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[RP]Plumes cyniques de Corbeaux moqueurs

Umbra
Combien de temps s’était-il écoulé depuis que l’Ombre n’avait plus eu de nouvelles de son correspondant fétiche ? Quel silence assourdissant ! Telle était la réflexion de cette dernière ruminait au dessus d’un verre de prune, un soir où l’ivresse devenait mélancolie.

Il fut un temps où des pigeons idiots voletaient d’une serre à un autre, balançant leur fiente sur la tête de malchanceux. Si seulement ces malheureux savaient que ces déjections naturelles étaient plus saines que les missives accrochées à leurs pattes, peut-être les laisseraient-ils planer en paix dans les cieux au lieu de tenter de les enterrer à coups de fronde. Bande de Bécasses ! – Les Hommes, pas les volatils-.

A cette époque, deux Corbeaux usaient de leurs griffes acérées pour noircir des vélins communiquant leurs sombres pensées. Ils dépeignaient leur réalité maussade d’un humour mordant et d’un sarcasme tordant.

Un peu plus tard, au même moment*, ces oiseaux sans plumes refaisaient le monde d’un bout à l’autre du royaume. Où pouvait-il se trouver ? Umbra s’en fichait royalement, à vrai dire. Tout en franchissant l’horizon, elle scrutait le ciel. La Noiraude ne guettait ni les nuages, ni les orages, elle attendait simplement ces messages.

Hélas, avant que ne s’épanchent intégralement leurs venins, les imposants pans du cloitre coupèrent net leur piaffement. C’en suivi une longue période d’abstinence pour les Moqueurs. Les non-dits et les tabous des aristotéliciens déteignirent sur ce silence pesant, de quoi recharger l’encrier d’amertume.

Lors de cette absence, Ombeline n’avait pas oublié son correspondant. Même si elle ne possédait plus ses courriers, elle gardait en mémoire leurs échanges caustiques. Il faut avouer que la Bâtarde les avait tellement lus et relus qu'elle finissait par les connaitre sur le bout des doigts. L’aigreur de ces propos lui corrodait le cœur, c’était touchant !

Plusieurs fois, lorsqu’elle sentait son sang bouillonner dans ses veines, que la rage ou l’écœurement la tenaillait au point de la faire baver, la jouvencelle désira lui écrire à nouveau. Faire dégouliner l’encre brun, postillonner ses maux et de cracher à la face du monde ! Finalement, une bouteille arrivait toujours au moment propice et c’est dans d' autres flots qu’elle s’enivrait.

Mais un jour vint où l’Ombre s’offrit son propre coursier. Elle l’avait choisi à son image bien qu’elle n’avait pas encore pris soin de le baptiser. Pas de tourterelle romantique, de moineau effarouché, de mésange banale, de pie voleuse, de faucon prédateur, de canard boiteux, de cygne porteur de présage ou de cigogne engrossée. Non, Umbra acheta une simple corneille, oiseau de mauvais augure tout comme ses plis.

Le premier courrier, bien évidemment, fut destiné au Corbeau. Après avoir éclusé quelques godets d’eau-de-vie, la Noiraude s’empara de sa plume et encra ses pattes de mouche sur le vélin :




Cher corbeau...car l'encre n'est pas donné ces derniers temps!

Rôderiez-vous toujours les moines ou les vers vous rongeraient-ils les entrailles?
De l'absence, du silence, de l'indifférence peut-être...? De l'oubli, certainement!
Auriez-vous fait vœu de silence lors de votre retraite pour ne plus me donner de vos nouvelles? Cela serait fort dommage pour refaire le monde, n'est-ce pas?

Soyez flatté ou désespéré, l'important étant que je ne vous ai point oublié. Depuis tout ce temps, nous avons surement beaucoup à nous raconter: à critiquer, à rire, à nous moquer, à regretter et j'en passe des meilleurs.

J'espère que ma corneille arrivera à un moment inopportun, l'effet de surprise sera de mise! L'arrivée de mon pli sera aussi désagréable que l'image que vous aviez de moi à l'époque. Vous verrez ainsi que rien a changé pour ma part.

Dans l'attente de vos futurs maux,

L'Ombre...de quelque métaphore qu'il vous plaira.


L’alcool, insidieusement distillé dans son sang, engourdissait ses doigts et floutait sa vision. L’esprit peu clair, Ombeline jaugea son poison. Sans jeu de mots, elle avait perdu la main, la manchote ! La Bâtarde avait rédigé plus acerbe par le passé mais ne souhaita pas pour autant rectifier ses écrits. Pour renouer le contact, mieux valait peser ses propos. Quelque chose de sobre, histoire que s’il soit mal tourné, les paroles mettent un peu d’eau dans son vin. Et hop ! Le message fila comme une lettre à la poste !

