Effectivement, ces derniers temps, je tirai un peu sur la corde, je ressentais une fatigue plus importante que dhabitude, le médecin m'avait averti qu'il fallait me reposer quelques jours avant de repartir.
On m'avait narré toutes sortes d'histoires de grossesses qui avaient mal finies, ou même mal commencées. J'en avait pris peur, peur de perdre mon enfant, peur de ne pas être à la hauteur...
Mon corps se transformait et je voyais pour le coup, d'avoir à m'acheter une houppelande un peu plus large. Mes braies commençaient à me serrer et ma chemise aussi. Le matin, en me levant j'enchainais les nausées, les coups de fatigue et les heures de déprime.
Impossible de comprendre ce qu'il était en train de m'arriver. Mon ventre commençait à s'arrondir. Nous resterons deux trois jours à Poitiers. Mandra serait surement d'accord, il comprendrait....
Une certaine mélancolie séprenait de moi lors de mes instants de solitude. Mais ce matin là, alors que je me trouvai dans une taverne assise seule à ma table, je laissais tomber inlassablement ma cuillère de bois au fond de mon bol, incapable davaler ne serais-ce quune infime bouchée. Je poussai un immense soupir, émanant du plus profond de mon être, puis je me relevai doucement jusquà la fenêtre. Jadossai volontairement ma jolie tête blonde contre le cadre et le regard vide, jobservai en quelques sortes les passants du village, une envie irrésistible de leur crier tout mon désarroi du moment. Un soupire encore, puis mon regard se posa sur mon ventre, je me redressai doucement, essayant de me tenir droite sur ma chaise puis tout en faisant la moue, je terminais mon repas d'aspect douteux en attendant que Rose, Hernaut et Lunnard, viennent me rejoindre. C'était un genre de bouillie, je n'avais osé demander au tavernier, les composants de cette pitance de peur de le blesser. Quelque chose de consistant, lui avais-je demandé, j'ai besoin de force... il n'avait pas lésiné sur les moyens le bougre, c'était bien plus, que consistant ! Je finissais tant bien que mal cette nourriture en grimaçant.
Dehors le temps était encore magnifique, les rues du village semblait désertes, même les voyageurs se faisaient discrets. Soudain, je pris une mine plus sérieuse, me leva et pris le chemin qui menait vers la forêt. Je fis ce chemin repensant aux années que j'avais passé dans le Poitou.
Poitiers, cette ville que j'avais tant aimé par le passé et que je détestais tout autant aujourd'hui. Arrivée à l'orée de la petite forêt où j'avais passé de nombreuses heures à réfléchir, je décidai d'y faire un tour.
Les feuilles jaunissaient au fil des jours, elles jonchaient le sol et faisaient un bruit qui leur étaient propre quand on leur marchaient dessus, brisant ainsi le silence qui régnait en ces lieux, Je trouvais cette saison si jolie, mais tellement triste
Au bout de quelques minutes, je décidai de faire demi-tour, car n'ayant rien prévu pour cette escapade j'avais peur de me perdre.
Le temps passait à une vitesse hallucinante, vu la hauteur du soleil dans le ciel, il ne devait pas être loin de midi. Je n'avais pas travaillé aujourd'hui, je m'étais contentée de ramasser des herbes en prévision, d'éventuels maux dont nous souffririons peut être, pendant notre voyage. C'était tout moi, ça, précautionneuse était ma nature. Mon panier était rempli de marjolaine, camomille, romarin et autres herbes dont je ne me souvenais plus du nom, une bonne provision pour l'hiver pensai-je ! J'avançai tranquillement et j'aperçu au loin le clocher de l'église. Il y avait longtemps que je n'avais foulé le pied d'un autel. Une visite s'imposait donc mais il fallait d'abord retrouver mes amis à la taverne. Pressée tout à coup de retrouver Mandra, j'accélérai le pas. Il y avait longtemps que je ne l'avais vu, ce brave Mandra...
