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[RP] [Ici et Ailleurs] Noies-toi, c'est moi qui meurs

Bilbon
Ce fut son tour d'être surpris par l'attitude de la jeune fille. Pourquoi réagissait-elle ainsi ? Pourquoi ne cherchait-elle pas à le retenir ? Et avait-il vraiment envie d'être retenu ? Pendant qu'ils repassaient leurs vêtements il tourna le regard vers la mer. Le soleil frappait les flots et sur les mouvements de l'eau, il y avait comme des milliers de reflets dorés. Le même genre de reflets qu'il contemplait parfois dans les yeux de Syu. Son visage se dessina devant son regard. Son sourire était la nourriture que cherchait son âme. Il en fut comme électrisé et ne chercha pas à se débattre lorsque Odalia l'emmena chez elle.

Les mèches tombèrent les unes après les autres pour lui redonner une mine présentable. Du reste il n'en eut pas de souvenir, occupé qu'il l'était à penser à la fois à sa rousse et à ce qu'il venait de faire avec celle-ci.
Le trajet jusqu'au port se fit pour sa part comme dans un état second. Il ne se rendit compte de rien, ne détailla même pas le paysage obsédé qu'il était par la question de savoir ce que Syu avait fait en son absence. Et Skye ! Comme elle devait avoir changé ! De même Eilidh, car même si elle n'était pas leur fille, il la considérait finalement comme telle.

Le port était semblable à tous les ports du monde. Des bâteaux, un quai grouillant de monde et d'activités, des cargaisons qui n'attendaient que d'être embarquées. Odalia lui désigna le Capitaine Tedd auprès duquel il devait demander l'autorisation de monter à bord. Visiblement, il partirait ce jour même.
La jeune fille l'embrassa et lui demanda deux simples choses.

"Je te le promets, Odalia. Et... j'ai été heureux de te connaître."

Il déposa un baiser sur le front pâle de celle qui l'avait sauvé des eaux.

"Tu trouveras quelqu'un qui est autant fait pour toi que je suis fait pour ma femme. Tu es... formidable."

Il la serra brièvement contre lui puis s'en fut rejoindre le Capitaine. Il obtint une place jusqu'à Dieppe contre sa participation au bon fonctionnement du navire, puisqu'il n'avait pas d'argent.
Duncan avait eu beaucoup de chance, Odalia l'avait mené juste à temps au port. Le bâteau partit moins d'une heure plus tard. Tournant une dernière fois le regard vers la berge, il fixa Odalia jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un point.

La traversée prit deux jours. Il parvint à Dieppe épuisé mais heureux. Ce n'était pas son pays mais c'était dans celui-ci que se trouvait sa femme. Il remercia Tedd chaleureusement, celui-ci lui promettant une place sur son navire chaque fois qu'il le désirerait, et il ajouta une bourse à cette promesse. Il partirait le lendemain, il était trop tard pour commencer un autre voyage et se sentait trop épuisé.
C'était le 13 mai, et il estimait qu'il serait rendu chez lui dans dix jours, le 23 mai.

Trois jours trop tard. Mais cela, il l'ignorait.
_________________
Syuzanna.
[Promise me you'll wait for me
'cause I'll be saving all my love for you
And I will be home soon
Promise me you'll wait for me
I need to know you feel the same way too
And I'll be home, I'll be home soon]
*

Le treize mai, Syuzanna prit une décision pour ses filles, bien que ça n'eut pas été simple. Une âpre discussion avait animée la Tour, opposant la rousse à Nessie, la conscience à la folie.

« Comment ? Tu veux les confier à Sybelle ? Mais ce n'est qu'une gamine ! Manu est une valeur sûre. »
- Manu ? Non, Manu a pris sa décision en s'opposant au mariage de Sybelle.
« Hein ? Quoi ? Tu comptes le renier ? Tu sais que Sarah le suivra... »
- Qu'elle le suive !
« Tu ne le penses pas. »
- Tu veux parier ?
« Bon, bon. Euh... Justement ! En confiant les enfants à Manu, tu lui donnes une chance de se racheter ! Et en plus tu as toujours la garde de son fils. »
- Je lui dirais de venir chercher James, oui. D'ailleurs je ne vais pas confier la garde de mes filles à un type qui n'est pas capable de garder son fils tout seul et qui se fait enlever sa fille !
« Certes, mais... »
- Mais c'est tout. Et n'insiste pas, mon choix est fait. Ce sera Sybelle.
« Et Cait ?! C'est notre soeur quand même ! »
- Cait ? J'y ai évidement pensé. Elle est leur Tante. Mais je pense qu'elles sont trop jeunes et qu'elles risquent de l'encombrer. Je les confierai à Sybelle et à Cait. Une sorte... de garde partagée.
« Bien. Bon. D'accord. N'empêche, tu devrais faire un pas vers Manu. »
- Certainement pas ! Tu as peut-être oublié ce que sa soeur et lui ont dit au mariage de mon Adorée. Moi pas. De plus, il n'a pas daigné venir quand Dun' l'a invité à venir saluer notre fille. Qu'il ailler se faire foutre.
« Ce que tu peux être têtue. »
- Ce que tu peux être chiant.
« ... »
- Et maintenant la ferme ! J'écris !

S'emparant de sa vieille plume d'oie, ainsi que d'un encrier et d'un parchemin, elle commença la rédaction de sa première missive.

Citation:
A Maonaigh MacDowell
Fait en la Tour MacDouggal
Ce 13 Mai 1461

Cousin,

Car oui, malgré ton départ du Clan les liens du sang persistent. Ne t'en fais pas, les nôtres ne tarderont pas à se rompre définitivement.

Je t'écris en ce jour pour te demander de venir chercher ton fils, James MacMaonaigh, ici même à la Tour. Je ne vais plus pouvoir le garder auprès de moi après le 20 Mai, et j'aimerais autant qu'il soit parti avant cette date fatidique, où tous liens entre nous seront définitivement rompus, outre ceux que tu conserveras en ta mémoire. Je ne puis te garantir de me souvenir de toi par la suite, ignorant de quoi sera fait l'Après.

Affectueusement malgré les discordes.
J'eus aimé te transmettre les salutations de Duncan, mais celui-ci n'étant plus de ce monde, je ne le puis.



Elle cacheta le velin, et l'expédia aussitôt grâce à l'un des deux pigeons enfermés dans la cage. Elle rédigea la lettre suivante dans la foulée.

Citation:
A Sybelle NicAvoy da Medici
Fait en la Tour MacDouggal
Le 13 Mai 1461

Chère et estimée cousine,

Je t'écris en ce jour pour te confier temporairement la garde de mes filles, Eilidh et Skye. La garde sera partagée entre toi et ma soeur Caitriona.
Tu connais nos valeurs et les miennes, je n'ai donc aucun commentaire à faire, aucune recommandation à ajouter.

Tu sauras quoi leur dire plus tard. Elles comprendront, je le sais.
Répète leur chaque fois que le moment s'y prêtera que leurs parents les aiment. D'ailleurs, nous nous reverrons.

Je te serai gré de venir les chercher avant le 20 Mai. C'est important.

Je n'ai pas le courage d'écrire à ma Cait adorée. Je ne saurais trouver les mots pour lui dire que je l'aime. Pourras-tu lui transmettre ce message précisément ? Dis-lui simplement que je n'aurais jamais pu rêver plus incroyable soeur qu'elle.

Toi aussi, je t'aime. Et je te demande pardon pour t'avoir uni à cet homme. Tâche de trouver le bonheur ailleurs.

Affecteusement,


Elle fut envoyée tout aussi vite. Ne restait désormais plus qu'à attendre qu'ils viennent, puis elle pourrait régler les autres détails. Se levant de son bureau, elle contempla la mer, apaisée. Elle comptait les jours avant de rejoindre Duncan, et ça avait chassé en partie la douleur de sa perte. Le retrouver lui rendrait la vie. N'était-ce pas... extraordinaire ?



