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[RP Octobre] - Délit de noeuds délie les langues

Judas
    - Résumé des épisodes précédents - Judas a rejoint la Bretagne, retournant dans les jupons de sa comtesse d'amante, Chimera de Dénéré Malines. Il y apprit abruptement l'existence d'un enfant né de C sous le manteau, enfant au père inconnu, surtout de J. Le soir où il escompta venger cet affront, il fut bousculé par Alphonse, déjà rencontré à l'Aphrodite au début de l'été, sortant tout droit de chez la Comtesse... Plus tard, quittant la Bretagne, J décida de tirer quelques vérités d'A. -

      [I thought I was a fool for no-one
      Oh baby I'm a fool for you
      You're the queen of the superficial
      And how long before you tell the truth?]
      *


Paris. Il n'est plus l'heure de déblatérer sur son étendue. Sa personnalité. La couleur de sa nuit. C'est d'un déjà vu qui laisse à l'esprit un soupçon d'implosion. D'ailleurs sa nuit ne lui appartient plus. Ce soir est la nuit de Judas Gabryel, c'est ainsi. Voyez, il vient d'apparaitre à l'angle de la venelle.

L'aphrodite. La silhouette mince qui ne doit son relief qu'à sa tenue toute en superposition de cuir, de velours et d'artifices bijoutiers dépasse l'établissement sans troubler la cadence régulière quasi mécanique de ses pas. Le visage s'émacie des ombres déposées par les rares porches éclairés et la rencontre de porte-falots faisant leur monotone ronde. Le cheveux noir dont la raideur - à l'image de celui qui la porte - ne doit rien à la saleté retombe sur les épaules et sur un bliaut brodé. Carcan masculin et coquetterie qui s'en défend, contre l'argument du pratique mais beau malgré lui. L'oeil Judéen balaye les volets clos, parfois condamnés.

Les puterelles. On les appelle poliment courtisanes, comme si elles courtisaient les Roys. Allons. Il n'est que Rosalinde pour courtiser le Roy. Et avant de le courtiser, Rosalinde était à lui. C'est ainsi. Il s'est accordé d'ailleurs avant de la rejoindre en Orléannais cette halte Capitale. Les lèvres sans charnu se déforment vaguement sur une langue venant glisser sur la gencive supérieure, l'air est frais en cette fin d'octobre. Un gant de cuir se glisse dans une poche invisible pour en retirer une clef. Double exact de celui détenu par Charlyelle. Le seigneur ne se pare jamais de générosité sans précautions, il faut dire que sa garçonnière est un précieux pied à terre. Les bottes au lustre clinquant bifurquent interminablement dans le dédale Parisien.

Rue sainte Opportune. La clef rencontre sa serrure. Judas ne s'attarde pas. Il a un chat à cuisiner. Que l'on se rassure, Constance n'est pas inquiété, lui qui devait servir de diner aux affamés d'Anjou lors de la dernière guerre... Le matou doit pour l'heure se dandiner grassement sur le bas de Cholet, lui apportant ce semblant de tendresse que désormais le Von Frayner répugne presque. Il s'accorde à penser que Chimera a trop menti. A trop tut. Que c'est ailleurs qu'il aura le fin mot de l'histoire. Puisque Constance ne saurait conter tout ce qu'il a vu, Alphonse saurait y pallier. D'un chat à un autre...

Alphonse Tabouret "Votre hôte pour ce soir". Son nom lui était revenu après coup. Coup ou désastre, soit, appelez cela comme il vous sied. Toujours est-il que l'entrevue brève à Vannes avait eu son petit effet à retardement. Alphonse était lié d'une façon ou d'une autre à la comtesse de Cholet, et à l'enfant qu'il avait tenté de faire disparaitre. Lié finalement aux moins racontables de ses activités. L'adultère, les trahisons et la violence. Violence qu'on ne pouvait pas lui prêter lorsqu'il apparaissait là, soigneusement tirés à quatre épingles, le pas plus que pondéré sur les pavés de Paris. La senestre saisit sur la couche défaite une boite de bois, qu'elle éventra soigneusement pour en découvrir les compartiments. Parmi les fioles rangées, elle en délogea une, laissant le sourire de l'écrin quelque peu édenté. La boite se referma sèchement, la porte de la garçonnière aussi et la clef revint à sa place.

Paris. Il n'est plus l'heure de s'étendre sur son étendue. Sa personnalité. La couleur de sa nuit. C'est d'un déjà vu qui laisse à l'esprit un soupçon d'implosion. D'ailleurs sa nuit ne lui appartient plus. Ce soir est la nuit de Judas Gabryel, c'est ainsi. Voyez, il vient de réapparaitre à l'huis de l'Aphrodite.


*Je pensais n'être un naïf pour personne
Oh bébé je suis naïf pour toi
Tu es la reine du superficiel
Quand dira-tu la vérité ?
- Muse

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Tu veux être Modo aux arpenteurs? Mp !
Alphonse_tabouret
« A Paris la décence est aussi grande dans les usages que l'indécence l'est dans les mœurs. »
Président de Brosses




Paris finissait toujours par l’emporter, hydre implacable, insatiable, qui n’avait de cesse d’agiter ses multiples têtes, diluant aux abords de la conscience, les réalités les plus abstraites comme les plus concrètes. Alphonse avait choisi la lutte dans l’abnégation, condamné désigné devenu volontaire, dont le seul futur se posait, diffus, à un avenir qui lui semblait si loin quand l’échéance se profilait pourtant et il s’appliquait, vertueux, à rejoindre cette antre dès qu’elle le rappelait à l’ordre dans l’espoir de ne pas voir ses rêves proches de liberté être contrariés d’une négligence.

Sa rencontre avec Von Frayner remontait à son dernier séjour breton et lui avait laissé un gout à l’âme sur lequel il avait choisi de ne pas s’y attarder pour l’heure, happé, contaminé jusqu’aux nerfs par l’appétit de ces autres qui réclamaient sa main pour signer divers documents, et sa consistance pour remplacer un fantôme dont les contours s’estompaient dans les murs du bordel, filigrane ténu dans la conscience de certains, nom vaporeux pour la majorité.

De ce qui s’était passé entre Judas et Chimera dans l’intimité maligne des aveux, le comptable ne savait rien, et si les certitudes bafouées de Judas et l’impertinence malvenue de la rousse mégère avaient tissé ensembles quelques accords, il n’en avait eu vent, forcé lui-même à quitter la Bretagne pour rejoindre la capitale au petit matin de leur rencontre nocturne et absorbé depuis, par ses chiffres qui ne cessaient jamais de le solliciter.
Il ignorait tout, n’imaginait pas le pire, pauvre dès lors qu’il s’agissait de projeter ce qui ne le mettait pas en cause, égoïste et égocentré, toujours, et sans savoir si sa prise à partie ce soir-là avait été judicieuse, il avait choisi d’attendre, faïence patiente et faussement désintéressée, de voir si le contrecourant aussi insignifiant soit-il, finissait par quand même créer le remous. S’il ne s’inquiétait pas tellement de l’ombre du cocu sur la tête ronde du bâtard qu’était Morvan, sous estimant certainement les élans les plus têtus de Judas, animal encore mal observé, il n’éprouvait qu’une vague curiosité quant au possible châtiment de l’amant à la maitresse, ne doutant pas que cette lutte, si elle ne se faisait pas à armes égales, trouverait à déchainer les crocs acérées de la nymphe avec une emphase vorace, trouvant enfin à peut-être à délayer cette aigreur qui ravageait jusqu’à son sourire pourtant charmant.
La seule réelle inconnue restait Von Frayner lui-même, et malgré cette impression de brulure jusque dans le gel, le jeune homme restait sur sa faim, incapable de déterminer si l’autorité de l’homme s’étendait à la manière d’une toile ou de la poigne, chat prévoyant aimant savoir où disperser son attention.


Les coups portés à la porte de son bureau amenèrent le jeune homme à relever le nez de sa paperasse, étonné d’être dérangé à cette heure-ci, jaugeant la silhouette de Fabian se dresser à la porte, étirant un sourcil d’un étonnement agacé à le voir quitter ainsi son poste à la porte d’entrée, rompant l’équilibre pourtant parcheminé du bordel.


-Quelqu’un pour vous monsieur, se contenta de dire l’homme de main en s’effaçant pour dévoiler la silhouette qu’il amenait dans le repaire du chat, laissant un instant la surprise s’émouvoir dans le regard noir du comptable quand la porte se refermait sur l’élégante silhouette de Von Frayner.

Alphonse déplia sa hauteur, se levant, se rendant compte en même temps qu’il avait donné l’impulsion du mouvement, que celui-ci avait été spontané, reflexe fulgurant de l’apprentissage d’esclave qui avait martelé à son corps jusqu’à le soumettre à une évidence pavlovienne : on ne restait jamais assis devant ceux que l’on sert, et lui pourtant maitre en ces lieux, venait de céder à un automatisme qui ne naissait que de la présence d'une supériorité sous jacente.
Amer, piqué de prendre une leçon sur lui-même dans la première seconde de ces retrouvailles, le chat regretta brièvement de ne pas avoir opté pour plus d’insolence en restant soigneusement assis dans son fauteuil et se fendit d’un sourire léger, choisissant dans la délicatesse de son dessin, de s’habiller pour les circonstances.


