Elisaabeth.
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« Le monde est dévoré par lennui. La preuve : jme tourne les pouces ! »
DÉlisabeth, plagiée quelques siècles plus tard par Georges Bernanos pour les sept premiers mots.
- [ Au beau milieu dune belle journée dautomne ]
Finalement, cest réellement possible de pouvoir sennuyer au milieu de la journée
Pour pourquoi dites-vous cela, milady ?
Pourquoi ? POURQUOI ? Cela se voit, pourtant !
Pour sûr ! La suivante, Adrianna, avait la tête très occupée dans sa broderie ! Tandis quÉlisabeth, la Mesnay, était fort occupée à semmerder. Oui, semmerder, admettons-le, à la fin ! Compatissante, comme toujours, la suivante arrêta sa broderie quelques instants puis, tout en posant son regard de petite biche effrayée sur sa maîtresse, elle lui répondit, dun ton toujours aussi calme mais avec son accent angloys qui ne la lâchait décidément pas : Et si vous lisiez lun des livres que vous navez pas encore eu le temps de lire ? Peut-être que cela vous ferait passer
Faire passer le temps ? Par Aristote, ma pauvre sotte, ce que tu peux être crédule ! Ce sont les vieilles filles qui te disent quun bon roman fait passer le temps ! Tiens, attends, je vais te faire plaisir !
De colère il en fallait peu pour mettre la Belette en rogne , la jeune femme se leva, se baissa afin dattraper le livre posé sur la table basse, se replaça dans le fauteuil où elle se trouvait quelques secondes auparavant, puis, faisant mine douvrir le livre pour le lire comment ça, cela va de soit ? , elle débuta la lecture : Il était une fois, un Roy et une Reyne qui donnèrent naissance à plusieurs enfants. Tous moururent pour mauvais traitement dès la naissance sauf lun deux, un petit garçon, qui a réussi à survivre malgré la terrible vie quon lui mena !
Blablabla
Ohh ! Miracle ! Regarde-moi ce passage, Adrianna. Le prince rencontra une princesse qui lui changea la vie, du tout au tout ! Ils se marièrent et eurent beaucoup denfants Oh non. Mince ! Jai omis de te lire lépilogue. Tu verras, cest aussi joyeux que ce quil mest arrivé.
Elle toussota et reprit, assez sèchement : Quelques années plus tard, après avoir mis de magnifiques enfants au monde, la princesse mourut dans datroces souffrances, rongée par la maladie qui, à ce jour encore, reste totalement inconnue de tous ! Le prince, quant à lui, brisé par le chagrin, décida de mettre fin à sa vie en allant se jeter par la fenêtre de la plus haute salle de la plus haute tour !* Fin de lhistoire. Il était bien ce roman, nest-ce pas ?, dit-elle en refermant dun coup sec le livre, pour le lancer ou presque parce que sinon, ce serait du non respect des objets qui nous entourent afin quil atterrisse sur la table basse, là où il se trouvait un peu plus tôt.
Senfonçant un peu plus dans son fauteuil, elle sagrippa aux bras de son fauteuil et tourna son visage vers sa suivante-camériste. Cette dernière avait baissé la tête, ne sachant plus vraiment où se mettre, comment se comporter ou ce quelle pouvait dire pour « réconforter » sa maîtresse. Élisabeth leva les yeux au ciel et soupira, agacée : De toute façon, cela ne règle en aucun cas mon problème : je mennuie !
Le silence sinstalla. Que pouvait répondre la rouquine, cette suivante angloyse qui se faisait sans cesse envoyer balader dès quelle avait le malheur de hausser le ton pour apporter, ne serait-ce, une petite idée qui pourrait permettre à la Belette de trouver une solution à un « problème ». Ronchonnant, la Balafrée se leva et quitta la pièce en bougonnant un : « Je te laisse ! Je vais aller prier ! » et en effet, disparut de la maison où elle se trouvait à cette époque, noubliant pas demporter avec elle sa cape fourrée, puisque le temps ne lui permettait plus de se promener sans un vêtement dextérieur.
À vrai dire, on ne sait jamais vraiment où elle pouvait se trouver. La jeune femme aimant les voyages, elle nhésitait jamais à sarrêter quelques temps là où elle se trouvait. Bref. Malgré ce « voyage », elle sennuyait ferme. Cétait fâcheux. Surtout pour son entourage.
Sur le parvis de lÉglise, elle monta les quelques marches qui la séparaient des portes. Devant elles, Élisabeth poussa lune des lourdes portes dans un silence mortel. Elle referma aussi discrètement quelle le put, fit une génuflexion en se signant puis, sengagea dans lallée centrale de lÉglise afin de rejoindre lautel. Devant cette table sacrée ou à quelques mètres delle , la jeune femme se mit à genoux, joignit ses mains et murmura quelques mots en latin afin de commencer lune des prières quelle avait apprise, il y a fort longtemps.
Elle supplia les Saints de lécouter, parce que bon, même si elle passait par Dieu, le Très-Haut prenait tout-son-temps pour lécouter, elle, pauvre pécheresse qui ne cesse denchaîner les conn les gaffes. Et quand elle regarde les cieux, les larmes aux yeux, en suppliant le Très-Haut de lécouter de son mieux, au lieu de jouer les sourds comme les ptits vieux, et ben ce co ohh ! On blasphème ! Reprenons. Et ben, le Très-Haut ne fait rien. Il ne lève même pas le petit doigt pour lui venir en aide. Rien. Que dalle. Alors forcément, quand on se sent abandonné de tous, abandonné même par le Très-Haut, on finit par faire des grosses boulettes. Boulettes parfois irrécupérables.
