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[RP] [Ici et Ailleurs] Noies-toi, c'est moi qui meurs

Syuzanna.
Début Avril 1461

Les bagages étaient faits, déposés dans l'entrée de la Tour familiale. Il faisait beau, il n'y avait presque pas de vent, et le cheval était scellé. Skye dans les bras, Syuzanna se tenait sur le seuil, souriant tristement. Une robe simple remplaçait pour ce jour les braies habituelles. Elle voulait offrir la plus belle vision d'elle-même à son époux qui partirait dans moins d'une heure. Celui-ci se tenait devant elle, sa main caressant tendrement le duvet des cheveux de Skye, son autre main ébouriffant ceux d'Eilidh. Se penchant vers son épouse, il l'embrassa tendrement, la moitié du médaillon celte offert quelques jours plus tôt solidement accroché autour du cou.

- Reviens vite, Amour. Tu sais que je ne peux rester trop longtemps loin de toi.

Il lui en fit la promesse, avant de balancer sur son épaule son sac de toile. Il prendrait la mer, plus rapide pour rejoindre la Bretagne, où il devait chercher une jeune fille qui serait de leur famille. Du moins ses effets, celle-ci étant morte tragiquement d'une chute de poney avant même de rencontrer les siens.

La silhouette de Duncan disparut bientôt au loin, mêlée à celle du cheval. Il devait revenir dans quinze jours, avec les dernières affaires d'Olgane. Un marin de la Rochelle l'avait engagé en même temps, ainsi il gagnerait son pain en même temps qu'il rejoindrait Brest.
Syuzanna rentra dans la Tour, déposant sa fille dans son panier, avant de se mettre à confectionner le repas du jour. Un médaillon identique à celui de Duncan était suspendu à son cou. Si on les réunissait, ils formaient un bijou à part entière. Ils ne formaient plus qu'un en étant réuni. Exactement comme eux.
Eilidh entama une chanson, reprise par sa mère d'adoption. Cette demie Lune passerait vite, il fallait y croire.

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Bilbon
Les adieux avaient été brefs parce qu'il ne savait pas dire au revoir, ne serait-ce que pour quinze jours. Quitter sa famille n'était pas simple, surtout quand on pensait à la raison de son départ : Olgane, sa mort pour être plus précis. Ayant défendu à sa femme de partir la chercher il se devait d'assumer sa promesse.

Le cheval l'avait mené à bon port, et il s'assura qu'on le ramènerait bien à Syu. Le port de La Rochelle était animé comme tous les ports, et l'Ecossais mit quelques temps avant de trouver le navire sur lequel il devait s'embarquer. La « Sirène » était un superbe bâtiment naval, impressionnant de sa taille et de son allure. La créature mythique qui devait son nom au bâteau était l'effigie de la proue, superbement travaillée jusque dans les moindres détails.
Baluchon sur l'épaule, Duncan escalada le pont en souriant de bonheur. Il ne savait pas encore qu'en montant là-dedans, il rencontrerait son destin de manière violente.


    - 5 jours plus tard -

Les ordres fusaient de toutes parts, les voiles étaient en lambeaux et le vent soufflait avec puissance. La mer était déchainée, l'orage grondait et les éclairs striaient le ciel d'un noir d'encre.
Ils ignoraient où ils étaient et beaucoup disaient qu'ils avaient dépassé leur destination. Mais où allaient-ils ? Personne ne savait. Cela faisait déjà deux nuits qu'ils étaient ballotés comme un bouche dans une flaque d'eau, et tous craignaient pour leur vie. On avait déjà perdu Martin la Vigie. Mort noyé à cause de la force du vent.

L'éclait frappa soudain le grand mât. Il y eut des hurlements et Duncan leva les yeux au ciel sans pouvoir bouger. L'eau de pluie se mêla rapidement à celle de la mer, les hommes disparurent dans les flots et l'Ecossais ne fit pas exception. Avant que les tourbillons ne l'aspirent, sa dernière pensée fut pour Syu. Il aurait voulu lui dire... mais il but la tasse et les mots furent engloutis avec lui. La « Sirène » venait de se noyer.
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Syuzanna.
[Fauchée en plein rêve]

Ce matin-là, Syuzanna s'échinait à préparer un lapin qui ne soit pas rôti, mais la chose n'était pas facile. Piètre cuisinière, elle ne savait pas faire grand chose hormis des haggis. Et les Français avaient cette ennuyeuse habitude de faire des repas délicieux avec deux choux et trois carottes.
Alors qu'elle se débattait avec la bête - pourtant morte ! - on toqua à la porte à plusieurs reprises, avec insistance. Délaissant l'animal agaçant, elle s'essuya les mains sur son tablier blanc et partit ouvrir. Un inconnu se tenait devant la porte, la bride de son cheval en main.


