Syuzanna.
[Ce qu'on appelle une raison de vivre est en même temps une excellente raison de mourir *]
Les mots de Tynop semblèrent percuter l'esprit de Syuzanna. Forte ? Oui, elle l'était, ou plutôt, l'avait été. Peut-être n'aimait-il pas assez Sarah pour comprendre ce qu'elle ressentait. Elle connaissait Duncan depuis qu'elle était enfant, depuis toujours en somme. D'amis, ils étaient devenus amoureux. Il lui répétait souvent que son amour à lui était plus fort que le sien, à elle. Mais il se trompait, ô, comme il se trompait ! Elle avait juste plus de mal à exprimer ce qu'elle ressentait. Duncan avait toujours été sa force, l'appui sur lequel elle comptait. Elle l'avait perdu une fois et n'avait tenu le coup que par chance, et en fréquentant un autre qu'elle avait aimé, mais cet amour n'était rien comparé à celui qu'elle portait au brun. Elle l'avait retrouvé, et maintenant on lui enlevait encore ? Elle était peut-être forte, mais n'avait plus le courage de l'être.
La pression de la main de Sarah la sortit de sa torpeur. Tynop attendait sans doute une réponse.
« Ne dis rien, ce blond n'y comprendrait rien. »
- Laisse, Nessie. Je vais essayer.
« Mais c'est un blond ! Souviens-toi Søren, il n'y comprenait jamais rien ! »
- J'essaye ! Et s'il ne comprend pas, j'insiste pas.
Nessie était de bon conseil en général, mais cette fois elle devait parler. Tenter une ébauche de ses sentiments. Il fallait qu'il saisisse. Lui et tous les autres.
- Papa m'a appris à être forte avant que je sache parler, il m'a enseigné le courage, oui. Mais j'ai vu mon père mourir devant mes yeux et j'ai pas connu Maman. Et on m'a fait croire à la mort de Dun'. On disait autour de moi « Duncan est mort, Duncan est mort. »... Ils espéraient que je n'aurai pas la force pour me battre si je croyais que ceux que j'aime étaient morts et ils ont eu raison parce que je me suis laissée faire après.
Je suis arrivée en France comme ça, seule et en mille morceaux. J'ai surmonté ça parce que j'étais pleine de haine et pis il y avait Søren, il m'a aidé sans savoir mais j'ai pris des forces en lui. Je l'aimais mais pas comme Duncan, non non.
Et puis Dun' est revenu, il m'a expliqué que tout ça c'était manipulation, qu'il avait jamais été mort mais retenu prisonnier. J'étais si heureuse ! On s'est marié juste quelques mois après, et puis on a eu Skye. On a reçu une lettre après, on a appris qu'une fille cachée de mon oncle nous attendait en Bretagne alors il a dit qu'il irait. La veille de son départ on nous a dit que la cousine était morte mais il a dit qu'il irait chercher ses affaires, et puis on l'attendrait au port qu'il a dit, alors il est parti.
Duncan... Duncan c'était toute ma vie. Il était l'air que je respirais, le bleu du ciel au-dessus de ma tête, la puissante terre sous mes pas. Je n'existais que dans ses regards, je n'étais vivante que dans ses bras. Il ne quittais jamais mes pensées, il hantait chacun de mes rêves. Il prenait ma défense même quand j'avais tort, il n'hésitait pas à rajouter de l'huile sur le feu pour qu'on s'en prenne à lui et qu'on oublie qu'au départ c'était ma faute. Ses sourires étaient mes rayons de soleil. Mon monde se résumait à un seul être, lui. J'aurais pu survivre à tout, sauf à lui. Je ne veux pas le retrouver un jour, je veux le retrouver maintenant. Je n'ai pas de raison d'être là si c'est sans lui. J'aime ma famille, énormément. Et je crois que j'aime aussi ma fille même si elle fille. Mais même tous ces amours-là conjugués n'équivalent pas à la moitié de l'amour que je ressens pour Duncan. Je peux pas me relever parce que je suis plus bas que terre. Je peux pas me battre parce que je n'ai plus d'armes. Et je parle pas d'une bête épée, je parle des raisons qui poussent quelqu'un à se battre. Et comment respirer alors qu'il me donnait mon air ? Comment retrouver le goût de la vie alors qu'il était tous mes sens ? Je peux pas retrouver le bonheur parce que mon bonheur, c'était lui. Tous les jours qui me restent à vivre sont vains et inutiles puisqu'il ne les vivra pas. Mon existence n'a plus aucun sens puisqu'il n'est plus dedans. Le soleil n'a plus besoin de se lever désormais puisqu'il ne sera plus là pour le voir. Et moi, j'ai plus besoin de vivre puisque... Puisqu'il a pris toutes les raisons de vivre que j'avais, en mourant.
