Aconit...
- Une taverne. Un soir, très tard. -
Connard.
Elle exulte.
-« Je l'aimais ! » Plaida Judas.
Bien sûr qu'il n'était pas question d'un amour passionnel. Ce n'était pas difficile à deviner partant du principe qu'il n'avait jamais su aimer quiconque.
-« Vous vous targuez de l'avoir aimée? Où étiez vous lorsqu'elle avait besoin de vous? »
Où était-il oui? A la chasse , ou au lit d'une autre. Tout était si lointain. Des bribes de souvenirs qu'elle avait décidé de déterrer, pourquoi? Comment? L'avorton qu'elle était n'en savait pas le détail, elle que Judas avait connue dans la matrice. Pourtant les rancoeurs et les non dits qui émanaient du souvenir de la Kermorial, puis de la Montfort avaient corrompu son être. Depuis toute petite. Enfant tampon dans l'oeil du cyclone, la petite blonde s'était forgée aux premières loges de la folie des adultes. Alix Ann devenait si dure.
Elle n'écoutait qu'à moitié, elle criait. Sa voix était pleine de reproches, il lui parlait de sa mère, et cela suffisait à mettre Alix hors de ses gonds.
À ce moment là elle serait incapable de savoir comment cela avait débuté, peut-être sur une petite remarque devant lui reprocher de ne pas être aux côtés de Chimera alors qu'elle venait d'enfanter. Si elle s'était doutée qu'il n'avait jamais entendu parler de cet enfant...De ce polichinelle. En deux phrases elle avait réussi à démolir tout ce qui le rendait d'habitude si imperméable. Judas avait compté, quatre... cinq mois... elle ne saurait le dire. Elle avait appuyé sur une corde sensible. Le Von Frayner s'était raidit, avant de devenir fou.
-« Qui a dit qu'il était de vous? »
Revêtant un sourire narquois, scrutant Judas, figé. Faible. Il était faible. Et avouons-le, entre nous, il n'est pas donné à tout le monde le voir dans cet état. Alors elle en avait tout naturellement profité, grosse conne abrutie qu'elle était. Bref. On en était arrivé un peut-près à là :
-« Vous n'êtes que haine... Et il avait cruellement raison... Je me demande d'où vous vient tout ce fiel... Et s'embêta à prendre l'air de réfléchir deux millième de secondes De votre père, peut-être? »
Sur ce ton condescendant, pédant, exécrable. Sur cette voix stridente qu'elle a trop entendue, trop détestée, trop crainte.
-« Vous êtes faible... »
Elle se figea sur sa petite chaise. Deux millième de secondes...
Elle rit, nerveuse "Où étiez vous encore lorsqu'elle vous attendait dans votre garçonnière Saumuroise? Mon père a au moins le mérite de l'avoir épousée, et encore ! "
Elle sourit, mesquine, et fonce dans la plaie à coup de tronçonneuse.
-« Vous n'avez fait que m'éloigner d'elle... Et de toutes... d'Anaon, de Chimera... Vous n'avez eu de cesse que de les capter pour leur plus grand mal !»
Judas se fige, il la déteste, elle le déteste. Elle exulte en même temps qu'elle jubile. Aussi détestable que lui. Il la voix cassée hurle dans un silence entrecoupé :
-« Elle est morte ! »
-« Par votre faute ! »
-« Non ! »
Elle a peur à l'instant.
-« Vous n'étiez pas là ! Vous n'en savez rien ! »
-« Je ne vous crois pas... »
-« Si vous saviez ce que je lui ai évité de faire... »
Elle plisse le nez, elle se fige, elle a les nerfs fatigués, à bout. Et il reprend:
-« Elle était malade ! »
Oui, d'un mal qui la rongeait et corrompait toutes ses joies.
-« Vous mentez ! »
Elle respire à pleins poumons, exténuée, ne cessant de soutenir son regard, haineuse. L'adulte pourrait l'écraser, jusque là le poids des mot prévaut. Jusque là...En reprenant ce petit sourire mesquin qu'il maîtrisait cruellement bien. Soucieux de parfaire son effet, toujours classe, Judas se penche à l' oreille de la môme qui tente de contenir un spasme de dégoût.
-« Et dire que j'aurais pu être votre père... »
C'en est trop. Il la dégoûte. La petite main d'Alix, d'une force lasse, vient s'abattre sur Judas.
-« Cessez ! »
En juste retour des choses elle reçoit une claque sur la main.
-« De la tenue, Montfort ! »
La main de cuir fuse, s'abat. La joue d'Alix est propulsée. Ça calme... Et de se frotter la main furieusement dessus. Les cris redoublent, toutes ces années de silence semblent péter à la gueule de Judas dans un flot d'injures et de violence innatendu.
-« Vous n'êtes qu'un sombre fouteur de merde... »
Elle ne se démonte pas, c'en était jouissif de le voir aussi faible. Placé dangereusement à côté d'elle, Judas perd son sang froid.
-« Je vous emmerde ! »
Alix a peur, il la saisit au cou, l'étrangle. Il serre... Ho oui il serre, désireux de la faire taire, à jamais peut-être? Juste un peu de silence, sombre idiote, gamine aveugle et ignorante! Elle se débat, essayant de foutre des petits coups de pieds, de taper du poing sur son bras. Une bonne âme intervient, le duel n'est pas équitable. Ils continuent de se chercher, chacun hurlant plus fort que l'autre, l'un toujours plus bête que le second. Puis le cinglant des mots. Elle ressemble tant à sa mère... Au fond, il ne l'a jamais mal aimée. L'enfant au blond si familier et aux yeux si semblables à Marie a tout juste été ignorée. Oubliée. Laissée dans l'ombre de cette mauvaise mère. Et aujourd'hui en l'absence de celle-ci, ne restait plus que Judas pour payer l'addition. Il était question d'une trahison apres les noeuds. D'un secret de polichinelle. Encore. Comme si le sien ne suffisait pas. Comme si son approche des femmes ne tournait qu'autour de cela.
-"Si vous avez raison, si cet enfant existe, je la tuerais!"
La menace vise à la faire culpabiliser. Pourtant, il pourrait se laisser emporter dans sa colère. Il pourrait l'étrangler, elle aussi. La gamine reprend contenance, elle le nargue.
- " Je vous souhaite de bien dormir tout de même ! ... Si vous en avez l'occasion !"
Ho Chimera, quelle folie t'a touchée d'humilier de la sorte l'étranger silencieux... Du licencieux et du secret de polichinelle. Le parfait poison. L'enfant fuit dans sa dernière réplique, elle lui arrache un geste primaire. Une chaise vole et va s'éclater contre la porte refermée à la volée.
[Post écrit à quatre mains]
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