- Oh ! Vous en avez mis du temps à me rapporter mon alezan !
- Ce n'est pas pour ça que je viens.
- Ah oui ? Pourquoi donc ?
- Votre mari naviguait bien à bord de la « Sirène » ?
- C'est exact.
- Plus que tout autre vous qui vivez en bord de mer, vous avez du vous rendre compte des orages des derniers jours.
- En effet. Et quel rapport ?
- La « Sirène » a coulé, Dame MacDouggal. Il n'y a aucun survivant. Tout l'équipage est mort. Condoléances.

Le reste resta flou pour la jeune femme. Tenant la chambranle de la porte si fort que ses jointures en devinrent blanches, elle resta plantée là, incapable de bouger, de penser, de respirer. Les larmes ne vinrent pas tout de suite, mais ses jambes se dérobèrent sous elle. Elle dût probablement s'évanouir car quand elle rouvrit les yeux, Skye pleurait et Eilidh lui secouait l'épaule obstinément.
Tout était fini, Duncan était mort. Comme un automate, elle donna le sein à sa fille et la coucha sans attendre. De même, elle déposa devant sa fille adoptive une galette bretonne dont elle raffolait. Quittant la Tour, elle se mit à courir à perdre haleine droit devant elle, sans savoir où ses pas la menaient. Elle n'avait plus conscience de rien, elle n'avait même pas conscience d'elle-même. Duncan mort, ça signifiait qu'elle n'avait plus aucune raison d'exister. Trébuchant, ses genoux entrèrent en contact avec la rugosité du terrain. Levant les yeux au ciel, elle s'aperçut comme dans un brouillard qu'elle était en pleine forêt. Elle se savait seule et en fut soulagée, ce qui lui permit de hurler comme jamais elle ne l'avait fait auparavant. De toute la force de ses poumons, elle hurla le nom de son mari, à s'en briser la voix. Encore une fois, tout devint noir, et elle s'évanouit.

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--Odalia


Je m'étais levée tôt ce matin-là parce que chez nous, il n'y avait plus grand chose à manger pour le déjeuner. L'orage avait grondé durant trois longs jours, rendant la pêche impossible et pour une île de pêcheurs, c'était compliqué dans ces cas-là.
Armée de mon panier, j'avais l'intention de trouvé quelques crabes pour remplir nos ventres. Je vivais toujours chez mon père et ma mère car bien qu'âgée de dix-huit ans, je n'étais pas encore mariée. Nous n'étions pas riche, et sur l'île il n'y avait pas grand parti intéressant.

Je parvins sur la plage lorsque je vis les quelques morceaux de bois charrié par la mer. Un naufrage devait avoir eu lieu non loin, aussi je priais silencieusement pour l'âme des naufragés. M'aventurant plus loin sur la plage, il me sembla distinguer un corps, un corps d'homme. Me précipitant vers lui, je m'agenouillai à même le sable trempé. Il était sur le dos, je le fis se retourner pour pouvoir vérifier si le coeur battait toujours. C'était le cas, alors je le secouais pour l'éveiller. Au bout d'un moment, il ouvrit les yeux et cligna des paupières à plusieurs reprises. Le soleil devait le gêner, et pour le soulager je me mis entre l'astre solaire et son visage. Ma chevelure rousse devait paraître s'enflammer autour de mon visage pâle.

L'homme était beau, je ne pouvais dire le contraire sans mentir. Plus beau que n'importe quel homme de l'île. Profitant de son état pour me permettre des choses que je ne pourrai plus faire par la suite, je tâtai son front, caressait son visage, m'aventurai même à poser une main sur son torse puissant.


- Vous parlez ma langue ? Comment allez-vous ? Quel est votre nom ?

Trop de questions à la fois, je devais paraitre agressive. Je me repris, gênée. Peut-être mon accent le dérangeait-il, savant mélange de français et d'anglais, pour nous, Jesiais qui partagions les deux cultures.