-Messire, le salua-t-il avec une douceur dans la voix qui choisissait de ne point cacher l’étonnement presqu’amusé de le trouver là, gardant pourtant dans l’attitude léchée , la plus parfaite courtoise. Vous me cherchiez ?


L’Aphrodite était un ventre à contenter et s’’il avait su quelle visite il recevrait ce soir-là, le jeune homme aurait gavé la bête jusqu’à l’assoupir pour être certain que rien ne vienne troubler le dessein des uns et des autres, et surtout pas les siens.
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Judas
    « Le diable se cache dans les détails. »
    Proverbe suisse


L’élégant. C'est étrange, cette sensation laissée par un parfum léger, un accoutrement trop fignolé laissant à présumer le perfectionnisme. Des cheveux bien peignés, des gants qui semblent coller à la peau pouvant trahir des manières précautionneuses. L'éclat d'une pièce d'orfèvrerie discrète, placée juste là où il faut. Qu'est-ce qui suppose l'élégance dans le détail d'un homme? Est-ce ce camaïeu de détails, ajoutés à un port de tête particulier? L'agencement de l'être à proprement parler avec ses manies esthétiques drastiques? La beauté. C'est étrange cette propension qu'ont les personnes croisées par Judas à le trouver beau, là où jamais sa beauté ne fut décrite, écrite, imagée ni imaginée. Il est certainement une part de cette notion d'élégance qui vient fausser les approches, ou alors, créer la beauté. Cette beauté propre à l'oeil de celui qui regarde.

Il est un fait pourtant qui n'a rien d'étrange, et qui ne fait aucun mystère pour qui sait voir Judas sous un oeil plus averti. Le Seigneur n'a rien de beau. Rien d'élégant dans sa nature. Il ne subsiste rien, lorsque s'écaille le vernis des apparences. Les têtes coupées ne pourront plus le révéler. Les échymoses fleurissant dans son sillon non plus. Ce ne sont ni les morts, ni les possédés qui pourront mettre à jour, pour ses malheureuses rencontres futures la nature hideuse d'un monstre qui excelle dans l'art de se tenir en société. Où finalement l'apparat n'est qu'une double peau, confortable et trompeuse, visant à dissimuler sous le beau l'étendue de ses vices, l'homme aux manières s'en revêt toujours avec naturel. C'est ainsi bien drapé, sous le manteau épais, que Judas se tient dans l'entrée. Un parfum de lavande s'est loti, de deux gouttes légères sur le palpitant de sa Jugulaire. Rasé de Frais, le diable est venu rendre visite au minet.

La voix lui apparait soudain comme familière, elle qui souffrait cette fameuse nuit Bretonne des avaries de la mémoire sélective du visiteur. Alphonse. Cher Alphonse. Hôte fondu dans le décor des lieux, tant et si bien qu'il finit par y dénoter. Le visage de Judas vient trouver son vis à vis, toujours bien mis, et cet air d'étonnement à peine caché dans la voix. Voici donc venir le chat. Peu mécontent de ne pas patienter dans un sombre vestibule pour pouvoir prétendre à un entretien avec le tenancier, le Satrape se réjouit de cette prompte apparition. Les choses savent être plus limpides lorsqu'elles ne s'encombrent pas d'intermédiaires... Monumentalement plus posé et disposé que lors de leur brève et inopinée-?- rencontre, le seigneur inclina le chef.


Bonsoir. C'est en effet ainsi que l'on peut le résumer. Si vous aviez du temps à m'accorder pour un entretien... Au calme.

Prendre la peine de se déplacer au bordel sans toucher aux catins valait sans doute quelques questionnements légitimes. Il ne regarda pas à droite ni à gauche afin d'appuyer son envie de tranquillité discrète, mais se contenta juste de garder ses prunelles noires, et douces au demeurant, plantées dans celles du jeune homme. L'idée qu'il fut sur le terrain de cet autre d'au bas mot dix ans son cadet, dont il espérait tirer tant, ne fit que charger son hémoglobine d'adrénaline. Il se sentit plus à son aise que jamais, debout là, face à lui. Les yeux sombres détaillèrent le visage du brun, comme pour y lire d'avantage que cette 'élégante beauté' en fleur, les réels ressentiments que lui aussi à n'en pas douter couvrait hyalin, de tant de gracieuse accessibilité.



    Parlons mieux, parlons bien. Je suis venu questionner Hier, et si tu le veux: Demain.

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Alphonse_tabouret
Perception diffuse et pourtant tenace, la présence de Von Frayner avait tout de l’éclat, tranchant, traitre, reflétant en même temps qu’il coupe, et attardait dans l’air du bureau une essence qui réveillait les papilles à l’affut de l’animal.
Oui, Judas était beau, n’en déplaise à son reflet, à son Lui tout entier, à la parfaite mise en plis de ses atours soignés, et à cette finesse de l’accord jusque dans le détail, coquetterie ou agencement savant, dont il avait habillé la sobriété de ses vêtements. De l’homme tout entier, Alphonse n’avait pas eu le temps encore de retenir grand-chose, si ce n’était un physique effilé, et le jais du crin venant trancher le pâle de la joue, mais ce qu’il trouvait beau, ce n’était pas tant l’enveloppe que la lueur volontaire de la prunelle, la détermination qui avait perlé par-delà le gouffre lors de leur brève rencontre bretonne, fugace autant que vorace, louvoyante autant que caressante, et totalement intransigeante. Qu’importait le costume, qu’importaient l’apparat et la mise en scène, l’expatrié savait que ce qui pouvait suinter, tentaculaire, de ce vêtement était naturel, et pire, inconscient, puéril, tellement narcissique à se croire au-dessus du lot pour avoir survécu à ce genre d’homme, le jeune homme était convaincu qu’il n’aurait aucun mal à faire un pas de côté si cela s’avérait nécessaire, et espérait presque, au fond de lui, avoir l’occasion de revoir cette étincelle entière.
Il avait croisé nombre de nantis, nombre de fortunes, nombre de jolis noms dont la simple évocation suffisait à faire frémir ou glousser pucelles et hommes d’âge mur sans plus aucune distinction, mais peu avaient eu en plus de la stature ou de la richesse, l’âme assez malformée pour attiser la curiosité déplacée de l’affranchi à celui qui porte malgré lui l’autorité, ni même la décence de se montrer surprenant dans leurs vices quand ils avaient pourtant à portée de main tout le loisir de céder aux plus tortueux.
Les nobles étaient pour la plus part, tellement décevants.

Judas Von Frayner, spécimen rare se tenait devant lui, le visage presqu’avenant quand on se souvenait des traits écumants qu’il lui avait opposé à la faveur d’une nuit avinée, le regard presque aimable quand il s’était baigné de ce mépris pur, colérique, sincère, et Alphonse sentit au creux de son ventre, bailler le fauve réveillé de son somme, excitant le gout ferreux de la curiosité au palais du félin.

Bonsoir. C'est en effet ainsi que l'on peut le résumer. Si vous aviez du temps à m'accorder pour un entretien... Au calme.

-Je vous en prie, l’invita-t-il d’un geste de la main en désignant l’un des fauteuils ouvragés réservés à la clientèle dont l’élégante courbe et la richesse simple de la broderie soulignaient le faste pourtant discret du mobilier, choisissant de ne reprendre place dans son siège que lorsque Von Frayner aurait choisi de s’assoir. Nous aurons ici tout le calme nécessaire, la comptabilité intéresse au fond, peu de monde dans cette maison…
Babillant, léger, affinant cet air doucement sûr de lui, maitre de maison jusque dans ce sourire qui se teintait d’une docilité toute jouée, Alphonse choisissait de distiller les mots pour voir ceux qui seraient saisis au passage par les mains nobiliaires, curieux toujours, de savoir ce que retenait les uns et les autres au sein d’une même phrase, persuadé que ce que l’on entendait et conservait dans les méandres de ses tempes, valait souvent plus cher que ce que l’on disait. Le corps délié, fluide, les gestes étudiés pour paraitre délassés mais professionnels, proie souhaitant paraitre inconsciente à l’ombre d’un bourreau dont il ne savait s’il venait chercher la victime ou l’arme, le comptable effleura la bouteille de Whisky d’un doigt, interrogeant son hôte du regard pour savoir s’il désirait quelque chose à boire tout en poursuivant : Dites-moi donc de quel service vous avez besoin…

Inutile de paraitre plus sot que nécessaire ou d’insulter son hôte en jouant l’innocence surfaite car si Judas était là, c’est qu’il voulait quelque chose de précis, quelque chose que, visiblement, qu’Alphonse possédait car il aurait été ridicule de croire qu’un homme aussi installé n’ait pas ses propres gens prêts à exécuter ses plus basses besognes. De la même façon, s’il avait voulu noyer sa décadence la plus noire à la chair, il se serait arrêté bien avant la porte de son bureau ou serait allé taper à une autre maison, moins regardante sur ce qui restait des courtisanes une fois que le diable leur était passé sur le corps..

C’est moi que tu viens voir, n’est-ce pas ?
Qu’ai-je donc qui t’intéresse ?

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Judas
    Tu mens.


