Samsa
Suite du RP ayant eut lieu aux aRPenteurs "Je préfère régner en Enfers que de servir le Ciel"
[Bien longtemps après le crime...]
Le soleil éclatant de Guyenne dardait encore la capitale de ses rayons mais le crépuscule approchant apportait sa fraîcheur qui ne pouvait être que la bienvenue. La chaleur avait assommé les bordelais, pour la plupart restés chez eux, n'ayant pas même l'envie de venir se déplacer jusqu'aux tavernes pour boire une choppe. Ça les aurait sûrement bien détendu pourtant ! Mais non. Tout reste calme et les rares clients ont perdu leur langue, à la fois desséchée par la chaleur et la fatigue et empattée par l'alcool venant soudainement glisser dans les sillons, titillant les papilles et coulant dans le gosier comme du bon vin. C'était le cas de le dire, ou presque.
Sam soupira doucement et rangea les choppes une fois lavées. Elle était devenue, depuis peu, tavernière de la taverne que sa compagne et fiancée, Vawen, avait ouverte: Lacum Cerberus. L'Antre de Cerbère. Cerbère, c'était elle bien sûr. Sam n'avait pas tellement changée en réalité. La même jeune femme aux cheveux plus roux que bruns, légèrement ondulés et descendant aux omoplates. La même guerrière portant cottes de maille et tabard brodé à ses armes -sans aucune valeur officielle ceci dit-. La même étrangeté humaine, quoique son côté bipolaire se soit effacé presque au point de disparaître. Ses yeux noirs constamment habités d'une flammèche brillaient dorénavant de joie. Eux qui avaient jadis brûler de haine, ils avaient été ce qui avait le plus changé chez la Bordelaise.
Voilà un sacré bail que Sam avait apaisé la haine qui la rongeait. Elle ne savait plus combien de temps. Dans un état second cette nuit-là, elle en avait oublié quelle date c'était. Il était alors, à partir de là, difficile de se repérer. Sam se souvenait pourtant parfaitement de cette nuit. Une succession de flash, de paroles. Ses pensées étaient moins évidentes; qu'avait-elle pensé lorsque la nonne lui avait répondu ceci ? Sam ne savait plus et en connaissait la raison; elle n'avait pas été elle-même, tombant dans un état second gouverné par la colère, la haine et le chagrin. Une blessure infectée qui avait explosée autant qu'implosée. Les dégâts avaient été irréversibles pour Laurelle, la nonne. La Bordelaise pensait parfois à elle... Souvent même... Un secret avec lequel elle devrait vivre désormais, ayant conclu que le révéler constituerait en soi la pire souffrance qu'elle pourrait occasionner. Abaisser le masque noir pour découvrir la vérité, la facette que personne n'aurait soupçonné: Sam était une criminelle. Elle avait ruminer sa haine, s'était infiltrée dans le couvent. Elle avait attiré la nonne -une nonne- dans un guet-apens et l'avait torturé longtemps durant avant de l'égorger sauvagement, précisément, la laissant se vider de son sang, la laissant étouffer dedans. Elle regrettait parfois son geste, tentée par la pitié... Mais elle savait que si elle partait dans cette optique, elle n'avancerait pas. Elle avait prit une vie. Elle ne la rendrait pas. Son acte était irréparable. Alors mieux valait-il être sûre de sa voie. Surtout depuis que Sam avait rencontré Maria, une nonne qu'elle appréciait profondément. La Bordelaise n'avait pu que constater comme la femme avait balayé ses cruels ressentis, sa colère dévastatrice. Elle n'avait rien pu faire en retour, elle n'avait pas pu la mépriser, la haïr, tout ce qu'elle faisait immédiatement après avoir apprit la nature des ecclésiastiques. Elle avait échoué sur ce coup-là. Elle en avait été jusqu'à consoler la nonne, lui rendre tout ce qu'elle lui avait donné, à s'accroupir devant elle pour se mettre plus bas qu'elle, tenter de la réconforter. Se mettre plus bas qu'elle. Un acte que l'orgueil de la jeune femme ne lui permettait jamais, lui interdisait, lui faisait paraître inconcevable. Surtout devant une nonne. Elles avaient souvent parler de leurs différences de foi. La Bordelaise ne lui avait pas avoué ses actes, non, jamais... Mais elle avait laissé sous-entendre en lui avouant qu'elle avait fait des choses terribles. La nonne Maria avait-elle comprit ? Pas même Vawen, sa chère et tendre, ne savait. Ni sa soeur -encore moins sa soeur !- ou ses moitiés -se référencer à l'avis concernant la soeur-. Personne ne savait.
Sam ferma la porte de la taverne derrière elle et commença à marcher au dehors. Ses solides bottes de cuir martelaient le pavé d'un air régulier, ce bruit typique se mêlant à celui de la cotte maille sous son tabard en damier noir et bleu, ses armes brodées au centre. Un blason auquel Sam tenait dur comme fer. Elle disait qu'il la représentait parfaitement pour qui savait le lire: le noir était le miroir de son âme, exprimant tristesse, deuil, colère, noirceur. Le Cerbère était son emblème, son surnom, et la couleur blanche montrait que le Cerbère avait bon fond. La bordure componée de blanc et bleu renvoyait l'image d'une personne voulant bien faire, loyale. Tout était dit: Sam avait l'âme noire, devrait vivre avec, mais elle était quelqu'un de bien. Bien sûr qu'elle était quelqu'un de bien... Elle était loyale, gentille, protectrice, téméraire ! Toujours là pour son prochain, elle vivait avec sa part d'ombre. Attitude ambiguë de celle qui en est désolée et qui en est fière. Toujours fière, sans cesse. Ce ressentis la perdrait, elle le savait. Elle l'avait toujours su.
Son épée battait son flanc gauche et une petite dague pendait à son côté droit. Gardant le menton relevé, détentrice d'une fierté sûrement trop aiguisée, il fallait avouer que Sam en jetait. Sa démarche était sûre, assurée, l'oeil était vif pour l'un, dissuadant pour l'autre. Elle avançait dans les rues, pensant à ses filles, ses Rouquines, à la maison. Vawen était avec elles, elle devait les coucher à l'instant. Sam sourit doucement dans l'ombre, reconnaissant en chacune d'elle une de ses facettes, si différentes, mais le lien qui les unissait était puissant, doublé du lien habituel des jumeaux. Cerbère le voyait bien. Elle veillait. Nolwenn, l'aînée, était en passe d'être une personnalité ténébreuse, discrète. A l'inverse, Gwenn, la seconde, penchait du côté foufou et insouciant de la vie. Les deux jumelles avaient bien sûr des points communs et Sam comprenait alors qu'elles avaient de l'avenir devant elles. Ses héritières.
Elle tourna à gauche pour quitter les quartiers peuplés et concentrés. Au revoir mairie, tavernes, marché, poste, palais, lavoir, fort, basilique, église... Les quartiers calmes lui ouvraient ses rues, l'ombre l'aspirait avec délice et Sam retrouvait, pour un temps, son côté sombre, la flamme de ses yeux dansant doucement, le regard étincelant. Un sourire étrange survola ses lèvres et les ténèbres se refermèrent sur elle...
*=Tomas Borge
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