- Je me nomme Odalia. Vous êtes sur l'île de Jersey. Nous sommes dans la paroisse de Saint-Martin de Grouville. Vous souvenez-vous de ce qu'il s'est passé ?
Bilbon
Quand on est sur le point de mourir on n'a pas le temps de voir défiler sa vie, Duncan en était la preuve vivante. Il n'avait même pas gardé les yeux ouverts tant le sel de mer le brûlait. Comment était-il arrivé là où il était ? Mais au fait où était-il ? Il commençait tout juste à émerger - c'est le cas de le dire - de son sommeil lorsqu'une voix se fit entendre tout proche de lui. Il fut retourné sur le dos, et ouvrit les yeux alors qu'une main lui galopait dessus.
Une auréole de cheveux roux enflamma son regard. Syu ? Sa voix était différente mais c'était peut-être l'eau dans ses oreilles qui lui en donnait une autre perception. Souriant tendrement, Duncan passa une main douce derrière la nuque de celle qu'il prenait pour sa femme, et l'attira à lui. Leurs corps entrèrent en contact dans un mélange de délicatesse et de fougue, et l'Ecossais embrassa la rousse sans mesurer sa passion. Serait-il revenu à La Rochelle près de celle qu'il aime ?
Pourtant elle se débattit, et il la relâcha, stupéfait. Se redressant sur un coude, il s'apprêtait à lui demander pourquoi elle le rejettait ainsi lorsqu'il remarqua que la jeune femme avait les yeux bleus. Et qu'en plus elle ne ressemblait pas à Syu. Il en rougit de gêne.

"Excusez-moi. Je... je vous ai confondu avec ma femme."

Duncan se massa le crâne en regardant la mer. Où était-il ? L'inconnue répondit à sa question sans qu'il eut besoin de la poser : sur l'île de Jersey, à Saint-Martin de Grouville. S'il se souvenait de ce qu'il s'était passé ? Par bribe, mais rien de linéaire et précis. Il y avait eu l'orage, le mât qui s'était brisé, le bâteau qui avait sombré, la dérive accroché à un morceau de bois.

"Le navire sur lequel j'étais... Il a coulé. Et je... Je m'appelle Duncan MacLean, et il faut absolument que je rentre chez moi."

Il tourna la tête vers Odalia.

"Y a t'il un port dans le coin ? Je dois... absolument... rentrer... chez moi."

Il commençait à avoir du mal à parler et se rendait compte à quel point il avait soif. De plus, son crâne le faisait souffrir et en passant une main dessus, il se rendit compte qu'il saignait.

"S'il vous plait..." Souffla-t-il avant de perdre connaissance.
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--Odalia


L'homme se réveillait doucement et j'en fus rassurée. Je n'avais pas prévu la suite ! Le voilà qui m'enlaçait et m'embrassait, amoureusement. Je me débattis, passé l'instant de surprise. En toute honnêteté, je devais bien avouer que son baiser m'avait transporté dans des contrées encore inconnues de moi.
Je retins une grimace lorsqu'il avoua qu'il m'avait prise pour sa femme. Ainsi il était marié... Je me sentis idiote.


- Je... Ce n'est pas grave. Tout le monde... peut se tromper.

Il se présenta. Duncan MacLean, un écossais, donc. Comment se faisait-il qu'il parle si bien notre langue ? Il restait un accent, mais pas plus prononcé que le mien. Son histoire ressemblait à beaucoup de celles que j'avais déjà entendu : un navire sombrait dans la mer par un soir d'orage. Ce qui changeait, c'était que cette fois il y avait eu un survivant. Et il se tenait devant moi. Et qu'il voulait rentrer, aussi. Je fis alors une chose très stupide. Je mentis.

- Il n'y a pas de bâteaux qui partent de l'île. Enfin, un tous les... trois mois. Ce n'est pas...

Il n'entendit pas la fin de ma phrase. J'ignorais même s'il en avait entendu le début. Il perdit connaissance et je me retrouvai bête.
Sans réfléchir, je mis mes mains en coupe, recueillis de l'eau de mer et lui lançai sur le visage. Je répétais l'opération jusqu'à ce qu'il se réveille.


- Je vais vous mener jusque chez moi. Appuyez-vous à moi.

Je l'aidai à se soulever. Abandonnant là mon panier, je nous trainais jusqu'à la maison. Il s'agissait d'une chaumière aux murs décorés de coquillages, toute simple. Duncan tenait à peine debout. Il était lourd pour mon petit gabari. Enfin, nous arrivâmes. Mon père qui était dehors, vint à notre rencontre et me soulagea du naufragé. Papa ne dit pas un mot. Ce fut moi qui pris la parole.

- C'est un naufragé, Père. Il est écossais. Il faut l'aider.

