Primaelle
Presque un mois sétait écoulé depuis que les bas-fonds avaient brûlé. Et pendant cette période Kateline navait croisé quune seule fois son parrain.
Ce fut pour constater avec effroi que ce dernier avait perdu la vue en plus de sa main droite, déjà bien amochée à la base.
Mais ce fut tout ce quelle sût à ce sujet. Elle neut plus de nouvelles, en dehors dune commande écrite de la main du larbin de Germigny, commande de vêtements pour son maître. Rien de plus.
Et puis elle-même avait eu une blessure quil lui avait fallu soigner. Et cest Olivier qui lui permit de se remettre rapidement, fréquenter un médicastre tout en létant soi même relevait quelque part du privilège.
A présent sa main gauche et son avant bras étaient recouverts dune épaisse cicatrice, la gênant pour bouger et user de sa main normalement. Un gant de cuir ornerait désormais le membre atrophié lorsquelle serait de sortie
En dehors dune escapade armagnacaise, lEbène était restée à son appartement berruyer. Luniversité et ses études en général étaient chronophages, rester en la Capitale était définitivement la solution la plus simple pour elle.
Cest là quelle se trouvait, dans lhôtel se trouvant sur la place Jacques Cur, en face du Castel Ducal. Elle était plongée dans un manuel dherboristerie - une matière qui naurait bientôt plus de secret pour elle et complètement déconnectée de ce qui lentourait.
Lorsquon frappa à la porte, cest Sebastian, fidèle au poste, qui vint ouvrir la porte au Champlecy. Leffroi submergea lintendant à son tour en découvrant le Dément.
Cest lui qui avait trouvé lhomme dans les décombres, mais il navait pas réalisé alors quil était vraiment devenu aveugle. Il ne l'avait plus croisé non plus depuis ce jour fatidique.
Contrarié et mal à laise face à létat de celui qui lui faisait face, il savança dun pas après avoir ouvert la porte en grand.
Zelgius, bonjour, laisse moi te guider à lintérieur si tu le permets.
Il sempara du coude du Dément, le fit entrer dans le vestibule. Il referma la porte puis guida laveugle jusquau bureau de Kateline.
Il frappa à la porte, ce qui fit lever les yeux de lEbène, sans chercher à savoir qui se trouvait derrière la porte elle dit
Entrez !
Et replongea dans sa lecture, absorbée par ses découvertes. Sebastian ouvrit et fit entrer Zelgius avec lui.
Kate, tu as de la visite
Elle leva à nouveau les yeux du manuscrit pour constater. Une visite à laquelle elle ne se serait pas attendue.
Bonjour Parrain. Que me vaut lhonneur de ta présence ici ?
Elle se leva de son fauteuil et vint embrasser Zel sur la joue. Elle lamena vers un siège.
Assied-toi.
Elle se tourna vers Sebastian.
Merci, tu peux nous laisser.
Un sourire à son intendant et elle sinstalla en face du Dément, elle remarqua alors la canne quil avait à la main.
Un flash et cest Poum quelle revit claudiquer sur sa jambe putride, canne à la main
[Déplacement de Zel avec l'accord du JD]
Primaelle
Oui je la reconnais, cest celle de ta sur
Regarder son parrain manuvrer ses déplacements à laide de la canne de feue son amie la laissait perplexe.
Le Dément pour ceux qui le connaissaient avait une vue normalement imprenable sur lensemble de ses affaires, affaires qui elles seraient certainement moins bien menées dorénavant.
Nimporte quel homme serait diminué, et freiné dans lensemble de ses activités en perdant un sens aussi important du jour au lendemain.
Elle se demandait simplement ce qu'il adviendrait de lui maintenant...
Si ce nest de ce bois
de quoi souhaites-tu me parler ?
Avant de revenir à sa chaise elle leur servit à chacun un godet en argent remplit de la meilleure poire, quelle déposa devant eux.
Elle sinstalla en face du Dément, le rictus dessiné sur ses lèvres elle le connaissait bien. Il manquait juste la lueur folle qui animait habituellement le regard champlecyen.
Au lieu de croiser le regard aux couleurs de la nuit, cest un bandeau qui lui fit face.
Oui je viens de te servir de la poire, cest un godet... en argent. Cest Sebastian qui ma trouvé ces merveilles chez un artisan du coin.
Il a pensé, et cest judicieux, que mes invités étaient parfois un peu trop brutaux pour ma pauvre vaisselle
Elle sourit, mais une grimace déforma ses traits. Une vive douleur dans sa main gauche lui coupa le souffle. Évidemment, Zelgius ne vit rien de cela.
Ton verre se trouve à une longueur de bras de toi, sur la table basse
Elle prit une gorgée au sien, en espérant que lalcool calmerait la douleur lancinante de son membre blessé. Effrayée aussi, sa main et son bras semblaient s'être si bien remis jusque là.
Hum, donc comme je te disais...je técoute, de quoi veux-tu mentretenir ?
Primaelle
Kateline ramassa le godet au sol et s'empara d'un chiffon afin d'esponger les dégâts, faisant abstraction de sa douleur, elle serrait les dents.
Ton arbalète oui... elle est ici d'ailleurs. Je te la rendrais quand tu partiras tout à l'heure si tu veux. Sinon Sebastian te l'apportera chez toi.