Je devrais me battre pour ma famille, oui ? Pour mon Clan ? Le Clan se relèvera de ma mort parce qu'ils ont tous une raison de le faire. Je n'ai qu'une chose à faire : trouver un tuteur à Skye qui mènera le Clan en attendant qu'elle le fasse. Je ne provoquerai pas ma mort, mais je ne lutterai pas pour vivre. Parce que j'ai perdu ma raison d'être. Je l'aime plus que tout, et c'est pas qu'une formule.
Tout ceci l'avait exténué. Les joues humides des pleurs échappées de ses yeux durant sa prise de parole, elle les essuya vaguement d'un revers de mains. Réfléchir lui avait donné une sacré mal de crâne. S'exprimer, parler de ses sentiments, lui laissait une drôle d'impression. Comprendrait-il ? Et Sarah, Sybelle ? Ramenant ses jambes contre sa poitrine, elle enroula ses bras autour et posa le front dans le creux de ses genoux.
« Te voilà dans un drôle d'état. Mais t'en fais pas, ça viendra bientôt, on ira le retrouver. »
- Merci, Nessie.
« De rien. Mais au fait... Et le mariage de Sybelle ? »
- T'as raison. Cherchant Sybelle des yeux, elle lança à tout hasard d'une voix pâteuse : Faut que le mariage se fasse.
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Les mots de Tynop semblèrent percuter l'esprit de Syuzanna. Forte ? Oui, elle l'était, ou plutôt, l'avait été. Peut-être n'aimait-il pas assez Sarah pour comprendre ce qu'elle ressentait. Elle connaissait Duncan depuis qu'elle était enfant, depuis toujours en somme. D'amis, ils étaient devenus amoureux. Il lui répétait souvent que son amour à lui était plus fort que le sien, à elle. Mais il se trompait, ô, comme il se trompait ! Elle avait juste plus de mal à exprimer ce qu'elle ressentait. Duncan avait toujours été sa force, l'appui sur lequel elle comptait. Elle l'avait perdu une fois et n'avait tenu le coup que par chance, et en fréquentant un autre qu'elle avait aimé, mais cet amour n'était rien comparé à celui qu'elle portait au brun. Elle l'avait retrouvé, et maintenant on lui enlevait encore ? Elle était peut-être forte, mais n'avait plus le courage de l'être.
La pression de la main de Sarah la sortit de sa torpeur. Tynop attendait sans doute une réponse.
« Ne dis rien, ce blond n'y comprendrait rien. »
- Laisse, Nessie. Je vais essayer.
« Mais c'est un blond ! Souviens-toi Søren, il n'y comprenait jamais rien ! »
- J'essaye ! Et s'il ne comprend pas, j'insiste pas.
Nessie était de bon conseil en général, mais cette fois elle devait parler. Tenter une ébauche de ses sentiments. Il fallait qu'il saisisse. Lui et tous les autres.
- Papa m'a appris à être forte avant que je sache parler, il m'a enseigné le courage, oui. Mais j'ai vu mon père mourir devant mes yeux et j'ai pas connu Maman. Et on m'a fait croire à la mort de Dun'. On disait autour de moi « Duncan est mort, Duncan est mort. »... Ils espéraient que je n'aurai pas la force pour me battre si je croyais que ceux que j'aime étaient morts et ils ont eu raison parce que je me suis laissée faire après.