Il me sembla qu'il hocha la tête : Papa avait grand coeur. Il l'installa sur ma paillasse, qui était plus proche de la porte. Mère fit bouillir la soupe pendant que je m'asseyais aux côtés de Duncan.
Syuzanna.
Lost trust, 21 grams of soul
All the sanity I’ve ever owned… gone
But I’m still breathing
Through the thunder, and the fire, and the madness
Just to let you shoot me down again
But I’m still breathing !
I feel it in my veins, skin, bones that I’m losing
You, me, you’re confusing every reason I have left to live *


Combien de temps était-elle restée dans la forêt à pleurer toutes les larmes de son corps ? Une heure ? Un jour ? Un an ? Un siècle ? Tout ceci importait peu, en fait, parce que la seule chose qui comptait était que Duncan était mort. Jamais plus il ne reviendrait. Jamais plus elle ne verrait son sourire étincellant. Jamais plus ses yeux marron ne se poseraient sur elle de cette façon particulière. Jamais plus ses bras puissants la serreraient contre son coeur. Et penser à tout ce qui ne se passerait plus dans sa vie la rendait folle.

Se redressant, Syuzanna quitta les bois, qu'elle traversa sans s'en rendre compte. Voir la Tour lui retourna le coeur, et elle rendit son dernier repas. Pas à pas, elle revint chez eux... chez elle. Eilidh l'attendait sur le pas de la porte et Skye hurlait de toute la force de ses poumons. La rousse prit place à table, donna le sein à sa fille, la coucha de nouveau, et fit de même avec Eilidh. Elle, elle ne put pas s'allonger sur ce lit trop grand, trop vide, trop froid. Quel sens avait désormais sa vie ? Sortant de nouveau hors de la Tour, elle remonta le sentier qui menait aux falaises, et une fois tout en haut, elle contempla la mer, immense et glaciale. Ce qu'océan prenait, jamais il ne rendait. Se roulant en boule, laissée à la merci des vents, elle accepta à la fois larmes et hurlements qui s'échappaient de ses yeux et sa gorge. Elle l'appela, encore et encore, jusqu'à ne plus pouvor dire un mot. Puis une promesse, lancée aux flots dans un murmure.


- Bientôt, je te rejoindrai.

Il fallait qu'elle retienne ce jour précis, cette heure-là même. C'était aujourd'hui qu'elle était morte.


Under - Alex Hepburn
* J'ai perdu confiance, 21 grammes d'âme
Toute la santé mentale que j'ai jamais eu... volatilisée
Mais je respire toujours
Malgré le tonnerre, le feu et la folie
Juste pour que tu m'abattes encore une fois
Mais je respire toujours !
Je le sens dans mes veines, dans ma peau, dans mes os que je perds
Toi, moi, tu embrouilles toutes les raisons de vivre qu'il me reste

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Bilbon
[La mémoire à la mer
Je dérive comme un enfant sans repères
Je m'enivre à deviner ton étoile au ciel
Ton sourire au bord des larmes]
*

Tiré de l'inconscience par des jets d'eau, Duncan ouvrit les yeux et se frotta les paupières. Une jeune fille rousse se tenait à ses côtés et il fut bien obligé d'en conclure qu'il n'avait pas rêvé. Elle l'aida à le remettre sur pieds, et il lui sembla qu'il s'agrippait un peu trop au cou d'Odalia. Il trainait les pieds, épuisé plus qu'il ne l'avait jamais été.
Une maison fut en vue et Odalia l'y fit entrer. Il se sentit porter par des bras plus puissants que ceux de sa sauveuse, et déposer sur une couche assez confortable. Tout avait des odeurs salées de mer et vent. S'endormit-il ? Quelques instants seulement puisque lorsqu'il ouvrit de nouveau les yeux, une femme lui tendait un bol de soupe fumante. Il se redressa et la remerçia d'un regard avant de boire goulument d'une traite la moitié du liquide parfumé et chaud. Odalia se tenait juste à ses côtés et il l'examina attentivement. Jolie et jeune, une vraie rose fraiche.

"Je m'excuse mais... Je ne me souviens plus de votre réponse. Y a t'il des bâteaux qui partent régulièrement pour la France ?"

Maintenant qu'il avait les idées un peu plus claires, il se rendit compte qu'il n'avait aucun moyen de prévenir Syu de l'endroit où il se trouvait. Elle devait encore ignorer ce qu'il s'était passé, à moins que quelqu'un ait été au courant du naufrage et alors... Et alors qu'avait-on bien pu lui dire ? Qu'il était mort noyé comme les autres ? La peur lui serra le coeur et il reposa brutalement le bol sur le sol.

"Je dois m'en retourner chez moi. Je vous remercie de votre bonté mais il me faut un bâteau."

Il plongea son regard dans celui d'Odalia. Elle était certes très jolie, mais sa femme l'était encore plus. Et si Syu le croyait mort, les dieux savaient ce qu'elle ferait sans lui ! La première fois... Sa mâchoire se crispa. La première fois, elle avait épousé un Danois idiot. Que ferait-elle désormais ? Sentirait-elle qu'il n'était pas mort ? Sentait-on vraiment ces choses là ? Il ne voulait pas qu'elle le croit mort, la faire souffrir lui était insupportable.