Compter les écus de l'alcool et du stupre est la seule chose qui compte dans un lupanar. C'est l'essence même de son érection parmi toutes les maisons alentours, de ce prestige que tu tentes tant bien que mal d'élever. C'est sa raison de vivre, et la raison de tous d'y travailler. De suer l'Aphrodite. D'encenser le client. De cajoler le chaland. Et ta douce voix qui me dorlote suit le mouvement. Tu mens.

Il y a non loin de là, dans le bois de Fontainebleau un cerf. Roy propriété du Roy sans le savoir, l'animal se tient noble et beau figé dans sa magnificence. Statue de sel dans la nuit, son long cou majestueux porte une tête qui semble à jamais suspendue au temps qui passe, à ces secondes qui s'écoulent sans qu'il ne daigne faire un mouvement. Rien ne filtre, pas un tressaillement. L'animal semble attendre quelque chose, les bois dardent une lune qui se drape de vaporeux et menaçants nuages. Le regard se confond au noir qui l'environne, le nez humide happe l'air sans faillir à son mutisme. A bien y regarder, quelque chose d'immuable trahit la vie. Le Marmoréen tangue imperceptiblement... Balancier infinitésimal d'un coeur qui bat sous la fourrure, la cadence du palpitant que l'immobilité a enrayée de trois pieds ongulés plantés au sol. La beste sent bien qu'il se passe quelque chose, mais dans l'épaisseur de la nuit, son attention reste dans l'expectative.

Aphrodite. Alphonse est un cerf dans la faune de son bordel. La nuit qui l'entoure et qui l'aveugle aussi n'est que l'espace qui le tient en respect de son hôte. Les bonnes manières du protocole, l'impalpable déshumanisation qu'elles engendrent. Les mensonges sont comme les flèches lancées par un chasseur. Le cerf qui les a reçues continue à courir et l'on ne sait pas tout de suite si la blessure est mortelle. Judas a pris place dans un sourire poli vite abandonné à l'impassibilité qui le caractérise souvent, refusant d'une senestre bavarde le liquide ambré. N'est autre que le vin pour la jouissance de sa bouche, pour la quiétude de ses nuits, mais l'homme manque cruellement de volubilité. De bonne volonté. Les histoires de petits sous et de petits mensonges ne trouverons pas épitaphe en outrepassant la frontières de ses lèvres. Ils ne sont pas sans rappeler ceux de cette autre, objet de sa venue. Il se découvre, déboutonnant la pièce guiponnière qui trahira sa volonté de ne pas limiter l'entrevue à la fugacité des ombres de passage.

L'oeil épluche le bureau, son austérité guindée qui n'a pas résisté aux aises d'Alphonse. Le garçon, c'est ainsi que Judas se plaira à le définir avec tous ses sous entendus, aime le beau. Le doux et le cossu. Judas finit par reposer le bliaut à ses cotés, et ôte ses gants.


Saviez-vous qu'un service que l'on rend est une dette que l'on contracte?

La voix est feutrée, toujours aussi brisée de se renverser d'émoi lorsqu'elle érige des barrières. Cassée diront grossièrement les profanes, ceux qui n'en saisissent pas les subtilités. Chaude diront les femmes, celles qui veulent bien se laisser enjoler. Judas garde vissé à son faciès une moue bienveillante, visant à trancher dans la froideur de sa phrase. Il ne s'agit pas de regarder le cerf amorcer un repli, mais de faire miauler le chat.


Pensez-vous que j'ai pavé ma vie de confort et de facilité en me trouvant des créanciers...


Il détaille son voisin, le dévêt silencieusement. Ce corps a-t-il possédé celui de la Comtesse de Cholet? La mémoire de la peau. La simple pensée qu'elle ait pu se lier à quelqu'un, et que ce quelqu'un puisse enfin se tenir là devant lui, à portée de main, à portée de mort hérisse une constellation rugueuse qui s'étend sur sa peau. Le derme se voit contrarié par la dentelle d'une chair de poule tenace. La mémoire ravive ses souvenirs sensoriels. Judas se reprend dans un demi sourire.

Je suis venu discuter avec vous. Parler de Bretagne par exemple.

La tête se penche un peu, les pupilles se dilatent lorsque les paupières concentrent leur attention sur les réactions du garçon. Il faut avoir l'art de dissiper l'obscurité qui aveugle sans éblouir. Sans effrayer. Le temps se prend, et pour ce soir ce n'est pas le sien, raison de plus pour en savourer toutes les nuances.

    C'est bien toi que je suis venu voir. Il n'est plus l'heure de mentir, il est l'heure de rétablir des vérités.

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Alphonse_tabouret
Entends-tu, chasseur, le bruit du silence qui crisse sous mon poids brumeux ? Je le délaye en moi, nervure brodée le long de mes filins, abysse aux ombres que je déploie et dans lesquelles s’enfouit jusqu’à l’oubli, l’impudent trouble de mon antre. A l’affut, frémissant de ce qui parait sans pourtant apparaitre, je me courbe, fluide, et cherche l’arabesque jusqu’à frémir au souffle de ta narine. Goutes-tu, chasseur, le fer de ton attente à ta bouche patiente? Je le porte jusqu’à toi, étincelle au creux de mon pas divisé, alignant le long du sentier, l’illusoire satiété de m’avoir trouvé, le fugace bonheur de se savoir si près de la délivrance. Vois-tu chasseur, dans l’opacité altérée qui s’offre à ton regard, la lueur vive de l’œil qui se tourne vers toi ? Je l’amène au-delà, étirant à mes sens les volutes du temps, croisant sans emmêler les fils de ma curiosité, conquis par le vide, l’immense, le peut-être qui volent autour de ta tête.
Tout ce que tu vois chasseur, n’est que poudre aux yeux, artifices, vanités.





Dans le cocon délicat du bureau, le visage de Judas s’était teint d’un immobilisme subtil, succombant aux observations que la pièce lui livrait, dévoilant ses mains, repoussant la lie, prenant place pour rester.
A mieux connaitre Alphonse, il aurait su que l’animal n’avait pas de gout propre, que son choix des tissus et des mobiliers n’était que le résultat d’une éducation particulièrement soignée, d’une logique froide, d’une discrète attention amenée à ce que l’œil expert se sente flatté de reconnaitre le luxe dans la simplicité. Dressé à réagir au gout des autres avant les siens, le jeune homme découvrait depuis peu une vie par lui-même, jusque-là mutique soumis au mord qu’on lui avait imposé et ne s’accordait le gout savoureux de l’originalité que dans ses béguins. Oui, le garçon aimait le beau, le doux, le cossu… mais il aimait tant aussi le gout de la morsure, la fascinante laideur de la tempête, l’agonie des bonnes mœurs soumises aux vices intrinsèques.

Et toi Judas, qu’aimes-tu ?

Saviez-vous qu'un service que l'on rend est une dette que l'on contracte? Les premiers mots perlèrent aux oreilles du chat dans des notes plus harmonieuses que le souvenir salé de la Bretagne, à la façon d’une agréable berceuse dont chaque refrain aurait eu le gout de l’aiguille.
Pensez-vous que j'ai pavé ma vie de confort et de facilité en me trouvant des créanciers...
Le regard nobiliaire s’étourdit d’attention, laissant couler sur le comptable cette sensation de l’étude silencieuse, et, bon élève, le félin ne broncha pas, l‘orgueil presque flatté quand il était pourtant d’habitude insensible à ce genre de pratiques. S’il avait eu la curiosité moins aveuglée, nul doute que cette satisfaction imbécile eut été la première alarme à prendre en compte, mais irrémédiablement amusé, avide, et sot, il se contenta de la soumission la plus exaspérante, puisqu’elle était volontaire jusqu’à ce que la badinerie reprenne, un demi-sourire aiguisé en plus.
Je suis venu discuter avec vous. Parler de Bretagne par exemple.

Ainsi c’est donc à elle que je dois ton attention…
Qu’a-t-elle donc que je ne vois pas pour que tu viennes jusqu’ici ?


Le sourire poli du comptable résista, prudent, à étirer aux prunelles du seigneur l’insolence perceptible d’un dessin nouveau, sensible à l’aigreur encore pleine que suscitait Chimera à son humeur, chatouillant ses tempes d’une plume mauvaise, percevant dans ses souvenirs la colère avinée de Von Frayner plus empirique encore qu’elle ne lui était apparue. Etait-ce l’instinct qui poussait Alphonse à maitriser l’impertinence qui bouillonnait doucement à ses veines, le forçant à ses réflexes premiers de rassembler méthodiquement les pièces offertes à son regard et de composer la vue comme elle lui semblait bonne : Une orgueilleuse rousse, un bâtard tout juste né, un cocu… Il manquait l’amant, le héraut qui était venu ceindre avec sa vile audace à la faveur d’une absence, le front de Judas d’une paire de cornes que toute la Bretagne pouvait apercevoir. Ne sachant encore où la pensée du Von Frayner l’égarait, convaincu que l’aversion de la maitresse pour son hôte de gouttière était sue puisqu’elle n’avait jamais été cachée, le chat installa le velours de son regard dans celui de son interlocuteur, jouant d’une ignorance malveillante malgré elle.
Judas voulait un nom.