* Promise me - Beverly Craven
Promets-moi que tu m'attendras
Car je vais garder tout mon amour pour toi
Et je serai bientôt de retour à la maison
Promets-moi que tu m'attendras
J'ai besoin de savoir que tu ressens la même chose toi aussi
Et je serai à la maison, je serai de retour bientôt

_________________
Bilbon
[Et quand nos regrets viendront danser
autour de nous nous rendre fous
Seras-tu là ?]
*

Duncan s'était levé en même temps que le soleil, frais et dispo. Il n'avait désormais plus qu'une hâte : partir retrouver sa femme. Il ne cessait d'y songer, à ce moment où leurs regards se croiseraient. Se jeterait-elle dans ses bras ou resterait-elle immobile, tenant les enfants par la main ? Il se représentait tant de scènes différentes qu'il en avait le tourni.
Malgré sa promesse à Odalia, l'Ecossais ne pouvait s'empêcher d'avoir honte de son comportement vis-à-vis de la jeune fille. Et surtout vis-à-vis de sa femme ! Oserait-il lui avouer son infidélité ? Oserait-il déclamer devant tous qu'il avait briser la promesse qu'il avait faite à son mariage ? Etait-il ce genre d'homme lâche ou un Ecossais courageux ? Il devrait lui dire bien entendu, lui dire la vérité sans la modifier. Et si elle le chassait, s'ils le chassaient tous, il l'aurait bien mérité.

Ses réflexions ne le quittèrent pas même dans les rues alors qu'il recherchait une bonne âme pour lui vendre ne serait-ce qu'un mulet. Il avisa le maquignon mais réalisa soudain qu'il n'avait pas assez d'argent pour se payer l'animal et en même temps s'acheter de la nourriture pour le voyage. Il s'avança tout de même et effleura de la paume de la main le museau d'un superbe étalon blanc.

"Ma bête vous intéresse ?"

Sursautant à demi, l'Ecossais se tourna vers la maquignon en personne qui se tenait derrière lui.

"C'est un bel animal." Répondit-il.
"Dites plutôt c'était. Son maître s'en débarasse, il s'est cassé une patte voyez-vous. Il boite désormais, et ça fait pas propre pour un Seigneur."
"A combien le vendez-vous ?" S'enquit Duncan, un peu trop optimiste.
"Vous le prendriez ? Alors que je vous dit qu'il est plus bon à rien ?"
Un sourire éclaira momentanément le visage de Duncan.
"Ma femme vous expliquerait le contraire, elle vous dirait qu'un cheval est toujours bon à quelque chose. Et c'est justement parce que je veux aller retrouver ma femme le plus vite possible que j'ai besoin d'une monture. Alors je vous le redemande. A combiez le vendez-vous ?"
"Cent écus."
"Pour un cheval à la patte cassée ?"
"On peut s'arranger. Cinquante auxquels vous ajoutez ce médaillon."
Le maquignon pointa du doigt le cadeau de Syu que dans un réflexe, Duncan serra dans son poing.
"Je préfère encore aller à pieds. Je vous souhaite bonne chance pour que votre bête boiteuse se vende à ce prix."
Il fit mine de se détourner...
"Attendez, soyez pas si... Hein. On est entre ami. Cinquante tout rond."

Duncan ouvrit sa bourse et grimaça. Il lui resterait juste dix écus pour le reste du trajet. Qu'importait !, il travaillerait le jour et voyagerait la nuit. De plus à cheval, il irait plus vite.
Il paya donc la somme mais ne voulu pas ajouter un denier pour une selle. Il voyagerait à cru comme lorsqu'il s'échappait la nuit avec Syu quand ils étaient plus jeunes.
Le maquignon laissa néanmoins la vieille bride de corde tressée, ce qui permit à Duncan de mener sa bête dans la ville sans avoir à monter dessus ni tirer sur sa crinière.
Il se décida finalement à prendre un emploi pour la journée. Il partirait le soir venu puisque le temps de trajet avait un peu diminué. Bien sûr il irait plus vite monté mais il ne fallait pas oublier le problème de patte de l'étalon, et comme il ne voyagerait que de nuit... Il devrait cependant d'après ses estimations, arriver deux ou trois jours plus tôt.
A condition que tout aille comme prévu.

* Seras-tu là, de Michel Berger

_________________
Manu.
[You know there's still a place for people like us
Tu sais qu'il reste une place pour les gens comme nous
The same blood runs in every hand
Le même sang coule dans chaque main
You see its not the wings that makes the angel
Tu vois que ce ne sont pas les ailes qui font l'ange
Just have to move the bats out of your head
Tu dois seulement faire sortir les démons de ta tête*]



Il était dans les bras de sa compagne lorsque le pigeon est venu se poser sur le rebord de la fenêtre. Il n’avait aucune envie de quitter la douce chaleur que lui procurait la Châtaigne car il n’y avait que dans ses bras qu’il était heureux. Elle l’avait reconstruit, il était tombé fou amoureux d’elle. Rien d’autre ne comptait en cet instant si ce n’est leurs corps entrelacés et leurs lèvres scellées en un baiser fervent. Sauf que ce volatile intriguait le barbu plus que de raison. Dérobant un dernier baiser à son amante, il se leva en renâclant. Quelques poignées de minutes plus tard, il détachait le vélin des pattes de l’emplumé. Effroi. Stupeur. Souffrance.

Non, non, non ! Syu !

Oubliée la perspective de passer la journée dans les bras de sa belle, oubliées les promesses d’étreintes charnelles, oubliés les sentiments amoureux. La rousse avait pris toute la place dans les pensées de l’Ecossais. Elle avait toujours représenté plus qu’une cousine pour lui, certes il l’aimait moins qu’il n’aimait son Unique mais il ne pouvait pas imaginer sa vie sans elle, sans son sourire rassurant, sans ses rires malicieux. Oui il avait quitté le Clan à l’annonce du mariage de Sybelle, oui encore il s’était comporté comme le dernier des abrutis égoïstes. Mais en dépit de tout cela, son Clan lui manquait, sa famille lui manquait. Il avait hésité à revenir lorsque sa sœur lui avait envoyé une missive lui dépeignant l’état dans lequel elle avait trouvé Syu, évoquant la folie qui s’était emparée d’elle et qui semblait liée à une voix indésirable dans sa tête. Il n’était pas venu, se disant que la peine finirait par s’atténuer et que, peut-être, sa cousine se déciderait à annuler le mariage de son autre cousine avec un italien tout ce qu’il y a de plus crétin.

Qu’il avait été stupide ! Comment avait-il pu oublier sa propre douleur au départ de Maelys puis à sa mort ? S’il était encore de ce monde aujourd’hui c’était uniquement grâce à la promesse qu’il avait faite à l’Irlandaise sur son lit de mort. Protéger leur enfant, lui offrir une vie heureuse. Et où était James aujourd’hui ? Avec sa tante, tante qui se mourrait. Manu lâcha un râle de désespoir lorsqu’il se rendit compte de sa connerie : son fils avait déjà vu sa mère mourir, comment pouvait-il le laisser assister à la descente aux enfers de sa tante ? Après avoir enfilé à la va-vite des braies et une chemise, sans hésiter et sans un mot pour sa compagne, il scella son cheval, l’exhortant à une allure démente direction la Tour MacDouggal.



[Easy as a kiss we'll find an answer
Aussi simple qu'un baiser nous trouverons une réponse
Put all your fears back in the shade
Laisse toutes tes peurs dans l'ombre derrière toi
Don't become a ghost without no colour
Ne deviens pas un fantôme sans couleurs
Cause you're the best paint life ever made
Car tu es la plus belle peinture qu'ait jamais faite la vie*]



Lorsque la tour familiale se dessina devant lui, il fut pris d’une angoisse soudaine : et si finalement elle n’avait pas attendu ? Que ferait-il s’il découvrait le cadavre de la cheffe MacDouggal en arrivant ? Il ne voulait pas n’avoir que des souvenirs, il ne voulait pas une nouvelle fois avoir à trainer les fantômes du passé. Il voulait qu’elle vive, il voulait la sauver. Peu lui importait de sacrifier sa fierté et d’accepter le mariage de Sybelle tout comme il se foutait de ce qu’on pourrait penser de lui. Lui qui avait clamé haut et fort qu’il ne remettrait plus un pied au Clan si le mariage avait lieu. Il n’y avait que sa cousine dans sa tête. Images de décrépitude auxquelles il juxtaposait les souvenirs qu’il avait de sa dernière nuit avec la mère de son fils. Il n’avait pas pu sauver SA rousse, peut-être parviendrait-il à sauver celle-ci…

Sans prendre la peine d’attacher son cheval, il courut à perdre haleine au sein du domaine des MacDouggal. Son cœur battait à tout rompre lorsqu’il monta quatre à quatre les escaliers menant au Sommet de la Tour. Elle était là. Vivante. Passé le soulagement de voir qu’elle n’avait pas mis fin à ses jours, il eut le souffle coupé en voyant dans quel état elle était. Pouvait-il vraiment dire qu’elle était vivante ? Son âme, son esprit, semblaient être partis depuis bien longtemps, seule substituait son enveloppe charnelle. Cette vision d’horreur le prit aux tripes et il ravala difficilement ses sanglots. Il devait se montrer fort s’il escomptait avoir une chance de la sauver.