* Sur ma peau de 1789 les amants de la Bastille

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--Odalia


Il insistait pour partir, chose que je ne voulais pas pour l'instant. Le baiser de cet homme m'avait transporté. Je le savais marié puisqu'il m'avait confondu avec sa femme. Mais je me fichais de cette épouse si loin de notre île. Jamais je n'avais pensé de telles choses avant. C'était étrange, je ne me reconnaissais plus. Tout cela pour un baiser ?
Je levai les yeux vers mes parents : ils ne nous écoutaient pas. Debout près du chaudron de soupe, ils discutaient aprement. Sans doute de Duncan. Je me penchai vers lui pour lui répondre, soucieuse que mes parents ne m'entendent pas.


- Il ne passe qu'un bateau tous les trois mois, ici. Vous prendrez le prochain. Nous allons vous réserver une place.

Le potage fini, je ramassais son bol et m'en fus l'apporter à Maman. Mon père s'approcha de moi, me demandant des explications. Je lui racontai ce que je savais, n'omettant rien, sauf l'épouse. Papa parut ennuyé pour lui, mais m'accorda la grâce de le garder auprès de nous jusqu'à ce qu'il aille mieux.

¤ Les jours passèrent... Et les semaines aussi... ¤

Cela faisait désormais un mois que Duncan vivait auprès de nous. Il allait beaucoup mieux. Au fil des jours, j'avais appris à mieux le connaître. Son histoire en Ecosse ne m'était plus inconnue, de même que son arrivée en France. Le fait que sa femme se soit mariée à un autre après qu'elle l'eut cru mort me rassura. La Syuzanna dont il parlait sans cesse trouverait un autre époux, et je pourrai garder celui-ci.
Il accomplissait les tâches que mon père lui confiait contre le gîte et le couvert. Il pêchait, réparait les filets, travaillait la terre, et ce sans jamais se plaindre.
Parfois, je le retrouvais tout seul, debout devant la mer, à contempler l'horizon. Je le savais malheureux, dans ces cas-là. J'osais alors lui prendre la main pour le consoler de sa peine. Je savais qu'il pensait à sa femme et à ses filles. Et en moi-même je souhaitais que son épouse soit remise de sa disparition et qu'elle ne souffre pas trop.
Un jour, je posais ma tête contre son épaule musclée, et il ne tenta pas de m'écarter. J'espérais gagner lentement son coeur.
Mes parents n'étaient pas satisfaits de mon comportement, je le voyais dans leurs regards. Ils réprouvaient. Parce qu'un soir, au dîner, Duncan leur avait confié que sa famille lui manquait attrocement, et qu'il avait l'impression de devenir fou sans sa femme. Papa me demanda pourquoi il n'était pas encore reparti, et je lui avouais mon mensonge. J'eus droit à une sacrée punition ! Je fus contrainte d'exécuter les tâches les plus ardues une semaine durant.
Duncan n'allait pas à l'église, et cela valait mieux. Ainsi, il ne risquait pas de tomber sur le Capitaine Tedd, qui prenait la mer pour la France presque toutes les semaines.
Un jour, je trouvais mon écossais tout seul, sur un rocher. Je m'approchai de lui, le coeur battant. Prenant place à ses côtés, je tournai le visage vers lui.


- Vous pensez encore à votre épouse, n'est-ce pas ?
Syuzanna.
Le premier jour, elle n'avait pas dormi ni manger. Le premier jour, elle l'avait passé les pieds dans le vide, à contempler la mer depuis la falaise. Silencieuse. Le premier jour, elle n'avait fait que donner à manger à ses filles. Sans rien dire. Le premier jour, elle était restée sur le promontoire rocheux jusqu'à ce que les étoiles succèdent au soleil, et jusqu'à ce que le soleil les chasse de nouveau.
Le second jour l'avait cueilli, frigorifiée sans avoir conscience de l'être. Le second jour, elle s'était demandée si elle devait prévenir les siens. Elle avait décidé que non. Chacun avait des choses à faire. Et d'ailleurs, son Clan n'était plus que la copie de la copie de l'original. Eclaté et lui en voulant pour sa décision au sujet du mariage de Sybelle. Le second jour, elle avait de nouveau nourri ses enfants. Et elle était retournée s'assoir là-haut. Silencieuse, encore. Le second jour, elle n'avait pas dormi non plus. De nouveau, elle avait vu se coucher le soleil, se lever la Lune, puis la Lune se coucher et le soleil revenir. Cette nuit-là, elle l'avait passé à pleurer.
Le troisième jour avait été identique aux autres.
Le quatrième aussi.
Le cinquième aussi.
Le sixième aussi.
Le septième aussi.
Le huitième aussi.
Le neuvième aussi.
Le dixième aussi.
Le mois entier ressembla au premier jour.