-Il semblerait en effet que nous ayons un goût commun pour ce duché, ainsi que la même bienfaitrice quand il s’agit d’hospitalité. Qu’elle avait le gout de l’amertume, la candeur quand elle touchait aussi violemment que l’alliage de la lame. Le sous-entendu jaillit de lui-même, absolument involontaire, délicieusement à propos, éclaboussant le silence d’un frimas qui en glaça une seconde. Si loin de se croire soupçonné d’adultère, entrapercevant juste dans l’intention du Seigneur, l’envie de mettre un nom sur l’offense qui balafrait l’égo, le chat, funambule en sursis, poursuivit : Il est à souhaiter que nous ayons une prochaine fois, l’occasion de nous y croiser plus longuement. Notre dernière entrevue y fut … Le sourire s’étira calmement, né pour égratigner sans encore écorcher, quand il laissait aller son dos à rejoindre le confort du dossier qui l’attendait, posant dans son attitude, la tranquille aisance du bavardage… désespérément courte... Il laissa aux tempes nobiliaires le loisir de se sentir directement visé avant de reprendre, un air doucement contrit au visage, fait avec une telle grâce qu’on eut pu le croire sincère si l’on n’était pas soi-même escroc : J’ai dû malheureusement quitter la demeure de Sa Grandeur au petit matin pour une affaire urgente en ces murs. Vous n’auriez cependant pas eu à attendre longtemps pour m’y trouver, j’ai prévu d’y être pour la semaine prochaine. J’espérais vous croiser à cette occasion… Ne deviez-vous pas y rester plus longtemps ?


Dis-moi Judas… Dis-moi si c’est elle ou ta fierté malmenée qui te mène jusqu’ici, en négligeant le prix quand tu te doutes bien que je n’ai pas l’âme à ce point charitable…
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Judas
On dit que garçon deviendra grand. On ne dit jamais comment. Il décela en Alphonse une façon très alambiquée de se construire, car à n'en pas douter si le fruit n'était pas encore mûr, le ver était au chaud. Il se sentit face à l'audace du jeune prodige, tendre la main vers une opacité qui couvait trop de lumières. La réponse première lui parut si abrupte, si follement imprudente qu'il en décela trop tardivement tout le double tranchant. Dans son impulsivité tacite, l'ambivalence ressurgit, sous la forme d'une senestre délogeant une fiole sous l'étoffe dont une partie du contenu vint se perdre au palais Judéen. Lui qui pensait n'avoir à s'apaiser que plus tardivement... Le coup de faucille avait fait accroc à sa détente, piquant ses tempes d'un nerf palpitant, fugace et électrique. L'annonce était faite. Cholet abritait donc en sus de tous les caprices de Chimera, qu'ils soient grenouille de bénitier à boutonneuse engeance du passé, un asticot bien couvé. Ver de terre, ou verre de chair... Et ce sans même qu'il n'ait à la mander.

Ho vraiment. Combien de temps avez-vous passé, vous, à la soudoyer?

D'hospitalité s'entend. Le quiproquo gonflait d'un ronronnement presque peu subtil, et le changement perceptible du ton et du faciès ne pouvait que trahir l'ironie, fébrile de se tenir malgré elle si égale.

... Là où pour ma part, après tant d'années, je n'ai pas même réussi à la faire germer.

Après tout, comme toute la Bretagne, Alphonse était sans aucun doute au courant des dérives Françaises , des éclaboussures outre frontalières d'un chasseur marié sur le fallacieux immaculé laiteux de la chair Chimérienne... Et tous ces petits noeuds qu'elle lui avait fait autour d"un poignet comme il en avait noués autour de sa gorge ne subsisteraient pas non plus dans l'ignorance collective trop longuement. Le sous entendu pourfend l'enfant, ce poupon de misère qu'il a épargné pour la promesse de le voir abandonné, à jamais. Qu'il aurait pu mil fois lui faire, mais qu'elle a préféré dévoyé. Que les mots d'un garçon semblent tout à coup et si simplement , trop simplement, reconnaitre.

Là où le sourire d'Alphonse naquit, celui du seigneur mourut, définitivement. Le meilleur arriva, insoupçonné, comme lorsqu'à force de trop d'attente de probabilité tout devient paradoxalement improbable. Il est question d'un tête à tête trop bref, des rues autour de la Venelle qui ne faisaient que tenir Judas loin des vérités du chemin d'où venait sa bousculade inopportune. Et il sourit. Oui, il sourit à un mur qui ne garda que grâce à ses multiples combinaisons imbriquées les unes aux autres, l'empêchant de s'effriter au moindre malheureux qui s'y appuyait, toute la frontalité glaciale de sa constitution.

    Alors quoi. Es tu fou ou simplement idiot, Garçon bordelier...


Fontainebleau avait vu mourir Béatrice Première, feue sa cousine. Dans l'immobilité moussue de son encre nocturne, l'oreille gracieuse du Roy courro-boisé avait bougé. Tournée aussi vivement qu'elle retournait à son état premier, statuaire, vers l'arrière. Craquement annonciateur, craquement attendu, entendu. C'est entre cet instant où l'oreille capte, retorde, et celui où le premier mouvement musculeux amorce la tension d'une patte vers la fuite que se situe ... La perte de contrôle. Le buste se redresse un peu, la fine main trouve un appui sur le rebord du bureau.


Votre bâtard était une injure, vous l'excuserez.


La phrase sembla comme suspendue, inachevée.

Moi aussi, je sais comment extirper ce qu'engloutissent tes manières posées de minet. Ce que j'aime, je le garde pour moi. C'est ce que je fais toujours. C'est ce que j'ai toujours fait. Je le garde tant que distraction y est. Tant que je puis m'y mirer. Et le jour où je ne m'émeus plus je le jette aux bouillons de l'atrocité. Allons bon, crois-tu que c'est pour Elle? Toutes les femmes sont des filles. Il faut s'en servir et ne rien leur laisser de soi. Quand j'en aime une, tout disparait du monde autour d'elle. Je n'ai de cesse de reboucler la boucle, car quel bonheur comparable à la première pression des mains? Lorsqu'une demande "m'aimez-vous?" pour que l'autre réponde "Je t'aime". Plus elles changent, plus elles se ressemblent. Comme des petits noeuds sur un fil d'Ariane. Et puisque tu as compris, parle, ou tais toi à jamais.

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Tu veux être Modo aux arpenteurs? Mp !
Alphonse_tabouret
Le geste de Judas effleura la peau du gel dans lequel il baignait, et l’image brouillée un instant estompa ses traits nets, troublant l’onde limpide d’austérité et de maitrise du Seigneur, formant à la pensée du chat le frémissement d’une fatalité délicieuse quand sa voix à elle seule, lovée dans une teinte aiguisée, amenait aux prunelles félines, le gout exquis du sel sur la blessure.

Ho vraiment. Combien de temps avez-vous passé, vous, à la soudoyer?

Touché.

Involontairement, étonnamment, mais perceptiblement, Von Frayner s’agaçait, délaissant la pelote que l’on agite sous le nez du chat pour lui préférer la main, qu’elle soit prompte à la caresse ou au revers… Manquant d’imagination, éduqué à n’avoir aucune autre aspiration, ni même désirs, que ceux qu’on lui autorisait, Alphonse avait appris à jouer des humeurs des autres pour arriver à ses fins, et celle grondante sous la langue nobiliaire lui rappela soudainement que sous le vernis, se trouvait la peinture.


... Là où pour ma part, après tant d'années, je n'ai pas même réussi à la faire germer

Sous son sourire courtois, le chat se figea, jugulant l’impatience qui lui piquait la pulpe des doigts, tissant la soie liant chaque parole pour leur prêter l’idée, discernant, lentement, avec une béate horreur, l’émergence au fleuve Achéron, de la pensée Judéenne.

Oh Dieu…

A Fontainebleau, la brise s’enroule le long d’une tige tendre dont le bouton se plait à se cacher encore, capricieux, esthète, trop imbu de lui-même pour prêter à la nuit les serments qui l’habillent, penchant vers la trace distincte d’un sabot dont le contour à même l’herbe fraiche se dissout dans le temps.
Dans un fourré, au chaud d’une brousse tendre où le vert répond à la lueur sélénite le long d’un frémissement aérien, derrière le roi nerveux, l’œil hybride du chat s’ouvre.
Le museau frémissant, l’animal, hypnotisé, sent déjà, au loin de cet horizon encore incertain, derrière cette aube blême qui auréole la silhouette embrumée de son hôte, l’odeur de la terre brulée.
La main dégantée se crispa sur le bureau, attardant une seconde Alphonse à une contemplation absente quand se dessinait en lui, une ombre nette, odieuse, et inexplicablement d’une humeur mauvaise.

Votre bâtard était une injure, vous l'excuserez.