[For every step in any walk
A chaque pas dans chacune de tes marches
Any town of any thought
Dans chaque ville de chacun de tes rêves
I'll be your guide
Je serai ton guide*]



Il avait perdu la notion et avait l’impression de flotter au-dessus du monde. Il se voyait marcher vers elle mais il n’en avait pas réellement conscience. Tout devenait brume dans son esprit, le seul lien qu’il conservait avec la réalité était le dos de Syuzanna qui semblait le narguer. Il courrait ou du moins il se voyait courir vers ce dernier. Les secondes se faisaient éternité, laissant à l’Ecossais l’impression qu’il n’atteindrait jamais son but. Et pourtant, force du verbe « courir » oblige, il finit par rejoindre la rousse. Et, dès lors qu’il effleura sa peau, le temps reprit son cours. Sans attendre, il la força à se retourner, avisant avec tristesse la couleur terne de ses yeux et ses traits tirés par la douleur. Elle avait perdu Duncan, il avait perdu Maelys. Lui dire qu’il comprenait ce qu’elle ressentait aurait été déplacé et il aurait risqué de la perdre définitivement.

Alors, au lieu de s’étaler en palabres inutiles, il l’entoura de ses bras protecteurs. L’odeur de ses cheveux n’était plus la même et il sentait que son corps aussi avait changé. Les rondeurs de la grossesse avaient laissé place aux os saillants de la souffrance. Elle avait renoncé. Sauf que lui, il n’était pas prêt de la laisser partir. La repoussant doucement, il entoura ses épaules de ses mains calleuses. Et, rivant ses prunelles aux siennes, il se décida enfin à prendre la parole.

Je m’en veux d’être parti, si tu savais…

Un silence lourd de sens s’installa avant que Manu ne se décide à le chasser par d’autres paroles.

Tu te souviens du coup de poing que tu m’as foutu quand tu as appris que je m’étais amusé à tromper la mère d’Eilidh ? Ça m’a remis les idées en place et ça m’a fait réfléchir. Je suis venu vivre avec toi à Sarlat puis je t’ai rejoint à la maréchaussée, ensuite je t’ai suivi lorsque tu as décidé de partir. Je te suivrai partout Syu, tu m’entends ? Partout. Mais certainement pas dans la mort, du moins pas comme ça. Je ne te laisserai pas tomber. Et, même si je dois passer mon temps à te surveiller, même si je dois t’enchaîner, même si tu dois finir par me haïr, je ne te laisserai par te tuer. Parce que si tu meurs maintenant, si tu es assez lâche pour te suicider et abandonner ton Clan, les dieux ne te laisseront pas aller avec Duncan. Il est mort en héros et le chemin toi tu as choisi est loin d’être héroïque.



[For every street of any scene
Sur chaque route de n'importe quel lieu
Any place you've never been
Dans tous les endroits où tu n'es jamais allée
I'll be your guide
Je serai ton guide*
]



Il sait qu’il s’est montré dur envers sa cousine, il sait aussi qu’il risque très fortement de se prendre une mandale –que celle-ci soit admonestée par Syuzanna elle-même ou par la voix qui a élu domicile dans sa tête. Cependant il n’en démordra pas : elle vivra, qu’elle le veuille ou non parce qu’il sait qu’un jour elle retrouvera le goût de vivre, parce qu’il est persuadé qu’elle guérira à nouveau. Effleurant du bout des doigts la joue syuesque, il l’attire à nouveau contre lui, apposant de la douceur avec ses lèvres sur une caboche secouée par de violents tourments.

Je serai le roc sur lequel tu pourras t’appuyer car tu l’as été pour moi. Et parce que je t’aime, Syuzanna.


*Aaron - Lili

_________________
Syuzanna.
[Ce qu'il reste de toi,
une image imprécise,
une odeur sur mon drap,
une tâche sur ma chemise...
Ce qu'il reste de toi,
un jour de février,
un invisible froid,
des souvenirs à trier,
ta chaleur sur le sable,
des batailles dans la neige,
un sentiment coupable,
mon âme qui te protège...
Ce qu'il reste de toi,
un regard sur ce pont,
un bateau qui s'en va
vers un autre horizon...
Je mets des peurs à m'en remettre,
plus que des bruits, des kilomètres,
j'égare un peu ce qu'il reste de moi,
au milieu de ce qu'il reste de toi...]
*

Elle avait choisi la robe qu'elle porterait pour le jour de sa mort. Aussi blanche que celle qu'elle avait eu à son mariage. D'une simplicité toute transparente, légère et douce sur la peau. Elle brosserait bien ses cheveux, et porterait la moitié de médaillon. Il n'y aurait aucun spectateur, outre que le ciel et la mer. La perspective d'en finir avec la vie ne lui faisait pas peur. De nombreuses fois, elle avait dansé avec la mort, la narguant et triomphant à chaque fois. Pourtant cette fois, elle avait passé un pacte avec la grande faucheuse. Le sacrifice de sa vie contre la promesse de passer l'éternité avec Duncan. Son coeur battait plus fort rien qu'à l'idée de le revoir enfin.

Une main se posa soudain dans son cou, cette même main la força à se lever. Etait-ce bien Manu, se demanda-t-elle alors qu'il la serrait contre lui. Son aveu de regret à peine formulé que déjà, la hargne la remplaçait. Il voulait qu'elle vive, qualifiait son Dessein de lâche. Elle secoua la tête, comme une mère l'eut fait en constatant les bêtises de son enfant. Elle posa sur l'avant-bras de son cousin une main fine et légère, une main à la peau diaphane. A l'annulaire trônait son alliance, toute d'or. Le coeur couronne tenu bien serré entre les deux mains. Le Claddagh offert par Duncan et passé au doigt quelques mois plus tôt. Le bijou semblait ressortir encore davantage maintenant que ses mains étaient si osseuses. Elle leva vers lui un regard plein de candeur et d'innocence. Un regard d'enfant.


- Non, Manu. Duncan n'est pas mort en héros. Il est mort noyé. Je pense qu'il n'y a rien d'héroïque dans la mort, n'importe comment qu'elle se manifeste. Ça, cette notion d'héroïsme dans la mort, c'est juste ce que raconte nos pères pour nous encourager à abattre l'ennemi et à ne pas craindre d'y laisser la vie. Et aujourd'hui, le seul ennemi que je doive vaincre, c'est la vie. Tu dois te souvenir, Manu. Tu as promis de veiller sur ton fils, moi j'ai fait ma promesse le jour de mon mariage. Je ne serai jamais loin de lui.

Un léger sourire accompagna cette déclaration. Expliquer ce qu'elle ressentait être bien trop compliqué. Lui raconter les jours qui se succèdent, semblables aux autres ? La vacuité de son existence ? Le vide qui avait remplacé son coeur ? Et Duncan. Elle le voyait partout. Au détour d'un chemin, là-haut sur les falaises, allongé dans le lit. Ses éclats de rire semblaient résonner partout dans la Tour. Et dieux, comme ses bras lui manquaient ! Comme elle se sentait vulnérable !

« Tu vois, il est venu. Un type bien, Manu. »
- La ferme ! Tu ne sais pas de quoi tu parles !
« Il est venu te soutenir, eh, imbécile ! »
- Me soutenir ? Tu te payes ma tronche ! Tu vas changer d'avis ? Et ta promesse ?
« Te fourvoie pas ma belle ! On change pas nos plans ! Je constate juste qu'il est là. »
- Merci, j'ai des yeux.
« Mais pas de cervelle on dirait. Il a dit qu'il était prêt à nous attacher. »
- La prison qui ne me verra pas m'échapper n'est pas encore construite.

Folle de rage, Syuzanna releva les yeux vers son cousin. Il l'énervait, et Nessie aussi. L'un semblait ne pas comprendre, l'autre menaçait de changer d'avis. Alors quoi ? La laisseraient-ils tous tomber ? Ou au contraire, seraient-ils trop présents ? Trop sur son dos ? A l'empêcher de faire ce qu'elle avait envie de faire ? Non. Cela ne se pouvait ! Pointant un index menaçant vers la poitrine du barbu, la rousse éclata de colère.