En un mois, Skye avait grandi. Ses boucles étaient toujours aussi rousses, mais son regard avait verdi. Il oscillait désormais entre le noisette des MacDouggal et le vert des MacGregor. Potelée comme les petits enfants, elle passait la majeure partie de son temps avec sa demi-soeur. Eilidh aussi avait grandi. Elle avait sept ans désormais, et s'inquiétait de l'attitude de sa mère. Elle ne venait la chercher que pour les repas, le reste du temps, elle faisait découvrir le monde à sa cadette. Elle savait son père mort, et saisissait l'ampleur du drame dans la vie de sa mère. Mais elle ne savait pas quoi faire. Elle se sentait démunie, parce qu'elle était une enfant.

Syuzanna avait changé aussi. Elle était pâle, et maigre. Ses cheveux ne brillaient plus, son regard avait perdu toute joie de vivre. Dans quelques jours, ce serait le mariage de sa cousine et elle ignorait si elle devait y aller où pas. Elle décida de s'éloigner de la Tour jusqu'aux épousailles. Quittant la falaise, elle partit faire les bagages, qui n'étaient pas bien lourds. Eilidh rajouta quelques vivres, au cas où. Puis elle partirent toutes les trois dans la campagne environnante, bifurquant dans les bois rapidement.
Et toujours en silence.

_________________
Bilbon
"Vous pensez encore à votre épouse, n'est-ce pas ?"

Duncan détourna les yeux de la mer pour fixer la jolie Odalia à ses côtés. Il n'était pas idiot et sentait bien que cette jeune femme était en train de tomber amoureuse de lui. Il n'avait pourtant rien fait pour, et avait de suite parlé de sa femme. Mais il ne pouvait pas l'empêcher de l'aimer, tout comme il ne pouvait s'empêcher de ne la voir que comme une amie.

"Elle est mon monde." Répondit-il doucement en regardant de nouveau les flots. "Elle est ce que j'ai de plus cher au monde. Connaissez-vous ce sentiment ? Avoir l'impression d'être invincible aux côtés de quelqu'un, et rien du tout sans cette personne ? Cela fait un mois que je suis à Jersey, chez vous. Je ne sais ce qu'elle fait, je ne sais ce qu'elle pense, et cela me rend fou. Je ne la vois pas sourire, je ne l'entends plus rire, je ne remarque plus l'éclat que donne le soleil à ses yeux. Quand elle rejette ses cheveux en arrière, je ne le vois plus non plus. Quand elle essaye de convaincre le monde entier qu'elle est plus solide que le roc, je vois pourtant dans son regard qu'elle est aussi fragile qu'une fleur. Je connais chaque détail de son visage, chaque expression qu'elle y met. Je sais avant elle quand elle va se mettre à rire ou à pleurer. Je ne sais qui je suis devant vous, mais je ne suis pas moi. Je ne suis entier qu'avec elle. Je sais... un homme se doit d'être fort en lui même et les femmes sont censées n'être bonnes qu'à procréer dans un couple mais... Non. Je ne suis pas de ceux là. Je n'ai pas peur de dire tout simplement que j'aime cette femme. Et ça ne me rend pas faible mais plus fort. Vous saisissez ?"

Il enfonça ses doigts dans le sable mouillé en baissant le regard vers ce mouvement de main. Odalia devait être fixée sur ses sentiments et c'était pour l'y aider qu'il s'était tant dévoilé à ses yeux. Il pensait chacun de ses mots et réellement il se sentait diminuer sans sa femme.

"Vous comprennez pourquoi il me faut un bâteau ? Aujourd'hui c'est le mariage de sa cousine Sybelle et je sais qu'elle y sera seule. Je devrais être à ses côtés et la serrer dans mes bras. Au lieu de ça je suis ici à me morfondre en attendant que deux mois s'écoulent. Je ne sais même pas si elle sait que le navire a fait naufrage, j'ignore ce qu'elle sait et ce qu'elle croit. Et ça me rend dingue d'être bloqué là parce que la faire souffrir est intolérable. Alors oui, je pense encore à ma femme et j'y penserai chaque seconde de ma vie jusqu'à ce que je meurs."