Stupéfait définitivement, ébréchant un instant son masque sans en altérer le sourire, accroché à la prunelle vacillante de l’imbroglio qui tenait son hôte, jubilant de cette manière que Judas eut de tourner la chose avec ce dédain qui sous couvert d’accabler la nymphe rousse, le visait lui, il se laissa flotter dans un émerveillement malsain, partagé entre la flatterie que l’amant vienne jusque-là le confronter, et la consternation qu’un seigneur à ce point chez lui sur n’importe quelle terre, privilège rare de ceux dont le chemin ne tient qu’à leur bon vouloir , barbare jusque dans le rugueux de ses ordres, parcimonieux jusque dans le sourire évaporé dont il jouait, implacable jusque dans l’œil délité qu’il dardait sur lui, soit amené à se sentir dépossédé.
La surprise fut là, sans nul doute, mais trop délicieuse et trop encadrée dans la main blême de Von Frayner pour que le comptable préfère le chant au silence. Les crocs du fauve effleurèrent ces babines, excité par l’odeur du sang affleurant sous les mots, et jonglant de cette insolence courtoise, remonta son regard noir dans celui son hôte, indubitablement charmant, froidement exercé.

Même ma spontanéité à un coût, Judas.
Mais toi, je te fais un prix. Montre-moi ce qui se passe dans tes yeux et nous serons quittes.

Chat imbécile, chat manquant de bon sens, Alphonse se plut à croire qu’il pouvait jouer impunément avec la flèche et le carquois, que s’il avait survécu aux mains monstrueuses de son père, la poigne de Von Frayner serait esquivée, qu’il savait désormais retomber sur ses pattes quand elles s’étaient pourtant brisées quelques mois auparavant d’une chute on ne peut plus vertigineuse, et l’espace d’une seconde trop brève, il se demanda s’il péchait par excès de suffisance ou pour être sûr qu’il était toujours bien en vie malgré la mort du Lion.

-Je n’ai jamais eu l’âme charitable… répondit-il avec une douceur calculée, crissant à la façon d’une agonie. Je le dois certainement à mon éducation. Mon père est commerçant, le saviez-vous ? Parfumeur, plutôt devrais-je dire…Distiller le détail sans intérêt, faire mine de dévier de la conversation quand l’autre, haletant, n’attendait qu’un mot, un seul pour savoir comment respirer… Soigneusement, Alphonse agita mollement la main, comme s’il se rendait compte soudainement de la dérive à laquelle il s’apprêtait quand il l’avait sciemment mise en place et, une moue enfantine passant fugitivement à ses traits, poursuivit pourtant, se doutant qu’il écornait la patience voisine, mais friand, jusqu’à la nausée… Je lui dois quelques leçons, dont celle qui ne considère ni le repenti, ni les excuses comme une monnaie d’échange… C'est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’elle. Il ne la cita pas, volontaire, comme si elle n’était que quantité négligeable quand elle déplaçait Von Frayner jusqu’à lui, merveilleuse mégère dont la grâce ne valait aux yeux du jeune homme que par son enfantement à ses mains. Le sourire jusque-là façade vint à se dissoudre lentement, laissant les traits de son visage prendre leur accent grave et cette impassibilité forgée dix-sept années durant.
J’ai effectivement écarté ses cuisses, une fois... lâcha-t-il enfin, attentif, impavide sans plus quitter son hôte de son regard velouté, choisissant maintenant qu’il savait de quel mal souffrait Judas, chacun de ses mots avec une cruauté espiègle. Pas avec le même engouement que d’autres, faut-il croire, mais il a bien fallu sortir Morvan de ce ventre… L’affront était posé, le nom du bâtard prononcé, tempêtant son existence à la face du monde comme il l’avait fait quelques semaines plus tôt. Indubitablement, il était là, le pouvoir de cet enfant, dans sa façon de déchirer les nuées de sa propre existence, et aveuglé par cette folle capacité de naitre dans le chaos et de le suspendre à son premier cri, Alphonse succomba à sa seconde faute en laissant s’esquisser , éphémère, un trait sincère à ses lèvres, la chaleur du crane rond de l’enfant s’imprimant fugacement à ses mains.




Miaou.

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Judas
Le corps de détache de son radeau paperassé, le seigneur extirpe un vague soupir du fond de ses entrailles. Un soupir consterné, quoi qu'un peu las et méprisant aussi. Lentement le buste retrouve le dossier, les yeux voguent sur les étagères aux ouvrages épais, leurs bibelots discrets qui ne révèlent rien. Garçon s'appuie sur la pantomine de ceux qui comblent des fissures, pour enrayer une fuite. C'est cela, parle Alphonse, joue. Joue de ma patience. L'oreille semble absente lorsque Judas se défait des bras de cette conversation finalement conclue.

Chimera pourra se vanter de baisser dans son estime, à gratter le museau d'une jeunesse qu'elle n'a plus, et qui faute de pouvoir s'appuyer sur sa sagesse pour s'élever se laisse faire la courte échelle par son arrogance. Les iris de jais accordent même l'espace d'un instant leur concentration à l'étoffe des rideaux qui mangent la grande fenêtre lui faisant face, derrière son hôte. L'esprit lui s'est déjà évaporé dans toutes les possibilités de s'apaiser. Il a jugé que c'était Folie qui avait pris le dessus. Et cela tombait plutôt à point, le point étant commun d'un fol à un autre. Les aspérités du bois finement ouvragé du bureau sombre finissent méticuleusement décortiquées par l'oeil paresseux du Bourguignon. Par quoi commencer? Un poing sur la gueule pour les points sur les I? Ou un point final, qui ferait se souvenir à la jeunesse exubérante d'Alphonse qu'à trop faire le malin, on perd plus que la gouaille et le regard chafouin? Il refusa de s'attarder sur la question brûlante qui galvanisait son constat, fier qu'il était: Que cherches tu?

    Oui, que cherches-tu, si imprudent, à suturer des plaies qui n'en sont pas? A quoi joues tu, joli môme, funambule aux pattes de velours dansant au dessus d'une fosse inconnue?


A l'air libre quoi qu'on dise, les oiseaux ont eux aussi le vertige. Le vertige d'Alphonse était bien obscur à Judas, pourtant l'homme, fort d'être souvent étreint du même mal , avait compris lorsqu'il avait commencé à étirer le temps de sa conversation qu'il demeurait. Là. Tapi dans les montagnes de calculs qu'érigeait le comptable pour le dissimuler sous folie ou stupidité. Il fit se pincer ses zygomatiques, à bout de patience, à court d'objet à regarder, quand soudain...

La péroraison trouve son salut dans sa dernière tirade. La cuisse de Chimera, comme de toute femme qu'il s'est appropriée est une image qui ne sait le laisser de marbre. Le menton se redresse, la paupière se plisse sur l'Autre, avant que de ne retomber comme un couperet de guillotine sur le noir qui tend à dévorer le blanc. Le coeur a un raté indolent, le cerf a pris la fuite, le chasseur a baissé son arbalète pour ne trouver pantelant que le vide. Le néant. Ce n'est pas lui. Foutre. Ce n'est pas lui. L'amalgame des sentiments est d'une violence sans nom, bigarrant toutes les raisons ou déraisons qu'avait Judas de venir jusqu'au Garçon. Il le déteste. L'oeil réajuste sa mise au point. Focus sur Alphonse.

    Ne comprends tu pas, misérable, que tout aurait été tellement plus simple si c'était toi.

On ne connait pas la torture de l'ignorance avant de l'avoir goutée. Judas en a fait festin il y a longtemps, vandale, et c'est toute la raison de sa venue à l'Aphrodite. Pour ne plus pouvoir la digérer, le brun aux filins arachnéens ne s'accorde rien qu'il ne puisse maitriser. Savoir. Anéantir. Tous ces gens qui ne font jamais le deuil d'une disparition sans dépouille, les connait-il? Cette douloureuse expérience du vide, du gouffre dans lequel se jettent à mourir des nuées de questions, la soupçonne-t-il? Déloger de la tête du jeune homme la couronne de l'Amant, du géniteur, de l'affront c'est... C'est une vérité qui ne révèle que l'ignorance. Si ce n'est lui, c'est donc un frère. Mais lequel? Oui, tout aurait été tellement plus simple si c'était toi.

Déglutition imperceptible, les choses s'imbriquent lentement au regard et au terme de ce petit jeu intenable. Rauque reprend ses droits.


Pour ce que ce ventre lui donnera, l'enfant aurait mieux fait de ne jamais voir le jour. Il est des entités qui mises en présence malgré elles, liées malgré elles, ne peuvent jamais cohabiter.

Voilà. Toute recherche de vérité semi apaisée et rétablie menée à son terme, Judas a malgré lui personnifié l'oprobre. De bâtard à enfant, quoi que point prêt à encore à lui rendre son nom, l'être minuscule des discordes a retrouvé sa place, pièce maitresse d'un puzzle dont l'élément central reste encore manquant. Il revient en pensée un fugace instant sur le casseron fumant dans lequel il manqua d'ébouillanter l'engeance malheureuse. De sa sinistre réflexion découla une évidence:

... Alors non, je ne devais pas rester là bas plus longtemps.

Et il n'irait plus. Quand bien même il a exigé qu'elle l'abandonne à un couvent miséricordieux pour tenter de faire disparaitre l'affront. Il n'irait plus. Ne restera à Cholet que sa solitude pour avoir abusé de son temps et de ses attentions.


Puisque vous détenez les secrets de son origine, pour en avoir pu détailler des heures l'immonde béant, vous savez qui est son père.