Je poussai la porte de la taverne et entra m'asseoir. Il y avait du monde mais pas mes amis, ils n'étaient pas encore arrivés. Résolument tournée vers la fenêtre, je sentais le regard peu discret du tavernier s'attarder sur ma personne, s'appesantir sur les plis de ma robe, remonter lentement jusqu'à mes cheveux longs et dorés, que je sentais nus, brusquement, sans mon voile qui les recouvrait d'ordinaire. Tendue, je m'était figée dans une moue un peu hautaine, le menton relevé, la mâchoire serrée, les yeux grands ouverts et fixés sur le désordre apparent qui semblait régner ici lieu. Le tavernier s'approcha et me demanda si je voulais boire quelque chose. Je pris une verveine. je m'étais mise à la tisane ces derniers jours sur les conseils du médecin. Il revint avec une tasse fumante, dun geste gracieux et habile, je sortis ma bourse de ma besace et pris suffisamment de quoi le satisfaire puis je mélangeai distraitement la mixture de ma petite cuillère tout en le remerciant. Soudain Falkor se posa sur le rebord de la fenêtre avec un pli accroché à l'une de ses pattes. Je m'approchai de la fenêtre, l'ouvrit et retira la missive des pattes du corbeau. Cela venait de Mandra.
Expéditeur : Mandra.gore de K
Date d'envoi : 28/08/1461 - 15:44:23
Titre : On repart !
Lyne,
Tu es là, en voilà une excellente nouvelle !
Tu ne vas guère te reposer car nous partons par la diagonale vers Mende!
Je vais tenter de faire ce que j'aurai du depuis bien longtemps!
Keena est toujours à Muret
En"plongeant" ainsi vers le sud on devrait se croiser vu que nous on bougera tous les jours alors qu'elle est loin de le faire.... ainsi on foulera peut être bien ensemble le sol provençal....
L'avenir se dessine !
A très vite à ce soir j'espère ma chère amie !
Mandra
Je poussai un profond soupir, le repos pour moi, n'est pas pour maintenant hélas ! mais il fallait que j'explique à Mandra, oui il fallait que je lui parle des recommandations du médecin à Montmirail. Tout allait trop vite...
Comme j'avais un peu de temps devant moi, je décidai d'aller allumer un cierge dans l'église et d'adresser une prière au Très Haut.
Je sortis de la taverne et me mis en route vers l'église. Je poussai la lourde porte, j'entrai, refermai la porte et m'avançai vers l'Autel, je profitai d'être seule, m'agenouillai et me recueillis en récitant le crédo, prière que m'avait enseignée Benoît mon père adoptif.
Citation:Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre,
Des Enfers et du Paradis,
Juge de notre âme à l'heure de la mort.
Et en Aristote, son prophète,
Le fils de Nicomaque et de Phaetis,
Envoyé pour enseigner la sagesse
Et les lois divines de l'univers aux hommes égarés.
Je crois aussi en Christos,
Né de Maria et de Giosep.
Il a voué sa vie à nous montrer le chemin du Paradis.
C'est ainsi qu'après avoir souffert sous Ponce,
Il est mort dans le martyr pour nous sauver.
Il a rejoint le Soleil où l'attendait Aristote à la droite du Très-Haut.
Je crois en l'action divine;
En la Sainte Église Aristotélicienne Romaine, Une et Indivisible;
En la communion des Saints;
En la rémission des péchés
En la vie éternelle.
AMEN
Puis je me relevai et vint m'asseoir au premier rang, attendant que l'office commence, tournant la tête de temps en temps pour voir si quelqu'un arrivait. Je ne sais combien de temps j'étais restée là, je m'étais endormie gagnée par la fatigue. Lorsque je me réveillai, l'église était vide, l'office terminé et le curé sans doute parti. Je sortis de l'église un peu groggy et me dirigeai vers la taverne la plus proche.