Il avait parfois envie de se construire un radeau et de repartir au petit bonheur. Il avait remarqué sur la carte des parents d'Odalia que Jersey n'était pas loin des côtes de la Manche. Y avait-il une solution de ce côté ?
_________________
--Odalia


Ce qu'il me disait me brisa le coeur en millions de morceaux. Il n'oublierait jamais sa femme et n'était pas amoureux de moi. Sur le coup, je fus tentée de l'envoyer au diable. J'avais sauvé le seul homme au monde à rester fidèle à son épouse ! Etais-je maudite ?
Oui, je connaissais ce sentiment. Je le ressentais actuellement. Il était devenu le centre de ma vie. Et je n'avais aucune chance d'être le centre de la sienne.
Je me levai en retenant mes larmes. Le temps jouerait peut-être en ma faveur ? Je voulais encore y croire, et espérer. Mais sa déclaration tournoyait dans ma tête. Elle est mon monde. Je ne suis entier qu'avec elle. Invincible à ses côtés. Je secouai la tête. Je n'allais pas en parler à mes parents parce que je savais ce qu'ils me diraient. Si l'épouse de Duncan l'aimait autant qu'il l'aimait, avais-je le droit de les séparer ? Par pur égoïsme ? Parce que j'étais trop difficile avec les hommes de Jersey ? J'étais tiraillée. Je m'avançai de nouveau, restant debout, consciente que ce que j'allais dire le rendrait peut-être fou de colère.


- Je... J'ai menti. Il y a un bateau en partance quasiment chaque semaine pour Dieppe. Mais je... Je voulais juste avoir une chance avec toi, auprès de toi. Ta femme... je me suis dit qu'elle allait t'oublier comme la première fois. Je ne me rendais pas compte. Je suis désolée.

Le vent plaquait ma robe contre mon corps menu. Mes formes rondes ne lui étaient plus inconnues de fait. Le blanc du tissu se faisait transparent contre moi. Je me sentis aussi nue qu'un ver, devant ses yeux bruns.
Bilbon
Les paroles d'Odalia le figèrent sur place. Ainsi elle lui avait menti pour le garder auprès d'elle plus longtemps ? Il avait donc eu raison de croire qu'elle était amoureuse de lui. Tournant la tête vers elle, Duncan s'apprêtait à la sermonner vivement mais il en fut incapable. Le vent dessinait son corps, un corps magnifique. Son regard d'azur percuta le sien de plein fouet et il sentit sa colère fondre comme neige au soleil. Il aimait sa femme plus que tout au monde et jamais il n'aurait un jour pensé la tromper avec qui que ce soit. Pourtant Odalia se tenait là superbe et fraiche, terriblement attirante. Il se leva lentement sans savoir ce qu'il était en train de faire. Elle brouillait ses sens et il sentit le désir monter en lui comme une vague. Cette sensation l'effraya en même temps qu'elle l'enivra. Qu'allait-il faire ?

"Je ne t'en veux pas, Odalia." Murmura-t-il d'une voix rauque en reprenant le tutoiement.

Il s'approcha encore et sut ce qui allait se passer, tout en se rendant compte aussi qu'il n'allait pas lutter pour se soustraire à cela. Il avança la main vers la jeune fille et suivit la ligne de sa taille, descendant jusqu'à ses hanches et remontant pour finalement se saisir d'un sein. Il la sentit frémir sous sa paume et se demanda s'il n'était pas en train de l'effrayer. Dans les yeux bleus cependant il ne lut pas de crainte mais le reflet de son propre désir. Il pensa à Syu. Odalia n'avait pas tort quand elle avait dit qu'elle s'était remariée. Etait-il en train de se venger ?
Il se pencha vers elle et l'embrassa, d'abord délicatement puis avec plus de passion. Son corps se pressa contre le sien, puissant. Ses deux mains parcoururent son corps et lentement il fit passer la robe par-dessus la tête de la jeune fille. Il sentit les mains d'Odalia lui ôter sa ceinture, le libérant, et lui-même envoya valser chemise et braies.

Il la savait pure encore et n'aspirait pas à la faire souffrir. Il fit montre d'une douceur et d'une tendresse infinie avec elle. Le sable était froid sous les peaux brûlantes mais il n'y prit pas garde. Il affirma par quelques caresses le désir qu'elle éprouvait pour lui, accentuant le sien propre. Bientôt il fut en elle et là encore ses mouvements furent caressants et délicats. Ils se laissèrent aller à la volupté et finalement à la passion.
Pendant le temps que dura leur étreinte Syu fut hors de ses pensées et alors qu'il basculait sur le côté, il eut brusquement honte de ce qu'il venait de faire. Il n'avait jamais connu d'autres femmes que la sienne, et la tromper alors qu'elle le croyait mort lui sembla brusquement être l'acte le plus odieux qu'il avait pu accomplir. Il était cependant trop tard pour regretter et d'ailleurs il n'en avait pas vraiment envie. Il éprouvait beaucoup de tendresse pour Odalia, après tout.