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Tu veux être Modo aux arpenteurs? Mp !
Alphonse_tabouret
Un instant, il compatit, un instant seulement, qui se consuma à peine enflammé, le temps de voir l’œil de son hôte se crisper d’une attention vibrante, et s’échouer fiévreusement dans un nouveau chemin dont les ténèbres n‘étaient plus de son ressort.
Lui aussi connaissait les affres de l’ignorance, leurs serres cruelles et féroces dont on ne tirait rien que des spéculations démesurées, d’autres questionnements sans fin, pour finir par chérir une plaie qui, si elle se suturait à force de temps, restait toujours vivante, qu’il pleuve ou bien qu’il vente. En rentrant un soir d’avril dans une auberge parisienne, il avait trouvé deux corps au milieu d’un fatras d’objets renversés, l’un raide du poison, l’autre alourdi par un coup de couteau. Deux cadavres sans pouvoir faire aucun lien, sans comprendre pourquoi, comment, laissant derrière eux une seule certitude, tenace, désormais encrée à chaque parcelle de son être malformé de douleur : l’amour aussi mourrait.
Ce fut le sourire de Quentin qui acheva, fantomatique, cette seconde de clémence, ramenant à lui, la bile du cœur, la chaleur des souvenirs, un temps qui n’existerait jamais, gelant le chat d’un froid calme, paisible et résigné, méprisant dans une lame de fond jalouse, cette faiblesse de Judas à se laisser berner par la futilité des sentiments quand rien n’était fait pour survivre à ce monde, et désespérément envieux qu’il puisse, lui, aux lèvres de la mégère, avoir un jour la vérité.


Pour ce que ce ventre lui donnera, l'enfant aurait mieux fait de ne jamais voir le jour.
Il est des entités qui mises en présence malgré elles, liées malgré elles, ne peuvent jamais cohabiter


Les idées du chat furent écornées par les mots choisis, funestes aux oreilles félines, pouvoir mortuaire du prédateur sur la larve, et firent écho à ce qui avait jalonné les pensées du jeune homme durant toute une vie d’esclavage familial. Qu’était-il, Morvan, face à ce géant fait de rage et de vexations ? Une offense. Tolérait-on les offenses dans les histoires d’amours, qu’elles fleurissent dans la fange, en frôlant les cieux, dans la couche légitime ou dans les bras de la passion ? Si peu, si rarement, toujours sottement d’ailleurs, et amenant à réflexion jusque dans les yeux assombris du Seigneur, Alphonse, effilochant le voile du jeu dans lequel il avait choisi d’entrer, se rendit enfin compte que Morvan était une gêne à la hauteur du cocu…

... Alors non, je ne devais pas rester là-bas plus longtemps.
Puisque vous détenez les secrets de son origine, pour en avoir pu détailler des heures l'immonde béant, vous savez qui est son père.


Lui qui ne savait pas rire, dont la gaité ne s’affichait dans l’éclat que sur commande pour un public ou dans l’égarement factice de la drogue, sentit son ventre se serrer d’un amusement froid, agacé, affluant à ses veines avec une impatience qui se trahit par le buste qu’il redressa, appuyant ses coudes sur le bureau de bois et chassant définitivement de son visage toute trace de la docile bienveillance qu’il avait emprunté jusque-là, enfant se soulevant par une bouffée d’indignation imbécile, naturelle, devant cette autorité raide.

Il suffit.


Il est des conversations qui n’existent qu’entre amis, ou qu’entre clients à leur commerçant, vous ne me contredirez pas. Je n’aurais pas la sottise de me croire de la première espèce et n’aies pas la prétention d’appartenir à la seconde. Les traits du garçon avaient doucement pris malgré eux du tranchant paternel, la beauté habillant en plus l’air définitivement gelé qu’il abordait à cet instant. J’ai la gorge sèche d’avoir trop parlé, fit il en se servant un verre de Whisky, maniant avec une précision qui avait tout de l’acquis domestique la bouteille comme le verre, égrenant le geste comme le sous-entendu d’une équité à respecter, puis, observant un silence en faisant jouer l’ambre dans le ballon de verre sans en savourer les reflets, ailleurs, il leva ses onyx sur Judas, une volonté nette gravée dans la prunelle: Le nom du père… ne m’intéresse pas… pas plus que ce qu’il fut, est ou deviendra… Il avait choisi ses mots avec une précision volontaire. A la vérité, il ne connaissait pas l’amant, n’y avait prêté aucune forme d’attention, désintéressé de Chimera depuis cette glace qu’elle avait choisi de jeter entre eux, dubitatif encore devant l’étincelle que son enfantement avait créé aux confins de son âme boitillante et n’aurait jamais songé à le demander, spectateur dont les pensées allaient vers des horizons moins secs, si le désir de son hôte n’avait pas transpercé l’aversion naturelle qu’il portait à la nymphe dévoyée. Ce qui m’intéresse, c’est le sort de Morvan. Une gorgée du breuvage passa aux lèvres fines, caressant la gorge d’une brulure neuve. Vous voulez une chose, j’en veux une autre… Ne pensez-vous pas qu’il serait temps d’approfondir la conversation ?
Qu’advient-il du fils si vous avez le père ?
, demanda-t-il enfin, posant les enjeux sous un vocabulaire soigné, mais clair, reposant son verre sur le bois sombre du bureau sans quitter Von Frayner de la coupe de son attention.
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Judas
    Tu es si dur.

    Si dur avec toi même, dans ton costume trop serré. L'habit de l'Autre s'entend, celui que tu manipules, pantin vers le feu comme pour voir si toi, Toi, tu pourrais ressentir la brûlure au travers lui. Mais les pantins ne sentent rien, Alphonse... Ils ne ressentent... Rien. Tu auras beau être le maitre de leur ensecret, les pantins ne te rendront jamais la douleur que tu cherches. Le coup de trique. Le... Réveil. Ce Réveil dont je ne connais pas le nom. Pas encore.


Judas lui, manie la trique comme une prolongation de sa main. Et sa patience encore consistante n'est qu'un matou qu'il laisse se rouler dans son giron, maitre du paisible attendant un seul mot pour en rendre un qui, fouettant l'onde plane de l'autre, saurait créer des remous et mettre à vif des faiblesses Garçonnes. Le jeune est faon, là où il s'impose cerf. La faute à l'Aphrodite. Le Von Frayner est en bois ennemi, il le concède. L'arrogance est une arme comme une autre et chez soi toute arme fait loi, c'est ainsi.


Morvan Yann.

Morvan Yann... Ainsi donc , voilà une faiblesse. Judas acquiesça un peu en signe d'assentiment. S'il avait eu du vin à portée de main, c'aurait été à ce moment là qu'il aurait noyé ses lèvres dans le liquide pourpre.Puis sans doute aurait-il posé sa coupe sur le bord du bureau, gardant sa senestre sur son pied pour la faire tourner sur elle même en observant son ressac léger ... Comme on réfléchit aux questions existentielles que nous inspire l'immensité de la mer, son bleu sombre ou ses infinis mouvements. Morvan Yann.

A l'instar de ceux de son interlocuteur, les traits de Judas filtrèrent un semblant d'égarement, jusqu'à évaporer toute trace de profonde réflexion et ne laisser qu'une fine membrane d'attention. Si l'autre pouvait s'agacer d'avoir l'impression de tourner autour du pot, le visiteur n'avait pas encore révélé l'immensité de son pouvoir d'usure. Il n'était ni désireux ni prêt à lui concéder une partie cartes faces découvertes, pour la saveur du facteur inconnu mais aussi et surtout, pour respecter quelques règles de manipulation relatives à l'apprivoisement. Ce n'était pas en jouant franc jeu, carte sur table qu'il avait obtenu l'Anaon. Séléne. Chimera. Obtenu, oui, car toute personne s'enquérant de marchander avec Judas, finissait toujours par devenir gain. Ses adversaire, appelons les drôlement ainsi, avaient tous tenté le compromis, et n'avaient récolté que la compromission. Alphonse sans s'en rendre compte établissait un marché. Et quel fou si ce n'est l'ignorant, pactise avec Judas? La tête s'était penchée, attentive à la rétivité du comptable, et dans l'air comme dans le ton émergea comme une inquiétude retenue en filigrane.


Pourquoi tenez-vous tant à cet enfant?

    Est-ce que je t'apprends à compter, moi... Alphonse Tabouret.


Ho il aurait pu lui dire... 'C'est moi qui suis venu à vous, poser des questions'. Renchérir par un 'Et je crains qu'au vu ou au su des éléments en votre possession vous ne puissiez m'être d'une grande utilité.' Derrière le gant qui tire sur la ganse d'un sublime paquet pour commencer à le découvrir, tant de mots qu'il aurait pu jeter, oui. La voix résonna pour lui, dans les méandres de son esprit. 'Qu'ais-je à gagner finalement? Je vous donne ce que vous voulez, vous me rendez un sourire...? tss tss.. Le sort de Morvan, c'est moi. Qu'il soit donné du bras de sa mère, ou autre, c'est moi'. Pourtant il tut le fiel qui lui coulait sous le palais comme un miel trop généreux. Si le Garçon n'abordait jamais le sujet Chimérien, juste le fruit qu'elle avait laissé tomber de l'arbre... S'il le contournait comme un terrain glissant, la désignant à peine d'une lippe avare... C'était peut-être là un contentieux dont Judas ne mettait pas à jour toutes les raisons, mais qui lui irait à ravir. Frayner était décidé à laisser le tenancier exsangue de tout. Et plus encore...

