Alphonse_tabouret


Robert Aron
La religion avait l’art de le laisser perplexe, ce dès son plus jeune âge, et ayant pourtant reçu toute l’éducation spirituelle de rigueur dès lors que l’on fait partie de l’opulente bourgeoisie, Alphonse n’en avait pas moins considéré le tout comme un étrange amalgame de contradictions quand on la soumettait à ses applications. Si dans ses premières années, il s’était contenté de suivre le chemin de ses ainés, écoutant avec une ferveur enfantine les prêches et les messes de la paroisse, son adolescence avait commencé à teinter ses réflexions d’une soif de contestations que tout son être retenait en permanence, esclave docile des lubies paternelles et de ses colères noires.
Aussi insensé que cela puisse paraitre, la seule chose qui avait rendu un peu d’éclat à sa foi avait été son pire péché. L’existence même de Quentin, d’un homme ayant ce pouvoir là sur sa chair, dont les gestes s’harmonisaient dès lors qu’ils partageaient leur intimité, la violence de cette force inconditionnelle, l’avait poussé à accorder un peu de crédit à ce Dieu dont on vantait tant les mérites. Si le Très Haut était capable de créer sur terre des choses aussi merveilleuses que le Lion et s’Il leur accordait en plus, l’étincelle unique de l’amour à partager, alors… alors peut-être, la religion avait-elle finalement du bon. Quand bien même condamnait-elle leur union, quand bien même s’offusquerait-elle de cette liaison, au fond, ce n’était pas Dieu qui le pointait du doigt, mais ses fidèles.
Fort de cette idée, le brun avait avancé avec arrogance dans une vie où tout s’était fait de conquêtes diverses et variées, alternant les défis, les parades, les pirouettes, dans l’ombre réconfortante de sa sainte déviance jusqu’à ce que, facétieux, ou tout simplement cruel, le Très haut lui enlève la substance même de son âme.
L’anglais en mourant avait laissé le jeune homme ravagé d’un doute purement sensitif mais qui l’avait dévoré. Égoïste, avide, froid, excessif, injuste, et chancelant, il avait mis à mal un à un, tous les préceptes de cette foi absurde qui lui avait permis de croire que le bon sens se ressentait avec le cœur et pas les mots. Il en était revenu, moribond sous le sourire poli qu’il ne cessait de distribuer aux obligations qui le tenaillaient, imperturbable dès qu’il quittait le gouffre de ses chiffres, affaibli, asséché, mais le cœur bizarrement plus tendre, à bout, cherchant désespérément dans les soubresauts de ses dernières palpitations l’air qui lui manquait.
Notre Dame lui avait offert cette bouffée salvatrice, et, étonné, il avait ouvert un œil neuf sur ce monde vibrant qui tournait toujours, dont lui aussi sentait le moindre tressautement, et si cela n’avait pas suffi, Maltea avait achevé en lui annonçant cette grossesse dont il était peut être responsable, d’ouvrir une faim chez lui qu’il ne se connaissait pas…
Etait-ce dans un souci de rédemption crédule ou bien cette idée idiote que pour protéger le fils, il fallait peut être assainir le père… Qu’importait au fond ses véritables raisons, parce qu’il les savait à défaut d’être justes, sincères… Et c’était là tout ce qu’il pouvait offrir au Très Haut.
Prêt à être reçu par l’austère Diaconesse, il attendait que l’on ait fini de l’annoncer pour venir mettre au point ce baptême fait pour lui bruler la peau, et se repassant momentanément les yeux bleus, à la manière de ces eaux froides, qui s’étaient posés sur lui en taverne quelques jours plus tôt, se demanda, un instant ailleurs, ce qui pouvait faire faillir ce maintien tellement droit qu’il en était presque raide, et alléger la moue pincée de ses lèvres, oubliant un instant, de rassembler les bribes éparses de ses leçons enfantines comme il se l’était promis.
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La religion avait l’art de le laisser perplexe, ce dès son plus jeune âge, et ayant pourtant reçu toute l’éducation spirituelle de rigueur dès lors que l’on fait partie de l’opulente bourgeoisie, Alphonse n’en avait pas moins considéré le tout comme un étrange amalgame de contradictions quand on la soumettait à ses applications. Si dans ses premières années, il s’était contenté de suivre le chemin de ses ainés, écoutant avec une ferveur enfantine les prêches et les messes de la paroisse, son adolescence avait commencé à teinter ses réflexions d’une soif de contestations que tout son être retenait en permanence, esclave docile des lubies paternelles et de ses colères noires.
Aussi insensé que cela puisse paraitre, la seule chose qui avait rendu un peu d’éclat à sa foi avait été son pire péché. L’existence même de Quentin, d’un homme ayant ce pouvoir là sur sa chair, dont les gestes s’harmonisaient dès lors qu’ils partageaient leur intimité, la violence de cette force inconditionnelle, l’avait poussé à accorder un peu de crédit à ce Dieu dont on vantait tant les mérites. Si le Très Haut était capable de créer sur terre des choses aussi merveilleuses que le Lion et s’Il leur accordait en plus, l’étincelle unique de l’amour à partager, alors… alors peut-être, la religion avait-elle finalement du bon. Quand bien même condamnait-elle leur union, quand bien même s’offusquerait-elle de cette liaison, au fond, ce n’était pas Dieu qui le pointait du doigt, mais ses fidèles.
Fort de cette idée, le brun avait avancé avec arrogance dans une vie où tout s’était fait de conquêtes diverses et variées, alternant les défis, les parades, les pirouettes, dans l’ombre réconfortante de sa sainte déviance jusqu’à ce que, facétieux, ou tout simplement cruel, le Très haut lui enlève la substance même de son âme.
L’anglais en mourant avait laissé le jeune homme ravagé d’un doute purement sensitif mais qui l’avait dévoré. Égoïste, avide, froid, excessif, injuste, et chancelant, il avait mis à mal un à un, tous les préceptes de cette foi absurde qui lui avait permis de croire que le bon sens se ressentait avec le cœur et pas les mots. Il en était revenu, moribond sous le sourire poli qu’il ne cessait de distribuer aux obligations qui le tenaillaient, imperturbable dès qu’il quittait le gouffre de ses chiffres, affaibli, asséché, mais le cœur bizarrement plus tendre, à bout, cherchant désespérément dans les soubresauts de ses dernières palpitations l’air qui lui manquait.
Notre Dame lui avait offert cette bouffée salvatrice, et, étonné, il avait ouvert un œil neuf sur ce monde vibrant qui tournait toujours, dont lui aussi sentait le moindre tressautement, et si cela n’avait pas suffi, Maltea avait achevé en lui annonçant cette grossesse dont il était peut être responsable, d’ouvrir une faim chez lui qu’il ne se connaissait pas…
Etait-ce dans un souci de rédemption crédule ou bien cette idée idiote que pour protéger le fils, il fallait peut être assainir le père… Qu’importait au fond ses véritables raisons, parce qu’il les savait à défaut d’être justes, sincères… Et c’était là tout ce qu’il pouvait offrir au Très Haut.
Prêt à être reçu par l’austère Diaconesse, il attendait que l’on ait fini de l’annoncer pour venir mettre au point ce baptême fait pour lui bruler la peau, et se repassant momentanément les yeux bleus, à la manière de ces eaux froides, qui s’étaient posés sur lui en taverne quelques jours plus tôt, se demanda, un instant ailleurs, ce qui pouvait faire faillir ce maintien tellement droit qu’il en était presque raide, et alléger la moue pincée de ses lèvres, oubliant un instant, de rassembler les bribes éparses de ses leçons enfantines comme il se l’était promis.
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