Il ne savait quoi lui dire. Parler de s'en aller maintenant lui semblait la pire grossierté à sortir. Il tourna la tête vers son amante, chamboullé encore d'avoir pu trahir la promesse de son mariage.

"Je... Odalia... je..." Bredouilla-t-il en cherchant ses mots. "Je m'excuse."
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Syuzanna.
How I needed you

Il y avait eu le mariage, puis il y avait eu de nouveau le silence. Du haut de sa chambre, elle avait contemplé les serviteurs débarasser les alentours des décors installés pour l'occasion. Elle était si seule dans sa tête qu'en réalité, il n'y avait plus personne. Pas même elle.
Elle avait eu besoin de Lui ce matin, en se levant. Elle avait besoin de Lui actuellement. La matinée n'était pas encore achevée, mais elle ressentait son absence comme on perçoit celle de la lumière quand on est enfermée dans une cave. Il était parti et tout lui manquait. Elle ne ressentait plus rien, parce qu'elle n'était plus rien. Elle ne pensait à rien d'autre qu'à lui.
Elle se souvenait de son sourire, elle se souvenait de ses yeux. Elle entendait encore le son de sa voix, et sentait l'odeur de son corps. Il était partout, puisqu'il était absent.
Elle lui en voulait de l'avoir laissé. S'il s'était tenu devant elle à ce moment précis, nul doute qu'elle l'aurait lacéré de ses ongles. Elle le haïssait de n'avoir pas su survivre pour elle. Elle se détestait de lui en vouloir.

Incapable de rester immobile dans sa chambre, elle sortit de la Tour. Prendre l'air, respirer, avoir l'impression de faire quelque chose. Trouver un tuteur, c'était devenu capital. Elle avait prévu avec Nessie le jour exact de sa mort. Minutieusement, comme on compose un air intemporel. Elle prévoyait ça pour dans exactement neuf jours. Elle rejoindrait Duncan le vingt mai. On était le onze, le lendemain des épousailles. Ça lui laissait le temps de ranger ses affaires. Tout serait bien. Une vie sans Duncan ne valait pas la peine d'être vécue. Et puisqu'une fois mort, on rejoignait les siens pour l'éternité, Syuzanna avait toutes les raisons de faire ce qu'elle s'apprêtait à faire.

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--Odalia


Il m'embrassa et la suite fut si incroyable que j'osais à peine y prêter foi. Mais j'étais bien obligée d'y croire puisque j'étais en train de le vivre. Etait-ce que j'avais espérer ? Il venait d'oublier sa femme dans mes bras et cela m'emplissait à la fois d'une joie immense et d'une peine intense.
Qu'il me présente ses excuses me fit éclater de rire.


- Pourquoi t'excuses-tu ? Tu ne m'as pas manqué de respect que je sache !

Je roulai sur le côté et réintégrai ma robe. Le fait d'être enceinte m'effleura à peine. On tombait rarement enceinte la première fois. Je venais de prendre une décision. J'attendais qu'il s'habille pour lui prendre la main.

- Nous allons rentrer à la maison. Je vais te couper les cheveux. Puis je t'emmènerai au port. Tu vas rejoindre ta femme, Duncan.

L'entrainant à la chaumière, je le fis assoir sur un tabouret et m'emparai d'une épaisse paire de ciseaux. Les mèches trop longues tombèrent en vrac à mes pieds. Ce n'était pas du grand art mais cela valait mieux que rien.
Ses bagages furent vite bouclés : on ne lui donna que quelques vivres. Après les derniers saluts à mes parents, nous quittâmes la chaumière et je l'entrainais en courant vers le port le plus proche, qui était tout de même à cinq lieues.


- Tu vas la retrouver, ta Syuzanna, promis-je en lui souriant.

Nous arrivâmes quelques temps après, épuisés mais finalement impatients. Je savais que j'allais le perdre, mais désormais je savais ce qu'était l'amour. Et peut-être était-il temps que je le trouve sur l'île. Le temps de la jeune fille romantique était terminé.
Alors que nous pénétrions dans la ville portuaire, je le guidai jusqu'au bateau du Capitaine Tedd. La suite, c'était à lui de l'écrire. Me haussant sur la pointe des pieds, je déposai un dernier baiser sur ses lèvres.


- Va. Et sois heureux. Je ne demande que deux choses. Ne regrette pas ce qu'il s'est passé tout à l'heure, et pense à moi de temps en temps.
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