Un silence de cathédrale ! Doux euphémisme. La cérémonie avait commencé et les serments furent échangés. Plus personne n'osait emettre le moindre son, tout à chacun suspendu aux paroles échangées entre le Roy et notre Comtesse.
J'avais connu quelques allégeances en ces murs, mais celle ci résonnait bien différemment, un roy, que dis-je, le Roy de France, que dis je, Notre Roy, ici présent, dans l'exercice de sa pleine souveraineté. Une saveur particulière, qui, bien idiotement, soulageait ma cicatrice, celle qui m'avait tenu alité un mois et demi à Muret. L'impression que tous ces jours ne furent pas une erreur, ni une stupidité de ma part d'etre allé la bas.
Je ne connaissais pas cet homme, peut etre ne valait il pas plus que ses prédécesseurs, mais après tout, qui etais je donc pour en juger !
Qui devait l'envier à cette heure ? Qui pouvait deviner la lourde et tangible solitude de l'exercice du pouvoir ? Se faire respecter en se faisant aimer, tout en servant son royaume, sans se servir soi-même.
Fort et juste... et bon, puis équitable aussi...un sacerdoce en somme.
Du moins, voilà comment j'imaginais la conduite nécessaire et périlleuse que le trône réclamait. Sans quasiment droit à l'erreur.
J'en vins presque à plaindre cet homme aux épaules bien alourdies par le poids de ses charges. Et à me croire plus chanceux dans ma vie campagnarde en mon domaine, auprès d'une femme aimante et aimée.
Et puis, comme bien souvent, une idée étrange et saugrenue, vous traverse l'esprit à des moments inattendus.
A voir le Roy tendre son bras à la Comtesse du Limousin, enfin plutot voir le Roy de coté, je me posai la question vraiment stupide , de savoir quel profil il déciderait de faire frapper sur les monnaies émises à son nom.
Aurait il l'humour ou la force de caractere de faire figurer son bandeau ?
Et puis Dieu merci, cette idée s'effaça aussi rapidement qu'elle m'etait venue.
Idée chassée par une autre, à penser que je ne connaissais que tres peu la Comtesse du Limousin, .... peut etre apercue pour la premiere fois à un bal... Mais je ne pouvais me départir de cette impression qui se dégageait d'elle... Une jeunesse certes, mais une maturité insoupçonnée, une profondeur certaine, pas de celle qui peut vous effrayer
pour autant, plutot de celle de ...voyons ... d'une énorme cuve à vin de bordeaux !
Une cuve à vin ? En voilà une drole de comparaison. Mais pas mieux sous le coude ! Pourquoi donc une telle sensation ?
J'imaginais alors une chaleur dans le bois, une bonne verdeur qui vieillira bien, des tanins très variés, une "rondeur" généreuse dans la forme, un réceptacle capable au final de vous concocter un sacré cru.
J' hochai intérieurement la tete, à m'en sortir de la sorte, à me dire que cela devait etre pour toutes ces raisins évoqués ... euh ces raisons !
Parfois, on arrive à d'étranges raccourcis, mais qui nous laissent une bonne sensation au final.
Digression mise à part et terminée, j'espérais simplement et le plus sincèrement du monde que Mahelya ferait une excellente comtesse, à l'image de .... Je cherchai un nom sur le bout de ma langue... Seleina Romans !!! pour sûr !! A qui je fis ma prime allégeance. De ces femmes fortes, subtiles, mystérieuses, mais jamais inquiétantes. Discretes et volontaires à la fois. Une femme du Limousin en somme.
Décidement bien de trop de qualités nécessaires pour l'exercice du pouvoir.
Voilà pourquoi bien peu d'elus surmontaient les épreuves du temps.
Voilà pourquoi je ne me lancerai jamais dans la "res publica".
Enfin, la raison me revint, et je rattrapai le fil du temps, pret à applaudir si le protocole le permettait. Mais je n'en savais rien à vrai dire.
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