A sa grande surprise, la réponse ne tarda pas. Au bonheur de la jouvencelle, l’absence au fin fond d’un monastère n’avait pas poli le piquant de son piaf préféré. La bave des crapauds aristotéliens n'atteint pas Maitre Corbeau, sur son arbre perché**.




Et l'Ombre s'abat sur le Corbeau, elle étend son manteau de nuit et de mystère, recouvre la campagne d'un voile d'obscurité, sublime metteuse en scène, elle ne rate jamais son entrée.

Ravi de m'écorcher une fois de plus la vue sur vos pattes de mouche, odieuse Ténébreuse.

Si seulement je pouvais me perdre dans l'oubli, vous m'en verrez comblé, je n'aspire qu'à soustraire de ma mémoire la triste réalité des faits. Je suis vivant et je vis ici, parmi mes semblables.

Il ne faut surtout pas se laisser tromper par l'habit des moines, curieux pénitents, étranges créatures à genoux, ils n'en demeurent pas moins des gorets, des porcs bien gras comme le commun, mais des gorets immaculés je vous prie !
Cette expérience de la vie monastique ne fut pour moi d'aucun réconfort, le cerveau rongé par ce mal incurable, je me suis enfermé avec des gens plus fous que moi. C'est bien la preuve d'un altruisme à toute épreuve vous en conviendrez.

Pendant que mon ami me picore le crâne, je jette un peu de bile sur ce vélin.... Quelle stupide situation.

Mais dites moi, que deviens l'ingrate petite grive qui m'a si joliment siffler au visage il y a de cela des mois ? Est-elle toujours aussi seule ?
Hum... Vous affûtez vos griffes à coup sûr. Mais je devine néanmoins un profond désir de découverte, peut être désirez vous en réalité être acceptée, non plutôt tolérée, ce qui justifierait cette irruption soudaine mais non moins ravissante. Une lettre chiffonnée apportée par une corneille, quelle poésie !

Répondez vite, détestable amie.

Bendegit Bran, qui croasse par bien trop.


Quelques jours après, dire de ne pas paraitre trop enjouée, l’Ombre reversa ses pensées sur un parchemin. Comme son rituel l’imposait, elle trempa ses lèvres dans un verre de prune avant d’humecter sa plume.

Que lui dire si ce n’est qu’il avait raison ? Non, non. Ce serait lui faire trop d’honneur. Il ne faudrait pas que l’Oiseau se sente pousser des ailes, non plus ! Choisir les mots adéquats est tout un art : il existe des mots pour tout décrire, pour tout le monde, la subtilité réside dans le fait de les allier au caractère du lecteur afin qu’ils l’atteignent droit au cœur après les yeux.




Bendegit Bran, quelque animal que vous soyez derrière votre plume,

Sifflez donc, vipère ! Moquez-vous, Corbeau ! Vos railleries ne valent pas un fromage, Impertinent!

Pour votre gouverne, non, je ne suis plus seule et d’ailleurs, je l’ai jamais été…Puisque la Solitude m’accompagne en tout temps ! Qu’importe si mon sort vous sied, sachez que je m’en accommode aisément.

Être tolérée par les intolérants ? Quel paradoxe. Avec un peu de sympathie, j’avouerai simplement que je me soucie de votre réintégration à la civilisation. Ne prenez pas la peine de me remercier, je sais ce que vous avez enduré.

Pourquoi diable souhaitez-vous perdre la mémoire ? Afin de refaire les mêmes erreurs ?! Ressaisissez-vous, oiseau de malheur. Dans le temps, n’était-ce point vous le premier à moquer des tourments d’autrui ? C’est vous qui m’avez appris à rire au lieu de me plaindre, à pimenter une existence fade, à colorer une réalité terne. Au Sans-Nom, votre altruisme! Pour sûr qu'il vous perdra.

Restez l’insupportable que vous étiez, d’autres gémiront à votre place. Aller, du nerf, mon ami. Sortez les crocs et dévorez la vie ! Digérez vos problèmes, vous les éliminerez mieux par la suite. Rogner les os des misérables au lieu de vous faire de la bile ! Ne macérez pas dans le carcan, il vous rongera jusqu’aux viscères.

Vous êtes un charognard, très cher Corbeau, ne l’oubliez pas.