Puisque tu es là pour diner, je vais aller lui demander de nous préparer cela.
Je n'avais pas prévu que tu passerais donc, rien n'est prêt!
Attends moi un instant.
Et elle s'éclipsa le temps de rejoindre la cuisine où se trouvait lintendant de Bélâbre. Une fois la consigne donnée de préparer le repas pour son invité, elle rejoignit le Dément dans son bureau.
Elle lui resservit un godet tout neuf et se rassit.
Excuse moi. Donc tu disais que les Champlecy sont chez toi. Je lignorais jusque là.
Je ne savais même pas que des membres de ta famille se trouvaient en Berry. Cest une bonne chose de renouer des liens normalement
Pourquoi voudrais-tu éloigner un objet de Germigny dans ce cas ?
Son parrain était fort en ce qui concerne les magouilles, jusquici il navait pas eu à mêler sa fillote dans ses histoires. Du moins pas volontairement. Nous passerons sur la traque et le feu des bas-fonds dont elle ignorait toujours que le commanditaire, cétait lui.
A cet instant, alors que linfection qui se développait en sa blessure, blessure ramassée alors quelle essayait de sauver un maximum de berruyers, elle était à des lieux dimaginer que cétait de la faute de lêtre en qui elle avait le plus confiance ici-bas. Même si elle savait quil possédait la plus grosse réserve de cette poudre explosive en Berry. Saurait-elle un jour que son parrain avait signé son arrêt de mort le jour où il avait fait disséminer ce feu grégeois dans les quartiers pauvres de la Capitale ?
Mais il fallait quelle réponde de son état actuel, cette souffrance intempestive lagaçait au plus au point, et elle préféra sur linstant en faire fi.
Jusqu'ici tout va bien, Olivier sest fort bien occupé de ma blessure.
Jusquici
pensa-t-elle
Jai repris les cours, et je poursuis mon bonhomme de chemin.
Elle reprit une gorgée de sa poire et lavala non sans mal alors quun éclair vint transpercer à nouveau sa senestre.
Et sinon cet objet, quest-ce que cest ?
Elle serra les dents.
Primaelle
Qu'est-ce que j'en sais moi... peut être que tu aurais voulu que ta compagne l'ait, ou en faire du petit bois. Ça te regarde...
Elle non plus n'avait pas d'utilité pour cette arbalète, elle avait toujours préféré manier l'arc.
Elle se concentra sur les dires champlecyens, mais la douleur dans son bras qui ne cessait de grandir et le fait d'attendre une réponse qui n'arrive pas commencèrent à l'agacer.
Hum, maintenant que tu es l'aise... est-ce que tu vas enfin me dire ce qui t'amène, et cet objet...norf.
Le ton de sa voix fut sec, on sentit percer dans ses intonations la lutte contre le mal qui la rongeait.
Primaelle
Les mots parvinrent aux oreilles de l'Ebène, ils y résonnèrent même plusieurs fois, répondant à leur propre écho, lointain...
"Testament"... "Testament"... "Testament"... "Tu vas mal", "tu vas mal", tu vas mal...".
Mais la douleur cette fois-ci l'empêcha d'articuler quelque mot que ce soit.
Un gémissement sourd et long pour toute réponse. Les yeux clos, le visage crispé, son sang commençait à bouillir dans ses veines, de battre ses tempes...
Olivier... réussit-elle à déglutir.
Elle ne réalisait pas ce qu'il était en train de passer, elle ouvrit les paupières avec difficulté. Son teint devint grisâtre, à son front perla une goutte de sueur, et sa respiration se fit peu à peu haletante.
Elle avait besoin d'Olivier, plus que jamais, et la terreur s'empara d'elle.
Trouve le, pitié... J... J'ai... mal.
Son bras semblait grouiller d'un million de petites fourmis rouges, grappillant petit bout par petit bout sa chaire endolorie et putride.
Elle retira le gant qui couvrait sa main gauche, elle découvrit des petites hémorragies apparaissant au niveau de la peau sous forme de taches violacées.
Aide... moi...
Eut-elle supplié si un nuage noir n'obscurcit sa vue, un violent bourdonnement dans les oreilles la coupa de ce qui l'entourait.
Et ce fut le noir complet. Dodo Kateline.
Primaelle
Mais elle était déjà loin l'Ebène, dans son esprit c'est sa vie qui lui revint par flashs. Comme un kaléidoscope de souvenirs...
Elle revit son enfance en Lorraine, auprès de son père.
Elle revit les lettres de sa mère lui racontant le Berry.
Elle revit les chemins malfamés en compagnie d'une Angloyse et d'un Irlandais.
Elle revit son arrivée à Bourges.
Elle revit ses vieux amis, la famille : Zel, Sand, Zephir, All, Nathan, et tous ceux qu'elle était sur le point de laisser.
Elle revit aussi ceux qu'elle était sur le point de rejoindre : Poum, Lei.
Elle ressentit son plus grand amour plus fort que jamais, elle revit leur histoire manquée, la douleur, le manque. Elle vit le visage de celui que Déos lui avait donné, puis repris... N.
Elle vit la vie qu'elle n'aurait jamais, les adieux qu'elle ne pourrait jamais faire.
Puis son cur s'arrêta de battre, elle expira son dernier souffle dans les bras de son parrain... Kateline n'était plus...