- Tu es parti ! Tu as dit que tu ne voulais plus rien avoir à faire avec nous ! Parce que j'ai décidé de marier notre cousine pour ta fille ! Je crois bien que c'était la plus grande preuve d'amour que j'ai jamais pu te donner ! Sacrifier ma petite Sybelle pour ton bébé disparue ! Et toi tu n'as rien compris, tu as foulé ça de tes grands pieds ! Piétiné mon sacrifice, piétiné aussi celui de Sybelle ! Tu n'as jamais vu plus loin que le bout de ton nez, Maonaigh ! Et tu oses entrer ici, dans ma chambre, et me traiter de lâche parce que je m'apprête à rejoindre mon époux adoré ? Tu dis que je laisse tomber le Clan ? Mais qui a laissé tombé l'autre en premier dis moi ? Le Clan m'a laissé tomber bien avant que je le délaisse à mon tour ! Alors tous les deux, vous allez m'écouter. Je vais faire ce que je dois faire. Continuer à vivre pour vous servir encore, tous autant que vous êtes ? Essayer de coller les morceaux, toujours tout donner pour que tout fonctionne ! Non, je refuse ! Si c'est pour qu'encore vos égoïsmes d'enfants gâtés ne contestent mes décisions, ça ne vaut pas la peine ! Darren d'abord, toi ensuite. Sarah qui te suivra. Alors allez tous vous faire foutre et laissez moi en paix ! Il était le seul pour qui je vivais. Lui parti, il ne me reste rien. Rien, à part une famille qui me tourne le dos quand le vent souffle pas dans le bon sens pour elle, sans se soucier de moi !

Furieuse, elle sortit en trombe de la chambre, avant de s'arrêter sur le seuil.

- Ton fils, que tu n'as pas vu depuis mon mariage en février, t'attend dans la chambre au bout du couloir. Ses affaires sont prêtes. Et tâche enfin d'être un père.

Sans attendre de réponse, elle dévala les marches et sortit au-dehors.



* Ce qu'il reste de toi - Grégoire
_________________
Sybelle
La missive de Syu' a l'effet d'un électrochoc pour Sybelle. Si à son mariage elle a eu l'impression de recevoir un coup de massue sur la tête tant elle a été choquée et attristée d'apprendre la mort de Duncan et de voir l'état dans lequel était sa cousine, elle n'a pas tout de suite réalisé la mesure de sa souffrance. Ou plutôt, elle l'a fait mais a préféré s'enfermer dans son propre malheur, car si sa cousine a perdu un époux, la renarde a perdu un ami fidèle tout en gagnant un époux honnit.

Mais pas le temps de penser à cela. Abandonnant son cher Luath et louant un coursier, la jeune fille se met en route. Véritable course contre la montre, sa chevauchée demeure quasiment ininterrompue et durant les heures qu'elle passe à cheval, elle s'interroge sur ce qu'elle doit faire. Imaginer sa vie sans son aînée, imaginer se retrouver tutrice de ses deux filles parce que leurs deux parents auront quitter ce monde est insoutenable pour elle. Égoïstement, elle voudrait attacher Syuzanna à une chaise et la forcer à vivre. Mais de quel droit pourrait-elle faire ça ? Elle n'est pas un dieu. Elle n'a le droit de vie et de mort sur personne et si voler celle d'une personne quelconque ne l'a jamais dérangé plus que ça, priver sa cousine de son libre arbitre lui semble être la pire des injustices. Si Syu vit, alors ce doit être parce qu'elle l'aura choisi. La seule chose qu'elle peut faire, c'est tenter de la convaincre que même sans Duncan le monde mérite qu'elle s'y attarde encore un peu. Et surtout lui montrer à quel point ils ont tous besoin d'elle.

Arrivée à la tour, la jeune mariée abandonne son cheval et se dirige d'abord vers la chambre des enfants où elle retrouve Eilidh et James serrés l'un contre l'autre, la petite Skye dans les bras de son aînée. Les serrant contre son cœur, elle s'efforce de leur sourire d'un air rassurant. Sa cousine lui a confié une mission et bien que cela broie son âme jusqu'à la transformer en tas de poussière, elle fera ce que sa cheffe de clan désire. Parce qu'encore et toujours, elle respecte les choix de Syuzanna.


Je suis là mes chéries, je vais prendre soin de vous, chuchote-t-elle alors qu'elle entend la voix de Manu s'élever juste à côté.

Probablement est-il venu pour récupérer son fils. Se levant, la NicAvoy se dirige vers la chambre de Syuzanna et s'arrête dans l'encadrement de la porte pour écouter, sans le moindre soucis de discrétion, la conversation houleuse de ses aînés. « Les dieux ne te laisseront pas aller avec Duncan. », affirme Manu, plongeant Sybelle dans les affres de la colère une fois de plus. Qu'est-ce qu'il y connait aux Dieux, lui qui parle comme un aristotélicien imbécile, tâchant de culpabiliser leur cheffe. Car peu importe qu'il les ait abandonné, peu importe qu'elle perde l'esprit. Elle est leur cheffe. Laissant sa cousine répondre vertement au barbu puis s'enfuir sans même la remarquer, elle tâche de calmer la colère qui bout dans ses veines puis s'avance d'un pas vers son cousin, levant la tête d'un air aussi fier que méprisant. Elle est peut-être folle de chagrin, mais il n'en demeure pas moins qu'elle, elle sait où est son devoir.

Tu nous as abandonné parce qu'on voulait t'aider et tu reviens comme ça ? Mais pour qui te prends-tu Manu ? Je me suis mariée pour toi. Syuzanna et moi, on a fait ça pour toi et tu n'es pas venu, mais maintenant tu reviens et tu veux jouer les héros en la forçant à mener une vie de misère. Pire, tu la menaces d'une éternité de malheur. Mais que connais-tu aux Dieux Manu ? Demande-t-elle en serrant les poings. Crois-tu que quoique ce soit puisse séparer Duncan de Syuzanna ? Et crois-tu que nos dieux soient des Dieux vengeurs ? Décidément, tu n'as rien compris. Rien à rien. Et tout ce qui sort de ta bouche est d'une stupidité sans nom.

Se détournant de lui, la rousse par à la recherche de l'Autre rousse qu'elle trouve au bord de la falaise, tournée vers l'océan. Jamais, elle n'a autant souffert de voir le malheur de quelqu'un, mais en même temps jamais elle n'a vu sa cheffesse adorée en proie à une telle peine. Infiniment maigre, la MacDouggal parle seule, adressant d'incohérent propos à une certaine Nessie... Et à cette vision de déchéance se superpose l'image de Syu' le jour de son mariage alors qu'elle marchait vers l'autel, radieuse dans sa robe blanche. C'est elle qui a marié Duncan et Syu'... Et c'est elle qui maintenant assiste à la folie de la rousse, détruite par cet amour si fort qu'elle ne saurait exister si le sujet de son amour n'existe plus. N'ayant jamais été aussi amoureuse que Syuzanna l'est, Sybelle ne peut qu'imaginer sa souffrance et malgré tout, elle se doit d'essayer de le faire. Essayer de le faire pour lui montrer qu'elle peut surpasser cette peine. S'approchant de son aînée, elle s'assoit au bord de la falaise sans la toucher, ses jambes pendant dans le vide. Jusqu'à présent, elle c'est toujours raccrochée à Syuzanna – enfants ou ici en France, c'est toujours la plus âgée qui a été la plus forte. A elle maintenant d'inverser les rôles.

Duncan me manque aussi. Il a toujours été un ami fidèle pour moi et même si ma souffrance n'égale pas la tienne, je n'arrive pas à imaginer qu'il ne fera plus parti de mon existence, déclare-t-elle, le regard perdu au loin. Et c'est vrai. Elle ne le dit pas pour que Syu' se sente moins seule dans sa peine. La perte de Duncan les affecte tous. Il était l'un des piliers du clan en tant qu'époux de la cheffe et le monde sans lui perd un peu de sa superbe. Mais ma Syu'... Si l'esprit de Duncan nous a quitté, nous, crois-tu réellement qu'il puisse ne pas être avec toi ? Vous êtes des âmes sœurs lui et toi, et je ne crois pas que tu doives le rejoindre dans la mort. Tu sais pourquoi ? C'est parce que Duncan t'aime si fort, que jamais il ne pourra s'éloigner de toi. Il était sage et je suis certaine que son esprit est là, tout prêt. Il est quelque part dans le souffle du vent qui caresse ton visage, dans le soleil qui t'éclaire, dans l'herbe que tu foules... Tu n'es pas toute seule. Il ne t'a pas quitté.