Dans l’attente de retrouver votre mordant,
L’Ombre, enthousiaste dans la misère car plus bas, c’est le trépas !


D’un œil sombre, Umbra parcourut ses lignes vivement grattées. Elle avait peu réfléchie et beaucoup écrit. L’état de son correspondant la perturbait légèrement. Pas assez pour se faire un sang d’encre mais assez pour noyer le vélin d’un optimisme contraire à elle-même.

Terminant son godet d’eau-de-vie, La Noiraude expédia son torchon mielleux en espérant qu’il ne croasse pas trop dessus.


* Titre d'un interlude des Wriggles.
** Mix de la citation: "la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe" et des premiers vers de la fable "Le Corbeau et le Renard" de Jean De La Fontaine.

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Bendegit.bran
Seul, assis sur un ponton croulant et pourri par les assauts répétés de la Manche, Bendegit Bran demeurait immobile.
Le visage chiffonné, en proie à d'indicibles conflits intérieurs, il tentait désespérément de remettre de l'ordre dans son esprit embrumé.

Quelques jours plus tôt alors qu'il devisait avec lui même, tentant vainement de trouver réponse à une énième interrogation sur le sort d'un mourant étendu au sol, une pluie de guano vint interrompre ses réflexions. Le monticule était compact et avait été lâché en plein vol. C'est alors qu'il s'aperçut qu'au milieu de la fiente encore fumante une missive trônait fièrement.

Esquissant une moue vaguement dégoûtée il attrapa l'enveloppe et ouvrit le pli.
C'est à ce moment que la voix de l'indésirable visiteur qui nichait depuis quelques lunes déjà dans un renfoncement de sa boîte crânienne résonna. Le timbre grinçant du Corbeau arracha à Bendegit un léger grognement.

- Regarde ça la Sauvageonne semble te prendre en sympathie, la diablesse ! Vois ces minauderies à peines voilées sur le vélin, elle cherche à t'empoisonner !

Faisant fi de l'intervention malvenue de son passager noir, Bendegit Bran lu plusieurs fois le courrier.

- Le seul poison qui envahit mon système veineux est celui que tu m’inocules, Rapace !
- Ingrat que tu es, Déchet, moi qui te préserves...
- Ta gueule.


Le débat imaginaire qui avait lieu dans l'esprit fertile du Bran fut coupé net par cette réplique sans appel.

C'est ainsi que les pieds pendants au dessus de l'eau saumâtre du port, il mit un terme à sa rêverie agitée pour se consacrer à la rédaction d'une réponse appropriée à sa correspondante.

La jeune femme, malgré son air patibulaire, sa mine renfrognée et son allure douteuse, avait très vite attiré son attention. Sa plume se révélait agressive, elle aimait à pimenter ses missives de propos mordants et hargneux. Cette violence verbale ne cessait de stimuler chez lui sa fâcheuse tendance au cynisme et l'incitait à cracher sa bile.




A toi, Couleuvre venimeuse, Nuée Ardente, Pissenlit épineux !

Je vous ignorait capable de faire preuve d'autant de compassion. Je suis navré de vous l'apprendre mais si je souffre de quelques crises passagères d'altruisme irrégulier, je crains que vous ne soyez atteinte d'optimisme forcené. Mais rassurez vous, ce n'est pas si grave. C'est de par notre optimisme, que nous autres, oubliés du commun, mauvaises âmes, pouvons espérer gagner une place en ce bas monde.

Il n'y a pas si longtemps j'ai eu le déplaisir de croiser une pauvre gueuse chargée d'un énorme tas de bois. Comme j'avais triste mine la malheureuse à tôt fait de délaisser son fardât pour venir me réanimer.
Ce fut plus fort que moi, devant ce spectacle si touchant d'une malheureuse soucieuse d'un ivrogne, je ne put retenir un éclat de rire grotesque. Je dois bien admettre que j'ai ressenti un plaisir malsain en avisant sa mine déconfite.
L'ironie de la situation me fait encore sourire aux éclats, il existe une solidarité dans la misère. Les malheureux se sentent visiblement obligés de se serrer les coudes comme si la dureté du quotidien serait plus supportable en la partageant avec un confrère. La drolesse s'imaginait sans doute s'en tirer avec une révérence, un sourire reconnaissant ou mieux encore, un ecu pour s'être enquéri de mon cas, une catharsis de bas étage peut être.

Je ne partage pas cette idée, selon moi, il est impossible d'alléger le fardeau d'une vie de labeur par un geste d'attention, aussi sain et désintéressée soit il.