Morvan Yann n'existait déjà plus, et n'existerait plus jamais à ses yeux. Pourtant s'il avait dû mourir, c'aurait été de sa main ce fameux soir où le jeune homme fuyait la Venelle. Elle fut si clémente. L'instinct des mères entrave souvent les élans irréfléchis... Là bas en Bretagne, l'enfant devra être abandonné à la vie monacale. Le temps que sa mère regrette son geste. Le temps surtout de faire en sorte qu'il lui soit trop tard pour obtenir un pardon. Quand bien même Alphonse le réclamerait, ça ne changerai rien au destin qu'il lui avait tracé. Parce que Morvan, c'était Chimera, et Chimera aussi, c'était Lui. Lui, Lui, Lui. Tout n'était à Judas que Judas, puisque tout le monde y concédait.

Parfois l'âme humaine se laisse grignoter par elle même et s'abreuve de vendanges incestueuses. Parfois.

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Tu veux être Modo aux arpenteurs? Mp !
Alphonse_tabouret
Morvan Yann.

Le ventre du chat se tordit d’une envie de douleur, de froissement, la vision fugitive d’une bouche ensanglantée ravalant chacune des syllabes de ce prénom pour ne l’en sortir qu’avec plus d’application et moins de suffisance.

Sweetness, Sweetness I was only joking when I said,
I'd like to smash every tooth in your head.
Oh sweetness
Sweetness I was only joking when I said
By rights you should be bludgeoned in your bed.(*)



Le nom de l’enfant sonna aux lèvres de Judas, fléau discrètement dévoilé dans le silence qu’il s’accaparait désormais, le nommant pour mieux le désavouer d’une attitude taiseuse dont chaque mouvement semblait né pour se déliter dans la suspicion. Ramassé en lui-même quand son corps était pourtant penché en avant, indolent sous la coupe de son vêtement, Alphonse émietta les non-dits au travers de l’attitude offerte, jaugeant la représentation de qualité, en connaissant la partition pour la pratiquer, avide du chant du rien qui se permettait de tant dire. Chaque esquive entreprise par Von Frayner dans cette volonté de garder en main son jeu et ses atouts, était autant de ponts entravés pointant ce qu’il ne voulait pas céder, et ce que l’on refusait de donner était toujours, fatalement ce que l’on couvait des autres, précieux autant que laid, rare autant qu’insignifiant. Chaque trésor était propre à son détenteur, et si la perle semblait banale aux autres, il ne fallait jamais sous-estimer l’attachement candide dont on était capable. Tout dans l’attitude de Judas, de son ton distrait à son attention la plus acérée, témoignait de cette inébranlable autorité, de cette volonté à ce que rien n’échappe à sa loi… et pourtant, cette auguste sérénité s’était craquelée dans le corps même de cette impromptue visite aux accents boisés.
Ce n’était pas tant que Judas se soit trompé de coupable qui amenait le chat à considérer son hôte comme dévoyé à sa cause, prompt à trouver une victime vers qui orienter sa nausée pour mettre enfin un nom sur le mal qui le rongeait, mais bien son déplacement jusqu’à ce bureau, son aventure dans les tréfonds de ce ventre chaud qui fascinait le chat, car cela n’avait au fond qu’un seul et unique sens, chemin corrompu par ses virages mais pente raide jusqu’à ce cœur qu’il aurait cru desséché et qui battait d’un tourment étonnamment vigoureux : c’était important.

Nul besoin d’aller plus loin que ce prénom, le chat savait que la négociation avait été soumise à la prunelle attentive du Seigneur dont les traits égaux ne se fardaient plus d’aucune amabilité mais de la connaissance du chemin emprunté, pour être rejetée sans la moindre hésitation, ramenant le fauve derrière son costume à grincer des crocs d’une irritation densifiée par le gout de sa propre impatience.
Il était vrai que l’habit était parfois étroit quand l’âme palpitait, il était vrai qu’à certaines occasions, il sentait les coutures qui, si jamais elles n’avaient cédé, pouvaient le démanger, mais être nu d’artifices, cela ne valait que pour les contes de fées et à faire taire les enfants au sortir d’un sommeil tourmenté. Il fallait être sot, ignorant ou sur le point de mourir pour se permettre d’offrir ce que l’on cachait au fond de soi, ombre mouvante, glue poisseuse aux tempes, chose sans forme et exposée aux démons des autres, ou pire, à leur bienveillance… Ne finissait elle pas par toujours mordre la bienveillance, visant, sournoise, l’éther quand elle aurait pu se contenter de percer la chair ?

Je lui ai échappé à Lui, tu sais… A lui plus grand que toi, plus gros que toi, et dont la colère avait cette même lueur froide qui ne me prédisait que la chute lorsque j’arrivais à esquiver le coup…
Il a cru gagner tous les combats, mais regarde… Regarde, je suis encore debout… Éclopé, abimé, amputé, cassé, mais debout…
Sais-tu combien de fois je suis tombé, Judas ?
Sais-tu combien de fois il m’a empêché de me relever ?
Sais-tu seulement combien il m’en a couté d’oser respirer malgré sa présence ?
Que sais-tu, toi, au fond, dont l’existence se borne à légiférer ton monde ? Que connais tu du parcours du supplicié, que sais-tu des heures blêmes, et des lendemains dont on se demande pourquoi ils persistent à poindre ? Que sais-tu de la survie face à l’Autre ?
Pas grand-chose, n’est-ce pas ? Ce sont plutôt les autres qui te survivent… quand tu leur en laisses l’opportunité.

Dieu que tu lui ressembles…


Pourquoi tenez-vous tant à cet enfant?


And now I know how Joan of arc felt
Now I know how Joan of arc felt
As the flames rose to her roman nose
And her discman started to melt (*)


Parce qu’il vit, lui.

La question avait tranché, mettant en avant le béguin d’Alphonse pour la larve au travers de ses propres allégations, et sonnèrent à la façon d’un cor sinistre pour appeler les chiens à la curée, aiguisant les griffes du chat au cœur de ses coussinets moelleux en constatant, que le chasseur n’avait pas que l’arc mais aussi le coutelas. Indélébile quoiqu’encore diffuse, le comptable laissa à ses tempes fleurir une nouvelle interrogation, se demandant fugacement si c’était Morvan qu’il cherchait à protéger ou Judas qu’il voulait faire aboyer, avant de se découvrir presque surpris mais étrangement soulagé, une envie d’acier, de marbre, de Parthénon…
Von Frayner ne voulait pas jouer, ou selon ses propres règles, et consciencieux, le chat s’appliqua à ravaler la plus petite de ses pulsions, conscient que les émotions ne lui allaient pas.

Il est des toquades qu’on ne s’explique pas, vous êtes bien placé pour le savoir. Ramenant les deux joueurs à armes égales, du moins le croyait il, le velours du regard noir ne quitta plus Judas, étrangement ardent sous l’immobilité de leur flamme, luisant d’une gourmandise corrompue, s’attardant aux lèvres serpentines, à leur courbe discrète, choisissant dans une fausse amabilité aux allures de rhétorique, de participer au simulacre selon les lois en vigueur, pointant du doigt l’unique faiblesse dévoilée de Von Frayner par sa simple présence : Pourquoi tenez-vous tant à sa mère ?


(*) Bigmouth strikes again (The smiths, version Placebo)
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Judas
Alphonse s'est éloigné du sentier. Ne nous fâchons pas. Il est des réajustement qui semblent nécessaire à la bonne conduite d'un projet. Judas répondit quasi instantanément, comme si la réponse ne comptait pas, comme pour revenir au plus vite à sa question laissée sans réponse. C'est lui qui avait commencé à ce petit jeu là oui, alors il accorda ses mots comme une amorce tendue au Garçon, la seule qui semblait pouvoir dénouer la situation.

Parce que je me suis donné beaucoup de mal pour lui donner de l'importance.

Très simplement, trop simplement peut être, il argumenta. Le silence jeune du tenancier à sa question était à priori comme le sien, révélateur de beaucoup. Un sujet sensible? Une réponse sensible sans doute... Pour autant Frayner ne comprenait pas ce qui reliait Alphonse à ce petit bout de rien, si fragile et si controversé où Garçonnière et pouponnière n'ont rien à se donner.

J'imagine que vous auriez du mal à voir anéanti, de la façon la plus brutale et sale qu'il soit, votre bambin mal né. N'est-il pas?


Ce qui le reliait lui à la rousse, au moins, était largement plus signifiant. Judas avait voulu Chimera, et il avait mit tant d'acharnement à la conquérir, tant de temps! Qu'il était tout à fait difficile de perdre tout pouvoir et toute emprise sur elle en l'espace d'une nuit, fierté oblige. Bien sûr, le mépris avait creusé son sillon. La colère l'avait abreuvé et la vengeance avait fait son limon. Bien sûr... Mais sans envisager une seconde de la reprendre dans ses bras pour autre chose que l'étrangler, il était impensable de boucler la boucle sur l'abandon de l'enfant, et sur le néant. Comme une ligne continue qui se brise sur un vide intersidéral, dans une coupure insensée et follement incompréhensible, Chimera ne recevrait plus visite de Judas mais aurait tort de croire que ses yeux ne l'observeraient plus.