Levant les yeux vers le visage décharné de sa cousine, Sybelle sent son cœur se serrer un peu plus. Elle aimerait tellement être plus convaincante et trouver les mots justes pour que Syu réalise à quel point il est important qu'elle vive.

Et Syu'... Je ne veux pas que tu partes, finit-elle par avouer, les yeux embués de larmes à l'idée qu'elle puisse avoir à enterrer sa cousine. J'ai besoin de toi, je t'aime. Et je ne suis pas la seule dans ce cas.

Se rappelant le visage des deux petites filles qui attendent à la Tour, elle réalise à quel point elle est impuissante. Comment pourrait-elle jamais remplacer Syuzanna et Duncan ? Même avec l'aide de Cait', élever les deux fillettes semble être une mission titanesque.

Je ne sais pas ce que tu vas décider Syu' et je ne peux que prier pour que tu prennes la décision qui selon moi est la meilleure... Mais quoique tu fasses, je suis là pour toi. Ce que tu m'as demandé dans ton courrier... Je le ferai.

Se taisant finalement, Sybelle se demande si elle a bien fait de lâcher ses derniers mots. Donner, en quelque sorte, sa bénédiction à sa cousine, lui montrer que ses dernières volontés seront respectées n'est peut-être pas la meilleure chose à faire pour la décider à choisir la vie, mais en même temps elle ne peut pas envisager de faire les choses autrement. Elle ne peut pas ajouter encore un poids sur les épaules de la rousse. Si celle-ci doit partir, alors elle doit partir le plus doucement possible.
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Syuzanna.
[It's been a long time coming since I've seen your face
And I've never went back trying to replace]
*

Une chose était sûre, elle ne sauterait pas de la falaise. Elle avait décidé de faire exactement comme Duncan. Et puis, voir son corps désarticulé aux pieds de la mer risquait de choquer les siens.
L'arrivée de Sybelle à ses côtés ne l'étonna même pas. Elle lui avait écrit, sa venue n'était donc pas une surprise. Attentivement, la rousse écouta ce que sa cousine avait à dire. Prenant place juste à ses côtés, elle posa une main sur sa cuisse, la pressant affectueusement. Sybelle et elles avaient toujours été proches. Peut-être était-il temps de le lui dire.


- Ma Sybelle... Je me souviens quand nous étions chez nous. Tu désirais toujours nous suivre, partout où nous allions. Nous étions soudés, tous autant que nous étions. Sarah, Manu, Cait, toi, Dun, et moi. La vie n'était pas simple mais ensemble nous la supportions. Et jamais alors que nous courions aux pieds du Ben Nevis, nous n'aurions pu deviner que nos chemins nous mèneraient ici. Et pourtant nous y sommes.

Elle se tut, contemplant silencieusement les vagues s'écraser contre la roche, en contrebas. Elle n'avait jamais été douée pour parler, et encore moins pour exprimer ses sentiments.

- Tu es comme une autre petite soeur, Sybelle. Tu es aussi chère à mon coeur que Cait, tu le sais. Mais il fallait que je te le dise. Et je sais que pour les filles ce sera dur, mais tu sauras quoi faire, car tu es la descente de Farlane O'Brien. Tu as du sang de héros, tu as du sang de chef, qui coule dans tes veines.

Lâchant la cuisse de sa cousine, elle pressa cette fois la main de Sybelle dans la sienne. Leurs croyances étaient les mêmes, et elle savait pourquoi sa cadette en faisait mention. Et comme toujours depuis la mort de Duncan et surtout, depuis qu'elle l'avait annoncé, elle se retrouvait devant le même problème. Expliquer pourquoi. Pourtant, il le fallait, encore une fois. La dernière fois.

- Je ne sais pas si j'ai des excuses. Mais je veux juste que tu comprennes. Imagine-toi... Imagine que le soir, tu t'endormes au milieu d'une nature verdoyante. Et que le lendemain matin, tu te réveilles dans un monde dévasté. Plus aucun arbre, plus d'herbe, plus d'animaux. Un terre sèche et sans vie. Un monde sombre, où le soleil ne brille plus que pour brûler davantage les dernières sources d'existences. Des nuits glacées qui se chargeraient de détruire le reste. Et ta vie qui s'étire, qui s'étire, qui s'étire à l'infini, dans tout cet amas de douleur et de solitude. L'air même semble... vicié. Tu imagines ça ? C'est presque ce que je ressens, mais c'est encore pire pour moi. Il était tout, il a toujours été tout. Je sais si je le fais, je renoncerai à mes filles, et à des tas de belles choses qui me manqueront - dont toi, dont vous tous. Mais je... je n'arrive pas.

Comment pouvait-elle parler de sa propre mort sur le ton de la conversation polie ? Pourquoi n'éclatait-elle pas en sanglots ? Ou ne poussait-elle pas de hurlements ?
Parce que tout ceci l'avait déserté. Elle n'était pas en colère, donc elle ne criait pas. Et son chagrin était trop immense pour s'exprimer en larmes. Et la seule chose qui lui donnait du courage, c'était de savoir que bientôt elle serait à ses côtés, que bientôt, elle ne serait plus là, à souffrir encore et encore. La seule chose qui aurait pu la sauver, la seule chose qui aurait pu la faire rester, c'était précisément la personne qu'elle désirait rejoindre. Duncan. Mais celui-ci ne sortirait pas des flots pour lui dire qu'il était simplement aller chercher le poisson à la source. Non, son corps était en train de pourrir sous l'eau, son cadavre se décomposait depuis plus d'un mois déjà. Il devait être méconnaissable. Et il ne reviendrait pas pour lui dire que tout irait bien. Il ne reviendrait pas pour recommencer leur vie comme avant. A moins qu'une sirène l'ait embrassé puis en ait eu marre de supporter son épouvantable accent écossais, il n'y avait pas beaucoup de chance pour qu'il sorte des flots.


- Je suis désolée, murmura-t-elle en se levant. Mais peut-être que... Regarde, le soleil se couche. Allons manger quelque chose, j'ai une tourte à la viande qui n'attend que nous. Reste, si tu le peux. Nous mangerons tous les trois. Enfin, tous les six, en fait. Ce sera bien. Tout ira bien.

Parlait-elle du repas à venir, en disait que « tout irait bien » ? Ou parlait-elle de la suite ? Un peu des deux, sans doute. Prenant la main de Sybelle dans la sienne, elle l'entraina doucement jusque dans la Tour.




* Feel again - One Republic
Ca fait un bon moment que je n’ai pas vu ton visage
Je n’ai jamais fais marche arrière en essayant de remplacer

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Bilbon
[Sans ton regard dans le mien
Sans ta main dans ma main
Pas de lendemain
Pas de lendemain non !]
*

Il était parvenu à Lisieux le lendemain matin, fatigué par la route et le manque de sommeil mais finalement plus heureux que jamais. Toute la nuit il avait hésité à écrire ou non une missive à Syu pour l'informer de son prompt retour mais finalement il avait décidé de lui faire la surprise. Il voulait voir l'étonnement dans ses yeux lorsqu'il apparaitrait devant elle dans quelques jours.
Il venait d'achever son travail journalier à la mine et était à présent sur le point de se mettre en route. Son cheval boiteux s'en tirait bien s'il n'allait qu'au pas ou au trot.
Duncan avait hâte chaque minute plus que la précédante. Quelque chose lui disait d'accélérer son allure encore et encore. Il devait revenir le plus vite possible, c'était important. Pourquoi ? Il n'en savait fichtrement rien. Il sentait que Syu avait besoin de lui et lui aussi d'ailleurs avait besoin d'elle.

Arpentant les rues de la ville il s'arrêta devant une boutique de tisserands. Il remarqua bientôt deux poupées faites de chutes de tissus et les acheta aussitôt pour ses filles. Il continua sa promenade et s'arrêta cette fois chez un orfèvre. Le prix que lui coûta le bracelet qu'il choisit réduisit à néant le peu d'économie qu'il avait mais il s'en moquait. Il avait le besoin impérieux d'offrir des présents à sa famille lors de son retour.
Montant sur le dos de son cheval Duncan reprit la route aussi rapidement que possible. Demain, il passerait sa journée dans les champs.