Soudainement tirée de ses instants pieux, Élisabeth entendit des voix. Ohh non ! Elle ne se prend nullement pour une certaine Jeanne qui a fini, la pauvre, brûlée sur la place du Vieux-Marché de la capitale du duché de Normandie. Ces voix étaient bien proches pour faire passer Élisabeth pour folle. Toujours à genoux devant lautel, elle tourna un peu la tête et aperçut quelques gens mécontents. Si elle tendait un peu plus loreille, elle comprendrait le pourquoi de ce mécontentement.
Ctoujours pareil ! Lest jamais là quand on a bsoin dlui !
Cbon à rien frait mieux dsortir dsa paillasse pour faire des messes potables, au lieu drester dans son lit ben douillet à bouffer comme un ogre !
Blasphème pas, touaé ! Tvas finir aux enfers lunaires stu continues cômmça !
Tdiras pas que
Chuuut, chuuut, chuuut. Se replaçant face à lautel, Élisabeth entra dans une intense réflexion qui lui vaudrait, fort probablement, une occupation pour le restant de sa journée. Les yeux dans le vide, ils se mirent à briller ; les lippes sétirèrent pour laisser apparaître un sourire en coin sur le visage de la Belette. Euréka ! Cétait lidée du siècle ! Elle ne pouvait passer à côté de cette occasion en or qui lui vaudrait, sans aucun doute, une bonne partie de fous rires mais aussi, un bon souvenir quelle garderait au fin fond de sa mémoire pour la raconter à ses enfants, à défaut de petits-enfants, si elle mourrait avant.
La Belette-Blonde se leva dans un petit bruit de froufrou, et aussi discrètement quun fantôme, elle se dirigea vers la sacristie, afin de mettre en uvre le merveilleux plan qui avait eu le temps démerger dans sa tête. Son plan était loin dêtre nul, bien au contraire. En plus, elle sapprêtait à rendre service aux âmes égarées, cest pour dire que son plan nétait pas de la gnognote ! Dans la sacristie, Élisabeth chercha lélément qui lui serait essentiel pour mettre en uvre son plan : une bure de moine !
Chers lecteurs, ne soyez pas surpris en lisant que la blonde Élisabeth cherche une bure. Vous découvrirez bien vite ou alors, vous lavez déjà compris le plan, non pas machiavélique, mais assez ingénieux de la jeune femme, en manque dactivité, qui allait la faire mourir dennui !
Ne trouvant pas le vêtement tant recherché, Élisabeth se retint de ne pas tout renverser, à la limite du pillage, afin de ne pas non plus laisser des traces derrière elle. Déjà quelle empruntait une bure et là, jinsiste en disant quelle empruntait la bure parce quÉlisabeth nest pas une voleuse ! alors si elle devait laisser des traces dun carnage improvisé, autant aller préparer son bûcher pour hérésie, et le billot pour quon lui coupe les mains !
Mais nul besoin de se déguiser en pilleur ou pilleuse, puisque cest une femme pour finalement, relever le bout du nez pour apercevoir la bure. Elle attrapa la bure quelle enfila par-dessus sa cape qui, précisons-le, est de la même couleur que la bure. Si ça, ce nest pas un coup de chance ! , remit en ordre le petit bazar quelle avait fait en cherchant cette fichue bure. Rangement effectué, Élisabeth sexamina auprès dun miroir aussi riquiqui soit-il ! afin de sassurer quon ne sapercevrait pas de la supercherie. Parce que bon, il ne manquerait plus quon laccuse de choses ignobles, horribles et absurdes !
Capuche de la cape sur la tête, elle sortit de la sacristie, les mains jointes afin de donner plus de crédibilité à son nouveau personnage puis rejoignit les gens mécontents de tantôt. Dailleurs, les interrogations commencèrent :
Mes enfants, le bonjour. Je suis Vite, un mensonge ! Sur Héloïse ! Oui, cest ça Sur Héloïse. Auriez-vous un quelconque souci ?
Dpuis quand les nonnes spromènent-elles avec une bure dmoine ?
Ah oui elle navait pas prévu quon lui poserait une colle pareille. En fait, son plan était tellement trop parfait quelle en avait omis que oui, en effet, une « nonne » portant une bure de moine allait faire un drôle deffet. Cest donc avec un ton tout-à-fait naturel quelle répondit : Depuis que nous sommes en rupture de stock de tissus pour faire nos habits correctement !
Du tac au tac, vous dis-je.
Ouais bah cquand même un ptiot peu louche
Tais-toi la bonne femme ! Tvois pas qunous avons une solution à not blem ?
Mes enfants, en quoi puis-je vous être utile ?
Ben au fait, nous manque un rplaçant dcuré pour les confessions !
Et bien, mes enfants, je suis apte à vous entendre, un à un. Entrons dans le confessionnal et venez un à un, afin que je puisse vous entendre tous pour que vous puissiez soulager votre conscience, mais surtout votre âme. Mon fils, voulez-vous commencer ?
Beeen cpas drefus !
Pis moi ?!
Je vous recevrai après, ma dame, je vous le promets. Messire, entrez-donc, je vous prie.
Élisabeth ouvrit la porte du confessionnal, entra dans la grosse boîte non pas roulante mais bien fixe ! , referma la porte et sinstalla bien confortablement dans le confessionnal, ouvrit la fenêtre qui la séparait de son pécheur puis, elle reprit avec douceur : Mon fils, je vous suis toute ouïe. Dieu vous écoute. Grâce à moi.
* Shrek 2, le Prince Charmant ou Marraine la Bonne Fée, de toute façon, ils le disent tous les deux !
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