Cruel, Judas voulait savoir l'Apres et les conséquences des décisions. Il voulait voir si Cholet changerait après avoir compris l'irréversibilité de la nuit de la Venelle, la dislocation d'un bonheur qui lui était déjà si précaire, contusionné au bon vouloir d'un amant. De l'Amant. La perte acceptée de Morvan, pour contenter un apaisement placebo qu'il avait pris soin de faire illusionner. Le Bourguignon dans sa folie omnisciente voulait voir les stigmates, le devant et le dessous des choses lorsque lui serait en France et que la comtesse elle garderait le lit de sa Bretagne. Les bras se croisent sur le poitrail boutonné. Disparue, envolée l'once inquiète et quiète dans l'éraillé masculin. Articulée, intimée, elle est réitérée.


Dites moi pourquoi vous tenez tant à cet enfant.

C'est ici que tu t'es égaré. Sache que moi d'après Elle, parfois, je suis berger.
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Tu veux être Modo aux arpenteurs? Mp !
Alphonse_tabouret
Parce que je me suis donné beaucoup de mal pour lui donner de l'importance.

Il fallait bien avouer qu’il y avait quelque chose d’indéniablement captivant chez Von Frayner, sans arriver à savoir si cela venait de ce maintien posé ou de cette glace sous-jacente, de cette assurance froide ou des promesses cuivrées de feu que laissaient percevoir ses mots…
Il sentait bien, le garçon, qu’il n’était rien, poussière sur le chemin d’une suffisance exercée, sitôt vue, sitôt oubliée, que l’important était bien loin de résider en lui mais à travers lui, prisme insignifiant pour un but bien plus lointain. Ce qu’ignorait encore le chat dont les idéaux frôlaient parfois la naïveté de la foi, c’était que prisme ou pas, une fois marqué, on n’était plus que du bétail. Le fer judéen menaçait le museau d’un chat qui se découvrait ambitieux de se prouver les choses, avide d’une curiosité mauvaise qui germait depuis le début de l’aparté, sans plus jauger la distance entre le fil et le vide, aveuglé par la récompense qui lui pendait au nez.
Il lui avait fallu dix-sept ans pour s’extraire de l’ombre qui l’avait enferré depuis sa naissance, et qui, comme si l’esclavage n’avait pas suffi, avait fini par le prendre en grippe à la faveur d’un paternel encorné par son propre fils. Une vie entière d’un apprentissage réglé avec une minutie perverse, abattant à ses reins l’écrin de la vengeance froide puis, blême… Sept années de liberté avaient rendu le chat plus efflanqué, plus souple, plus acrobate, et si les ténèbres qui l’enveloppaient n’avaient plus rien de familial, il découvrait malgré lui, le manque de la victime à son bourreau, œdipien égaré, masochiste involontaire, élevé par un monstre sauvé par erreur… par lâcheté… par une fuite…


J'imagine que vous auriez du mal à voir anéanti, de la façon la plus brutale et sale qu'il soit, votre bambin mal né. N'est-il pas?

L’amertume se distilla lentement dans les veines comptables, aiguisant sa faim, ravivant sa maladie, le feu à ses nerfs, l’orgueil imbécile gonflé d’une certitude toute aussi risible. Il n’était plus un enfant, accouché au hasard d’une nuit de novembre dans une campagne flamande, la joue en feu, l’humiliation au corps, sa maison dans son dos.

Dites moi pourquoi vous tenez tant à cet enfant.

-A chacune des naissances de mes sœurs, mon père me les a mises dans les bras, propres, lavées, repues et sages, emmaillotées dans un fatras ridicule de dentelles et de rubans… Que ce soit à six ou douze ans, j’ai eu la même impression. Elles étaient mortes… mortes à peine nées. Il égaya son visage d’un sourire sans vie, étrangement sincère en regardant Judas. Vouées à des chemins qui ne les regardaient pas, asphyxiées par une éducation faite pour les lisser jusqu’à ce qu’elles brillent… mortes à peine nées, répéta-t-il pensif, un instant, observant un temps d’un silence pour laisser filer le souvenir fugace de cette clairière bretonne, des cuisses blanches ensanglantées, de la terreur bouillonnante dans les yeux de la mégère. Morvan lui, a hurlé si fort, reprit il enfin… aussi fort que mourrait sa mère à cet instant ci, comme pour affirmer à tous qu’il était bien en vie… Il méconnaissait ce que Von Frayner savait de cette odieuse délivrance, la mort planante au-dessus de la mégère, ce sang recouvrant l’herbe verte et grasse, les feuillets de dessins inachevés claquant au vent…La sensation cuisante de l’entrelacement siamois de leurs doigts durant le travail traversa sa main, quand il l’interrogea sans pourtant attendre de réponse : Vous n’ignorez pas qu’elle a failli mourir en couches, n’est-ce pas ?... Ne croyez pas que c’est cela qui le rend plus précieux, se hâta-t-il de compléter. La mort n’ajoute rien, elle prend uniquement. Le sourire s’étira, toujours froid, toujours sincère, reflet du givre qui avait gangrené l’animal depuis qu'il avait compris qu'il n'avait que sa résolution à laquelle se raccrocher pour espérer survivre. Morvan est le premier enfant que je vois vivre… et croyez-le ou non mais, il s’est donné beaucoup de mal pour se donner de l’importance, le paraphrasa-t-il, un limbe d’insolence venant teinter le ton de sa voix.
Vous avez raison. Je n‘apprécierais pas qu’il pâtisse d’un hasard malheureux. La lèvre narquoise quand le ton avait pourtant repris la douceur de sa rondeur s’amusa du non-dit quand il n’y trouvait pourtant plus rien de drôle.
Bien ou mal né m’importe peu, le résultat est le même, ni vous ni moi n’y pouvons rien…

Morte ou vive, ton offense résidera toujours là, dans le ventre vide de ta maitresse, lovée dans ton orgueil de mâle, plus loin qu’aucun ne te touchera jamais…

Vous semblez concerné vous aussi… Auriez-vous une suggestion ?


Les chats ne bêlent pas Judas, ils griffent.
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Judas

    « Le Diable n’apparaît qu’à celui qui le craint. »
    Proverbe arabe


Judas se leva, une effluve discrètement évanescente de lavande dans son mouvement. La nouvelle d'une Chimera quasi morte en couche ne semblant pas l'émouvoir plus que cela. C'est que les enfantements, ou les "désenfantements" même sont une chose dont il ne se préoccupait pas, des choses de la nature qu'il laissait à la nature et aux femmes. Le sang, les cris dans l'attente fiévreuse le rendaient nerveux et sa pudeur semblait soudainement resurgir dès qu'il était question d'autre chose que lui entre les cuisses d'une femme. Preuve en était de son immense implication dans la naissance d'Amadeus... Dans la mort des bâtards d' Isaure et d' Anaon ... Ha si seulement...

Si seulement celui là aussi avait pu trépasser sans lui, dans la discrétion de son absence en France, dans le silence imparfait du secret. Le brun s'approcha des ouvrages alignés sur une étagère, détaillant le cuir relié de leur tranches et nota la valeur de la bibliothèque l'air de rien. Il offrit son profil concentré au Garçon, mains croisées dans le dos.


Alphonse. tourna le visage brièvement sur son voisin.Me permettez-vous de vous appeler Alphonse? Les yeux revinrent aux livres ... Puisque je n'étais pas au fait de cette naissance, vous savez c'est certain que tout ce qui l'accompagne m'est absolument obscur.

    Ne joue pas avec moi.


Judas laissa son index nu courir tendrement sur le côtelé de la rangée d'ouvrages, comme si chaque protubérance de cuir pouvait à son passage lui révéler le contenu des pages manuscrites.

Le père de cet enfant, la raison des mensonges qui l'entourent... L'existence même de Morvan, à vrai dire. En réalité, je ne sais qu'une chose.

Il se retourna, concluant d'un sourire. Les doigts noués dans son dos se frottèrent les uns aux autres.

C'est ce qu'il adviendra de lui.

    Allez rentre tes griffes, créature, j'ai les moyens de t'apaiser... Si tu m'apaises.


Alors voilà ma suggestion, au vu et au su de ce que j'ai pu comprendre de votre engouement qui me fait défaut. Il s'approcha d'Alphonse, jusqu'à s'asseoir sur le coin de son bureau, paisible. Donnez-moi des nouvelles de la comtesse, des nouvelles de ses états d'âmes, de ses fréquentations, de ses occupations... Quelques observations, puisque vous semblez la connaitre mieux que je ne l'ai connue. Un brin d'amertume pointa dans la voix.De mon coté, je vous donnerai des nouvelles de Morvan. Autant que vous le souhaiterez. Car je crains que dès votre retour, vous ne le trouviez plus là où vous l'avez laissé ... Mon cher Alphonse. J'ajouterai à cela ma certitude quant au silence de sa mère sur sa disparition soudaine.

La senestre lisse versa quelques gouttes de la fiole dans le verre du tenancier qui troublèrent l'ambre de son contenu avant de la déposer à ses cotés. La paume libre glissa ses cinq doigts dans les cheveux de jais pour le ramener derrière derrière ses épaules. Judas regarda le verre un instant puis la réaction du jeune homme.

    J'imagine que tu en as besoin, maintenant.

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