* Vingt ans, de Jean Louis Aubert

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Syuzanna.
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
*

Malgré la tourte, Syuzanna n'avait pas mangé un seul morceau. Elle s'était contentée de regarder les autres manger. Malgré les cris, ils étaient finalement restés tous les deux à la Tour ce soir-là. Ce qu'il s'était passé durant la soirée ne lui avait laissé que très peu de souvenir. Elle s'était contentée de chantonner à voix basse en regardant sa famille.
Puis, lorsqu'ils s'étaient retirés, elle était sortie. Ses pas l'avaient guidé au hasard vers des sentiers forestiers oubliés. Peut-être s'était-elle endormie sous un chêne, elle ne savait plus vraiment. Le matin l'avait trouvé allongée dans la mousse, couverte de rosée, le visage et les mains sales d'être plein de terre. Elle s'était levée, et était rentrée doucement chez elle, ne s'arrêtant qu'à la plage pour tremper ses pieds dans l'eau fraiche.

Elle repensait aux mots que lui avait jeté Manu. Il affirmait que renoncer à vivre serait lâcheté, parce que son devoir de cheffe était d'être là pour les autres. Mais ne serait-ce pas pire lâcheté encore que de continuer à vivre sans Duncan, et de rompre ainsi sa promesse ? Elle le lui avait juré, à plusieurs reprises, que n'importe où qu'il aille, elle le suivrait.


- N'importe où, répéta-t-elle doucement en s'acroupissant dans l'eau.

La douleur était trop forte pour qu'elle la supporte. Elle se laissa tomber à genoux, sans force ni vigueur. Se laissant glisser sur le dos, elle sentait les vagues aller et venir le long de son flanc. Ses cheveux étaient trempés, comme tout le reste. Elle se mit à rire en se souvenant qu'un jour, ils s'étaient baignés tout habillé dans cette même eau. C'était à la fin du mois de Mars, et il faisait froid. Mais ça ne les avait pas empêché de courir droit vers la mer et de s'y jeter en riant comme des enfants. Et maintenant, elle était seule, mais n'avait pas froid. Le soleil réchauffait sa peau et les vaguelettes étaient déjà gorgées de chaleur. Tout était beau, le ciel au-dessus de sa tête était d'un bleu limpide, sans aucun nuage pour le ternir. Elle songea qu'elle aimait ce genre de journée, et qu'elle resterait bien là jusqu'au soir.

Le crissement du sable lui fit tourner la tête. Eilidh se tenait-là, devant elle, toute seule et ne sachant visiblement pas quoi faire. Se redressant, la rousse lui tendit les bras, et la fillette s'y précipita. La faisant assoir dans son giron, Syuzanna plongea les mains dans le sable, et ses doigts rencontrèrent une surface plus dure. Extrayant sa découverte du sol, elle tendit à Eilidh un coquillage, une demi-coque « cotelée » d'une blancheur de nacre.


- Regarde, fit l'Ecossaise en indiquant quelque chose sur sa trouvaille. Il y a un trou. Veux-tu que l'on en fasse un collier ? J'ai un joli ruban qui ira parfaitement avec.

Bondissant sur ses pieds, Eilidh tenue doucement par la main, Syuzanna rentra à la Tour pendant que sa fille examinait son cadeau inattendu.

- Je vais vraiment partir avec Tata Sissi ? demanda l'enfant une fois assise à table, pendant que sa mère fouillait dans une boîte.
- Oui, ma fille. Mais elle est très gentille, et Skye viendra avec toi.
- Tu seras partie longtemps ?
- Je ne sais pas. Sans doute, oui. Mais on se reverra.
- Quand ?
- Quand il sera temps pour toi de me retrouver. Regarde, voilà le ruban. Donne, je vais l'accrocher à ton cou.

Nouant le collier improvisé autour du cou d'Eilidh, elle reprit sa place ensuite devant elle.

- Tout ira bien, Eilidh. Tout ira bien.

* Demain dès l'aube - Victor Hugo
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Bilbon
[But touch my tears with your lips
Touch my world with your fingertips
And we can have forever
And we can love forever
Forever is our today *]


Duncan avait chevauché toutes les nuits et travaillé tous les jours. Il était épuisé mais en même temps débordait d'énergie. Il avait dépassé en souriant les villes normandes puis celles d'Alençon, ne s'était quasiment pas arrêté au Mans et à peine en Anjou. Et après plus d'une semaine de voyage il pénétrait enfin en Poitou. Il ne s'arrêta pas du tout et fit aller sa monture aussi vite que possible. L'Ecossais avait hâte de La retrouver, de La revoir.
L'émotion le gagnait à chaque mètre parcourut. Il avait l'impression de voler tant il était impatient.

Et après tout ce temps il était enfin rendu à destination. Le soleil se levait à peine lorsqu'il dépassa la grosse pierre signalisant le chemin menant à la tour. Il pouvait la voir de là où il était, magnifique et blanche surplombant la mer juchée sur cette antique falaise. Il fut tout à fait incapable de bouger le moindre muscle. Le coeur battant si fort qu'il en avait mal aux côtes Duncan restait les yeux fixés sur la demeure familiale. Sa gorge nouée l'empêchait presque de respirer convenablement et il ne put retenir ses larmes. Il pleurait rarement car n'était-il pas un fier et orgueilleux Ecossais ? Mais cette fois Duncan ne voulut et ne put lutter contre cet irrépressible besoin somme toute très humain.
Il avait vécu bien des choses en peu de temps, et avait miraculeusement réchapper de la mort. Il avait bien failli ne pas rentrer chez lui avant encore deux longs mois, durant lesquels Odalia aurait peut-être bien fini par le tenter assez souvent pour qu'il se voit obliger d'assumer ses actes.
Et pourtant il se tenait là bien droit sur son cheval boiteux. Bien droit et surtout bien en vie. Il retrouva lentement la motricité de son corps et fit avancer son étalon au pas. Il imaginait Syu allongée dans leur lit, tenant contre elle leurs filles. Il se voyait déjà monter les marches en silence et l'éveiller d'un baiser comme dans les chansons.

Le soleil l'aveugla alors qu'il n'était plus qu'à une centaine de mètres de la tour. Le paysage était bouleversant de beauté et le vent se leva, tiède et doux sur sa peau. Duncan poussa un profond soupir de satisfaction. Il était de retour chez lui. Enfin.


* Who wants to live forever ?, de Queen
Mais touche mes larmes avec tes lèvres
Touche mon monde du bout de tes doigts
Et nous pourrons obtenir l'éternité
Et nous pourrons aimer éternellement
L'éternité est notre quotidien

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Syuzanna.
[Now I'm drifting out over deep oceans
And the tide won't take me back in
And these desperate nights I'll call you again and again
There's comfort, comfort in things we believe
Other than danger, wanting the things i can't see
Where ever you live now, where ever you walk
There's distance between us I'm willing to cross *]


Le soleil se lèverait dans moins de dix minutes. Le vingt Mai avait fini par pointer le bout de son nez, et Syuzanna s'était habillée ce jour-là comme elle l'avait prévu, d'une robe blanche, toute simple et légère, un peu transparente. Elle avait brossé ses cheveux qui flottaient librement entre ses omoplates. Elle avait été embrasser ses filles, qui dormaient à poings fermés. Sans un mot, sans un bruit, elle était sortie de la Tour, et faisait désormais face à la mer.
Elle attendait que le disque solaire sorte des flots pour elle-même y entrer. Le rougeoiement de l'horizon la fit sourire légèrement, et elle s'avança sur le sable frais. Les pieds nus, elle ne portait que sa robe et le demi-médaillon qui la reliait matériellement à Duncan.

Enfin, l'aurore se leva. Le ciel s'embrasa d'une lueur de sang. C'était l'heure. Elle sentait à peine les larmes rouler sur ses joues tandis qu'elle mettait les pieds dans l'eau salée. Pour la première fois peut-être, elle doutait de la justesse de son action. Mais Nessie l'encouragea d'une voix douce, presque lointaine, et la rousse comprit que ce chemin-là, elle devrait le parcourir seule. Et elle s'en sentait capable.
Elle était désormais immergée jusqu'à la taille. Elle n'avait pas froid, et se sentait même plutôt bien. Les lochs de son pays natal étaient autrement plus glacés, aussi ce n'était pas l'Atlantique en personne qui allait l'effrayer.