"Courez donc Bonne Mémère, les veaux vous attendent, allez donc leur donner la tétée, gardez vos oeillières et ne voyez que votre misère. Je préfère demeurer le cul dans la boue mais alerte à ce qui m'entoure !" lui ai je répondu.

Mais ne vous y trompez pas, je ne suis nullement dégouté par le contact avec mes compagnons d'infortune, je suis seulement choqué par leur incroyable capacité à la résignation, concentrés sur leur misère, ils en oublient que partout autour les abeilles piquent, les serpents sifflent, les corbeaux râlent...

Si je suis un charognard, alors je dois me contenter de vos restes.
Toujours à votre service, virulente prédatrice,

Bendegit Bran, réfléchir, c'est fléchir deux fois !



Les mots avaient été projeté sur le vélin avec délice, Bendegit Bran était désormais serein, apaisé, repus comme après un bain de minuit. Les sens relachés il s'allongea à même le bois humide du ponton et s'autorisa une courte sieste.
La réponse de sa mystérieuse correspondante ne tarderait pas à arriver et cela suffit à le faire sourire.
Umbra
Le séant dans les ronces, l'Ombre attendait patiemment la venue d'un pauvre hère, plus miséreux qu'elle mais sans nul doute moins misérable, à qui elle soulagerait l’aumônière et les effets. Hélas, le jour de chasse n'était pas propice. La prédatrice, cachée depuis des heures dans les sous-bois, languissait vainement le passage d'un malheureux. Un vent à décorner tous les cocus des environs avait découragé les plus téméraires et même les moins réfléchis. Calfeutrée dans les fougères, après une matinée de solitude et de sang-froid -ou d'hémoglobine éventée par le mistral-, la Noiraude abandonna l'idée de déplumer une proie.

Elle bayait aux corneilles quand son messager pointa le bout de son bec. Ombeline détacha la missive à sa patte puis la lut, heureuse du peu de compagnie que lui procurait les écrits.


Atteinte d'optimisme forcené?!

Insurgée, la Bâtarde grimaça comme si un médecin venait de lui annoncer sa mort prochaine ou pire encore, le fait qu'elle possède au cœur terré au fin fond de son poitrail décharné.

Optimiste?!! Non mais puis quoi encore?!

Une bourrasque de vent se souleva tandis que la Vipère sifflait. Le tout souffla si fort qu'importe où pouvait se trouver le Piaf, il entendrait sûrement les échos de son venin. Mais à en juger la situation, le crapaud n'avait peut-être pas tort... Qui, à part une enthousiaste acharnée, aurait passée une demi-journée, le fessier piqué d'échardes et la tignasse furieusement emmêlée par un vent à vous glacer les os dans l'unique espoir de remplir sa bourse? Il faillait se rendre à l'évidence, la Manchote était malade.

L'orgueil touché au vif, la Boiteuse décampa pour rejoindre la première taverne miteuse où elle se consola d'un verre de gnôle infâme et d'un pic gratuit en remerciement pour la serveuse. Les entrailles brulantes de l'alcool ingurgité, l'Ombre sortit son attirail d'écriture et dégueula:




A toi, Félon!

Piètre médicastre* que tu es! Tu diagnostique mon décès dans ton ordonnance! Moi, optimiste forcenée?! Et combien de temps, à ton avis, me reste-il à distiller mon pistil venimeux avant de devenir fleur bleue? Dis-moi, charlatant, as-tu un remède contre la joie de vivre?

Ô traitre! Moi, qui te pensais au bord du gouffre, tu n'as fait que m'y appâter pour m'y précipiter de tes propres mains. Cela m'apprendra à vouloir être gentille. Croasse, Corbeau de malheur! Ris de mon sort! Tu n'es point cet oiseau de mauvais augure, tu es pire. Tu es la vermine dont il se repait. Charognard, gourmand de maux. Pourquoi donc t'en prends-tu à la seule personne qui vit ton désarroi sans pour autant t'accabler de ses tourments?

Toute cette encre gaspillée, tout ce sang d'encre en vain. Tu me dois une plume en dédommagement, piaf d'infortune!

Umbra, une paume et cinq doigts!


Le vélin barbouillé, la Noiraude renvoya le coursier à son destinataire puis reprit un godet de prune.

Ne faut-il point être fou allié pour déclarer de telles imbécilités sans en mesurer les conséquences?!

Les iris de jais croisèrent le regard désoeuvré de la serveuse puis un soupir s'échappa de lèvres d'Ombeline avant que celle-ci écluse sa commande sans mot dire mais en maudissant intérieurement.

* mauvais médecin, charlatant.

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