dommage. Pour mes doigts, ils me sont très utiles ! Vous n'aurez rien de plus qu'une mèche de cheveux, je suis navré.
Quant à Tynop, je trouvais que c'était le seul saint d'esprit. En tout cas, si on le compare avec Tord Fer. Je ne suis pas sûr que ce dernier soit une bonne référence pour vous. Tynop a au moins le mérite d'avoir de la conversation.
Et qu'avez-vous avec les ivrognes ? Qu'ils roulent, déboulent, chamboulent ou causent à une poule, ce ne sont pas des personnes fréquentables ! Ne suivez pas ce genre de personnes...
J'ai pu utiliser un ton autoritaire, veuillez m-en excuser s'il vous plaît. Je ne suis pas de ce genre habituellement mais l'inquiétude me ronge. Je vous propose de venir me rejoindre à mes terres où vous logerez dans le château. Veuillez bien réfléchir à ma proposition, s'il vous plaît
Que le Très Haut vous garde.
Anthoyne
"Oh nom de Dieu ! Je ne sais pas comment on pourrait paraître plus niais ! "Vous êtes une femme, soyez fière de l'être..." Ahahah ! Enfin pour ma défense, je me fais passer pour niais, c'est pour... pour elle ? Oui, oui car... Elle est tout de même bien tarée ! Hm... Tiens, voilà que je me mets à parler tout seul."_________________