L'eau lui parvenait désormais jusqu'aux épaules. Elle s'arrêta et ferma les yeux, se concentrant. Le visage de son époux disparu apparut derrière ses paupières closes. Il lui souriait comme autrefois, et semblait si heureux, si heureux de la savoir bientôt près de lui... Comment aurait-elle pu en ces conditions, songer à faire demi tour ? Rien n'aurait pu la faire changer d'avis désormais. Les yeux toujours bien fermés, elle sourit doucement, étrangement apaisée. Elle ne prononça aucun mot, et se contenta simplement de poursuivre sa marche, jusqu'à n'avoir plus pieds. Alors, elle se laissa glisser dans l'eau, ne conservant que le reflexe de prendre sa respiration. Gardant les yeux bien ouverts, elle regarda d'en-dessous le soleil se refléter sur les flots. Ouvrant doucement la bouche, elle relâcha l'air retenu, et se laissa dériver.

C'était étrange, mais tout était si calme dans l'eau. Le manque d'air lui brûlait déjà les poumons, et tout son être lui hurlait de remonter à la surface, pourtant elle ne cédait pas à son instinct de survie. Dans quelques instants, elle reverrait non seulement son époux, mais également son père, et le reste des siens. Elle pourrait même faire enfin la connaissance de sa mère. Il lui semblait déjà distinguer une forme humaine au-dessus de sa tête, une forme sombre, une silhouette, une ombre. La mer s'agitait autour d'elle, mais elle ne s'en rendait pas compte. Garder les lèvres closes alors qu'elle avait besoin de respirer devenait impossible, et elle ne pouvait refouler toutes les tentatives de survie que son être lui dictait. Ouvrant grand la bouche, elle avala une grande goulée d'eau salée. Elle la recracha mais aussitôt une autre s'insinua dans sa gorge. Sa tête et ses poumons menaçaient d'éclater, et des tâches noires lui obstruaient la vue. Elle ferma les yeux, tendit la main vers le ciel, puis cessa de se débattre. Et laissa la mer la prendre à son tour.




* Between us - Peter Bradley Adams
Maintenant je dérive sur les océans profonds
Et la marée ne me ramènera pas
Et ces nuits désespérées, je t'appelle encore et encore
Il y a du réconfort, du réconfort dans les choses auxquelles on croit
Autres que le danger, je veux les choses que je ne peux pas voir
Peu importe où tu vis maintenant, peu importe où tu marches
Il y a une distance entre nous que je suis prêt à franchir

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Bilbon
[Lights will guide you home
And ignite your bones
And I will try... to fix you.]
*

Le soleil embrasait l'horizon et Duncan avait remit sa monture à un pas très lent, désireux de profiter de chaque seconde qui le ramenait à Syu. Il ne quittait pas la tour des yeux et se plaisait à imaginer le souffle régulier de sa femme alors qu'elle dormait encore.
De là où il était il put parfaitement voir la porte d'entrée s'ouvrir et laisser apparaître Sa Précieuse. Elle ne regardait pas dans sa direction et s'en allait d'un pas décidé vers la mer. Aurait-elle décidé de faire un petit plongeon matinal ? Cette idée fit sourire Duncan qui tenta vaguement d'attirer son attention en agitant un bras mais ce fut en vain : Syu ne le regardait décidément pas.

Sa silhouette était reconnaissable entre toutes. Il aurait pu la désigner les yeux fermer dans une foule d'autres femmes. Petite aux cheveux flamboyants, elle possédait une certaine démarche bien à elle. Il fit arrêter son cheval et la regarda, complètement bouleversé. Elle s'avançait dans l'eau et il fut étonné de constater qu'elle n'ôtait pas ses vêtements. L'Ecossais se redressa, soudain en alerte alors qu'elle poursuivait sa progression. Pas de plongeon, il s'agissait juste d'une marche droit vers le large. Ce fut lorsqu'elle s'arrêta qu'il comprit ce qu'elle allait faire. Sautant au bas de l'étalon, il se mit à courir comme un dératé. Devant lui le paysage tanguait tant il allait vite mais il put discerner la silhouette de Syu qui disparaissait sous l'eau.
Il lui restait encore cinquante mètres à parcourir.

Duncan accéléra encore l'allure quand bien même ses membres étaient en feu et sa respiration très sporadique. Enfin il fut dans l'eau alors que la dernière bulle d'air crevait la surface. Sans plus perdre de temps il plongea tout entier, se moquant bien de la fraicheur de la mer. Les yeux grands ouverts, il sondait l'océan à la recherche d'une chevelure rousse... L'air lui manqua et il fut contraint de remonter à la surface pour reprendre son souffle avant de replonger aussitôt. Un éclair blanc traversa son champ de vision : la robe ! Il nagea comme un forcené et finit enfin par sentir entre ses doigts le tissu immaculé. Il tira fermement et le corps inerte de Syu lui apparut. Il en fut tellement choqué qu'il relâcha l'air salvateur. Elle était si... belle ! Mais si... maigre... Il l'empoigna sous les bras, et remonta en piquet.

La première goulée d'air qu'il reprit le soulagea instantanément. Mais dans ses bras, sa femme était inerte. Il regagna la rive à toute vitesse et la déposa avec douceur sur le sable. Comme elle était maigre, remarqua-t-il absolument effaré. Elle ne bougeait plus, ne respirait plus non plus. Une bouffée de peur panique l'envahit soudain, menaçant de le faire évanouir.

"AU SECOURS !" Hurla-t-il en ignorant cependant si ses appels seraient entendus de quelqu'un. "AIDEZ-MOI !"

Plaçant ses mains sur la poitrine de sa femme il y appliqua plusieurs pressions, tentant de lui faire cracher l'eau qu'elle avait probablement dans les poumons. Son coeur s'était arrêté et celui de Duncan menaçait d'en faire autant.

"NON ! Syuzanna MacDouggal, je n'ai pas traversé la mer pour te voir mourir ! JE T'INTERDIS de MOURIR ! Tu m'entends ? JE TE L'INTERDIS !"

Il se pencha, pinçant le nez de son épouse et insuflant de l'air par la bouche qu'il maintenait ouverte. Il appuya de nouveau sur sa poitrine se démenant comme il le pouvait, ses larmes se mêlant à l'eau salée qui roulait sur ses joues.

"Tu vas rester avec MOI ! Tu entends, espèce de petite sotte ? JE VEUX que tu RESTES !"

Duncan répéta son manège, lui donnant de l'air par la bouche puis massant son coeur arrêté.

"Tu te souviens ce qu'on avait prévu ? On va vivre vieux avec des tas d'enfants ! Et tu deviendras encore plus chiante qu'aujourd'hui et moi je t'aimerais encore plus qu'avant ! Tu te souviens ?" Il essuya rapidement ses larmes. "Bon sang, Syu ! Reviens ! SYU ! Tu as oublié que je t'aime ? Je vais devoir me noyé aussi si tu meurs et ça fera désordre. SYU ! Syu ! Syu... Ne meurs pas, mon amour, ne meurs pas je t'en prie."

Il la serra contre lui de toutes ses forces. Agenouillé dans le sable Duncan berçait sa femme tout en lui murmurant de tendres mots, embrassant son front chéri et ses lèvres tant aimées. Pressant son visage contre le sien il mêlait ses larmes à l'eau de mer qui détrempait les cheveux de Syu.

"Reviens..." Murmura-t-il en la serrant plus fort contre lui. "Reviens je t'en supplie... Je ne peux pas vivre sans toi, ma vie. Reviens-moi..."


* Fix you, de Coldplay
Les lumières te guideront jusqu'à chez toi
Et enflammeront tes os
Et j'essaierai... de te réparer

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Syuzanna.
[I'll stand by you *]

Il n'y eut pas de tunnel sombre, pas plus de lumière blanche. Ce qu'il y eut à la place ? Le noir absolu, total, et un flot de voix assourdissantes. Une voix unique en réalité, reconnaissable entre toutes les voix. Mais elle avait beau chercher en tout sens, elle ne le voyait pas. Où était-il ? Pourquoi n'apparaissait-il pas ?
Etait-ce de l'air qui glissait sur sa peau ? Et qu'est-ce qui pouvait bien lui comprimer les poumons ? Elle le sentait l'embrasser, elle ne divaguait pas. Si ? Mais où était-il, bon sang ? Et le revoilà qui lui parlait, lui demander de rester auprès de lui. Mais où ça ?

Et puis elle cracha. L'eau ruissela sur son menton tandis qu'elle hoquetait. De longues inspirations saccadées et sifflantes s'échappèrent de ses lèvres, tandis qu'elle prenait conscience qu'il la serrait dans ses bras. Mais était-ce réel ? Etait-ce cela, la mort ? Elle avait froid, pourtant, et se mit à trembler violemment, claquant des dents. Elle était trempée, et lui aussi. La mort serait-elle toujours ainsi, se trouvait-on éternellement dans l'état où l'on était mort ? Elle eut une pensée fugace pour son père, tué d'un coup de hache dans le dos. Se trimbalait-il partout avec la lame fichée entre les omoplates ?