Je suis arrivée en France comme ça, seule et en mille morceaux. J'ai surmonté ça parce que j'étais pleine de haine et pis il y avait Søren, il m'a aidé sans savoir mais j'ai pris des forces en lui. Je l'aimais mais pas comme Duncan, non non.
Et puis Dun' est revenu, il m'a expliqué que tout ça c'était manipulation, qu'il avait jamais été mort mais retenu prisonnier. J'étais si heureuse ! On s'est marié juste quelques mois après, et puis on a eu Skye. On a reçu une lettre après, on a appris qu'une fille cachée de mon oncle nous attendait en Bretagne alors il a dit qu'il irait. La veille de son départ on nous a dit que la cousine était morte mais il a dit qu'il irait chercher ses affaires, et puis on l'attendrait au port qu'il a dit, alors il est parti.
Duncan... Duncan c'était toute ma vie. Il était l'air que je respirais, le bleu du ciel au-dessus de ma tête, la puissante terre sous mes pas. Je n'existais que dans ses regards, je n'étais vivante que dans ses bras. Il ne quittais jamais mes pensées, il hantait chacun de mes rêves. Il prenait ma défense même quand j'avais tort, il n'hésitait pas à rajouter de l'huile sur le feu pour qu'on s'en prenne à lui et qu'on oublie qu'au départ c'était ma faute. Ses sourires étaient mes rayons de soleil. Mon monde se résumait à un seul être, lui. J'aurais pu survivre à tout, sauf à lui. Je ne veux pas le retrouver un jour, je veux le retrouver maintenant. Je n'ai pas de raison d'être là si c'est sans lui. J'aime ma famille, énormément. Et je crois que j'aime aussi ma fille même si elle fille. Mais même tous ces amours-là conjugués n'équivalent pas à la moitié de l'amour que je ressens pour Duncan. Je peux pas me relever parce que je suis plus bas que terre. Je peux pas me battre parce que je n'ai plus d'armes. Et je parle pas d'une bête épée, je parle des raisons qui poussent quelqu'un à se battre. Et comment respirer alors qu'il me donnait mon air ? Comment retrouver le goût de la vie alors qu'il était tous mes sens ? Je peux pas retrouver le bonheur parce que mon bonheur, c'était lui. Tous les jours qui me restent à vivre sont vains et inutiles puisqu'il ne les vivra pas. Mon existence n'a plus aucun sens puisqu'il n'est plus dedans. Le soleil n'a plus besoin de se lever désormais puisqu'il ne sera plus là pour le voir. Et moi, j'ai plus besoin de vivre puisque... Puisqu'il a pris toutes les raisons de vivre que j'avais, en mourant.
Je devrais me battre pour ma famille, oui ? Pour mon Clan ? Le Clan se relèvera de ma mort parce qu'ils ont tous une raison de le faire. Je n'ai qu'une chose à faire : trouver un tuteur à Skye qui mènera le Clan en attendant qu'elle le fasse. Je ne provoquerai pas ma mort, mais je ne lutterai pas pour vivre. Parce que j'ai perdu ma raison d'être. Je l'aime plus que tout, et c'est pas qu'une formule.
Tout ceci l'avait exténué. Les joues humides des pleurs échappées de ses yeux durant sa prise de parole, elle les essuya vaguement d'un revers de mains. Réfléchir lui avait donné une sacré mal de crâne. S'exprimer, parler de ses sentiments, lui laissait une drôle d'impression. Comprendrait-il ? Et Sarah, Sybelle ? Ramenant ses jambes contre sa poitrine, elle enroula ses bras autour et posa le front dans le creux de ses genoux.
« Te voilà dans un drôle d'état. Mais t'en fais pas, ça viendra bientôt, on ira le retrouver. »
- Merci, Nessie.
« De rien. Mais au fait... Et le mariage de Sybelle ? »
- T'as raison. Cherchant Sybelle des yeux, elle lança à tout hasard d'une voix pâteuse : Faut que le mariage se fasse.
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