Syuzanna leva de nouveau les yeux vers Duncan. Son corps était chaud contre le sien. Il avait les yeux clos et pleurait, tout secoué de sanglots, sans cesser de la bercer tendrement. La Tour se profilait à l'horizon, et le ciel était toujours aussi bleu. Il y avait peut-être des silhouettes aux alentours mais ce n'était pas sûr. Etait-elle morte ou vive ? Morte, évidemment, puisque Duncan était là. Mais pourquoi pleurait-il ? Et pourquoi percevait-elle la présence d'autres personnes, qui n'étaient pas ses parents ?


Elle ne pouvait détacher son regard de Lui. Dieux, qu'il était beau ! Il surpassait tous les hommes. Et Dieux, qu'elle l'aimait ! Elle avait l'impression que son coeur explosait rien qu'en le regardant. Elle avait envie de le renverser, de le plaquer contre le sable et de l'embrasser jusqu'à ce qu'ils manquent d'air. Elle avait envie de déposer ses lèvres sur chaque centimètres carrés de son visage, de glisser ses mains sur son corps pour le sentir. Elle était près de lui et c'était tout ce dont elle avait besoin pour vivre. Depuis presque deux mois qu'il était parti et déclaré mort, c'était la première fois qu'elle se sentait entière, complète. Mais la question substitait. Etait-il possible qu'il soit bien vivant contre elle ?
Il fallait qu'elle parle, qu'elle bouge, qu'elle l'apaise, mais elle était si fatiguée. Pourtant, elle le devait.


- Duncan ? murmura-t-elle en levant doucement une main vers son visage, effleurant sa joue du bout des doigts. Duncan ? Je... Tu... Tu es là ?



* I'll stand by you - Version Glee (The Pretenders pour la V.O)
Je resterai près de toi

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Sybelle
Depuis sa discussion avec Syuzanna, Sybelle fait son possible pour pallier au vide que celle-ci laisse derrière elle à chaque fois qu'elle s'isole. S'occupant de son mieux des deux petites filles, elle garde plaqué sur son visage un sourire factice et face aux questions d'Eilidh qui la laissent totalement impuissante, elle se contente de prendre la fillette dans ses bras. Elle n'a de toute manière pas de réponses à apporter à la fillette pour lui expliquer la souffrance de sa mère adoptive. Et parce qu'elle est folle d’inquiétude, le soir elle se tourne et se retourne dans son lit, essayant d'imaginer comment s'en sortir sans son aînée tout en sachant qu'ils en sont incapables, tous autant qu'ils sont. Syu' est leur leader. C'est grâce à elle qu'ils sont réunis. Sans chef, le clan n'est rien et elle n'a clairement pas l'étoffe de remplacer sa cousine en attendant que sa fille soit assez grande pour reprendre le poste.

Ce matin là, elle a été réveillée par Skye pleurant. Après avoir enfilé un long gilet de laine brune par dessus sa chaisne, elle prend la minuscule rousse dans ses bras et descend à la cuisine en la berçant. Comme chaque matin depuis qu'elle est arrivée, Syu' est absente, partie on ne sait où pour cuver sa peine, mais ce matin-là n'est pas comme les autres... Et en effet, tout un coup un cri déchire le jour.

Peinant à croire à ce qu'elle a entendu, Sybelle sort de la Tour précipitamment et le bébé dans les bras, elle court jusqu'à la plage pour y découvrir qu'elle n'a pas rêvé. De toute manière ce n'est pas un rêve c'est un cauchemar. Devant elle, un Duncan revenu des morts une fois de plus tente de faire repartir une Syuzanna dont le cœur brisé c'est finalement arrêté. Une minute trop tôt. A une seconde près, la rousse aurait pu retrouver son mari. Sa joie de vivre. Son âme.

Incapable de parler, elle observe le MacLean s'acharner sur le corps malingre de la noyée. Dans ses bras, Skye s'agite et tend tout son corps vers ses parents mais elle la sert un peu plus fort contre son cœur.

Et elle attend.
Elle attend.
Elle attend...

Et tout un coup, Syuzanna respire. Se rendant compte qu'elle a retenu elle aussi son souffle pendant tout ce temps, la renarde reprend son souffle et d'une main tremblante elle sèche les larmes qui roulent sur ses joues. Sachant bien qu'elle est de trop en cet instant - puisqu'il n'appartient qu'au couple - elle se rapproche doucement d'eux et dépose le bébé dans les bras de son père.

Tu ne dois plus jamais mourir Duncan. Le monde de Syu' se délite quand tu n'es plus là et le nôtre avec le sien, déclare-t-elle avant de se défaire de son gilet pour le donner à sa cousine tout en déposant un baiser sur son front.

Retenant le millier de question qu'elle a envie de poser à Duncan sur le pourquoi du comment, elle se redresse et fait un premier pas en arrière.

Je vais... Je vais aller faire mander un docteur pour Syu'. Et puis je vais écrire à tout le monde... Mais vous feriez bien de rentrer tous. Syu' a besoin de repos, c'est certain.
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Bilbon
[I am lost, I am vain,
I will never be the same
Without you, without you]
*

Duncan était tellement secoué de sanglots qu'il ne remarqua pas les sursauts de sa femme. Tout se mélangeait dans sa tête, de ce moment particulier avec Odalia sur la plage au suicide Syu et tout cela était sa faute. Mais qu'avait-il donc fait ? Comment avait-il osé tout gâcher, tout détruire ?
Ce ne fut que lorsqu'il sentit des doigts contre sa joue et qu'il perçut le murmure de sa voix qu'il réalisa qu'il ne l'avait pas perdu. Elle était là bien vivante ! Il lui sembla que son cœur s'était arrêté tout net.

"Oh mes dieux !" S'exclama-t-il en la serrant encore plus fort contre lui avant de la relâcher de peur de la casser. "Oh mes dieux !" Répéta-t-il. "Tu es là !"

Incapable de résister au débordement de bonheur absolu qui pulsait dans ses veines et son cœur, l'Ecossais embrassa fiévreusement son épouse tout en glissant les doigts dans sa chevelure détrempée. Il avait les jambes molles tant l'émotion le submergeait et incapable de s'arrêter de l'embrasser, il déposait ses lèvres partout sur le visage émacié de Sa Précieuse.
Une autre voix se fit entendre et il reçut bientôt sa fille dans les bras, apportée par une Sybelle bouleversée. Tenant contre lui les deux personnes qu'il aimait le plus au monde, il baisa le front de sa fille avec tendresse.
Tu ne dois plus jamais mourir lui dit-elle et cette remarque le fit sourire à demi.

"On dirait bien que je suis condamné à ce qu'on me croit mort régulièrement."

Les traits tirés de la jeune mariée ne lui échappèrent pas et il songea que c'était aussi sa faute si elle était l'épouse d'un idiot d'Italien. Il enroula le gilet autour des épaules de Syu d'une main, l'autre tenant toujours Skye.

"Je... Attends, Sybelle. Je... Pourrais-tu... Skye ? S'il te plait ?"

Syu tremblait de froid contre lui malgré le gilet et il craignait qu'elle n'attrape du mal.

"Nous allons tous rentrer ensemble." Il chercha le regard de sa presque cousine et poursuivit. "Nous allons tous nous chauffer près d'un bon feu, puis... je crois qu'il serait bon... de parler, tous ensemble."

Tendant sa fille qu'il gratifia d'une caresse dans les cheveux Duncan se releva, tenant Syu sous les genoux et dans le dos telle une fragile princesse. Son cœur avait décidé de danser la gigue et tout lui paraissait nimbé d'irréalité. Tenait-il vraiment Syu contre son torse ou était-ce l'un des innombrables rêves qu'il faisait quand il était chez Odalia ? Il se dirigeait vers la tour comme s'il marchait sur un nuage.
Il embrassait encore et encore le front froid de Syu tout en lui murmurant quelques paroles au creux de l'oreille.

"Oh ma Syu, mon amour... pardon, pardon... si tu savais comme je suis désolé... Je t'aime tellement..."


* Whitout You, de David Guetta feat Usher (ici version de Glee, la manière dont c'est chanté correspond mieux à l'ambiance)
Je suis perdu , Je suis vain
Je ne pourrais jamais être le même
Sans toi, sans toi

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